Pensons à ces femmes et à ces hommes qui, là-bas, ont été lynchés, à celles et à ceux que nous avons laissé mourir dans des foyers sans âtre. Nous avons donné naissance à des générations marquées par la colère !
Mais « le chemin de la colère n'est pas celui de la justice », écrivait François Léotard dans Pour l'honneur, en 1997. Tel est précisément l'esprit qui guide l'action d'Emmanuel Macron. C'est pour réparer cet épisode douloureux de l'histoire de notre pays que le Président de la République vous a chargée, madame Darrieussecq, vous qui êtes ministre déléguée auprès de Mme la ministre des armées, Florence Parly, chargée de la mémoire et des anciens combattants, de présenter un projet de loi reconnaissant que la France a délaissé les anciens membres de ses formations supplétives, en dépit de leur engagement aux côtés des forces armées françaises, lors de la guerre d'Algérie. Ce texte affirme, pour la première fois, la volonté de réparer les préjudices causés par les conditions particulièrement précaires et dégradantes de leur accueil en France.
En inscrivant la reconnaissance de cet abandon et la réparation nécessaire des préjudices subis par les harkis dans un projet de loi fait du marbre dans lequel sont gravés les plus beaux textes de la République, le Président de la République ouvre la voie du pardon, de la justice et du droit à l'honneur. Il fait aussi l'honneur de la France, dont c'est la grandeur d'assumer toute son histoire depuis que feu le président Jacques Chirac a ouvert la voie, également au Palais de l'Élysée, lors du discours prononcé le 30 janvier 2006 devant le Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage : « Avec ses pages glorieuses, mais aussi avec sa part d'ombre, notre histoire est celle d'une grande nation. Regardons-la avec fierté. Regardons-la telle qu'elle a été ». C'est précisément ce que nous invite à faire Emmanuel Macron à chaque rendez-vous mémoriel : regarder l'histoire de notre nation dans ses moments de gloire, mais aussi dans ses moments de doute et de défaillance.
Madame la ministre déléguée, chers collègues, toujours nous regarderons notre histoire telle qu'elle est et jamais nous ne la déferons. Nulle statue ne sera déboulonnée, aucune rue ne sera débaptisée, aucun livre ne sera brûlé. Nous pouvons rester unis face à notre histoire parce que nous sommes libres et que cette liberté est un « système de courage », comme l'écrivait Charles Péguy : courage de regarder, d'assumer, de dire ce qui est comme ce qui a été.
Dire aux harkis, à leurs enfants et à leurs petits-enfants qui ont grandi avec nous, que nous leur demandons pardon et que nous écrivons ce pardon dans les tables de la loi. Nous leur demandons pardon pour ces pages de l'histoire qu'ils ont écrites malgré eux, comme les ont écrites celles et ceux qui, par devoir, étaient allés s'installer en terre d'Algérie. Nous savons que la quasi-totalité de ceux-là n'étaient pas des colonisateurs et que leurs enfants nés là-bas ne sont pas le fruit de monstres, contrairement à ce qu'a récemment affirmé un éditorialiste bien connu. À l'exception de quelques familles – deux cents ? Trois cents ? –, ils étaient plus d'un million à considérer les autochtones algériens comme leurs semblables.
Grâce à la voie ouverte par le président Chirac et prolongée par le président Macron, nous allons de l'avant et nous regardons en face cette histoire. Parce qu'il recherche toujours ce qui est juste, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera en faveur du projet de loi portant reconnaissance de la nation et réparation des préjudices subis par les harkis et par leurs descendants, lui qui a toujours appelé de ses vœux le renforcement de l'unité et de la cohésion nationales, par amour de la France.