Je vous entends tous, et je voudrais vraiment que nos débats soient apaisés. Je ne voudrais pas que nous en revenions à des conflits mémoriaux. Ce serait donner un très mauvais exemple, alors que nous menons, particulièrement avec l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, un travail très intéressant sur la mémoire. Il s'agit de faire entendre quatre voix dans les établissements scolaires : un rapatrié, un harki, un ancien combattant et un ancien indépendantiste témoignent en même temps. Ce sont des modes de transmission de cette mémoire essentiels, et surtout apaisés. Cela ne veut pas dire que les gens pensent la même chose, mais ils essaient d'avancer vers l'avenir avec leurs histoires respectives, pour la France. Ils veulent montrer aux jeunes générations que l'on peut avoir vécu des choses différentes, dans une même guerre, et pour autant se parler et se respecter. Adoptons la même hauteur de vues.
Monsieur Aubert, monsieur Ruffin, j'entends vos demandes. Ces critères n'entrent pas en contradiction avec le discours prononcé par le Président de la République le 20 septembre dernier comme vous le prétendiez : le projet de loi est parfaitement conforme aux propos tenus lorsque le Président a demandé pardon aux harkis.
Comme je l'ai dit, les harkis ont subi un préjudice spécifique : la privation de liberté, la mise sous tutelle administrative et tous les désordres sociaux et psychosociaux qui s'en sont suivis. Cette situation est contraire à nos principes républicains et elle est singulière.
Je ne méconnais pas qu'il y a des personnes qui sont arrivées, déracinées, dans des lieux qui n'étaient certes pas des hôtels cinq étoiles ; je me représente bien qu'elles ont rencontré des difficultés pour nouer des liens, pour vivre avec leurs enfants dans la société qui les entourait. Cependant, leurs conditions de vie n'étaient pas les mêmes que celles des personnes visées par l'article 1er : elles n'ont pas subi cette privation de liberté ni cette mise sous tutelle.
Je veux être très claire : si des lieux de privation de liberté et de mise sous tutelle n'ont pas été recensés dans la liste dont nous disposons, qui a été établie par des historiens, la commission nationale de reconnaissance et de réparation les intégrera. Nous savons en effet qu'il y a encore des zones grises, même soixante ans après les faits. La liste n'est donc pas arrêtée.
Je souhaite que nous nous en tenions à ce domaine, qui est celui que le Président de la République a voulu aborder et qui concerne, comme l'a dit Mme la rapporteure, 50 000 personnes sur les 90 000 harkis environ qui sont rentrés en France à cette époque.