Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du vendredi 26 novembre 2021 à 9h00
Favoriser l'implantation locale des parlementaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

De nombreux Français et Françaises ne se reconnaissent plus dans le fonctionnement de nos institutions. Si ce constat est largement partagé sur les bancs de notre assemblée, les solutions proposées diffèrent largement. Les députés sont les représentants du peuple. Leur mission essentielle de débattre de la loi et donc des droits de chaque individu, comme des règles de vie en société selon les valeurs de la République, se nourrit des rencontres, des événements, des débats qu'ils partagent avec les habitantes et les habitants.

En tant qu'élus, hommes et femmes politiques, nous travaillons à des propositions concrètes pour améliorer le quotidien de nos compatriotes. Les projets que nous soutenons, nous les présentons pour servir l'intérêt collectif. C'est notre disponibilité auprès de nos concitoyens et concitoyennes, au quotidien, et notre vision de la société et de son avenir qui forgent notre mandat d'élu, et non, chers collègues, le cumul des mandats !

En soi, cette proposition de loi a un caractère déraisonnable. Être maire d'une ville de moins de 10 000 habitants est une responsabilité à plein temps qui ne s'accommode guère de l'exercice d'un mandat national. Au-delà, revenir sur le non-cumul des mandats pour remédier à la crise démocratique, c'est nier de façon bien malhabile les maux plus profonds qui traversent notre démocratie.

M. le rapporteur présente ce texte en arguant qu'il a pour ambition de restaurer le lien entre les citoyens, les citoyennes et leurs représentants. C'est oublier que près de 90 % des Français étaient favorables au non-cumul des mandats. C'est oublier également que cette disposition a eu des effets positifs, tels que le renouvellement des élus. Le non-cumul a également permis aux femmes de prendre leur place au sein des exécutifs dans de nombreuses assemblées locales et d'être plus nombreuses à siéger au Parlement.

L'affaiblissement considérable du rôle du Parlement n'est pas lié au non-cumul, mais au fait que le Gouvernement est maître de l'ordre du jour, les députés ayant très peu l'initiative des lois et leurs votes pouvant être contournés par des mécanismes tels que la seconde délibération, entre autres. Cet affaiblissement contraste sans doute avec le maintien des moyens d'action des élus locaux. Pour autant, l'addition des pouvoirs ne restaurera pas la confiance perdue de nos compatriotes dans l'action parlementaire.

L'inversion du calendrier électoral constitue en revanche une mesure simple et centrale pour redonner au Parlement son autonomie par rapport à l'exécutif. Il importe de décorréler l'élection présidentielle des élections législatives, pour sortir de la spirale du fait majoritaire. Pour être effective, la mesure doit toutefois s'accompagner de la fin du pouvoir discrétionnaire de dissolution de l'Assemblée nationale dont dispose le Président de la République. Cette proposition aurait pu être défendue dans notre hémicycle et sans doute aurions-nous été nombreux à nous y associer car, oui, elle redonnerait son véritable rôle au Parlement.

Mais revoir le calendrier électoral n'est pas suffisant. Il est temps de repenser totalement nos institutions et plus précisément la place des citoyens et des citoyennes en leur sein. Ils et elles ne veulent plus être réduits à un rôle de spectateurs. Le renouvellement des élus ne doit pas représenter l'unique mode de participation à la vie publique.

Ainsi, cela fait maintenant des années qu'aucun Président de la République n'a eu recours au référendum, et pour cause : nous nous souvenons tous et toutes du traitement réservé au résultat du dernier. En 2005, une majorité de Français se sont déplacés pour dire non à la ratification du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe. La campagne fut démocratique et le résultat sans appel. Pourtant, deux ans plus tard, cette expression populaire a été tout simplement balayée par le Gouvernement nouvellement élu, provoquant une véritable fracture démocratique. Aurions-nous peur de l'expression des citoyens lorsqu'elle se différencie de l'avis de ceux qui gouvernent ? C'est ce que nos compatriotes ont alors perçu.

L'avènement d'une VIe République doit répondre à ces enjeux démocratiques, redonner du pouvoir au Parlement, casser la monarchie présidentielle, installer la proportionnelle, renforcer les collectivités territoriales, lieux par excellence de l'exercice de la citoyenneté, multiplier les lieux d'écoute et d'échange, en allant chercher des publics souvent éloignés de la chose publique. Tel est le fil conducteur du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, lorsque nous travaillons sur les sujets institutionnels et de démocratie. C'est parce que nous la pensons inefficace et inadaptée que nous voterons contre cette proposition de loi.

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