« Ils nous ont reçus comme des bêtes. » C'est un rapatrié passé par la citadelle d'Amiens puis par celle de Doullens pendant trois ans qui témoigne ainsi. « La France s'est moquée de nous, elle nous a laissé dix mètres carrés pour deux familles. Ils nous ont séparés avec un drap au milieu, c'était pire qu'une étable. Et l'hiver nous n'avions pas de chauffage, l'hiver c'était terrible, on gelait, mon épouse était enceinte, nos bébés étaient dans les langes. »
L'État français a abandonné les harkis une première fois en Algérie, puis les survivants ont été abandonnés une seconde fois dans des camps en forêt, dans des sites éloignés des villes comme chez moi, à la Briqueterie. Évidemment, nous sommes favorables à ce que la nation reconnaisse ses torts et les préjudices subis par les harkis. Nous voterons pour le texte.
Reste un souci : cette reconnaissance, comme toujours depuis quarante ans, se fait par bricolage et avec pingrerie. Ainsi, les harkis de Picardie n'auraient droit à aucune réparation pour l'instant – mais nous espérons des aménagements – car la citadelle de Doullens n'entre pas dans la liste officielle des camps. Nous contestons, avec les associations de rapatriés, le principe de ce tri bureaucratique entre les harkis, cette approche comptable qui dénombre les années en camp, le nombre de personnes touchées, mais pas les troubles psychiques ni les dégâts sociaux nés du fait d'avoir grandi et vécu dans un ghetto.
Avec cette manière de faire les choses à moitié – nous prendrons toutefois le verre à moitié plein –, je crains que la réparation ne soit pas entière et qu'elle laisse aux rapatriés et à leurs enfants un goût amer. Je le regrette et j'espère que notre débat corrigera ces failles.