La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire Français (n° 4631, 4662).
Ce matin, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 119 à l'article 1er .
La parole est à Mme Sereine Mauborgne, pour soutenir l'amendement n° 119 .
Cet amendement de précision, qui m'a été proposé par un médecin, fils de harki, le docteur Bouneb, vise à prendre en considération les psychotraumatismes.
La parole est à Mme Patricia Mirallès, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées.
La référence aux psychotraumatismes que vous proposez d'ajouter conduit à particulièrement insister sur la dimension psychologique des séquelles subies par les harkis, au risque d'affaiblir l'importance des traumatismes physiques qu'ils ont également vécus. Je comprends votre intention, mais cette gradation de la souffrance ne paraît pas souhaitable. C'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je comprends également l'objectif de votre amendement. Cependant, l'article 2 prévoit l'indemnisation des préjudices de toute nature, y compris psychologiques. La réparation forfaitaire a vocation à couvrir tous les traumatismes, dont font évidemment partie les psychotraumatismes. Nous y sommes particulièrement attentifs car les harkis concernés par le projet de loi ont également subi des traumatismes psychologiques. Je vous invite également à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je remercie Mme la rapporteure et Mme la ministre déléguée pour leur réponse. Je retire l'amendement, car je ne veux pas ajouter une mention superfétatoire.
L'amendement n° 119 est retiré.
Il vise à élargir le champ de la reconnaissance aux ayants droit des harkis, qui, chacun le sait, ont également subi un fort traumatisme. Le Président de la République s'était très clairement exprimé à ce sujet, dans la lignée des déclarations des présidents Chirac, Sarkozy et Hollande. Nous demandons que la responsabilité de l'État à l'égard de ces enfants soit inscrite dans le texte.
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l'amendement identique n° 100 .
Il vise à inclure les ayants droit parmi les personnes à l'égard desquelles l'État a commis une faute. La deuxième génération a subi une perte de chance caractérisée du fait des conditions de vie dans certaines structures d'hébergement et de l'absence de scolarisation. Il y a eu rupture d'égalité avec les autres citoyens et enfants de la République.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le sous-amendement n° 142 .
Ce matin, le Gouvernement s'est opposé à un amendement visant à souligner que les harkis étaient des ressortissants français – une demande des descendants de harkis, qui manifestent en ce moment même devant le Palais-Bourbon – au motif que les combattants, en Algérie, pouvaient aussi être marocains.
Je vous propose à nouveau d'inscrire dans le texte
En adoptant cet amendement, nous répondrions à une forte revendication des harkis, qui tiennent à rappeler qu'ils étaient des citoyens français comme les autres.
Mon collègue Corbière objectait ce matin que, s'ils étaient des citoyens français, ils n'avaient pas pour autant les mêmes droits que les habitants de la métropole. Or ce n'est pas une raison de nier leur qualité de citoyen français, y compris en Algérie. Ce serait même pire : pour le coup, nous établirions deux catégories de citoyens, ainsi que la loi l'avait prévu, à l'époque. Mais, en l'espèce, sur le territoire français, la question ne se pose pas.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir le sous-amendement n° 137 .
Il vise à modifier l'article 1er en complétant l'alinéa 2 par les mots : « , notamment quand ils ont été privés d'accès à une scolarité normale. »
En effet, cette privation constitue l'une des discriminations les plus dures et les plus significatives que les harkis ont subies. Elle explique le taux très important d'échec scolaire observé chez leurs enfants.
La parole est à M. le président Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Je souhaite insister sur un point déjà évoqué lors de la discussion générale : le cas des familles qui n'ont pas bénéficié du rapatriement militaire, mais sont arrivées en France en passant sous les radars, en recourant à des moyens divers, notamment l'aide – j'employais l'expression ce matin – de frères d'armes, d'officiers qui les ont fait traverser dans leurs bateaux. Certaines ont été emprisonnées durant plusieurs mois en Algérie avant de rejoindre la France. Or les lieux d'hébergement militaires étant alors saturés, elles ont été accueillies dans d'autres structures : dans le nord ou l'est de la France, elles ont vécu dans des anciens corons et des courées, dans des conditions catastrophiques. Cette situation a duré plusieurs mois, voire plusieurs années.
Ces personnes entrent-elles dans le champ d'application du texte ? Il ne faudrait pas qu'elles pâtissent d'une lacune du projet de loi, sachant qu'elles sont d'ores et déjà victimes par le fait qu'elles n'ont pas pu bénéficier des transports organisés et des hébergements encadrés – malgré tous les défauts qu'ils comportaient et sur lesquels vous avez beaucoup insisté en commission, madame la ministre déléguée.
Tous les harkis, leurs veuves et leurs enfants bénéficient de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère. En revanche, le mécanisme de réparation instauré par le projet de loi ne vise que celles et ceux qui ont séjourné dans les camps ou les hameaux de forestage, où ils ont subi des privations de libertés individuelles.
Les enfants non scolarisés qui ont séjourné dans des camps de transit ou des hameaux de forestage bénéficient des dispositifs…
…mis en œuvre par l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre – ONACVG –, comme tous les enfants de harkis. C'est aussi le cas, par exemple, de l'accès aux emplois réservés des trois fonctions publiques pour les emplois de catégorie C, B et A – la question m'a été posée en commission.
M. David Habib acquiesce.
Soyons clairs, la présomption de préjudice ouverte par le projet de loi est intimement liée au passage dans les camps et hameaux de forestage, lieux d'hébergement clos très spécifiques, marqués par la privation de libertés le recul de tous les droits et la mise à mal de toutes les valeurs républicaines. Les enfants n'étaient pas scolarisés, les personnes hébergées n'avaient pas accès aux sanitaires. Ces conditions contrevenaient aux promesses républicaines. C'est là toute la spécificité de la situation : alors même qu'ils étaient français, la République a manqué à ses devoirs envers les harkis.
Le droit à réparation bénéficie aux harkis combattants, à leur épouse, à leurs ayants droit et à chaque enfant qui a séjourné dans les camps. Le dispositif est à cet égard très clair. Ainsi, madame Trastour-Isnart, votre amendement est satisfait.
Nous avons évoqué ce matin le sujet de la citoyenneté. S'agissant du sous-amendement de M. Corbière, il va de soi que les enfants dont nous parlons n'ont pas eu accès à une scolarité normale : c'est justement l'un des manquements dont la République a fait preuve à leur égard. Du reste, étant défavorable aux amendements, je le suis nécessairement aux sous-amendements.
Enfin, monsieur Chassaigne, les personnes arrivées dans l'Hexagone depuis l'Algérie, quelles que fussent leurs conditions d'entrée ou d'accueil, sont des rapatriés, ce terme les incluant toutes. Si ces personnes ont séjourné dans des structures où elles ont été privées de libertés, où de graves manquements aux principes républicains se sont produits, elles pourront prétendre à cette réparation.
Je ne reviendrai pas sur le sujet au cours de la discussion mais pour que les choses soient claires, je vous invite à y réfléchir davantage durant les semaines à venir, notamment dans le cadre du débat qui se tiendra au Sénat. La présomption de préjudice que vous instaurez est liée à la privation de libertés qui caractérisait certains camps.
Mais si ceux qui sont passés par d'autres structures disposaient, en apparence, d'une certaine liberté, c'était, pour reprendre les propos de Jean Jaurès, celle du renard libre dans le poulailler libre :
M. François Ruffin applaudit
compte tenu des conditions dans lesquelles ils ont été hébergés, notamment dans les corons abandonnés de l'est ou du nord de la France, il n'est pas certain qu'ils aient disposé de davantage de libertés que celles dont ils auraient bénéficié dans un camp militaire.
Je vous invite donc à mettre à profit le temps restant avant l'adoption définitive du texte pour y réfléchir, ce d'autant que les archives françaises permettent de dresser la liste précises des personnes concernées. Dans le cas contraire, de nombreuses personnes qui ont énormément souffert seraient laissées sur le bord de la route, et nous n'aurions que partiellement assumé notre rôle.
L'article 4 prévoit l'accompagnement par l'ONACVG de tous les enfants et petits-enfants de harkis. En outre, nous avons adopté en commission, à l'article 3, un amendement aux termes duquel la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis publiera un rapport annuel d'activité rendant compte des témoignages recueillis dans le cadre de l'exécution de sa mission : pour avoir entendu quelques-uns de ces témoignages, il me semble que ce travail de mémoire est essentiel.
J'ai également déposé à l'article 3 un amendement qui couvre le cas particulier que vous avez évoqué : il donne à l'ONACVG la possibilité d'indemniser à la hauteur des préjudices qu'elle a subis une personne non éligible au dispositif de réparation prévu par le projet de loi.
L'amendement n° 36 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Plus que jamais, la bataille des mémoires fait rage, une bataille que, depuis plus de cinquante ans, les Français d'Algérie et les harkis ont toujours perdue. Les harkis ont été les vaincus de l'histoire officielle, celle qu'il est convenu de raconter, celle que l'on se doit d'enseigner : le calvaire – le martyre – de ceux qui ont choisi la France ne figure pas dans les manuels scolaires, n'est jamais commenté sur les plateaux de télévision et ne fait pas non plus l'objet d'une soirée spéciale de solidarité sur les chaînes du service public, tout simplement parce qu'il fait honte.
Pourtant, il faut dire la vérité, même si elle est déplaisante et dérangeante, même si elle rouvre des plaies jamais totalement cicatrisées. Il faut dire toute la vérité, pas seulement la vérité officielle, celle qui ne doit surtout pas fâcher ou froisser les autorités algériennes ni tous ceux qui ont milité en faveur de l'indépendance, ceux qui avaient choisi le camp des ennemis de notre pays.
Au-delà d'une réparation matérielle, la France se doit de rétablir la vérité sur l'engagement et le sacrifice des harkis porter à la connaissance de tous cet effroyable drame humain et national. Pour cela, tous les moyens sont bons : manuels scolaires, émissions de radio ou télévisées du service public, réseaux sociaux, etc. Face à une telle trahison, à une telle injustice, la France se doit de réparer ses torts.
Pensez-vous vraiment, madame Ménard, qu'il faille rétablir la vérité dans ce domaine, que l'État ait construit une histoire alternative ? Au contraire, les travaux des historiens sont nombreux et ils peuvent travailler librement. Certes, nous ne pouvons que regretter la méconnaissance générale de l'histoire des harkis. Je partage à cet égard votre souhait de la voir davantage mentionnée dans les programmes et dans les manuels scolaires. Le Conseil supérieur des programmes travaillant en toute indépendance, il convient surtout, en l'espèce, d'agir en direction des éditeurs.
Concernant la télévision, faut-il rappeler que le temps de l'Office de radiodiffusion télévision française (ORTF) est aujourd'hui révolu ? Les chaînes du service public disposent d'une ligne éditoriale propre : contrairement à ce que certains laissent entendre, elles ne sont pas soumises aux desiderata du Gouvernement, ce qui n'a pas empêché nombre d'entre elles de contribuer régulièrement à la transmission de la mémoire des harkis – je m'en remets, à cet égard, à leur intelligence pour continuer à le faire à l'avenir. Je ne peux d'ailleurs que les inviter à diffuser le film réalisé par le ministère des armées, programmé le 20 septembre dernier : il est accessible sur le site internet www.cheminsdememoire.gouv, mais gagnerait être davantage partagé.
Enfin, la commission créée par l'article 3 aura pour mission de « contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l'engagement [des harkis] au service de la Nation », ainsi que « des conditions dans lesquelles les personnels mentionnés à l'article 2 ont été rapatriés et accueillis sur le territoire français ». L'objectif de recueillir et de transmettre de mémoire, qui nous est cher, à vous comme à moi, madame la députée, sera ainsi atteint.
Je partage votre avis, madame la députée : cette histoire est totalement méconnue des Français. J'ignore quelle est l'origine de cette méconnaissance, mais je confirme que, s'agissant des manuels scolaires, nous ne pouvons pas nous substituer aux éditeurs, qui sont totalement libres et indépendants. Je travaille cependant avec le ministre de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour essayer de sensibiliser davantage les professeurs sur les programmes scolaires, afin qu'ils puissent transmettre cette histoire à leurs élèves, notamment grâce aux outils mis à disposition sur la plateforme Educ@def. Cela est essentiel.
Je le redis, la reconnaissance de la nation, de chaque citoyen, suppose la connaissance de ce qui s'est passé : j'y suis très attachée. Mon ministère travaille d'arrache-pied à cette transmission mémorielle, avec la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), mais également avec l'ONACVG, qui a monté une exposition à destination de tous les établissements scolaires intéressés. Nous soutenons bien évidemment la production de films : l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) en a d'ailleurs réalisé un – Mme la rapporteure l'a évoqué –, très intéressant et très documenté, et que j'encourage chacun à regarder.
Un formidable travail a par ailleurs été effectué par des enfants de harkis, dont les romans ou les livres très documentés – notamment ceux d'Alice Zeniter, de Dalila Kerchouche, de Fatima Besnaci-Lancou –, permettent à chacun d'appréhender cette histoire. Nous devons faire la promotion de ces ouvrages, non seulement en direction des enfants, mais aussi envers leurs parents. Si mon avis est défavorable sur le principe, puisque nous n'avons aucune prise sur l'édition des manuels scolaires, ni sur les médias publics, je partage votre volonté de continuer à amplifier la transmission mémorielle.
L'histoire et le drame vécus par les harkis sont très largement méconnus des Français. Ainsi, je me trouvais, lundi dernier, dans une classe de CM2, à l'invitation d'une institutrice qui m'avait demandé d'intervenir sur le rôle des députés. Un élève m'a demandé sur quoi travaillait l'Assemblée nationale en ce moment et j'ai cité le projet de loi dont nous discutons : silence radio. J'ai demandé aux élèves s'ils savaient qui sont les harkis : seule une petite fille – une élève sur trente – avait déjà entendu le mot au sein de son foyer car sa mère est algérienne et son père français – mais elle en ignorait le sens. Cet exemple témoigne de la méconnaissance du sujet chez les enfants, et il n'est sans doute guère davantage connu par les adultes.
Soyons sérieuses, madame la rapporteure, nous ne sommes plus au temps de l'ORTF !
En demandant que l'histoire des harkis soit portée à la connaissance de tous « par le biais, notamment, des manuels scolaires et d'émissions du service public de radio et de télévision », je n'invite aucunement à faire de la propagande ! Je suis trop attachée à la liberté des médias pour cela.
Certes, nous n'avons peut-être pas prise sur les manuels scolaires – même s'il faut peut-être demander aux éditeurs d'attacher plus d'importance à ce sujet –,…
…mais les programmes scolaires, eux, relèvent du ministre de l'éducation nationale ! Quant aux historiens, demandez à la communauté harki ce qu'elle pense du rapport de Benjamin Stora, qui ne fait qu'une toute petite place à la tragédie des harkis en France : sans doute pensent-ils, comme moi, que cela n'est pas suffisant.
En tant que professeur d'histoire, je souhaite bien évidemment que l'histoire soit enseignée aux enfants. Mais si Mme Ménard s'adresse à des élèves de CM2 pour leur demander ce qu'ils pensent de la guerre d'Algérie, elle ne doit pas s'étonner du résultat ! Cette période n'est en effet abordée que devant les classes de troisième et de terminale. L'exemple qu'elle donne n'illustre donc pas un effacement de l'histoire tragique des harkis, mais seulement le fait que pour des raisons pédagogiques compréhensibles, la guerre d'Algérie ne figure pas au programme des classes de CM2. Si vous étiez en responsabilité, madame Ménard, peut-être demanderiez-vous à ce qu'elle le soit, mais je vous suggère de commencer par des choses un peu plus simples.
Donc oui, on enseigne la guerre d'Algérie aux élèves ! Mais je partage votre avis, madame Ménard : la question harki pourrait être abordée dans le cadre de l'enseignement de cette période historique, d'autant que, même s'ils sont élaborés par des éditeurs privés, les manuels scolaires dépendant aussi du programme défini par l'éducation nationale.
De toute façon, nous n'épuiserions pas le sujet en inscrivant dans la loi l'obligation d'enseigner l'histoire douloureuse des harkis, car l'enseignement de la guerre d'Algérie lui-même demeure un sujet de discussion. Vous avez critiqué Benjamin Stora, qui, de mon point de vue, est l'un plus grands historiens français spécialisés sur ce sujet. Pourtant, dans ses discours, le maire de Béziers – que vous connaissez bien – ne cesse d'insulter Benjamin Stora et l'ensemble des historiens. En réalité, vous ne souhaitez pas que l'on parle de la guerre d'Algérie, vous voulez promouvoir un certain discours sur la question, selon lequel – je reprends les mots du maire de Béziers – ceux qui défendaient l'indépendance de l'Algérie le faisaient parce qu'ils n'aimaient pas la France – c'était aussi le point de vue des ultras qui, en Algérie, empêchaient toute tentative de parvenir à un accord.
Mme Emmanuelle Ménard proteste.
Bref, pour ma part, je pense préférable de nous en tenir pour aujourd'hui à la question des réparations dues aux harkis.
Madame la rapporteure, madame la ministre déléguée, il n'est pas vrai que nous n'avons pas à influer sur ce qui s'écrit dans les manuels scolaires. Nous pourrions affirmer, peut-être pas dans le cadre de ce projet de loi, que cette question ne doit pas être oubliée dans l'enseignement ; vous pourriez, madame la ministre déléguée, en parler au ministre de l'éducation nationale. Les élèves de collège et de lycée – peut-être pas ceux de CM2 – doivent connaître cet épisode historique.
Je suis professeur d'histoire, moi aussi, monsieur Corbière, et je voudrais abonder dans votre sens. L'enseignement de l'histoire dans les collèges et les lycées a longtemps occulté la question des harkis, c'est vrai. C'est en 1971 que l'on commence à parler des pieds-noirs dans les manuels scolaires, mais il faut attendre bien des années pour que l'on commence à voir timidement apparaître les harkis dans les programmes. Je ne serai pas d'accord avec vous, madame Ménard, sur l'âge des élèves auxquels ce sujet doit être enseigné – mais ce n'est pas le sujet, laissons l'histoire aux historiens.
L'enseignement de l'histoire doit faire apparaître toutes les composantes d'une histoire complexe, multiforme, et dont les acteurs ont été nombreux. Pour autant, ne nous trompons pas de combat : la mémoire des harkis, c'est une question qui va bien au-delà de son enseignement à l'école. Elle peut aussi être abordée d'une manière transversale, sans d'ailleurs forcément la nommer de manière très précise.
Je vous rejoins en revanche, madame Ménard, pour dire que ce n'est pas seulement une affaire d'adultes, mais aussi d'enfants.
Ne nous trompons pas de débat. Nous reviendrons tout à l'heure sur la question mémorielle.
Nous pourrions parler très longtemps du sujet de la transmission de la mémoire. Mais je voudrais préciser ici que le très complet rapport de Benjamin Stora ne porte pas seulement sur les harkis : il traite de l'histoire commune de la France et de l'Algérie, de la colonisation, de la décolonisation…
Je vous recommande, en ce qui concerne les harkis, l'excellent rapport du préfet Ceaux, qui m'a été remis en juillet 2018 et qui traite de façon très complète de ce qu'ont vécu les harkis. Je vous recommande également les travaux très fouillés de MM. Jean-Jacques Jordi et Abderahmen Moumen. Il s'agit là d'ailleurs d'excellents supports pour tous ceux qui voudraient enseigner et transmettre aux jeunes, et aux moins jeunes, cette histoire singulière.
L'amendement n° 24 n'est pas adopté.
Sur l'article 1er , je suis saisie par les groupes La République en marche, Les Républicains et Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements, n° 67 , 114 , 60 et 101 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 60 et 101 sont identiques. Ils font l'objet d'un sous-amendement, n° 138 .
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l'amendement n° 67 .
Il vise à inclure l'ensemble des harkis et autres personnes anciennement de statut civil de droit local dans le champ de la reconnaissance prévue par ce projet de loi, y compris ceux qui ne sont pas passés par les camps de transit et les hameaux de forestage.
Soyons clairs : votre projet de loi considère que le fait générateur de la réparation, c'est d'avoir accueilli les harkis dans des camps privatifs de liberté. Ceux qui ne sont pas passés par les camps n'ont alors pas droit à une réparation ; ils ont droit à la solidarité. C'est comme cela, en tout cas, que je comprends votre position.
Mais le projet de loi ne cite pas la condition de privation de liberté : vous n'évoquez que « l'indignité des conditions d'accueil et de vie ». Je parlais ce matin de cette femme de Pertuis, élevée hors camp : une famille de sept personnes dans une seule pièce, sans eau, sans électricité, sans accès à l'école. Elle se demandera pourquoi celui qui a vécu dans des conditions similaires dans un camp aura droit à une réparation, mais pas elle ! Certes, elle n'était pas privée de liberté, donc il y a une gradation ; mais elle vivait dans des conditions indignes.
Bien des harkis ont été reçus dans des conditions indignes sans être passés par les camps. Vous dites qu'ils auront droit à la solidarité – sous-entendant par là qu'ils n'auront pas droit à la réparation. Au-delà de l'enjeu financier, ils auront l'impression que l'on a trié, que l'on a séparé deux catégories de harkis.
Je crois, moi, que le fait générateur, ce n'est pas d'avoir mis les gens dans des camps ; c'est d'avoir pris un ordre de non-rapatriement des troupes supplétives. Il y a une fiction dans ce que vous dites. Le harki accueilli dans un camp et celui qui ne l'a pas été ont un point commun : la France les a abandonnés, ce que vous reconnaissez.
Voilà pourquoi je vous propose de ne pas faire de différence entre eux, et de laisser à la commission le soin d'établir des gradations. La réparation accordée à celui qui a été privé de liberté doit être plus forte, mais l'indemnisation des harkis qui n'ont pas été mis dans des camps ne doit pas être mise à zéro. Les cas sont nombreux, et les gens frapperont à la porte.
Cet amendement vise également à inclure l'ensemble des harkis et autres personnes anciennement de statut civil de droit local dans le champ de cette reconnaissance, c'est-à-dire à inclure aussi ceux qui, n'ayant pas été accueillis dans des camps, ont néanmoins subi un préjudice et connu des conditions de vie indignes. Ils doivent bénéficier du même accompagnement.
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l'amendement n° 101 .
Il vise à inclure l'ensemble des harkis et autres personnes anciennement de statut civil de droit local dans le champ de cette reconnaissance.
En effet, certains harkis sont arrivés en France par leurs propres moyens et, n'ayant pas séjourné dans des structures d'accueil, ont connu la plus grande précarité. Le préjudice est bien réel, et ces personnes doivent être indemnisées. Limiter cette loi à l'espace déterminé des structures d'hébergement et de transit les exclurait, alors qu'ils ont vécu des moments très durs.
Je suis arrivé en retard cet après-midi parce que j'ai commencé par passer sur la place Édouard-Herriot, devant l'Assemblée, où j'ai croisé les associations de rapatriés.
Ils m'ont demandé ce que j'allais faire, je leur ai répondu que je venais pour voter pour le projet de loi, mais qu'au vu des débats, j'hésitais… Il y a beaucoup de diversité dans ces associations, mais leur réaction a été unanime : « Ne votez surtout pas pour ça ! » Leurs propos sont durs. D'après eux, le projet de loi n'a rien à voir avec ce qu'a promis le Président de la République puisqu'en l'état actuel du projet de loi, seuls ceux qui sont passés par les camps auront droit à une réparation. Voici ce qu'ils m'ont dit : « Nous ne nous attendions pas à un texte aussi méprisant par son insuffisance »…
Arrêtez votre cinéma ! Vous savez très bien ce que vous venez faire là !
Tout le monde a dit à la tribune vouloir voter pour ce texte, dans un esprit de consensus, mais là,…
…au vu de la manière étroite dont les critères sont définis, on finit par se dire qu'il n'y a pas grand monde qui passera par cette porte. Les harkis de mon coin, ils n'auront pas droit à la réparation, c'est sûr ! Je suis désolé, mais sur un texte comme celui-là, je trouve vraiment dommage de restreindre autant.
Tout à l'heure, Julien Aubert disait que la droite ne pourrait pas voter pour.
Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.
J'assume ma position : je réclame, je l'ai déjà dit tout à l'heure, un élargissement des critères qui permettront aux harkis d'obtenir une réparation. Voilà mon souhait, pour les gens de mon coin et certainement pour des milliers de harkis à travers le pays.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Un peu de calme, s'il vous plaît. Madame la rapporteure, vous avez la parole.
Ce sujet est difficile ; prenons de la hauteur. Je vous demanderai de garder votre calme.
MM. Alexis Corbière et François Ruffin protestent.
Quant à l'élargissement des critères, pour des raisons que j'expose depuis ce matin, mon avis est défavorable.
Monsieur Ruffin, je voudrais vous apporter trois précisions. Tout d'abord, les associations que vous avez vues dehors ne sont pas des associations de rapatriés, mais des associations de harkis.
Les rapatriés sont des pieds-noirs, les harkis sont nos amis, mais ce sont des harkis, et ils ont leur histoire propre, singulière.
Et je ne veux pas que l'on dise que les harkis ont la même histoire que les rapatriés, car leur histoire est très douloureuse.
…mais ce n'est pas le sujet ! Je suis fille de pieds-noirs, nos conditions de vie ont été difficiles, mais nous n'avons pas été enfermés derrière des barbelés, nous n'avons pas été emprisonnés !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai la parole, vous n'avez pas la parole !
Nous avons dégagé 50 millions d'euros, dans le budget de la mission "Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation" , afin que des réparations puissent être allouées dès le lendemain de la promulgation de la loi. On estime que les réparations pourraient atteindre 302 millions.
Ce ne sont pas quelques harkis qui sont concernés par le projet de loi – malheureusement – mais au moins 50 000.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous entends tous, et je voudrais vraiment que nos débats soient apaisés. Je ne voudrais pas que nous en revenions à des conflits mémoriaux. Ce serait donner un très mauvais exemple, alors que nous menons, particulièrement avec l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, un travail très intéressant sur la mémoire. Il s'agit de faire entendre quatre voix dans les établissements scolaires : un rapatrié, un harki, un ancien combattant et un ancien indépendantiste témoignent en même temps. Ce sont des modes de transmission de cette mémoire essentiels, et surtout apaisés. Cela ne veut pas dire que les gens pensent la même chose, mais ils essaient d'avancer vers l'avenir avec leurs histoires respectives, pour la France. Ils veulent montrer aux jeunes générations que l'on peut avoir vécu des choses différentes, dans une même guerre, et pour autant se parler et se respecter. Adoptons la même hauteur de vues.
Monsieur Aubert, monsieur Ruffin, j'entends vos demandes. Ces critères n'entrent pas en contradiction avec le discours prononcé par le Président de la République le 20 septembre dernier comme vous le prétendiez : le projet de loi est parfaitement conforme aux propos tenus lorsque le Président a demandé pardon aux harkis.
Comme je l'ai dit, les harkis ont subi un préjudice spécifique : la privation de liberté, la mise sous tutelle administrative et tous les désordres sociaux et psychosociaux qui s'en sont suivis. Cette situation est contraire à nos principes républicains et elle est singulière.
Je ne méconnais pas qu'il y a des personnes qui sont arrivées, déracinées, dans des lieux qui n'étaient certes pas des hôtels cinq étoiles ; je me représente bien qu'elles ont rencontré des difficultés pour nouer des liens, pour vivre avec leurs enfants dans la société qui les entourait. Cependant, leurs conditions de vie n'étaient pas les mêmes que celles des personnes visées par l'article 1er : elles n'ont pas subi cette privation de liberté ni cette mise sous tutelle.
Je veux être très claire : si des lieux de privation de liberté et de mise sous tutelle n'ont pas été recensés dans la liste dont nous disposons, qui a été établie par des historiens, la commission nationale de reconnaissance et de réparation les intégrera. Nous savons en effet qu'il y a encore des zones grises, même soixante ans après les faits. La liste n'est donc pas arrêtée.
Je souhaite que nous nous en tenions à ce domaine, qui est celui que le Président de la République a voulu aborder et qui concerne, comme l'a dit Mme la rapporteure, 50 000 personnes sur les 90 000 harkis environ qui sont rentrés en France à cette époque.
Merci, madame la ministre déléguée. Madame la rapporteure, je comprends l'émotion que vous exprimez ; je suis ému moi-même – ce n'est pas feint de ma part. Près de 7 millions de nos concitoyens ont un rapport assez direct avec cette mémoire algérienne ; ce n'est pas rien. D'autres ont été des appelés du contingent. En définitive, toutes les familles françaises, d'une manière ou d'une autre, ont vécu cette affaire. C'est pourquoi nous mettons de la passion dans ces débats. Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'en ai assez de cet éternel retour des mêmes choses.
Toutefois, en toute sincérité, ma position a changé par rapport à la manière dont j'ai abordé les discussions en commission, étant donné la tournure que prennent les débats.
Entendez ce que dit François Ruffin. Certes, à Amiens, ce n'était pas un camp de transit, mais les harkis étaient hébergés dans un lieu qui était, je crois, une ancienne prison. Sans doute n'étaient-ils pas entourés de barbelés, mais on imagine les conditions indignes dans lesquels ils ont vécu.
Comment peut-on expliquer à ces personnes qu'elles ne sont pas concernées par les réparations parce qu'elles n'ont pas été emprisonnées dans l'un des camps de la liste ? Cela ne va pas. Il faut travailler sur ce point.
Je réponds aux collègues qui ont interpellé François Ruffin en disant qu'il faisait du cirque. Non, ce n'est pas du cirque ! C'est du travail parlementaire.
Si, vous êtes indigne. Un parlementaire vous dit que, dans sa circonscription, des gens ont été accueillis dans une prison de la banlieue d'Amiens pendant dix ans, il porte dans cet hémicycle la souffrance de ces gens qui ne vont pas obtenir réparation, et pour vous c'est du cinéma ! À quoi sert alors le travail parlementaire ? J'invite chacun à être précis.
Nous n'allons pas nous livrer à l'exégèse des discours d'Emmanuel Macron, cependant le Président de la République a dit : « je serai clair : il s'agit de réparer d'abord pour la première génération et de pouvoir revaloriser les allocations pour les anciens combattants et leurs veuves, c'est un devoir. » etc., etc. – je passe à la suite. « Parce que, là aussi, ils furent moins bien traités que les autres […]. Ensuite, il s'agit de recueillir les témoignages et de réparer pour la deuxième génération qui a eu à vivre les camps, qui a eu à vivre les hameaux de forestage ou les foyers dans des conditions de vie indignes et l'absence d'accès à l'école pour les enfants. » Comment interpréter « ou les foyers dans des conditions de vie indigne » ? C'est le sujet de notre débat.
Madame la rapporteure, j'ai annoncé en commençant que je voterai ce texte, mais, étant donné le tour que prennent les débats, il est possible que je ne le vote pas. Je ne comprends pas que l'on commence en parlant de 90 000 harkis à dédommager et que finalement on n'en dédommage que 50 000. Il y a un problème !
Pour ma part, je me moque de savoir si le projet de loi est fidèle au discours du Président de la République. Ce qui m'intéresse est de savoir s'il est fidèle à notre bloc constitutionnel, à nos principes républicains, à l'histoire et à la justice. Car il s'agit bel et bien d'une question de justice. J'entendais tout à l'heure : « Ils ne veulent pas voter cette loi. » Que croyez-vous ? Croyez-vous que nous essayons de faire du cinéma sur un projet de loi comme celui-ci ? Que savez-vous de l'histoire des gens, monsieur Cormier-Bouligeon ? Dans la famille de ma femme, des personnes ont été égorgées sous les yeux des leurs. Arrêtez de croire que nous sommes là pour essayer de faire du cinéma. Nous sommes là pour faire en sorte qu'une loi qui laisse 40 000 harkis à la porte ne vienne pas fracturer demain une population qui a déjà été suffisamment ébranlée. Quand on vient rendre la justice, on la rend jusqu'au bout.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. François Ruffin applaudit également.
Effectivement, il faut prendre en considération la privation de liberté, mais cela relève de la gradation du dédommagement. Personne ne conteste que celui qui a été privé de liberté doit être mieux dédommagé. Mais vous ne pouvez pas enlever la réparation à celui qui a souffert. J'ai cité un cas à Pertuis : que dirai-je à cette dame qui a vécu, hors d'un camp, dans un village, à sept personnes dans une seule pièce sans eau et sans électricité ? Je devrais lui répondre : « Vous, ce n'est pas la même chose ! » ?
Ne caricaturez pas ; prévoyez une gradation du dédommagement ; la commission nationale peut la définir. Écoutez-nous ! Je sais que c'est difficile quand on est ultra-majoritaire…
Non, je n'ai jamais été majoritaire, malheureusement ! Ce n'est pas faute d'avoir essayé.
Sourires.
Ça viendra, ne vous inquiétez pas, donnez-nous quelques mois !
Quand on veut une loi consensuelle, on écoute les parlementaires. Essayez de comprendre que le travail du Parlement n'est pas d'exécuter la parole présidentielle, mais de chercher avec les différentes composantes de la nation un point d'équilibre. Si vous refusez d'entrer dans ce débat et que vous prétendez que nous faisons de la comédie, nous voterons contre l'article 1
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nos débats se sont bien déroulés ce matin, mais il y a maintenant des tensions. Je demande à tous, et en priorité aux députés de mon groupe, de ne pas entrer dans la polémique. Il est important de rester courtois. Chacun a le droit d'avoir sa position et sa vision.
M. Alexis Corbière et M. François Ruffin applaudissent.
Je regrette sincèrement que nous soyons peu nombreux à être présents dans cet hémicycle, sur tous les bancs de cette assemblée. Certains ténors politiques qui parlent depuis des années de ces sujets sont absents ; notez-le, remarquez-le.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est un sujet important pour lequel nous aurions dû être beaucoup plus nombreux – je ne parle pas seulement de l'opposition, mais aussi de la majorité – devant nos amis harkis présents dans les tribunes qui voient un hémicycle assez clairsemé.
Je tiens vraiment à ce que nous nous concentrions sur le travail, dans un climat apaisé. Alexis Corbière, mon collègue du XV parlementaire ,
Sourires
est passé très vite sur ce qu'a dit le Président de la République, mais c'est tout de même important : il faut « pouvoir revaloriser les allocations pour les anciens combattants et leurs veuves ».
Mais vous avez dit « bla bla bla » – notez que je ne cherche pas à créer de polémique. Le Président affirme ensuite : « il s'agit de recueillir les témoignages et de réparer pour la deuxième génération qui a eu à vivre les camps, qui a eu à vivre les hameaux de forestage ou les foyers dans des conditions de vie indignes et l'absence d'accès à l'école pour les enfants. »
La commission y travaillera, car c'est aussi pour cela qu'elle est instituée ; il faut y croire.
Je vous demande à tous de l'apaisement, sinon nous suspendrons la séance et ce sera bien dommage.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Alexis Corbière applaudit également.
Si nous en sommes là aujourd'hui, près de soixante ans après ce drame, c'est peut-être que le travail qui a été fait jusqu'à présent n'a pas été accompli correctement. Nous essayons à nouveau, à la demande du Président de la République, de prendre dans sa globalité l'histoire des harkis. Ce texte, qui a été validé par le Conseil d'État, exprime à l'égard de tous les harkis la reconnaissance de la nation.
Nous le répétons depuis ce matin, la réparation vise à compenser la faute de l'État, qui a consisté dans la privation des libertés.
J'entends que d'autres harkis se sont trouvés dans des conditions qui n'étaient pas favorables. Permettez-moi de rappeler que ces faits se sont déroulés dans les années 1960 et 1970. À cette époque, les Français de métropole vivaient souvent dans des conditions difficiles : à Montpellier, par exemple, nombreux étaient ceux qui ne disposaient dans leur logement ni de salle de bains, ni de toilettes. Souvent, ils habitaient dans des baraquements sans électricité, en s'éclairant à la bougie et en se chauffant au bois. Il faut donc prendre en considération le contexte de ces années-là.
Il nous reste cependant à écouter ce que disent les harkis hébergés dans des camps que l'on a qualifiés d'ouverts. C'est le travail de la commission nationale de reconnaissance et de réparation, qui devra recueillir leurs témoignages.
Je vous le répète depuis ce matin, mais j'y crois profondément : nous sommes au travail. Peut-être allons-nous enfin parvenir, comme le disait M. Corbière, à finir cette guerre. Nous ne sommes plus en guerre. Nous devons trouver l'apaisement nécessaire pour ne plus avoir à discuter tous les cinq ans d'un nouveau projet de loi sur le sujet.
Le sous-amendement n° 138 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement n° 41 .
Les harkis, leurs conjoints et leurs descendants doivent pouvoir enfin bénéficier de la juste reconnaissance de la France, leur pays d'adoption. Leurs enfants continuent, malheureusement, à subir certaines humiliations dans le pays de leurs ancêtres, et quelquefois même en France. Ils portent souvent des prénoms bien enracinés dans notre terroir comme Marianne, Marguerite ou Fernand. Ils se lèvent encore les premiers pour honorer la nation, malgré une enfance passée dans des conditions désastreuses, inhumaines, dans des camps d'internement comme celui de Rivesaltes, aux portes de Perpignan. C'est un accueil indigne pour une population déracinée ayant voué sa loyauté au drapeau français. Devenus adultes, ils rencontrent souvent des difficultés d'intégration se traduisant par des souffrances, des troubles psychologiques et quelquefois physiques, conséquences des chocs traumatiques engendrés par le passage dans ces camps. La France s'honorerait à reconnaître pleinement ce mal-être.
Cet amendement vise à compenser les préjudices subis par les harkis et leurs descendants du fait de leur abandon par la France, afin de leur permettre de retrouver une dignité et une vie normale.
L'avis de la commission est défavorable, pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées précédemment.
L'amendement n° 41 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 58
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 46
Contre 8
L'article 1er est adopté.
Je défendrai également, si vous le permettez, madame la présidente, l'amendement n° 12 , dont l'examen doit suivre.
Responsabilité, reconnaissance et réparation envers nos compatriotes harkis sont une nécessité absolue eu égard au sort dramatique qu'eux et leurs descendants ont connu, même lorsque c'est l'objet d'un projet de loi qui survient opportunément à l'approche d'échéances électorales majeures, même si le Président de la République a qualifié de façon scandaleuse la colonisation de crime contre l'humanité, même quand le ministre de l'intérieur rend hommage de façon éhontée à nos ennemis du Front de libération nationale (FLN).
Il n'est jamais trop tard pour panser les plaies encore ouvertes dans la mémoire et dans l'histoire des harkis et des pieds-noirs mais, pour cela, il faut supprimer la date inique du 19 mars 1962 des commémorations officielles. La date du 19 mars n'est pas la date du cessez-le-feu ; c'est la date d'une défaite, la date à laquelle les autorités françaises se désengagent de la défense de leurs ressortissants, la date de la soumission aux exigences du FLN. C'est le début de terrifiantes violences dont furent victimes les Français d'Algérie, les supplétifs engagés pour la France et de nombreux Européens ; nul ne peut ignorer ici cette vérité historique.
Massacre de la rue d'Isly, massacre d'Oran, harkis assassinés mais aussi élus, maires, conseillers généraux et municipaux, chefs de village promenés habillés en femme, nez et oreilles et lèvres coupés, émasculés, enterrés dans de la chaux ou du ciment, brûlés vifs à l'essence, sans compter les centaines, pour ne pas dire les milliers d'Européens enlevés et disparus : voilà ce qui s'est passé après le 19 mars 1962, et voilà pourquoi la plaie est toujours ouverte ; voilà pourquoi, compte tenu de ces événements tragiques, nous devons choisir une autre date.
C'est l'objet de l'amendement n° 12 . Si je ne suis pas opposé au 25 septembre, je propose plutôt de retenir comme journée officielle du souvenir de l'abandon des harkis, la date du 12 mai, date à laquelle le ministre des armées de l'époque, Pierre Messmer, envoya au chef des armées d'Alger, cet ignoble télégramme donnant instruction confidentielle de ne pas permettre aux harkis de rejoindre la métropole. Suite à cela, vous le savez, ce sont près de 150 000 harkis qui furent abandonnés aux mains des bouchers du FLN, seuls 20 000 d'entre eux parvenant, dans des conditions désastreuses, à rejoindre la métropole, où ils furent parqués dans des camps, traités comme des chiens galeux.
La réparation ne doit pas être seulement financière mais aussi mémorielle, car les symboles sont absolument essentiels. Pour cela, supprimons la date du 19 mars et instaurons à sa place la date du 12 mai, plus porteuse de sens et qui ne fait offense à quiconque.
La parole est à Mme Michèle Tabarot, pour soutenir l'amendement n° 52 .
Cet amendement vise à abroger la loi du 6 décembre 2012, qui a fait du 19 mars une journée nationale du souvenir à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
À l'heure où la France va reconnaître sa responsabilité envers les harkis, à travers le texte que nous examinons, elle ne peut pas continuer à célébrer les accords d'Évian. Vous le savez, le 19 mars 1962 a marqué le début de la tragédie des harkis. Des dizaines de milliers de harkis et des milliers de pieds-noirs, ont perdu la vie après ces accords d'Évian, abandonnés, sur ordre, à leur sort. Le Président Chirac l'avait compris et avait fait le choix du 5 décembre pour leur rendre hommage, afin de ne heurter aucune sensibilité.
Il n'y a rien à célébrer le 19 mars, sinon du sang et des larmes. Le chef de l'État souhaiterait commémorer les accords d'Évian l'an prochain : nous lui demandons instamment d'y renoncer. N'ajoutons pas une offense de plus à la mémoire des pieds-noirs, des harkis et des anciens combattants, ils ont déjà très mal vécu d'être traités de criminels contre l'humanité et de voir le chef de l'État rendre hommage aux combattants du FLN, à Alger. C'est pourquoi nous vous demandons de soutenir cet amendement qui serait enfin un véritable geste d'apaisement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement n° 144 .
Mon sous-amendement entend simplement compléter les amendements proposés, car oser dire aujourd'hui que la guerre d'Algérie s'est terminée le 19 mars, avec la signature des accords d'Évian, n'est pas seulement un mensonge, c'est une ignominie, une insulte à la mémoire de tous les pieds-noirs, les harkis et les jeunes du contingent qui ont été torturés, ont disparu ou ont été tués après cette date.
Demandez aux Algérois de la rue d'Isly ce qu'ils pensent du 19 mars ! Demandez aux Oranais du 5 juillet ce qu'ils pensent du 19 mars ! Demandez aux Européens qui ont été enlevés et vidés de leur sang, au sens clinique du terme, par le FLN, parce que celui-ci en avait besoin pour soigner ses combattants, ce qu'ils pensent du 19 mars ! Demandez aux dizaines de milliers de harkis, demandez à nos martyrs, ce qu'ils pensent du 19 mars ! Demandez-leur ce que furent les jours, les semaines, les mois qui ont suivi cette date.
Si vous maintenez cette date du 19 mars, vous les faites disparaître une seconde fois, et ça, c'est inadmissible.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques et le sous-amendement ?
Je ne souhaite pas instrumentaliser ici la journée du 19 mars, dont chacun sait les débats auxquels elle a donné lieu en 2001, à l'Assemblée nationale, et onze ans plus tard, au Sénat.
Je ne nie pas le fait que, pour beaucoup – et, croyez-moi, j'en sais quelque chose –, la date du 19 mars marque moins la commémoration d'un cessez-le-feu que le début d'une longue errance et d'un cortège de morts.
Ce texte a vocation à traduire concrètement la parole historique du Président de la République en faveur des harkis, l'engagement mémoriel de notre majorité depuis 2017 et son ambition de reconnaître et de réconcilier, après tant de déchirures, toutes les mémoires, dans leurs nuances et leur complexité.
Je conclurai par les mots de François Mauriac, dans son célèbre Bloc-notes, le dimanche 19 mars 1962 : « C'est un cessez-le-feu sans clairons et sans cloches. Au travail ! au travail ! Que chaque Français, à sa place, agisse comme s'il dépendait de lui que nos deux peuples redeviennent et demeurent unis. Que chaque chrétien entre dans les raisons particulières qu'il a de se vouer à ce patient effort : tout réparer, tout regagner, les cœurs et les esprits. Nous n'aspirons pas à d'autres conquêtes. Mais celles-là, de quel désir nous les désirons ! »
Cette question de la commémoration n'est pas nouvelle et recouvre souvent des enjeux très politiques. À titre personnel, je souhaite éviter de l'aborder ici, parce que je pense qu'elle n'y a pas sa place.
Le cessez-le-feu en Algérie a bien eu lieu le 19 mars, et si c'est cette date du cessez-le-feu qui a été choisie, c'est qu'elle marque, me semble-t-il, l'arrêt officiel de la guerre, même si l'on sait fort bien ce qui s'est passé ensuite, à savoir l'absence d'un maintien de la paix efficace.
Néanmoins, pour les appelés du contingent – que je voudrais ne pas oublier – cette date a marqué la fin d'un conflit cruel, où nombre de leurs camarades étaient tombés, le retour en métropole et la nécessité de réapprendre à vivre en affrontant les souvenirs et les traumatismes profonds qui en découlaient.
Nous aurons gagné la partie lorsque les mémoires se respecteront les unes les autres et qu'il n'y aura plus qu'une seule date commémorative. Ce sera un long travail, mais il nous faut le faire, pour trouver une date qui convienne à tous, qui soit choisie par tous.
Je vais vous avouer une chose : nous travaillons actuellement sur les commémorations de 2022 – année qui marque précisément le soixantième anniversaire du cessez-le-feu. Nous travaillons avec tous ceux qui sont concernés, afin de trouver un moment commun qui permette d'évoquer le conflit de manière apaisée, dans le respect de toutes les mémoires.
Je suis, bien sûr, défavorable à cet amendement. L'un de vous a dit ce matin que l'on ne déboulonnait pas les statues ; nous ne déboulonnerons pas non plus de date commémorative aujourd'hui, car ce n'est pas le sujet de notre projet de loi. J'encourage plutôt chacun à travailler à un apaisement mémoriel, comme nous essayons de le faire au sein du ministère, à l'approche de cette 2022, soixante ans après la signature du cessez-le-feu.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Il me paraît important de recontextualiser cette question. Lors des débats sur la loi portant reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir de la guerre d'Algérie, la rapporteure du texte, Marie-Hélène Aubert, avait insisté sur le fait que la date du 19 mars n'était pas appréhendée de la même manière selon qu'on soit harki, appelé du contingent ou rapatrié.
Pour les appelés, elle signifiait évidemment la fin des combats et le retour en métropole auprès des familles ; pour les rapatriés, dans l'obligation de quitter leur terre natale et leurs racines, le 19 mars ouvrait une période de déchirements ; pour nombre de harkis enfin, tragiquement abandonnés par un État qu'ils avaient pourtant loyalement servi, c'était tout simplement le début des massacres.
Cela étant, le 19 mars marque bien la fin de la guerre d'Algérie. Nous devons avoir conscience que cette guerre est définitivement finie et, plutôt que de continuer à opposer les mémoires entre elles, nous devons nous acheminer vers une date commune. Parce que, quelle que soit la façon dont a été vécue cette guerre, elle a été tragique pour tout le monde – Alexis Corbière le disait, d'une manière ou d'une autre, nous sommes tous concernés, à travers nos familles, un oncle ou un père dont les traumatismes ont rejailli sur tout l'entourage.
Il faut donc que nous parvenions à choisir une date qui satisfasse tout le monde. À cet égard, j'appelle votre attention sur le cas d'autres conflits tout aussi dramatiques : le 11 novembre, qui célèbre l'armistice, n'a pas signifié la fin des combats de la Première Guerre mondiale, pas plus que le 8 mai 1945, après lequel le conflit s'est poursuivi, avec, quatre mois plus tard notamment, Hiroshima et Nagasaki.
La date retenue doit donc simplement être appréhendée comme la fin de quelque chose et le début d'un processus inverse de retour vers la paix. Dans cette optique, nous devons œuvrer, avec raison, à retrouver l'apaisement et la concorde, dans le respect des différentes mémoires, de tous ceux qui ont souffert et des générations suivantes qui ont, à leur tour, porté cette souffrance. Essayons donc de tous avancer dans la même direction.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Mme la présidente de commission a eu des mots sages. Tout d'abord, l'histoire nous enseigne qu'aucune date – par exemple le 8 mai 1945, que vous avez évoqué – n'est une fin en soi. Les dimensions ne sont pas les mêmes en France, mais même dans notre pays, l'épuration qui a eu lieu après cette date a concerné 10 000 à 20 000 personnes.
Y a-t-il une solution alternative au choix de la date du 19 mars 1962, qui correspond au cessez-le-feu ? C'est un vieux débat ! Faut-il retenir celle du 5 décembre, qui n'est liée à aucun événement historique, pour célébrer la journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie ? Ou sommes-nous incapables de nous entendre sur la moindre date ? Si je comprends bien, dans un pays qui aime l'histoire, en voulant mieux honorer la mémoire des personnes ayant vécu cet événement tragique, nous ne trouverions aucune date pour le faire, si ce n'est une qui n'est liée à rien d'autre – sauf erreur de ma part – qu'une prise de parole du Président Chirac.
Revenons donc à quelque chose de factuel, à savoir le 19 mars 1962, qui correspond au cessez-le-feu. Mme la ministre déléguée l'a dit, en ce qui concerne les appelés et nos armées, c'était bien la fin des combats. Cela ne signifie évidemment pas que les choses se sont arrêtées là. Pourquoi ? Car à la différence des conflits entre nations, il s'agissait d'une guerre civile, que vous le vouliez ou non. Le fait colonial avait cette particularité que, depuis 130 ans, des gens vivaient en Algérie et n'avaient, en fin de compte, aucun rapport avec la métropole. Mme la rapporteure l'a évoqué, même les rapatriés n'avaient, le plus souvent, jamais vu la métropole – même s'ils pouvaient avoir un lien de cœur avec elle. Ainsi ces gens ont-ils été contraints de s'arracher à une terre, ce qui n'a rien à voir avec une décision de cessez-le-feu militaire : c'est obligatoirement quelque chose de douloureux et qui s'est déroulé dans la confusion et la rancœur.
Et je ne mentionne même pas le fait qu'une partie des rapatriés a cherché à poursuivre les combats les armes à la main : Mme Tabarot, à travers sa famille, connaît cette histoire mieux que moi.
Je ne ferai pas de commentaires. Des femmes et des hommes se sont engagés avec passion, même après que des décisions avaient été prises.
Je tiens simplement à dire que les choses ne sont évidemment pas nettes et ne se sont pas arrêtées à une date précise. Voilà pourquoi j'estime qu'il faut rester raisonnables en faisant du 19 mars 1962 une date consensuelle, malgré tout ce que nous pensons de son caractère imparfait.
À cet égard,…
…madame Ménard, même quand vous débaptisez le 19 mars 1962, vous lui donnez le nom d'une rue…
Je suis tout de même sidérée d'entendre ici que le 19 mars 1962 constitue une date consensuelle.
Je vous invite à aller rencontre les harkis qui se trouvent devant l'Assemblée nationale : ils arborent un grand drapeau français et rappellent combien des leurs sont morts après le 19 mars 1962.
Le Président Chirac en avait choisi une autre, qui ne plaisait à personne, qui n'avait aucun sens, mais qui avait le mérite de respecter toutes les mémoires.
Et ne me parlez pas, monsieur Corbière, de ce qui s'est passé entre le 19 mars 1962 et le départ de la plupart des pieds-noirs et des harkis d'Algérie. Vous connaissez parfaitement les horreurs du 26 mars, du 5 juillet…
…et savez combien d'hommes et de femmes ont été tués au cours de ces drames. Je le répète, le 19 mars 1962 ne sera jamais une date consensuelle dans notre pays.
S'il a fallu douze ans et deux assemblées successives, en dépit du souhait du président Hollande, pour retenir cette date, c'est bien qu'elle n'est pas consensuelle. Respectons les mémoires ! Le texte qui nous occupe aujourd'hui porte sur la reconnaissance et la réparation des préjudices subis par les harkis : les morts postérieures au 19 mars 1962 méritent également tout notre respect !
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
Le sous-amendement n° 144 n'est pas adopté.
Puisque nous parlons de dates, évoquons celle du 25 septembre. Je ne reviendrai pas sur ce que vous avez dit, madame Tabarot : je ne crois pas que le 19 mars fasse consensus, mais il marque le cessez-le-feu, c'est pourquoi nous le respectons.
S'agissant du 25 septembre, cette date a été instituée, par le décret du 31 mars 2003, journée nationale d'hommage aux harkis et aux autres membres des formations supplétives, en reconnaissance des sacrifices qu'ils ont consentis du fait de leur engagement au service de la France lors de la guerre d'Algérie. La consécration au niveau législatif de cette journée nationale d'hommage constituerait un symbole important, en ce qu'elle traduirait l'association pleine et entière de la représentation nationale à la reconnaissance par la nation des sacrifices des harkis. Il s'agit d'une attente forte de leurs représentants et de leurs familles, et le préfet Dominique Ceaux évoquait lui-même cette possibilité dans son rapport.
Notons qu'il n'est pas inhabituel que le législateur consacre une journée nationale d'hommage. À titre d'exemple, la journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, fixée au 19 mars, a été instituée par la loi du 6 décembre 2012.
Je vous propose également d'élargir l'hommage du 25 septembre aux personnes qui ont aidé les harkis, qui ont désobéi en leur apportant un soutien moral, mais aussi financier et social.
Je forme le vœu que cette journée soit vue comme particulière, car nous sommes souvent très peu nombreux à la commémorer. Je le fais chaque année et continuerai inlassablement à être présente.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Françoise Dumas, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, applaudit également.
La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, pour soutenir l'amendement n° 9 .
Cet amendement déposé par mon collègue Olivier Damaisin et l'ensemble des députés du groupe La République en marche vise à inscrire dans la loi la journée nationale d'hommage à nos concitoyens harkis, en reconnaissance des sacrifices qu'ils ont consentis du fait de leur engagement au service de la France lors de la guerre d'Algérie. Fixée au 25 septembre par le décret du 31 mars 2003, il est vrai que cette journée existe déjà et que nous y participons. Mais alors que nous nous apprêtons à voter cette loi importante, en raison de sa charge symbolique, en raison du pardon demandé par le Président de la République le 20 septembre dernier et en raison de sa portée très concrète – s'agissant notamment des réparations – pour nos concitoyens harkis, il nous apparaît indispensable de consacrer cette journée du 25 septembre non plus seulement par un décret, mais par la loi votée par les représentants de la nation que nous sommes. Nos concitoyens harkis y tiennent et ils ont raison !
Reconnue par la loi, cette journée du 25 septembre doit aussi permettre de rendre hommage à tous ceux qui, par dignité et par humanité, leur ont porté secours et assistance.
La disposition que nous vous proposons est également nécessaire pour que la représentation nationale reconnaisse enfin les blessures de l'âme et du corps qu'ont subi nos concitoyens ayant fait le choix de la France. Nous les avons écoutés, nous les avons entendus, nous avons compris leurs souffrances.
Enfin, comme cela nous a été demandé lors des auditions, il est important que cette journée nationale du 25 septembre soit organisée dans les 35 000 communes de France. Depuis l'an dernier, dans ma circonscription, à Bourges, nous avons déplacé la stèle qui se trouvait jusqu'alors dans un cimetière et l'avons mise en valeur aux côtés des monuments aux morts, en plantant un arbre. C'est là que, chaque 25 septembre, nous rendons désormais hommage à nos concitoyens harkis et à leurs familles. Nous souhaitons qu'il en aille de même partout en France avec le vote de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur les bancs des commissions.
Je n'aurai que peu de choses à ajouter à ce qui a été très bien dit par Mme la rapporteure, que je remercie pour son ouverture et ses propos d'apaisement lors de la présentation de son amendement essentiel. Celui-ci est bien sûr de portée symbolique, mais quoi de plus important que le fait que la représentation nationale élève au rang législatif l'hommage national rendu aux harkis et à leurs familles, et y associe – ce qui est une dimension nouvelle et de la plus haute importance – ceux qui les ont aidés ; ceux qui, comme l'a dit le porte-parole de notre groupe lors de la discussion générale, entre la désobéissance et le déshonneur ont choisi la désobéissance – c'était tout à leur honneur.
Applaudissements sur les bancs des commissions.
La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Je serai bref, car je me suis déjà expliqué sur ce sujet lors de ma précédente intervention. Cet amendement vise à faire du 12 mai la journée nationale du souvenir de l'abandon des harkis : c'est à cette date qu'en 1962, l'État a donné l'ordre d'empêcher les harkis de rejoindre la métropole.
Ayant soutenu l'un des amendements identiques, je ne répondrai que sur celui de M. Meizonnet.
Je vous rappelle, monsieur le député, que le 12 mai est déjà consacré à la Journée internationale des infirmières, que je tiens d'ailleurs à saluer : elles sont souvent présentes dans notre hémicycle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce jour est celui de la naissance de Florence Nightingale, infirmière britannique née le 12 mai 1820 et qui s'est distinguée par son action exceptionnelle en faveur des soldats blessés lors de la guerre de Crimée au XIX
Par ailleurs, à titre personnel, j'estime que le Parlement s'honorerait à également inscrire dans la loi la journée d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats au Maroc et en Tunisie, laquelle a été fixée au 5 décembre par le décret du 26 septembre 2003.
Je salue l'initiative des auteurs des amendements identiques et la concorde de différents groupes sur ce sujet. Vous proposez de graver le 25 septembre dans la loi et je crois que c'est une bonne chose, dans la mesure où cela traduirait une reconnaissance pleine et entière de ces événements.
Inclure dans cet hommage les personnes qui ont pris leurs responsabilités et parfois tout risqué pour prêter secours et assistance aux harkis est également une mesure forte et bénéfique. Nous ne parlons pas d'eux suffisamment souvent et j'en profite pour, à mon tour, rendre hommage aux militaires, agents publics ou élus locaux qui se sont dévoués pour permettre à ces familles de survivre, puis de vivre.
Mon avis est donc favorable sur les amendements identiques, mais pas sur celui de M. Meizonnet. La date du 25 septembre est ancrée dans notre pays depuis 2003 et nous n'allons pas revenir dessus vingt ans plus tard : ce serait contre-productif sur le plan mémoriel.
Par ailleurs, je tiens aussi à rappeler que, aux yeux des harkis, la transmission historique importante est que l'on parle d'eux comme des combattants et non comme des victimes. Ils y tiennent beaucoup et ils ont raison. Il me semble très important de le dire de façon très claire : ce sont des combattants, des combattants français. Je répète donc que je suis très favorable à l'inscription du 25 septembre dans la loi.
Je souhaite profiter de ce moment pour faire part de ma fierté à l'égard du travail accompli par Mme la rapporteure, par le responsable de notre groupe sur ce texte, par le Gouvernement et par tous les collègues de la commission, car ce que nous faisons aujourd'hui est très important.
Je sais que les harkis de ma circonscription nous regardent et qu'ils seront fiers de ce que nous sommes en train de faire. C'est une bonne chose que d'inscrire la date du 25 septembre dans la loi : moi aussi, j'assiste chaque année à la cérémonie et je vous confirme que nous n'y sommes pas nombreux. De plus, elle n'est pas organisée systématiquement dans toutes les communes de France.
Je voudrais rendre hommage à un harki avec qui j'ai grandi. Il s'appelle Dédé, et il est toujours en vie ; il avait perdu sa jambe pendant la guerre. À mesure que mes sœurs et moi grandissions, il nous a raconté, en toute modestie, petit à petit, ce qu'il avait vécu. Cela, je ne l'oublierai jamais. C'est pourquoi il était important pour moi d'être dans l'hémicycle aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je n'ai pas d'objection de fond à cette journée, qui existe déjà, et je comprends le côté symbolique d'une telle reconnaissance. Je voudrais simplement apporter deux précisions.
Premièrement, il y a une contradiction entre le désir d'unifier la mémoire nationale et le fait de conserver deux dates, le 19 mars et le 25 septembre. Elles reflètent le recto et le verso d'un même événement, au point que certains participants à une cérémonie ne viennent pas à l'autre. Pour être vraiment ambitieux, il aurait été utile de réfléchir à une date commune qui aurait permis à tous ceux qui ont un lien avec la guerre d'Algérie de se retrouver pour célébrer les morts.
Deuxièmement, nous avons beaucoup parlé de la responsabilité de l'État. Le fait générateur que vous ne voulez pas nommer, c'est l'ordre de non-rapatriement. Quand je l'ai dit, tout à l'heure, vous m'avez répondu : « Nous ne faisons pas l'histoire. » Pourtant, nous allons célébrer des justes qui ont, avec honneur, décidé de ne pas obéir aux ordres. Je le répète donc : à quels ordres ? Il est étrange d'honorer des gens pour n'avoir pas obéi à l'ordre du Gouvernement français tout en refusant de reconnaître que cet ordre a été donné et qu'il engageait la responsabilité de la France.
Je suis moi aussi favorable à ce que nous fixions une date unique. Le groupe d'études sur les rapatriés, présidé par votre collègue Éric Diard et dans lequel je siège, y travaille avec Mme la ministre déléguée depuis 2017, mais ce n'est pas à nous de choisir une date. Nous devons donner aux anciens combattants le temps de nous indiquer quelle date ils souhaitent retenir. En attendant, il me semble important d'inscrire celle du 25 septembre dans la loi, pour honorer les personnes qui, en désobéissant, ont aidé les harkis et leur ont parfois permis d'être un peu mieux considérés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 44
Contre 2
L'article 2 fonde légalement le principe de réparation qui est au cœur du projet de loi. Il s'adresse aux harkis, à leurs conjoints et à leurs enfants qui ont séjourné dans une des structures destinées à les accueillir entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975. Ces dates sont importantes : le 20 mars 1962 est la date de publication au Journal officiel des accords d'Évian, et le 31 décembre 1975 correspond à la date de fermeture administrative des structures d'accueil des harkis – administrative, car nombre de harkis continuèrent d'y habiter longtemps après cette date, faute de mieux.
La liste des structures sera définie par décret. Il ne revient pas à la représentation nationale d'en préciser le contenu, mais il est essentiel qu'elle corresponde, autant que possible, à ce que les harkis ont connu en France. Dans son rapport, Mme la rapporteure évoque la liste annexée au décret du 28 décembre 2018, qui comprend au total onze camps et soixante-quatorze hameaux de forestage, de Saint-Maurice-l'Ardoise à Rivesaltes en passant par Saint-Hilaire. Cette liste serait une bonne base de départ.
Toutefois, il y a une diversité de situations à prendre en compte. Je me réjouis que les députés de la commission aient proposé et voté la possibilité, pour la commission nationale instituée par l'article 3, de faire évoluer la liste des structures. À terme, il faut souhaiter qu'elle corresponde en tous points à la réalité historique et au vécu des harkis dans notre pays.
Le volet financier de la réparation dépendra, lui aussi, du décret pour les conditions de versement et le barème. Il est possible qu'une somme forfaitaire appliquée de façon générale à des situations individuelles soit considérée comme une vision trop administrative de la réparation ; toutefois, c'est un processus plus simple et plus rapide qui ne fait pas peser sur les bénéficiaires la charge de la preuve, leur évitant ainsi un processus beaucoup plus long et hasardeux. C'est un dispositif juridiquement solide qui respecte la jurisprudence et qui reflète les engagements pris par le Président de la République devant les harkis le 20 septembre dernier.
Je souhaite vous faire part d'un témoignage. Une jeune femme nommée Noëlle est venue me parler de son père, envoyé à Rivesaltes ; il avait subi un grave accident de travail qui lui avait laissé des brûlures sur les trois quarts du corps. Malgré un certificat initial de 80 % d'IPP – incapacité permanente partielle de travail –, lui, l'illettré, a dû faire face à trois experts en assurances qui réduisirent l'évaluation de son handicap à 28 %. S'ensuivit un jugement auquel la justice ne le convoqua pas et durant lequel il fut décidé, en son absence, de lui octroyer deux indemnisations de deux assurances différentes. La première paiera le premier mois de traitement et s'abstiendra de l'indemniser ensuite ; la deuxième, descendante de la Caisse des dépôts et consignations, paiera son obligation, qui est la plus minime. Si bien qu'à la fin, cet homme recevra 30 % de la somme allouée par la justice, et pourtant basée sur des estimations minorées. Cette dame me disait : depuis deux ans, je cherche à me faire entendre de la justice. Mon père est encore vivant, que puis-je faire ?
Si je vous fais part de ce témoignage, c'est pour vous montrer qu'il y a des histoires dramatiques. Vous comprenez à quel point il est important que nous rédigions bien l'article 2 et que nous considérions tous les préjudices susceptibles d'être intégrés au mécanisme de réparation. J'avais proposé des amendements visant à rendre l'article le plus exhaustif possible ; malheureusement, ils ont été déclarés irrecevables au motif qu'ils créaient de la dépense publique. J'espère que les débats nous permettront d'aller plus loin.
Tous les harkis ne sont pas passés par des camps ou des hameaux de forestage, mais le fait d'inscrire une liste dans la loi nous aurait permis de disposer d'une base de reconnaissance symbolique, qu'il aurait été possible d'élargir par la suite. De même, le décès d'un harki ne saurait éteindre la dette qu'a la France à son égard. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé, dans un amendement, que les ayants droit soient éligibles au versement de la réparation prévue par l'article. Enfin, la date de 1975 est contestée, car certains harkis n'ont pas été scolarisés jusqu'en 1982. Je vous donc lance cet appel, et j'espère que la discussion sera plus apaisée.
Sur l'article 2, je suis saisie par les groupes La République en marche et Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 18 .
L'article 2 pose deux problèmes. Premièrement, comme vient de le dire mon collègue Julien Aubert, la limite de l'année 1975 est contestée. Des harkis ont été détenus longtemps en Algérie, où ils ont été humiliés et torturés ; ils ont pu, après plusieurs années de détention, soit sortir, soit s'échapper pour passer en France, où ils ont parfois, eux aussi, fait un passage obligé par les camps cités dans le projet de loi. Ceux-là ne seront pas inclus dans le champ d'application du texte.
Le second problème tient au versement pour solde de tout compte institué à l'alinéa 2. La réparation forfaitaire que vous imaginez va forcément créer des frustrations chez les harkis ; or, si elle n'est pas acceptée, elle créera un ressentiment supplémentaire contre la France. Il me semble que ce n'est pas le but du projet de loi.
L'amendement à proprement parler porte sur un point précis de l'alinéa 1, lequel dispose que « [l]es personnes mentionnées à l'article 1er , leurs conjoints et leurs enfants […] peuvent obtenir réparation des préjudices […] ». Je propose de remplacer « peuvent obtenir » par « sont en droit d'obtenir » : la distinction ne coûte pas grand-chose mais, en termes de symbole, elle me semble extrêmement importante. Les harkis sont en droit d'obtenir réparation, ils n'en ont pas juste la possibilité. C'est peu de chose, mais cela enverrait un bon signal.
Madame Ménard, selon votre amendement, quelqu'un qui est « en droit de » serait distinct de quelqu'un qui « peut ». Les harkis, les personnes assimilées et leurs familles ayant séjourné dans les camps ou les hameaux de forestage entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975 bénéficieront du mécanisme de réparation, c'est un fait. Ils pourront en bénéficier, ils seront en droit d'en bénéficier, ils sont fondés à en bénéficier ; bref, ils en bénéficieront, et c'est bien là l'essentiel. Avis défavorable.
Votre demande est satisfaite par la rédaction actuelle : les harkis qui rempliront les conditions posées par le présent article seront bien évidemment tous indemnisés. Avis défavorable. L'amendement n'apporte rien de supplémentaire.
L'article présente des ambiguïtés. Premièrement, il indique que les réparations sont prévues pour les personnes passées par des structures destinées à les accueillir dont la liste est fixée par décret. Je réitère mon souhait que le décret soit élargi au-delà des camps cités dans l'étude d'impact. C'était un engagement de votre part.
Deuxièmement, l'article dispose que ces personnes « peuvent obtenir réparation des préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans ces structures » : la privation de liberté n'est pas spécifiquement mentionnée, ce qui justifie d'autant plus l'élargissement de la liste.
Enfin, même si les amendements que nous avons déposés sur le sujet ont été déclarés irrecevables, le niveau d'indemnisation forfaitaire proposé, à savoir 1 000 euros par année passée dans ces structures – j'ai bien compris, c'est bien 1 000 euros par an ?…
Expliquez-nous à quoi cela correspond : j'ai lu que c'était 2 000 euros pour les trois premiers mois, puis 1 000 euros par an.
Si c'est cela, ce n'est pas un niveau digne. Pouvez-vous nous expliquer le mode de calcul de ces réparations ?
Les bras m'en tombent. Madame la ministre déléguée, madame la rapporteure, vous me répondez donc qu'écrire « peuvent » ou « sont en droit de » revient au même et que mon amendement est satisfait !
Même si c'était le cas, cette modification est un symbole ; elle permettrait d'envoyer un signal positif aux harkis auxquels ces réparations sont destinées.
Pourquoi ne pas accepter au moins un amendement de l'opposition ? Nous sommes supposés œuvrer tous dans le même sens, sur ce texte en faveur des harkis, or vous ne faites pas le moindre geste, y compris pour cet amendement, dont l'adoption, selon vos propres dires, ne modifierait pas le sens du texte. Même cela, nous ne l'obtenons pas !
Justement, c'est parce que cela ne changerait rien que nous nous opposons à l'amendement !
L'amendement n° 18 n'est pas adopté.
Il vise à introduire dans le texte l'expression « en tant que victimes d'une politique de ségrégation sociale ». En effet, la ségrégation se définit comme l'action par laquelle on met un élément à part. C'est bien ce qui est arrivé sur le territoire métropolitain.
Avis défavorable.
Madame la ministre déléguée, madame la rapporteure, j'ai posé une question qui intéresse toute l'assemblée.
Expliquez-nous comment est calculé le forfait d'indemnisation. Peut-être que tous les autres l'ont compris ; quant à moi, soit j'ai compris et je ne suis pas d'accord, soit, comme je l'espère, je n'ai pas compris.
L'amendement n° 68 n'est pas adopté.
J'espère que j'obtiendrai des réponses plus complètes sur cet amendement. Il vise à redonner un rôle à la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles dans l'élaboration de l'indemnisation forfaitaire, car il vaudrait mieux que ce soit elle qui pilote ce dossier.
Je profite du fait que seul M. Ruffin et moi nous exprimons pour faire part de mes doutes, concernant le choix d'une indemnisation forfaitaire. Je crains que celle-ci ne vaille comme solde de tout compte, et qu'elle ne permette au législateur de rester assez vague sur les préjudices, afin de se décharger de la question.
Je soupçonne qu'il s'agit simplement ici de boucher un trou juridique, après la condamnation de l'État, le 3 octobre 2018, pour avoir interné un harki pendant vingt-deux ans. Ce projet de loi ad hoc permettrait de régler ce problème particulier, en fermant la porte à l'indemnisation d'autres types de préjudices – cela tout en feignant de vouloir une loi mémorielle, de reconnaissance.
S'agit-il donc ici d'autre chose que de se prémunir contre le risque juridique que le Conseil d'État fait courir à l'État, comme l'a montré l'affaire Tamazount ? J'attends des éléments de réponse.
Monsieur Aubert, il ne vous a pas échappé que les barèmes présentés dans l'étude d'impact correspondent à la jurisprudence du Conseil d'État. D'une certaine manière, le travail de définition que vous appelez de vos vœux a déjà été accompli.
En outre, vous qui connaissez comme moi les harkis conviendrez que l'urgence, c'est de procéder rapidement aux versements, en particulier pour les harkis eux-mêmes et leurs veuves, aujourd'hui âgés. Je ne crois donc pas qu'il faille ajouter une étape qui ne ferait que retarder l'application du mécanisme de réparation.
Une dernière précision : vous dites que ce texte vaudrait « comme solde de tout compte ». Non ! Il s'agit d'une réparation et celle-ci n'empêche pas les enfants d'anciens harkis de bénéficier par ailleurs d'un fonds de solidarité, ni les harkis et leurs veuves de bénéficier de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère, dont le montant doit doubler, pour atteindre un montant annuel de 9 000 euros environ.
J'essaierai de répondre aux différentes questions posées, même quand elles n'ont pas trait à l'amendement.
L'établissement de la liste des lieux concernés se heurte à un problème de dénomination. Actuellement, elle inclut six « camps » et soixante-neuf « hameaux de forestage », mais aussi d'autres lieux qui, alors qu'ils ont les mêmes caractéristiques, portent d'autres noms. Il s'agit par exemple d'un « centre d'accueil au camp militaire » à Bitche, d'un « centre d'hébergement » à Narbonne et à Mas-Thibert, d'autre chose encore à Largentière ou à La Courtine. Ces structures seront bien entendu incluses dans la liste des lieux de privation de liberté où les harkis et leurs familles ont vécu de façon indigne, en contradiction avec les principes républicains ; nous les regroupons sous le terme générique de « foyer ». La liste sera encore enrichie, si nécessaire, par la commission instituée à l'article 3, qui aura les pleins pouvoirs en la matière.
J'en viens à l'évaluation du préjudice. Oui, un jugement du Conseil d'État de 2018 fait jurisprudence. Si nous nous sommes appuyés sur celui-ci pour fixer le cadre du règlement de la réparation, ce n'est pas du tout par crainte d'un risque juridique couru par l'État, puisque les recours sont forclos depuis longtemps.
Par ailleurs, je n'ai pas souhaité fixer une durée minimale de séjour pour bénéficier d'une indemnisation. Le préjudice est pris en compte dès le premier jour, dès le premier mois. Quand la durée de séjour dans un camp, un hameau de forestage ou dans l'un des foyers dont je viens de parler a été inférieure à trois mois, une indemnisation de 2 000 euros sera proposée – je n'invente rien ; tout cela est précisé dans l'étude d'impact. Quand la durée du séjour a dépassé trois mois, une somme plancher de 3 000 euros est prévue ; s'y ajouteront 1 000 euros par année de présence dans les camps. Rien n'est caché ! Enfin, bien entendu, l'indemnisation est ouverte à chacun des membres de la famille qui aura partagé ces conditions de vie.
Nous avons fait ces choix pour suivre la jurisprudence, certes, mais aussi parce que nous souhaitions un mécanisme simple, d'application rapide et couvrant tous les préjudices, afin d'être favorable aux harkis et à leurs familles. En effet, nous en parlerons peut-être tout à l'heure, mais certains dispositifs adoptés dans le passé prévoyaient trop de justificatifs. Or, vous l'avez dit, la complexité finit par épuiser tout le monde et empêche que l'on bénéficie des aides, ce que nous avons absolument voulu éviter. Il nous a donc semblé plus juste et plus efficace de choisir une structure simple pour ces réparations. Ainsi, non, il ne s'agissait pas de prémunir l'État contre un risque juridique.
Enfin, monsieur Aubert, votre proposition d'associer la commission créée à l'article 3 à la rédaction du décret fixant le barème de la réparation ajouterait une lourdeur inutile. La mesure serait contreproductive, car elle ne ferait que retarder le versement de la réparation. Avis défavorable.
Je vous remercie pour la qualité de ces réponses, qui permettent de mesurer la différence de perception entre nous. Je n'achète pas votre argument selon lequel le risque juridique serait nul pour l'État et les recours seraient forclos. Si c'était le cas, comment un descendant de harki aurait-il pu obtenir, cinquante-huit ans après les événements, la condamnation de l'État et une réparation de 15 000 euros ? Des procédures sont en cours et il suffit de les relancer pour éviter la prescription quadriennale – un peu de droit ne fait jamais de mal dans cette enceinte.
J'en viens au rôle de la commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles. Puisque vous prévoyez que l'État fixera le barème par décret, malgré l'appellation de « commission », cet organisme ne sera qu'un guichet servant à calculer le nombre de mois d'internement pour chaque dossier, afin d'appliquer un barème. Il ne pourra pas moduler, évaluer, apprécier le préjudice, en répondant par exemple aux intéressés : « Même si vous êtes restés moins longtemps dans tel camp, votre père a été emprisonné ; vous n'avez pu le voir pendant plusieurs années et vous en avez particulièrement souffert » ou « Le camp où vous avez été interné était plus dur que les autres ».
J'entends bien votre souci de rapidité, et le sujet n'est pas facile. Nous en parlerons lors de l'examen de l'article suivant, mais, dans l'esprit de la composante harki – je n'aime pas parler de communauté,…
Nous non plus !
…car il n'y a qu'une communauté, la nationale –, cette commission devait remplir un rôle similaire à celui de la CIVS – la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations –, apporter un éclairage historique, sociologique, une véritable dimension juridique. Elle devait servir de Commission de vérité et de réconciliation, avec un objectif plus ample. La composante harki risque d'être très déçue, en constatant que la commission sera un simple service d'instruction des demandes, à partir d'un barème. Je voulais clarifier votre choix.
Je souhaite clarifier notre position à ce moment des débats. Sur le plan symbolique, il est évident pour notre collègue Alexis Corbière et moi-même qu'il faut reconnaître la responsabilité de la France dans les conditions indignes de l'accueil de ces personnes. En revanche, il aurait fallu, à la limite, se demander s'il convenait d'introduire un volet financier et de prévoir des réparations, car vous fixez des critères d'accès très étroits à celles-ci, au point d'exclure la moitié des bénéficiaires potentiels – notamment ceux qui habitent dans ma circonscription.
C'est un problème. Je connais ces gens et je sais qu'ils ont souffert de leur passage à la citadelle de Doullens, notamment.
Certains toucheront des indemnités, mais pour des montants de 2 000 euros, plus 1 000 euros par année. C'est dérisoire, quand on sait ce que nous gagnons ici ! Oui, pour avoir passé deux ou trois années dans des situations de « privation de liberté », sans accès aux sanitaires, ni à l'école, ni aux services publics, ils toucheront l'équivalent d'un ou deux mois du salaire d'un député !
C'est normal, il ne s'agit ni d'un salaire, ni d'une pension, mais d'une réparation !
Les montants proposés ne me semblent pas du tout à la hauteur des situations d'« horreur » décrites à la tribune.
Ainsi, autant nous sommes d'accord avec vous pour le volet symbolique, autant nous ne le sommes pas pour les réparations – d'autant plus qu'elles vaudront pour « solde de tout compte ». Elles sont très nettement insuffisantes.
M. Alexis Corbière applaudit.
L'amendement n° 69 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Je ne m'étendrai pas sur cet amendement de précision, mais je souhaite revenir sur ce qui vient d'être dit.
Comme je l'ai dit lors de mon intervention précédente, l'article 2 pose deux problèmes : celui du choix de la date et celui du caractère accordé à cette réparation – elle vaut solde de tout compte.
Même si je ne suis pas souvent d'accord avec notre collègue Ruffin, je pense comme lui que les montants annoncés sont dérisoires au vu du préjudice subi par les harkis dans ces camps et des conditions indignes que nous n'avons cessé de dénoncer depuis ce matin à cette tribune – pour les harkis, nous le faisons depuis des années.
Le montant de l'indemnité pose un problème, mais son caractère forfaitaire aussi : comme l'a dit M. Aubert, hormis la durée de séjour dans les lieux dont la liste sera établie, aucune circonstance particulière ne sera prise en considération. Or, nous l'avons évoqué, certains événements ont été particulièrement marquants. Je pense à une famille qui a perdu un enfant et n'a pu l'enterrer ; faute de sépulture digne, il a été mis dans la fosse commune ou le charnier, selon les termes employés, d'un des camps. Elle considère peut-être – à juste raison, me semble-t-il – qu'elle a subi un préjudice plus grave qu'une autre famille qui a séjourné dans un camp, dans les mêmes conditions, mais n'a pas perdu un de ses membres.
Le caractère forfaitaire de l'indemnité paraîtra forcément injuste. Il ne me semble pas souhaitable d'adopter l'article 2 tel qu'il est rédigé, si on ne l'ajuste ni ne le précise un minimum.
Une modification de date entraînerait sûrement une censure du Conseil constitutionnel, pour rupture du principe d'égalité.
Vous me direz que je n'accepte aucun de vos amendements, mais vous admettrez que celui que vous défendez est superfétatoire. Avis défavorable.
Avis défavorable. Le texte part du constat que la faute de l'État est de nature à entraîner l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis, qu'ils soient moraux ou matériels, sans que la victime doive en apporter la preuve. Je vous assure que ce dispositif est tout à fait favorable aux bénéficiaires. En effet, des dispositifs plus complexes, qui impliqueraient de disposer de preuves, d'aller chercher des informations administratives que les uns et les autres pourraient ne pas trouver, rendraient la mise en œuvre plus difficile et susciteraient encore davantage de frustrations.
Par ailleurs, j'estime que l'importance du préjudice dépend aussi de la durée du séjour dans ces lieux. J'imagine très bien le traumatisme subi par ceux qui y sont restés un ou deux mois ; pour ceux dont le séjour a duré cinq ou dix ans, le préjudice est plus important encore. Il n'est pas simple de trouver le meilleur dispositif ; nous avons retenu le plus simple possible.
L'ONACVG instruira les dossiers – nous aurons l'occasion d'y revenir. J'ai demandé à ses agents de déterminer le temps passé par chaque famille qui déposera un dossier, pour ne pas leur laisser cette charge. Faisons simple, allégeons les dispositifs d'indemnisation qui existent. L'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM) évaluait les pertes matérielles, or très peu de dossiers déposés par des familles de harkis ont abouti, et les montants versés atteignaient en moyenne 1 800 euros ; les dossiers étaient très complexes à renseigner et les personnes concernées n'ont pas trouvé les documents nécessaires. L'histoire est complexe, les archives sont parfois difficiles à retrouver. Il faut que le dispositif soit simple pour être efficace et que la réparation soit versée dans les meilleurs délais à chaque membre de chaque famille passée dans les camps, les hameaux de forestage ou toute autre structure que la commission déterminera.
Soyons très clairs : je ne remets aucunement en question la pertinence du critère du temps passé. Je ne dis absolument pas que le préjudice est le même pour ceux qui sont restés deux semaines, deux mois ou cinq ans dans un camp. En revanche, il est injuste de ne prendre en considération que ce seul critère, parce que de nombreux autres, écartés par le projet de loi, seraient recevables.
J'entends votre argument : très souvent, la simplicité est la condition de l'efficacité. Cependant, je ne vous apprendrai pas, madame la ministre déléguée, que le discours que le Président de la République a prononcé le 20 septembre a soulevé un formidable espoir : les harkis ont pensé qu'ils seraient peut-être enfin entendus, au bout de soixante ans. Aujourd'hui, c'est la douche froide. D'accord pour la simplicité, mais si elle doit provoquer un nouveau sentiment d'injustice, elle n'est pas la bonne solution.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Il faut cesser les débats de ce genre. D'abord, c'est faire offense aux harkis qui, pour certains, ont seulement envie d'oublier. Ensuite, avec de l'argent, en pinaillant sur les dossiers administratifs, on ne compense pas l'irréparable. Une commission aura la responsabilité d'appliquer les dispositifs. Plus nous apporterons de précisions, plus nous fermerons les possibilités et moins nous autoriserons de solutions.
Il y a trente ans, j'ai été travailleuse sociale auprès de familles de harkis. On ne peut dédommager de certains événements par de l'argent. Si nous ne voulons pas fermer des portes, laissons à ceux qui auront à étudier les dossiers au cas par cas, qui les connaîtront, la responsabilité de les instruire, et n'entrons pas dans une logique qui risquerait de devenir humiliante pour les familles concernées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement n° 19 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 47 .
Il s'agit d'un amendement de repli déposé par M. Pancher. À défaut de pouvoir supprimer la déduction introduite par l'article 2, il vise à préciser dans le texte quelles indemnisations antérieurement perçues seront décomptées du montant de la réparation. Il ne s'agit donc que d'expliciter la désignation imprécise « sommes déjà perçues », afin d'éviter toute interprétation erronée.
L'amendement n° 47 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 36
Contre 1
L'article 2 est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.
L'article 3 est fondamental, puisqu'il fait référence à la mise en œuvre pratique de l'organe chargé de concrétiser la juste reconnaissance des souffrances éprouvées et des sacrifices endurés par les harkis durant de trop nombreuses années. Non content de se contenter d'un discours, le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, aura su prendre ses responsabilités en joignant enfin les actes aux paroles.
C'est ainsi qu'une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local, et par les membres de leur famille, sera instituée auprès de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Elle aura pour objectif de statuer sur les demandes de réparation instruites par celui-ci et de contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire des harkis et de leurs proches.
La représentation nationale ne peut que s'enorgueillir de ce que l'État prenne enfin des mesures de réparation à l'endroit des rapatriés et de leurs familles, eu égard aux préjudices subis en raison de leur accueil indigne dans des camps de transit et autres structures d'hébergement. Le recueil et la transmission de la mémoire de l'engagement au service de la nation des forces supplétives et assimilées, ainsi que des conditions dans lesquelles ces personnes ont été rapatriées et accueillies sur le territoire, seront également assurés, preuve que la France aura su faire preuve d'une sagesse historique et politique tout à fait remarquable.
Sur l'article 3, je suis saisie par le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de six amendements, n° 8 , 13 , 61 , 77 , 121 et 75 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 8 , 13 , 61 , 77 et 121 sont identiques.
La parole est à Mme la présidente de la commission, pour soutenir l'amendement n° 8 .
Il vise à préciser la composition de la commission nationale de reconnaissance et de réparation, qui constitue la clef de voûte du projet de loi ; nous avons déjà largement évoqué ce sujet. Pour rappel, cette initiative a bénéficié d'un accueil favorable de la commission.
Pour garantir le bon fonctionnement de cette nouvelle institution et la bonne exécution de ses missions, aussi importantes que diverses, nous vous proposons une composition pluraliste présentant une diversité d'horizons, de compétences et de responsabilités. Nous prévoyons, par cet amendement, la présence de parlementaires désignés par les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la mémoire et des anciens combattants. Les parlementaires sont les plus à même de suivre le bon fonctionnement de l'organisme s'ils en font partie.
La présence dans la commission de représentants des élus des communes ayant accueilli sur leur territoire des camps et des hameaux de forestage est également proposée. Cette mémoire n'appartient pas qu'au passé et ses stigmates sont encore très présents sur les territoires où se trouvaient des lieux d'accueil spécifiques aux harkis. Nombre de mairies possèdent aussi des archives et de nombreux harkis sont restés sur place, continuant à vivre non loin des anciens camps et hameaux où ils ont été « accueillis ». Leur histoire correspond aussi à des réalités sociales et locales, à des parcours de familles qui sont petit à petit sorties de l'invisibilité – heureusement. C'est pourquoi il est indispensable que les élus locaux soient présents dans la commission : ils incarnent à la fois l'unité, l'indivisibilité et la proximité de la République dans ces territoires riches de leur diversité et de leurs spécificités.
En outre, la présence de membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation paraît opportune, dès lors que la commission aura pour fonction de statuer sur les demandes d'indemnisation. La mission mémorielle exige quant à elle la présence de personnes qualifiées. Nous l'avons vu lors des débats, il y a des sujets qu'il faut traiter autrement, peut-être par le biais des sciences sociales. Des historiens et des chercheurs, forts de compétences spécifiques, pourront recueillir des témoignages, les traiter et faire la lumière sur les conditions d'accueil et de rapatriement des harkis. Leur prise en charge est déjà intégrée dans l'étude d'impact.
Enfin, pour témoigner de l'importance de la commission, il est proposé que son président soit nommé par le chef de l'État, ce qui permettra une grande neutralité dans la responsabilité et la prise en compte de cette histoire. Le décret précisera les modalités de désignation des membres de la commission et pourra en compléter la composition.
La parole est à Mme Patricia Mirallès, rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Il est identique à l'amendement n° 8 ; je pense qu'il a été assez défendu.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement n° 61 .
À ce stade de notre discussion et après avoir échangé, notamment après le vote de l'article 1er , avec M. Hamoumou, le président de l'association justice, information, réparation pour les harkis (AJIR) – qui est dans les tribunes –, j'avoue être un peu déstabilisée. Moi aussi, j'étais entrée ce matin dans l'hémicycle avec la ferme intention de voter pour ce texte ; les positions défendues par Mme la rapporteure et Mme la ministre déléguée m'ont fait réfléchir.
Ce que demandent avant tout les harkis, c'est une loi de réparation juste, ce qui implique notamment la création d'une commission indépendante ; une loi de réparation qui n'exclut pas a priori. Or le projet de loi exclut a priori quelques citoyens harkis. Ce qui a été promis, ce qui a été demandé et ce qui est attendu par les citoyens harkis, c'est qu'enfin nous passions des mesures sociales à la réparation. Madame la rapporteure, madame la ministre déléguée, quand nous évoquons des situations qui n'entrent pas dans le champ de l'article 1er , comme celle évoquée par notre collègue Ruffin, vous répondez « fonds social ». Je regrette sincèrement que la rédaction de l'article 1er n'ait pas donné lieu à une concertation avec les associations, qui n'ont eu le texte qu'après sa présentation en Conseil des ministres. Je trouve ça regrettable et je pense que ça explique aussi les tensions que nous connaissons depuis le début de l'examen du texte.
L'article 3 crée une commission nationale de reconnaissance et de réparation auprès de l'ONACVG. Cela ne répond pas à la demande originelle des associations, qui souhaitaient une commission indépendante, à l'image de la CIVS. Là aussi, il me semble qu'ils n'ont pas été entendus. Par cet amendement, qui est en quelque sorte un amendement de repli par rapport à ce qui était attendu, nous listons les membres qui pourraient participer à la commission, plutôt que de laisser un décret en déterminer la composition.
Sur les amendements n° 8 et identiques, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques n° 77 de M. Philippe Michel-Kleisbauer et 121 de M. Yannick Favennec-Bécot sont défendus.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l'amendement n° 75 .
C'est un débat intéressant, mais il faudrait savoir très clairement si l'adoption de l'amendement n° 8 ferait tomber tous les amendements à l'article 3, afin de déterminer si nous devons évoquer d'autres sujets.
Les autres amendements en discussion commune tomberont nécessairement s'il est adopté.
Certes, mais je parlais même des amendements suivants. Il serait intéressant d'avoir une vision plus large avant que l'amendement n° 8 soit adopté.
L'amendement n° 75 a pour objet la constitution d'une vraie commission indépendante, au sens de ce qui a été proposé tout à l'heure par ma collègue. Tout d'abord, il faudrait que ladite commission soit présidée par un parlementaire ; comme ça, on serait certain que l'exécutif n'a pas la main. C'est bien le Parlement qui a reconnu et qui a voté une loi ; c'est donc au Parlement d'en assurer les suites.
Dans cette commission, il faudrait aussi des historiens et des sociologues, mais aussi des psychiatres, des psychologues et des juristes, parce qu'il y a un enjeu de préjudice qu'on ne retrouve pas dans l'amendement n° 8 . De plus, je propose deux sections : l'une, présidée par un membre du Conseil d'État et chargée plutôt des aspects juridiques ; l'autre, présidée par un membre de la Cour des comptes et chargée des aspects de dépenses et d'indemnisation. Dans l'amendement n° 8 , on a pensé à la Cour de cassation, mais pas à la Cour des comptes, ce qui est quand même un peu étrange s'agissant de financement public – sans vouloir forcément plaider pour ma paroisse.
Il est intéressant que nous ayons ce débat, pour savoir exactement ce que fera cette commission. Afin qu'elle ne soit pas un simple service instructeur de l'ONACVG, vaguement parrainé par quelques parlementaires, mais qu'elle soit bel et bien une commission indépendante avec toute la force que nous mettons derrière, je vous propose d'adopter l'amendement n° 75 .
Mme la rapporteure s'est déjà exprimée. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Tout d'abord, je salue le travail très constructif des groupes La République en marche, Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, Agir ensemble, UDI et indépendants et Socialistes et apparentés pour arrêter la composition de la commission.
Il est nécessaire de fixer dans la loi les principes généraux et les collèges composant la commission. Les élus y auront toute leur place ; la présence de parlementaires me semble particulièrement bienvenue. Elle témoignera concrètement de l'engagement des représentants de la nation dans la procédure de réparation et de transmission de la mémoire des harkis.
Je note avec satisfaction la présence des représentants des communes ayant accueilli les camps et hameaux. Il ne faut pas les oublier ni minimiser les efforts qu'ils ont accomplis ; vous m'y savez attachée. En tant qu'ancienne maire, je crois que les maires sont très bien placés pour connaître les sujets.
J'émets un avis favorable sur les amendements n° 8 et identiques. Néanmoins, il sera nécessaire d'y retravailler au cours de la navette parlementaire, afin de préciser les modalités de désignation de l'ensemble des catégories de membres ; en particulier les maires et les membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation.
En revanche, vous l'avez compris je demande le retrait de l'amendement n° 75 au profit des amendements identiques – d'autant que l'effort commun consenti donne largement satisfaction aux attendus de l'amendement. Il ne me semble pas opportun de prévoir la présence en cette qualité de représentants des harkis au sein de la commission dont nous devons préserver l'impartialité et la neutralité. Mais cela ne signifie pas qu'elle ne traitera pas les sujets avec beaucoup d'attention, au contraire.
Je soutiens l'amendement n° 8 de la présidente de la commission de la défense. Prévoir dans la future commission la présence de représentants élus des communes ayant accueilli sur leur territoire des structures mentionnées à l'article 1er me semble être un gage de tradition mémorielle, car les maires sont très attachés à l'histoire de leur commune. Ils seront sans aucun doute très attentifs à ce que ce qui s'y est passé soit dignement évoqué.
L'amendement prévoit que la commission comprendra également des personnalités qualifiées en raison de leur connaissance dans le domaine de l'histoire des harkis. Cela peut désigner des scientifiques qui connaissent les problèmes historiques, mémoriels ou les psychotraumatismes et autres sujets concernant les harkis déjà évoqués lors de la discussion.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 40
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 36
Contre 0
L'amendement n° 27 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à demander que la commission nationale, placée auprès de l'ONACVG, soit plutôt une commission d'évaluation des préjudices subis par les harkis. Cela suppose que ces préjudices soient évalués, donc instruits et non déterminés a priori. Le principe de la réparation forfaitaire n'est pas remis en cause, mais la réparation ne peut pas être que mathématique, c'est-à-dire fonction du nombre de mois passés dans les camps ou hameaux de forestage.
Cet amendement vise à demander que le préjudice soit pris en compte pour réparer de façon individuelle les actions commises et ce au profit de l'ensemble des individus lésés et de la cause harkie. Il ne remet donc pas en question le dispositif actuel, mais son chiffrage global fixé a priori de manière prédéterminée. Pour nous, il s'agit de rendre justice de façon incontestable et incontestée, en prenant en compte la douleur et le vécu de chaque individu, de façon à lui apporter la réparation dont il a besoin et qu'il mérite.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 20 .
Je vais présenter cet amendement, mais j'ai évidemment peu de chance de le voir adopté puisqu'il est dans la droite ligne de ce que j'ai pu défendre à l'article 2. Je propose que la commission soit aussi chargée d'évaluer le montant des dommages subis. Je considère qu'ils ne peuvent pas être seulement évalués en fonction du temps passé dans les camps indignes. D'autres critères doivent être pris en compte, d'où la nécessité pour la commission d'évaluer les dommages et par conséquent leur montant.
Nous avons suffisamment débattu de ce sujet et de la philosophie de la procédure de réparation. Avis défavorable.
Je rejoins les propos de Mme la rapporteure. Nous avons, en effet, débattu de ces sujets tout l'après-midi. Je répète que nous proposons la garantie d'une réparation simple et rapide. Je peux vous assurer que toute autre forme possible n'aboutirait pas au même résultat. J'en veux pour preuve l'exemple de l'ANIFOM auprès de laquelle il a été très difficile pour les harkis et leur famille de faire aboutir le peu de dossiers qui ont pu être déposés. Cela n'a pas du tout entraîné de réparation importante. La simplicité et la rapidité sont le gage que cette loi sera efficace et appliquée dans les meilleurs délais. Avis défavorable.
La parole est à Mme Sereine Mauborgne, pour soutenir l'amendement n° 118 .
Cet amendement d'appel propose, dans un souci de simplification, lorsqu'une demande de réparation est introduite, que les pièces transmises à l'ONACVG soient enregistrées automatiquement dans le dossier du titulaire et dans ceux des membres de son noyau familial, y compris son conjoint, ses enfants, ses frères et sœurs.
Il s'agit d'un amendement de simplification qui a été évoqué tout au long du travail, notamment sur le premier plan d'accompagnement social en 2018. Dans le cadre de ce suivi, on avait débusqué quelques problèmes au sein même des familles pour l'accès aux documents justificatifs.
Je retirerai dans un instant cet amendement d'appel qui vise à soulager l'ONACVG – je pense à la fois à son travail et à son engagement. Je tiens à souligner ici que M. Tayeb Guellati, membre éminent de la communauté harkie varoise, m'a envoyé cet après-midi même un très beau courrier pour se féliciter de l'engagement des fonctionnaires de l'ONACVG et des professionnels qui s'occupent de l'accompagnement social des harkis et remercier ces acteurs. C'est suffisamment important pour être souligné.
Nous avons eu cette discussion, avec la directrice de l'ONACVG que j'ai auditionnée, sur la complexité des dossiers, notamment ceux mis en avant grâce au fonds de solidarité. Nous avons évoqué la possibilité d'une solution simple : dès lors que la personne a déjà eu recours au fonds de solidarité, il suffirait de lui envoyer un courrier avec un formulaire à remplir et à signer, en s'assurant qu'elle habite toujours au même endroit et détient le même compte bancaire.
Je précise que certains ayants droit ont des difficultés pour se procurer des documents, par exemple si les familles ne se voient plus, comme cela arrive partout. Dès lors que l'ONACVG détient ces documents, elle pourrait évidemment honorer rapidement les prestations, qu'il s'agisse du fonds de solidarité ou de la réparation. Votre amendement est donc satisfait.
J'ai le même sentiment. Permettez-moi de remercier l'ONACVG pour les actions qu'il réalise. La modernisation de leurs dossiers en fait partie. Elle entre bien sûr dans les objectifs du Gouvernement – je pense au dispositif Dites-le nous une fois.
Il est évident que les dossiers des harkis et de leurs familles qui ont reçu des aides et de ceux qui reçoivent l'allocation de reconnaissance sont connus. Il suffira d'une demande assez simple, et leur traitement sera automatique. Pour tous les autres dossiers, l'ONACVG s'est engagé à faire un travail de recherche qui aurait pénalisé les familles si elles avaient dû l'effectuer et procéder à des demandes d'archives. Cela nécessitera le recrutement de personnels au sein de l'Office.
Je le répète, l'amendement est satisfait. Nous ferons tout pour que les choses soient le plus simple possible.
Au vu des réponses tout à fait pragmatiques qui viennent d'être apportées, de la dentelle et de la personnalisation d'une aide demandée sur l'ensemble des bancs de l'hémicycle, je retire mon amendement.
L'amendement n° 118 est retiré.
Il vise à élargir la mission de recueil et de transmission de la mémoire confiée à la commission nationale de reconnaissance et de réparation à l'ensemble des harkis et de leurs familles rapatriés, afin qu'elle ne se limite pas à ceux ayant séjourné dans les camps et hameaux de forestage. La commission doit en effet pouvoir entendre l'ensemble de celles et ceux qui, séjournant en milieu ouvert ou en milieu fermé, ont à transmettre leur témoignage quant aux conditions de leur rapatriement et de leur arrivée sur le territoire français et leurs conditions de vie par la suite. En l'état, le texte ne le permet pas, bien que je n'aie aucun doute sur la volonté du Gouvernement d'élargir ce recueil de mémoire.
Je suis très favorable à cet amendement.
L'amendement n° 2 est adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 38 .
Nous sommes tous d'accord, je crois, sur le fait que la commission nationale de reconnaissance et de réparation a le rôle central, qu'elle analyse les dossiers et prend les décisions et que, de son côté, l'ONACVG intervient, d'une part, au niveau technique pour le montage des dossiers et, d'autre part, sans aucun doute pour la mise en œuvre des décisions. Or l'alinéa 4 précise que la commission est chargée notamment « d'apporter son appui à l'Office dans la mise en œuvre des missions […]. » Je trouve que cette formulation ne correspond pas au rôle respectif de l'Office et de la commission. D'où cet amendement qui propose de remplacer les mots : « d'apporter son appui à », par les mots : « de prendre en compte l'appui de ». Ce renversement des responsabilités correspond mieux à ce que l'on recherche et aux missions accomplies par les uns et les autres.
En l'espèce, il s'agit bien de permettre à la commission nationale de reconnaissance et de réparation d'apporter son appui à l'Office, notamment pour ce qui concerne sa mission d'accompagnement des rapatriés prévue à l'article L. 611-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. D'ailleurs l'amendement que je défendrai dans un instant va dans ce sens, en permettant à la commission de signaler à l'Office toute situation individuelle nécessitant selon elle une prise en charge sociale spécifique. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Même avis.
Je le retire mais j'aurai un autre amendement qui ira dans le bon sens.
L'amendement n° 38 est retiré.
Dans le cadre de son activité, la commission sera susceptible de statuer sur des cas ou d'entendre des personnes dont la situation particulière réclame un traitement spécifique. À titre exceptionnel, la commission pourrait connaître d'un dossier qui n'est certes pas éligible en tant que tel au dispositif d'indemnisation créé par le projet de loi, tout en considérant que la situation particulière de la personne en cause nécessite un accompagnement spécifique des pouvoirs publics, notamment de l'ONACVG.
Dans cette perspective, il paraît souhaitable que la commission puisse signaler toute situation individuelle particulière, afin d'assurer une prise en charge adaptée sur le plan social, voire financier, par les services de l'Office. En effet, si l'histoire n'est pas toujours une science exacte, les sentiments le sont encore moins. En faisant preuve, ici encore, de souplesse, il s'agit de permettre un geste envers les anciens combattants.
Très favorable.
L'amendement n° 25 est adopté.
Comme je le disais en introduction, il tend à permettre de proposer une évolution de la liste des catégories de potentiels bénéficiaires des réparations prévues par le projet de loi, en y incluant les conjoints, ex-conjoints et enfants des personnes éligibles. Ce n'est pas la loi qui opérerait cette modification, mais elle en ouvrirait la possibilité.
Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai également l'avis de la commission sur l'amendement n° 28 .
Je comprends, monsieur Aubert, l'objectif de ce dernier amendement, et salue d'ailleurs la finesse de votre proposition. Si je puis le dire ainsi, cette dernière me rappelle l'amendement que j'avais moi-même déposé lors de l'examen du texte en commission et qui tendait à permettre à la commission de réparation de proposer une évolution de la liste des structures arrêtée par le décret mentionné à l'article 2. Je suis cependant défavorable à cet amendement car, si la date est fixée par la loi, la liste des structures est, quant à elle, fixée par décret, et donc plus aisément modifiable.
J'ajoute que plusieurs amendements qui seront examinés ultérieurement prévoient la présence de parlementaires au sein de la commission nationale de reconnaissance et de réparation, à laquelle il appartiendra, si elle le juge pertinent au vu de ses travaux, de proposer de faire évoluer cette date par la voie législative. Avis défavorable, donc, sur les deux amendements.
Avis également défavorable. Comme l'a rappelé Mme la rapporteure, la commission de la défense a opportunément adopté un amendement permettant à cette commission nationale de proposer des évolutions de la liste des lieux visés au premier alinéa de l'article 2. En revanche, la détermination des personnes éligibles à la réparation relève du domaine de la loi. Des recommandations particulières de la commission nationale à ce sujet n'auraient donc pas d'effet immédiat.
Je souligne toutefois que l'objet de la réparation prévue par la loi est clair et précis : il s'agit d'indemniser les personnes de statut civil de droit local rapatriées d'Algérie et les membres de leur famille ayant séjourné dans certaines structures de transit et d'hébergement, en raison du préjudice tout à fait particulier qu'elles y ont subi et de l'indignité de leurs conditions de vie. Ce mécanisme de réparation ne se prête donc à aucune évolution en faveur de personnes n'ayant pas séjourné dans de telles structures. C'est là une question dont nous avons longuement discuté.
Au demeurant, dans le silence de la loi, la future commission sera libre, dans l'exercice de ses missions, d'émettre toute autre recommandation qu'elle jugera utile tendant à l'évolution du dispositif. De telles propositions pourraient notamment être faites à l'occasion de la parution de son rapport annuel d'activité. Députés et sénateurs faisant partie de cette commission, je ne doute pas que les questions abordées seront suivies avec attention.
L'amendement n° 73 n'est pas adopté.
L'amendement n° 28 de M. Julien Aubert est défendu.
Mme la rapporteure a donné un avis défavorable en s'exprimant sur l'amendement précédent.
L'amendement n° 28 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Faisant écho au point soulevé tout à l'heure par le président Chassaigne dans la défense de son précédent amendement, il souligne la nécessité de veiller à ce que la répartition des compétences entre la nouvelle commission nationale et les services administratifs de l'ONACVG soit définie de façon très précise afin d'éviter les chevauchements et les doublons administratifs, de telle sorte que chacun puisse voir qui fait quoi et de quelle manière. Il faut donc prévoir clairement le rôle décisionnel et le pilotage de la commission nationale dans le cadre de la procédure de demande de réparation.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 39 .
L'alinéa 8 sera bouleversé par l'amendement que nous avons déjà voté pour préciser la composition de la commission. Demeure cependant la question du fonctionnement de cette dernière. Complétant le texte du projet de loi, qui prévoit qu'un décret « précise la composition et le fonctionnement de la commission, les modalités de présentation et d'instruction des demandes de réparation ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes concernées peuvent être entendues », l'amendement tend à ajouter que ce décret précisera aussi les attributions de la commission « et celles de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, en actant clairement le rôle de pilotage et de décision de la commission ». En effet, la rédaction actuelle de l'article laisse persister du flou. Or, nous sommes plusieurs à être convaincus que c'est à la commission que revient le premier rôle et que l'ONACVG doit intervenir en appui de cette dernière. Cette précision faisait également l'objet de mon amendement précédent. L'adoption de celui-ci permettrait de bien préciser les choses.
La répartition des rôles entre l'ONACVG et la commission sera très claire : le premier reçoit les dossiers et les instruit, tandis que la seconde statue sur la demande de réparation. Elle le fera de manière indépendante, sans qu'aucune instruction de la part des organismes dirigeants de l'ONACVG puisse lui être adressée. La rédaction des décrets d'application évitera naturellement d'éventuels doublons. J'émets, pour ma part, un avis de sagesse.
L'amendement n° 56 est retiré.
Les débats conduisent parfois à revenir sur des avis défavorables émis sur certains amendements. C'est précisément ce que nous permet la qualité des débats que nous avons cet après-midi.
L'amendement n° 39 est adopté.
Sur les articles 4, 5, 6 et 7, je suis saisie par le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je mets aux voix l'article 3, tel qu'il a été amendé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 42
Contre 0
L'article 3, amendé, est adopté.
Comme le précédent, cet article doit être pour nous l'occasion de rendre hommage aux personnels du réseau départemental de l'ONACVG. Nous avons la chance de disposer, dans nos départements, des compétences de ces fonctionnaires engagés au quotidien pour l'accompagnement social de l'ensemble des anciens combattants et de leurs descendants. Ils représentent, par leur action, toute l'attention pour autrui propre à l'État-providence, qui s'exprime aussi dans les milieux de la défense.
Conformément à l'engagement pris par le Président de la République le 20 septembre dernier, cet article 4 permet de compléter les missions d'instruction des demandes de réparation des descendants de harkis jusqu'au second degré assurées par l'ONACVG. Une attention particulière sera accordée à ce public dans les services départementaux de l'ONACVG. Faire entrer ce principe dans la loi est un symbole fort de notre engagement à leur égard, d'autant plus que cette réparation sera tangible et chiffrée pour les familles concernées.
Enfin, cet article permet également de faciliter les démarches administratives de droit commun pour les enfants et petits-enfants de harkis. C'est important car pour eux, depuis l'arrivée en France de leurs aïeux et à plus d'un titre, l'ascenseur social, sans être en panne ou arrêté, est fortement ralenti par la stigmatisation qu'ils ont subie et qu'ils continuent trop souvent de subir.
Je ne doute pas qu'en contrepartie, ces nouvelles missions seront très bien accueillies. Ce dispositif tant attendu répare, avec des moyens dédiés, l'histoire des harkis dans son ensemble.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Olivier Damaisin, pour soutenir l'amendement n° 110 .
Les associations nombreuses et diverses que j'ai rencontrées et auditionnées m'ont souvent rapporté que le dispositif d'emplois réservés n'avait pas toujours rencontré la réussite que l'on pouvait espérer. Les collectivités n'utilisent que très peu ce dispositif, qui facilite pourtant l'insertion professionnelle et sociale des descendants de personnes rapatriées d'Algérie. Les associations demandent un élargissement des emplois réservés aux catégories A.
Favorable.
Je profite de la présentation de cet amendement et des propos qu'a tenus Mme Roques-Etienne pour souligner combien nous pouvons nous appuyer sur le réseau départementalisé de l'ONACVG. En tant que rapporteur du budget des anciens combattants depuis le début de ce mandat grâce à votre confiance, mes chers collègues, je peux dire que, si nous avons un réseau de cette qualité, c'est grâce à ses personnels, sous l'impulsion de sa directrice, mais que s'il reste départementalisé, c'est bien grâce à l'implication de Mme la ministre déléguée, Mme Geneviève Darrieussecq, présente aujourd'hui au banc des ministres. Cette situation était en effet menacée et c'est là l'un des engagements de début de mandat que nous avons tenus.
L'amendement n° 110 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 44
Contre 0
L'article 4, amendé, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 44
Contre 0
L'article 5 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 44
Contre 0
L'article 6 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 44
Contre 0
L'article 7 est adopté.
Cet amendement concerne une question délicate : la prise en compte des injures ou invectives, allégations ou imputations portant atteinte à l'honneur d'une personne en raison de sa qualité de harki, enjeu ô combien important aux yeux des harkis et des gens qui respectent l'histoire et la mémoire. Nous proposons de compléter la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, pour rendre effectives des sanctions contre ces délits.
La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, pour soutenir l'amendement n° 78 .
Il s'agit avant tout un amendement d'appel. Force est de reconnaître, en effet, que sa rédaction a été compliquée et je tiens ici à rendre hommage aux membres de mon équipe qui ont dû bien des fois se creuser les méninges pour arriver à une solution répondant à la demande formulée par les associations de harkis.
La loi de 2005 ne permet pas de sanctionner les injures proférées à l'encontre de personnes en tant que harkis et les coupables de tels agissements et de propos diffamatoires sont bien souvent relaxés. Par cet amendement, nous voulons faire en sorte que ce délit donne lieu à des sanctions aggravées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Hier, un jeune, petit-fils de harki, me disait : « Vous vous rendez compte de la situation terrible dans laquelle nous sommes : d'un côté, nous avons l'impression de ne pas avoir été totalement acceptés par la France, et l'on nous lance " harki "comme une insulte ; de l'autre, nous subissons le ressentiment d'une partie de la population d'origine algérienne qui n'a pas combattu du côté de l'État français pendant la guerre d'Algérie, et l'on nous lance aussi "harki" comme une insulte. »
C'est la raison pour laquelle il importe de donner des crocs, dirai-je, à cette loi de 2005 puisqu'elle ne prévoit pas de sanctions pénales. La loi du 7 mars 2012, s'appuyant sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, a tenté d'y remédier. Toutefois, elle n'a pas permis d'assortir toutes les injures concernées de conséquences pénales car seules les injures collectives visant certains corps sont prises en compte alors que très souvent, les insultes à l'encontre des harkis sont adressées de manière individuelle.
Pour que ce type d'injure soit puni, il faut instaurer des sanctions. Nous avons choisi de remonter le temps jusqu'à la loi de 2005 en la complétant par une amende de 12 000 euros sanctionnant le fait d'utiliser le terme « harki » pour insulter quelqu'un et par une autre amende, de 45 000 euros, punissant l'apologie des crimes contre les harkis.
J'ai été confronté au même problème que mes collègues : comment donner une effectivité juridique à la loi de 2005 ? Plusieurs solutions sont proposées. L'important est d'en retenir une afin que tous ceux qui s'amusent à utiliser ce terme glorieux de « harki » pour insulter les gens soient sanctionnés avec la dureté que leur mépris appelle.
La parole est à Mme Monica Michel-Brassart, pour soutenir l'amendement n° 122 .
Les harkis, leurs conjoints, leurs enfants, au-delà des conditions indignes qu'ils ont eu à subir dans les structures qui les ont accueillis, ont souffert de discriminations mais aussi d'attaques et d'injures gratuites et odieuses parce qu'ils étaient harkis. La loi du 23 février 2005 interdit sans sanctionner, ce qui limite sa portée et empêche les juridictions de s'y rapporter pour prononcer des peines. Cela a été d'ailleurs relevé par la Cour de cassation dans son arrêt du 31 mars 2009.
Ce à quoi nous sommes confrontés, c'est un problème concret. Il s'agit de ce que subissent dans leur vie quotidienne les harkis en butte à l'intolérance, au racisme, à la haine ou à l'ignorance de certains. Les modifications que nous proposons correspondent à une demande instamment formulée par les harkis dans nos territoires, en particulier dans le mien, à Mas-Thibert.
Ce problème, le rapport Ceaux a voulu le traiter dans sa proposition n° 12 que notre amendement reprend. Il ne s'agit pas d'instaurer une interdiction, car c'est déjà chose faite, mais d'assortir cette dernière de sanctions pénales, absentes de la loi de 2005. Afin d'améliorer l'image publique des harkis et de lutter contre les stéréotypes ou les discriminations dont ils sont l'objet, nous proposons de compléter l'article 5 de la loi 2005 par une amende de 12 000 euros destinée à punir la diffamation ou l'injure à leur encontre.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Il est exact que la Cour de cassation, dans un arrêt du 31 mars 2009, a jugé que l'article 5 de la loi de 2005, instituant un régime spécifique pour les injures et diffamations visant les harkis, était dénué de portée juridique puisque l'interdiction qu'il instaure n'est pas assortie de sanctions.
Cependant, le législateur a déjà comblé ce vide juridique en adoptant la loi du 7 mars 2012 relative aux formations supplétives des forces armées, loi issue d'une proposition de loi, soulignons-le. Ce texte assimile l'injure et la diffamation à l'encontre des forces supplétives à celles visant les forces armées, pour lesquelles l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit des sanctions. Elle permet également aux associations défendant les intérêts moraux et l'honneur des harkis et justifiant d'une ancienneté d'au moins cinq ans de se constituer partie civile.
En application de cette loi de 2012, les diffamations et injures commises envers les formations supplétives incluant les harkis sont ainsi réputées constituer des diffamations ou injures envers les forces armées. Elles sont sanctionnées respectivement de 45 000 et de 12 000 euros en vertu des articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881.
Le régime existant est donc protecteur pour les harkis puisqu'il assortit ces délits de véritables sanctions.
Il convient de relever que ce régime d'assimilation aux forces armées est directement inspiré du régime qui avait été retenu pour les diffamations et injures commises à l'encontre des résistants dans le cadre de la loi 5 janvier 1951. Placer les harkis au même niveau de protection juridique que les résistants est un symbole fort de la part du législateur.
Quant aux diffamations et injures adressées à titre individuel, elles relèvent du droit commun. Instituer un régime spécifique aux harkis visés individuellement pourrait être jugé contraire au principe d'égalité par le juge constitutionnel et ouvrirait en outre la voie à des revendications similaires émanant d'autres communautés, susceptibles de réclamer un traitement identique. C'est d'ailleurs en raison de ces risques que le législateur n'a pas retenu une telle option en 2012.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Je remercie Mme la rapporteure pour son analyse très complète des diverses dispositions législatives existantes.
Je ne peux pas non plus donner un avis favorable, tout simplement parce que le présent projet de loi s'inscrit dans une démarche de reconnaissance et de réparation et n'a pas vocation à comprendre de dispositions pénales.
Néanmoins, je comprends bien sûr la motivation de tous les auteurs de ces différents amendements et je partage leurs préoccupations. Je sais que le terme de « harki » est parfois utilisé encore aujourd'hui pour humilier ou insulter, ce qui est scandaleux et hautement condamnable. Qui insulte un harki, insulte la France. Honte à ceux qui profèrent de tels propos.
La loi condamne les insultes visant les harkis en tant que groupe, en tant qu'anciens membres des forces supplétives, mais lorsqu'elles sont adressées à titre individuel, c'est le régime de droit commun qui prévaut. Et chacun peut ester en justice s'il se considère injurié voire diffamé.
Selon Mme le rapporteur, la loi de 2012 a réglé en partie le problème. Or, le rapport Ceaux intitulé « Aux harkis, la France reconnaissante » qui vous a été remis, madame le ministre délégué, indique que cette même loi n'est que partiellement applicable. C'est la raison pour laquelle dans sa proposition n° 12, que j'ai reprise dans mon amendement, il prévoit de compléter l'article 5 de la loi de 2005 par une sanction de 12 000 euros d'amende.
Vous semblez suggérer, madame le ministre, qu'il n'est pas dans la logique d'une loi de réparation d'instituer des dispositions pénales. Pour ma part, j'estime qu'on ne peut pas affirmer vouloir réparer un préjudice et, dans le même temps, considérer comme une réalité extérieure le fait que des gens utilisent le mot « harki » comme une insulte. Pourquoi fermer les yeux en disant que c'est le régime de droit commun qui s'impose quand il s'agit d'insultes individuelles ? Traiter une personne de « harki » n'est pas à mettre sur le même plan que d'autres types d'insultes.
Les choses sont très compliquées. Harki n'est pas une insulte mais un titre de gloire. Imaginez donc l'inconfort de la victime lorsque, devant le tribunal, elle doit désigner l'objet de sa plainte.
Si nous devons avancer, c'est bien maintenant ! Appliquons le rapport Ceaux : cela permettra de faire condamner ceux qui insultent les descendants des harkis. Ces dispositions seraient en pleine cohérence avec l'ensemble du projet de loi.
Je vais retirer mon amendement en formant le vœu que dans le langage commun, le mot « harki » soit synonyme de courage, d'engagement et d'honneur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement n° 117 est retiré.
Madame la rapporteure, madame la ministre déléguée, je vous remercie pour vos explications. J'entends votre volonté de ne pas créer un précédent avec des dispositions liées à une identité particulière mais le projet de loi vise néanmoins à reconnaître des préjudices. J'avoue donc à cet instant être assez mal à l'aise et je vais maintenir mon amendement en laissant le soin à mes collègues de trancher en toute sagesse.
J'ai l'espoir que les sénateurs trouveront une solution qui donne satisfaction aux associations de harkis qui n'ont pas manqué de nous faire connaître leur souhait de voir ces insultes spécifiques sanctionnées. Peut-être, madame la ministre déléguée, faut-il aussi faire un travail de communication. Vos services pourraient se tourner vers ces associations pour leur faire comprendre ou connaître tous les recours qui s'offrent à elles face aux insultes, qu'elles soient collectives ou individuelles.
Je ne vais pas revenir sur les arguments que je viens de vous donner mais l'heure est grave, chers collègues. Il faut être raisonnables et peser les conséquences de l'adoption de ces amendements. Si le terme de « harki » est considéré comme une injure, comment appellera-t-on désormais les harkis ? En tout cas, moi, je me félicite de pouvoir les appeler « harkis », car beaucoup d'entre eux ont réussi, beaucoup d'entre eux travaillent, beaucoup d'entre eux sont fiers. Vraiment, il faut rester raisonnable !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Sur ce sujet sensible, les explications fournies par Mme la ministre déléguée et Mme la rapporteure ont été très claires et le groupe LaREM votera contre ces amendements.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement n° 42 .
La réparation devrait permettre d'assurer le traitement rapide des demandes. Cependant, les harkis et leurs descendants, meurtris par la trahison de la France, restent prudents ; ils attendent des actes, non des promesses. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les résultats de l'application de la mesure de réparation. Il permettra d'établir si les réparations financières sont à la hauteur, si elles sont versées dans des délais raisonnables et si elles n'entraînent pas des risques excessifs de contentieux.
C'est précisément le rôle du Parlement que de contrôler l'application de la loi. À l'article 3, nous avons adopté une disposition en vertu de laquelle la commission nationale remettra chaque année un rapport, qui me semble satisfaire votre amendement, dont je demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 42 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Olivier Damaisin, pour soutenir l'amendement n° 108 .
Le groupe de travail sur les harkis présidé par le préfet Ceaux, dont je faisais partie, a constaté qu'une forte demande s'exprimait en matière scolaire. Pour faire suite aux propositions n° 32 et 33 de son rapport, l'amendement vise à ce qu'un rapport soit remis au Parlement afin d'évaluer l'enseignement dispensé au collège sur la guerre d'Algérie et la transmission de la mémoire de l'engagement des harkis et des personnels des diverses formations supplétives et assimilées au service de la nation.
La nation doit faire davantage de place dans les programmes scolaires à l'étude de la guerre d'Algérie et de l'histoire des harkis ayant combattu pour la France. Le rapport demandé fera aussi le point sur l'application de l'article 4 de la loi de 2005.
Votre amendement soulève la question importante de la transmission aux jeunes générations, que nous avons déjà évoquée. L'État fixe les programmes scolaires mais les éditeurs de manuels sont libres. La loi de 2005 donne toute sa place à l'histoire de la guerre d'Algérie, en particulier l'histoire des harkis, dans les programmes de recherche universitaire. Cela permet d'enrichir les programmes scolaires. Cette histoire est enseignée en option dès la troisième, puis en terminale – la « crise algérienne de la République française » – ainsi qu'en terminale avec spécialité histoire – « les mémoires de la guerre d'Algérie ». En outre, un programme de l'ONACVG forme les enseignants – soit 4 500 d'entre eux jusqu'à aujourd'hui – sur la base d'une mallette pédagogique solide et a déjà permis à plus de 10 000 élèves de bénéficier des fameux témoignages à quatre voix. Ce programme montera en puissance dans chaque département grâce à la proactivité de l'Office.
Les pouvoirs publics ont donc mis en place un cadre d'enseignement et de transmission de la mémoire qui rend justice à l'engagement des harkis au service du pays. Bien sûr, il faut poursuivre et même décupler nos efforts, mais je vous demande de retirer l'amendement car nous partageons cette volonté qui se concrétise au quotidien. S'agissant de la guerre d'Algérie, je travaille notamment avec le ministre de l'éducation nationale pour renforcer l'enseignement relatif à ce conflit.
Merci pour ces explications claires et précises. Je me suis entretenu plusieurs fois avec le ministre de l'éducation nationale sur ce sujet ; j'espère que nous serons entendus, et je vous fais confiance, madame la ministre déléguée, pour le lui rappeler, car tous les députés comptent sur lui pour améliorer la situation.
L'amendement n° 108 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 14 , qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Il vise à ajouter « indignes » après le mot « conditions » dans le titre du texte. L'accueil des harkis était un devoir pour la France, afin d'exprimer notre reconnaissance et notre respect pour le sacrifice qu'ils ont consenti pour notre pays. Pourtant, au lieu de les recevoir avec dignité, c'est tout l'inverse qui s'est produit : 21 000 harkis et leurs familles ont été accueillis dans des camps en 1962, 15 000 en 1963, 5 000 en 1964 et 1965, soit 41 000 en tout. Mis au ban de notre société, parqués selon leur utilité, leur sexe et leur condition, délaissés, ils furent laissés-pour-compte alors qu'ils étaient sur notre sol parce qu'ils avaient choisi la France plutôt que leur pays naissant. Inscrire dès le titre du texte que les conditions d'accueil des harkis sur notre territoire ont été indignes n'est donc en rien superfétatoire.
Autre chose : tous ceux qui, toute la journée, ont manifesté devant l'Assemblée nationale, sous un drapeau tricolore, ont tressailli à chaque fois qu'ils ont entendu prononcer le mot « supplétifs » dans l'hémicycle. Ce terme est peut-être exact sur le plan technique mais, moralement, il est si dévalorisant et humiliant qu'il en est insupportable. Quelle déception pour tous ceux qui attendaient que la notion de citoyen français soit inscrite noir sur blanc dans ce texte, ce qui n'est hélas pas le cas !
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le sous-amendement n° 145 .
C'est un sous-amendement de précision. Le titre du projet de loi commence ainsi : « Reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis… » Je propose d'ajouter qu'il s'agit des harkis passés dans des camps de transit et des hameaux de forestage, pour en exclure les harkis qui n'y sont pas passés. Il ne faudrait pas laisser croire qu'une fois le projet de loi adopté, tous les harkis seront indemnisés. Vous l'avez reconnu vous-mêmes : sur 90 000 harkis, 50 000 seraient concernés, avec leurs descendants.
Je comprends vos intentions à tous deux mais elles posent un problème : si nous modifions le titre, il ne serait plus cohérent avec les articles 5, 6 et 7, qui le reprennent et que nous avons adoptés. Je dois donc émettre un avis défavorable.
« Reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français » : ce titre me paraît reprendre de manière très explicite tout ce dont nous venons de discuter. Je ne suis pas favorable à un enrichissement supplémentaire de ce titre ; il est déjà long, même s'il a du sens. De surcroît, la commission nationale dont nous avons beaucoup débattu fera œuvre mémorielle pour tous les harkis. Il ne faut donc pas donner au texte un sens restrictif, mais large. Son titre étant approprié, je suis défavorable à l'amendement et au sous-amendement.
Le sous-amendement n° 145 n'est pas adopté.
L'amendement n° 14 n'est pas adopté.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisie par les groupes La République en marche et Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Dunoyer. Conformément au règlement chaque explication de vote peut durer au maximum cinq minutes.
Au terme du débat, je tiens à souligner l'importance de ce texte, qui est celui de la reconnaissance que nous devons aux harkis pour leur dévouement, leur courage, leur sacrifice. Soixante ans après, la nation reconnaît l'indignité du traitement qui leur fut réservé, ainsi qu'à leurs familles et à leurs descendants.
Les plaies persistent, comme on l'a entendu au cours de la journée, parfois vivement ; je tiens néanmoins à vous remercier tous pour la hauteur, la profondeur et la dignité de nos débats sur un sujet essentiel et symbolique. L'instauration par la loi d'une journée nationale en hommage aux harkis, mais aussi à ceux qui leur ont porté secours et soutien, honore notre assemblée.
Il reste du travail. Le groupe UDI et indépendants aurait souhaité que soit reconnue la décision indigne que la France prit de ne pas rapatrier certains harkis, les laissant sur place. Nous aurions également souhaité que soit mentionnée dans le texte la souffrance qu'ont subie ceux qui ont dû regagner par leurs propres moyens le territoire national.
Toutefois, comme cela a été clairement expliqué, ce texte cible l'indemnisation accordée par la France pour le traitement qu'elle a réservé à ceux qui sont passés par les camps de transit et les hameaux de forestage. Le groupe UDI-I votera bien entendu pour le texte, en souhaitant que le geste que nous adressons aujourd'hui aux harkis, à leurs familles et à leurs descendants soit entendu, et que le travail se poursuive, car il reste des points que nous n'avons pas pu, pas su ou pas voulu traiter aujourd'hui. C'est bien le moins que nous devions à ces personnes et à leurs familles !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce texte a d'abord une dimension historique : il traduit la volonté exprimée par le président Macron, dans la continuité de Jacques Chirac et de François Hollande, de rendre leur dignité à ceux que l'on appelle les harkis, à leur famille, à leurs enfants. Ses premiers articles officialisent la reconnaissance de leur abandon par l'État.
Mais il a aussi une dimension de réparation dont nous avons beaucoup discuté. Il vaut certes mieux retenir la moitié pleine du verre mais il n'empêche que nos échanges ont montré son caractère trop restrictif. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du tri opéré par ce texte puisque tous ne percevront pas une réparation. Par notre abstention, nous reconnaissons que ce texte marque une avancée, mais que celle-ci méritera d'être complétée à l'avenir. Je l'ai dit à la tribune, les frères de souffrance doivent être frères de réparation. Il est très difficile d'accepter, même si les situations ne sont pas toutes comparables, que parmi ces 90 000 personnes, certaines ne mériteraient pas de réparations contrairement à celles qui ont vécu l'intensité de la souffrance des camps de transit. Avec soixante ans de recul, tout cela est assez peu compréhensible. Il est des moments où il faut savoir être grand, être généreux et ne pas compter : le « quoi qu'il en coûte » doit s'imposer aussi en matière mémorielle.
Quoi qu'il en soit, cette journée est importante et j'espère que celles et ceux qui nous ont écoutés y ont vu une forme de réparation, un geste digne malgré la différence de nos approches de ce conflit douloureux et la volonté de considérer que cette guerre, qui était une guerre d'indépendance nationale et une guerre sociale, était aussi une guerre civile. Des gens qui avaient vécu ensemble se sont affrontés et cela complique grandement la tâche qui est la nôtre, car dans une telle guerre, même quand les soldats déposent les armes, il reste des souffrances, des blessures qui mettent du temps à se refermer.
Sans négliger cette avancée, nous regrettons qu'à ce stade la moitié des personnes concernées n'obtiendront pas réparation. C'est la raison de notre abstention.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Comme je l'avais annoncé en commission, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera en faveur de ce projet de loi. Certes les débats nous ont permis de prendre conscience qu'il était encore insuffisant, notamment parce qu'il faut démontrer que l'on relève de la « présomption de préjudice » dont parlait Mme la ministre déléguée, et qu'il opère une forme de segmentation. Il est incontestable cependant qu'il constitue une avancée, non seulement en termes de reconnaissance, mais aussi de réparation des dommages matériels mais également moraux subis par des personnes qui ont dû abandonner leur terre natale.
J'ai suffisamment d'expérience cependant, étant un des plus anciens ici, pour savoir qu'un texte peut évoluer et j'espère que dans les années à venir, la situation de ceux qui aujourd'hui considèrent qu'ils sont laissés au bord du chemin pourra être prise en compte dans le cadre d'un travail collectif, en particulier grâce à des propositions de loi. Les précédents ne manquent pas, qui montrent que les avancées se gagnent petit à petit. On l'a vu pour les retraites agricoles : il a fallu dix, quinze ans pour faire avancer ce sujet. Je souhaite aussi que la navette permette déjà quelques améliorations.
En ce qui me concerne, c'est sans hésiter qu'au nom de mon groupe, je voterai en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et UDI-I.
Ce ne sera une surprise pour personne, le groupe La République en marche votera fièrement en faveur de cette grande avancée sur un sujet très complexe – j'observe à ce propos qu'aucun groupe n'a déposé une proposition de loi sur ce sujet au cours de ce mandat. Seule notre majorité a eu le courage de le prendre à bras-le-corps. Certains diront que ce n'est pas parfait mais je reçois déjà des messages de veuves de harkis qui jusqu'à présent ne touchaient rien de ce à quoi elles avaient droit faute d'informations suffisantes. Ne serait-ce que pour cette raison, je suis fier de ce que nous allons voter aujourd'hui : ce n'est pas rien pour elles qui parfois ne perçoivent aucune pension ou qui touchent une toute petite retraite qui pourrait doubler.
On peut toujours faire mieux, bien sûr, mais c'est déjà beaucoup sur un sujet qui n'avait jamais été traité. Comment se fait-il qu'il ait fallu attendre soixante ans pour traiter ce sujet ? Beaucoup parmi ceux qui en débattent depuis ce matin n'étaient pas nés au moment de la guerre d'Algérie. Nous pouvons tous être fiers de remédier à ce grave manquement de toutes les majorités précédentes.
C'est un jour historique et je rejoindrai les propos d'André Chassaigne, notre sage : la navette sera peut-être l'occasion d'améliorer encore ces dispositions. Reste que nous avons très bien travaillé et je remercie tous les groupes qui jouent collectif sur ce coup. En tant qu'amateur de rugby, j'aime bien voir un pack aussi groupé ! Surtout il faudra bien expliquer à nos amis harkis tout ce que nous aurons voté et tout ce qu'on pourra faire encore à l'avenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
À ce moment, j'ai une pensée émue pour le bachagha Saïd Boualam, qui a été vice-président de l'Assemblée nationale il y a exactement soixante et auquel j'ai l'honneur d'être apparenté par alliance.
Ç'aurait pu effectivement être un jour historique et nos débats ont permis des avancées incontestables, notamment sur la commission nationale de reconnaissance et de réparation. Je regrette cependant que la question de la citoyenneté ait été écartée de ce débat, malgré une attente importante. Je regrette aussi que nous n'ayons pas pu traiter la question des préjudices de manière plus complète et plus précise.
Tous ces points, évidemment critiquables, n'auraient pas forcément suffi à écarter un vote positif. Ce qui est plus gênant, c'est l'idée que si la France du général de Gaulle n'avait pas décidé d'accueillir des harkis dans des camps, nous n'aurions pas eu de base pour débattre aujourd'hui d'une quelconque réparation puisque vous avez choisi de retenir la privation de liberté comme fait générateur de la réparation. Il est incontestable que la privation de la liberté est un fait particulièrement grave et qui mérite réparation, mais ce faisant, nous laissons de côté près de la moitié des harkis qui, unis par la souffrance, risquent demain d'être divisés, entre ceux qui auront droit à réparation et ceux qui bénéficieront de la solidarité nationale mais qui n'obtiendront jamais de la France cette reconnaissance de ce qu'ils ont vécu, alors qu'ils ont eux aussi été transférés dans des conditions douloureuses.
Je le regrette, parce que le véritable fait générateur n'est pas la décision de la France d'accueillir les harkis dans des camps : c'est bel et bien la décision de ne pas rapatrier certains harkis. En plaçant ainsi tous les harkis sur le même plan, vous avez souhaité éviter d'entrer dans le débat sur les massacres, et je le comprends, mais certains ont dû se débrouiller seuls, certains se sont retrouvés dans des HLM, d'autres se sont regroupés : tous n'ont pas été privés de leur liberté, mais tous ont fait l'expérience de la souffrance et il est difficile de voter pour un texte de loi qui divise alors qu'il devait unir.
Voilà pourquoi le groupe Les Républicains va s'abstenir …
C'est bien dommage ! Charles de la Verpillière avait dit que vous voteriez pour !
…en espérant que les semaines à venir permettront de creuser cette question et de vous faire comprendre et toucher du doigt qu'il ne s'agit pas simplement de voter une grande avancée symbolique mais bel et bien de clore définitivement ce dossier parce que, pour rebondir sur ce que M. Chassaigne vient de dire, nous n'avons pas dix ou quinze ans pour parler des autres harkis. Je vous avais dit notre espoir de vous retrouver au rendez-vous de l'histoire : nous y sommes mais vous n'avez fait malheureusement que la moitié du trajet. Il vous reste une navette pour arriver à son terme.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le président Jacques Chirac nous avait appris à regarder l'histoire de notre pays en face, dans ses moments de gloire autant que sa part sombre. C'est cette part sombre que nous avons abordée aujourd'hui avec l'histoire des harkis. Nous avons entendu des mots terribles, celui d'abandon, celui de camps. Ces débats nous ont fait comprendre que l'abandon ou les camps n'ont pas pu faire naître chez ceux qui en ont été victimes autre chose que de la colère, et la colère n'a pas facilité leur combat pendant toutes ces années. Comme le disait François Léotard, le chemin de la colère n'est pas celui de la justice.
En demandant pardon, et en demandant au Parlement d'inscrire cette demande de pardon et cette reconnaissance dans la loi, ce qui est l'essence même de notre mission, le Président de la République nous a ouvert la voie de la justice et de l'honneur retrouvé. Ces débats que nous avons menés de manière très sereine et très constructive nous ont permis de mettre en place des dispositifs évolutifs. La commission qui va être mise en place, sur le modèle de la Commission nationale de la carte du combattant sous l'égide de l'ONACVG, est une garantie que tous les cas seront étudiés, que tous seront écoutés et que des évolutions seront possibles.
Nous nous sommes engagés à adopter cette loi avant la fin de l'année, de manière qu'elle bénéficie des crédits que nous avons inscrits à ce titre au budget de la défense. D'autres budgets viendront. Nous avons chaque année l'occasion de débattre du budget dédié aux victimes des atrocités de la deuxième guerre mondiale et de la Shoah, dont je suis le rapporteur, soit 95 à 100 millions d'euros chaque année. Chaque année, ce sont des dizaines de milliers de dossiers qui sont examinés à ce titre. Nul doute que la commission mise en place par ce texte fonctionnera de la même manière.
Je voulais remercier chacun de nos collègues pour la qualité des débats et féliciter Mme la ministre déléguée, Mme la présidente de la commission de la défense et Mme la rapporteure pour la qualité de nos travaux. Les députés du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, qui m'ont chargé de porter leur voix aujourd'hui, sont fiers d'avoir participé à l'élaboration de ce texte et se prononcent tous en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Comme nous l'avons dit au début de l'examen de ce texte par la voix de mon collègue David Habib, nous souhaitons avant tout parler de celles et ceux qui ont tout sacrifié pour la France et qu'elle a pourtant abandonnés, eux qui étaient en droit d'attendre, pour prix de ce sacrifice, soutien et protection de la nation. Aujourd'hui, nous leur donnons par ce texte la reconnaissance que la France leur doit. Cette reconnaissance doit s'inscrire dans les lois de la République, dans notre mémoire collective, mais elle passe également par une réparation financière. En cela ce projet de loi est une bonne chose et le groupe Socialistes et apparentés, considérant que la nation doit être unanime dans cette reconnaissance, votera pour ce texte.
Les termes employés ne devaient pas être en deçà des expressions qui ont été celles de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Je tiens ici à saluer les modifications qui ont été apportées en commission sur ce point, à l'initiative de certains groupes, dont le nôtre.
Nous voulons cependant marquer notre réserve sur quelques points, et d'abord sur le périmètre trop restreint de l'article 1er . Cet article ne répond malheureusement pas à l'attente de tous les harkis : quarante mille d'entre eux ont été oubliés à ce stade et nous le déplorons. Par ailleurs, nous voulions que la réparation soit intégrale et nous avions proposé une aide forfaitaire qui prenne en compte l'ensemble des préjudices subis et pas seulement le temps passé dans les camps, soit une réparation au cas par cas qui permette la reconnaissance de chacun : vous avez là aussi refusé et nous le regrettons.
Néanmoins notre groupe votera pour ce texte qui s'inscrit dans la continuité de ce qui a été fait notamment par François Hollande, tout en vous invitant à l'améliorer grandement car, à ce stade, le compte n'y est pas et certains membres de la communauté harkie se sentent humiliés.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Je m'associe aux propos de mes collègues de la majorité et de tous ceux ici qui vont soutenir ce texte. C'est un premier pas décisif vers la reconnaissance de ces faits et du caractère intolérable des conditions d'accueil des harkis, conforme à l'engagement du Président de la République, même s'il est vrai que le texte peut encore être amélioré.
En tant que Polynésienne, je tenais absolument à participer à ce vote, car le grand pays qu'est la France doit savoir reconnaître son passif, si lourd soit-il – même si les souffrances auxquelles je pense ne sont en rien comparables à celles des harkis. Nous avons adopté ici la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Croyez-moi, le premier pas est d'autant plus essentiel que le chemin sera long. Une fois franchie cette étape décisive, les améliorations suivront. C'est ainsi que la loi de 2010 a été modifiée en 2014, en 2017, en 2018, que nous nous sommes retrouvés autour d'une table ronde avec vous, madame la ministre déléguée, ainsi qu'avec plusieurs autres membres du Gouvernement ; même le Président de la République est venu. Je souhaite les mêmes perspectives à tous ceux de nos collègues qui soutiennent la cause des harkis ; peut-être les touche-t-elle personnellement, mais elle concerne aussi toute la nation, jusqu'aux territoires les plus éloignés, car elle fait écho à notre propre histoire.
Nous ne pouvons occulter les faits : le temps est venu de cette reconnaissance qui nous engage dans une démarche de réparation. Afin de nous y associer, mes collègues du groupe Agir ensemble et moi-même voterons évidemment pour ce texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des commissions.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 47
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 46
Contre 1
Le projet de loi est adopté.
Mes chers collègues, je voudrais avant tout vous remercier pour la qualité de nos débats. Peut-être certains ne sont-ils pas entièrement satisfaits du texte ; reste que moi qui suis fille de pieds-noirs, entrée dans la vie active à 18 ans, moi qui ai gravi marche par marche ce que j'appellerai l'escalier – plutôt que l'ascenseur – social, je crois que le travail et la détermination mènent toujours à accomplir de belles choses. Cette reconnaissance, cette réparation si chères au Président de la République, nous en avons honoré la promesse par nos discussions. Madame Ménard, votre amendement n° 134 visait à souligner la qualité de ressortissants français des harkis : je comprends votre intention, mais cela relève à tel point de l'évidence qu'il n'est même pas besoin de le préciser. C'est pourquoi je n'ai pu émettre un avis favorable. Sachez que pour moi, un harki est un Français à part entière !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Le faire figurer dans le texte aurait justement laissé supposer que ce n'était pas le cas auparavant.
Par ailleurs, je salue la qualité des auditions ; je remercie la commission de la défense, Mme la présidente de la commission, Mme la ministre déléguée. En échangeant longuement, nous sommes parvenus à améliorer le texte. Chers collègues, j'ai découvert que certains d'entre nous ignoraient l'histoire des harkis et rapatriés, cette histoire qui est la mienne, qui est également celle d'autres personnes sur ces bancs : je vous invite, dans votre circonscription, à aider les associations qui les représentent. Elles peuvent manquer de main-d'œuvre pour remplir les dossiers, pour faire appel au fonds de solidarité, pour solliciter, demain, une réparation. Elles méritent votre appui, d'autant que la colère de ces populations vient parfois de ce qu'elles ne réclament rien, ne savent pas demander de l'aide. Encore une fois, je vous invite à soutenir ces associations : c'est là notre devoir d'élus ! Je souhaitais enfin vous faire part de ma fierté de connaître en partie, par mes parents, qui n'ont jamais porté de jugement sur la guerre d'Algérie, cette histoire dont je n'aurai pas le fin mot et qui fait que je n'ai pas eu la chance de me rendre dans le pays de mes aïeux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Mme Françoise Ballet-Blu se lève pour applaudir.
Je vous remercie sincèrement, toutes et tous. Nos débats ont été empreints d'une grande dignité ; en dépit de différences d'approche, nous avons réalisé une avancée historique pour les harkis et leurs familles. De ces combattants au service de la France, il reste à ce jour environ 3 800, auxquels s'ajoutent leurs ayants droit, leurs enfants, leurs familles. Depuis quatre ans et demi que j'ai l'honneur d'occuper ces fonctions, j'ai beaucoup travaillé avec eux : je dois avouer qu'auparavant, je faisais partie de ces Français qui connaissent mal leur histoire. J'ai appris du rapport du préfet Dominique Ceaux, ainsi que des associations et personnalités que j'ai rencontrées – personnalités diverses, exigeantes, particulièrement attachantes, car leur verbe quelquefois très haut exprimait une douleur et une colère jusque-là refoulées.
Par ce projet de loi, nous tenons nos engagements. Le Président de la République l'avait, je crois, promis en 2017, avant d'être élu : son adoption nous honore collectivement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur le banc des commissions.
Prochaine séance, lundi 22 novembre, à seize heures :
Nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra