J'essaierai de répondre aux différentes questions posées, même quand elles n'ont pas trait à l'amendement.
L'établissement de la liste des lieux concernés se heurte à un problème de dénomination. Actuellement, elle inclut six « camps » et soixante-neuf « hameaux de forestage », mais aussi d'autres lieux qui, alors qu'ils ont les mêmes caractéristiques, portent d'autres noms. Il s'agit par exemple d'un « centre d'accueil au camp militaire » à Bitche, d'un « centre d'hébergement » à Narbonne et à Mas-Thibert, d'autre chose encore à Largentière ou à La Courtine. Ces structures seront bien entendu incluses dans la liste des lieux de privation de liberté où les harkis et leurs familles ont vécu de façon indigne, en contradiction avec les principes républicains ; nous les regroupons sous le terme générique de « foyer ». La liste sera encore enrichie, si nécessaire, par la commission instituée à l'article 3, qui aura les pleins pouvoirs en la matière.
J'en viens à l'évaluation du préjudice. Oui, un jugement du Conseil d'État de 2018 fait jurisprudence. Si nous nous sommes appuyés sur celui-ci pour fixer le cadre du règlement de la réparation, ce n'est pas du tout par crainte d'un risque juridique couru par l'État, puisque les recours sont forclos depuis longtemps.
Par ailleurs, je n'ai pas souhaité fixer une durée minimale de séjour pour bénéficier d'une indemnisation. Le préjudice est pris en compte dès le premier jour, dès le premier mois. Quand la durée de séjour dans un camp, un hameau de forestage ou dans l'un des foyers dont je viens de parler a été inférieure à trois mois, une indemnisation de 2 000 euros sera proposée – je n'invente rien ; tout cela est précisé dans l'étude d'impact. Quand la durée du séjour a dépassé trois mois, une somme plancher de 3 000 euros est prévue ; s'y ajouteront 1 000 euros par année de présence dans les camps. Rien n'est caché ! Enfin, bien entendu, l'indemnisation est ouverte à chacun des membres de la famille qui aura partagé ces conditions de vie.
Nous avons fait ces choix pour suivre la jurisprudence, certes, mais aussi parce que nous souhaitions un mécanisme simple, d'application rapide et couvrant tous les préjudices, afin d'être favorable aux harkis et à leurs familles. En effet, nous en parlerons peut-être tout à l'heure, mais certains dispositifs adoptés dans le passé prévoyaient trop de justificatifs. Or, vous l'avez dit, la complexité finit par épuiser tout le monde et empêche que l'on bénéficie des aides, ce que nous avons absolument voulu éviter. Il nous a donc semblé plus juste et plus efficace de choisir une structure simple pour ces réparations. Ainsi, non, il ne s'agissait pas de prémunir l'État contre un risque juridique.
Enfin, monsieur Aubert, votre proposition d'associer la commission créée à l'article 3 à la rédaction du décret fixant le barème de la réparation ajouterait une lourdeur inutile. La mesure serait contreproductive, car elle ne ferait que retarder le versement de la réparation. Avis défavorable.