Nous examinons aujourd'hui une proposition de résolution du groupe Agir ensemble visant à favoriser une coopération hospitalière transfrontalière effective. La crise sanitaire a mis le doigt sur les plaies de notre système public de santé. Elle a révélé sa paupérisation, le manque de personnels soignants et l'insuffisance de nos capacités hospitalières, notamment en matière de lits, pour prendre en charge les patients atteints du covid dans ses formes graves. Au plus fort de la crise, le Gouvernement a été contraint de solliciter l'aide de pays transfrontaliers en organisant le transfert des patients dans les hôpitaux allemands, suisses ou belges, faute de lits en nombre suffisant pour absorber les patients qui affluaient dans les services de réanimation.
Comment en sommes-nous arrivés là alors qu'à l'aube des années 2000, notre système de santé était considéré comme le meilleur du monde par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ? C'est la question qu'il conviendrait selon nous de se poser avant de réfléchir à des mesures de péréquation horizontale au niveau européen en matière hospitalière. L'épidémie n'a fait que révéler le déclassement qu'a subi notre pays en matière sanitaire. Aujourd'hui, la France se classe en onzième position dans les études internationales. Cette rétrogradation doit beaucoup aux politiques néolibérales menées ces vingt dernières années, appelant à la réduction des dépenses publiques et sociales – souvent avec la bénédiction des instances de l'Union européenne.
Nul ne peut nier que l'hôpital a été l'un des principaux terrains d'expérimentation des politiques d'austérité et de privatisation. Je pense à l'instauration de la tarification à l'activité, qui a asphyxié financièrement les établissements en les obligeant à produire toujours plus de soins pour se maintenir à flot ; je pense également à la compression des dépenses de santé, organisée chaque année depuis plus de vingt ans. Je pense aux fermetures d'hôpitaux de proximité et de maternités : vingt-cinq établissements ont été rayés de la carte en 2020 selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Je pense enfin à la mise en œuvre du virage ambulatoire, qui s'est traduite par des suppressions en cascade de lits d'hospitalisation : 27 000 lits fermés depuis 2013, 13 300 depuis 2017 et 5 700 rien que pour l'année 2020.
Le Ségur de la santé, concédé par le Gouvernement sous la pression des soignants et de leurs représentants, n'y a rien changé. Malgré les revalorisations salariales des personnels, malgré le soutien à l'investissement et malgré la reprise de la dette hospitalière, notre système public de santé apparaît encore plus fragilisé aujourd'hui qu'avant la survenue de l'épidémie. Dans son avis du 5 octobre, le Conseil scientifique fait ainsi état d'un pourcentage important – chiffré à environ 20 % – de lits fermés dans les hôpitaux, en dépit d'un recours déjà important et croissant aux heures supplémentaires et à l'intérim. Je le constate d'ailleurs dans mon département où, dans le seul hôpital d'Aulnay-sous-Bois, 100 lits de soins aigus sur 400 demeurent fermés. Trop tardif, insuffisant et incomplet, le Ségur n'a pas permis de mettre fin au malaise hospitalier qui couvait depuis de longues années.
Ces constats ne peuvent être passés sous silence au moment d'envisager un renforcement des coopérations hospitalières entre pays européens, car la solution consistant à promouvoir la solidarité entre pays membres, sans régler en amont l'affaiblissement de notre système de soins, ressemble à un pis-aller.
La politique de santé est de la compétence des États et il est de leur responsabilité de garantir un égal accès aux soins à l'ensemble de leurs citoyens, frontaliers ou non. Tel est d'ailleurs le sens de la proposition de loi que mon groupe défendra dans une semaine au sein de cet hémicycle, qui prévoit notamment la garantie pour chacun de pouvoir accéder en moins de trente minutes à un établissement de santé assurant le service public hospitalier.
Depuis le début de la législature, notre groupe défend une nouvelle ambition pour l'hôpital public via un investissement massif pour embaucher du personnel, à la hauteur des besoins, et rétablir nos capacités en termes de lits. À l'inverse, votre texte s'apparente à un appel à gérer la pénurie des capacités hospitalières après deux années d'épidémie. Ne pouvant s'inscrire dans cette démarche, notre groupe votera contre cette proposition de résolution.