La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
En application de l'article 107 du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi et l'amendement qui s'y rapporte.
Perdre un enfant est un événement douloureux que subissent des millions de femmes, d'hommes et de familles. Si les manières d'assumer une telle perte sont singulières, depuis que cela m'est arrivé, récemment, je sais que cette vie qui s'est développée en nous et qui n'est pas parvenue à terme fait toujours partie de nous et, en quelque sorte, de notre famille, car pendant la période de deuil, nous avons besoin de se raccrocher à quelque chose. L'attachement des familles n'a pourtant pas de reconnaissance officielle, puisque cet enfant né sans vie n'est pas inscrit sur le livret de famille.
Ce document officiel remis à la naissance du premier enfant ou lors du mariage présente des extraits d'actes d'état civil des membres d'une famille. Il doit être mis à jour à l'occasion de tout événement survenu après sa délivrance, tels que le mariage des parents, une naissance, une adoption, un divorce, ou le décès d'un des membres de la famille.
Pourtant, pour nombre de nouveau-nés décédés en période périnatale et pour leurs parents, tout s'efface, comme s'il n'y avait pas eu d'enfant. La femme n'a pas accouché, elle n'est pas mère, elle sort de la maternité avec un certificat médical d'avortement tardif.
Cette proposition de loi permettra de donner un nom et un prénom à ces enfants perdus, à ces vies inachevées, car ceux-ci ne sont actuellement inscrits ni sur le registre d'état civil, ni sur le livret de famille. Les parents qui le désirent ne peuvent qu'exceptionnellement inhumer leur enfant, lui donner une tombe et effectuer les rites funéraires. Il n'existe pas de trace tangible de son existence, si courte soit-elle.
Que la grossesse prenne fin avant le troisième trimestre ou à son terme, c'est toujours la même peine pour les parents – je le sais. En plus du traumatisme du décès périnatal, s'ajoute celui de la non-reconnaissance civile et sociale de leur enfant décédé et, par là même, celui de la non-reconnaissance de leur douleur.
Monsieur le garde des sceaux, cet amendement d'appel vise à rappeler que l'acte d'enfant sans vie doit être porté sur le livret de famille, afin de reconnaître civilement et socialement l'enfant décédé. À la demande des parents, le livret de famille pourra donc être complété du nom de l'enfant né sans vie. En effet, l'inscription de l'enfant dans le livret de famille témoignera de manière symbolique de son appartenance à la famille.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Comme l'indique son exposé sommaire, l'amendement qui nous a été présenté est un amendement d'appel. Vous ne serez donc pas surprise que j'en sollicite le retrait.
Je vous remercie, madame Tiegna, car cet amendement me permet de clarifier une question évoquée en commission, celle de l'application immédiate de la loi. La proposition de loi que nous adopterons – je l'espère – à l'unanimité, permettra de nommer les enfants nés sans vie et de réconforter ainsi les familles confrontées à cette expérience douloureuse.
Elle consacre dans la loi la possibilité de donner un prénom à l'enfant sans vie et elle va plus loin que la pratique existante, en permettant de donner un nom à cet enfant, ce qui constitue une avancée importante. Je vous confirme que toutes les familles pourront en bénéficier conformément au principe d'application immédiate de la loi.
Bien sûr, cette possibilité de nommer les enfants nés sans vie s'appliquera lorsque l'accouchement interviendra après la publication de la loi, mais elle s'appliquera aussi pour tous les accouchements antérieurs. En effet, les parents pourront solliciter l'établissement d'un acte d'enfant né sans vie et la mention d'un nom de famille, ou ils pourront ajouter la mention d'un nom de famille s'ils disposent déjà d'un tel acte. Nous apportons ainsi une réponse humaine à l'ensemble des familles qui ont connu cette épreuve.
Nous devons répondre rapidement. Le retrait de cet amendement, si vous l'acceptez, permettra, par un vote conforme, l'entrée en application la plus rapide possible de cette proposition de loi.
Je terminerai en vous remerciant, monsieur le garde des sceaux. Votre présence dans cet hémicycle témoigne de l'importance que vous accordez à ce texte.
Absolument.
Je remercie tous les députés et sénateurs qui se sont investis dans l'examen de ce texte, à commencer par Anne-Catherine Loisier, auteure de cette proposition de loi, ainsi que le Gouvernement et les services de l'administration pour l'analyse juridique des dispositions de cette proposition de loi. Je remercie enfin toutes les personnes que j'ai auditionnées.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I, LaREM et Dem.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Lorsque l'humanisme épouse le bon sens, de leur union naissent souvent de bons textes. Je suis fier d'être à vos côtés aujourd'hui pour soutenir ce texte et pour rappeler à quel point l'enfant né sans vie n'est pas rien. Il appartient à la famille. Quel prénom va-t-on lui donner ? Comment décorera-t-on la chambre de cet enfant désiré ? Quel tissu choisir pour son berceau ? Puis, c'est le drame. Et l'on voudrait qu'après ce drame, il n'y ait rien ? Cet enfant doit porter un prénom, et un nom, signe indéfectible de son appartenance à la cellule familiale. Il sera évidemment dans les mémoires des parents, des frères et sœurs qui l'attendaient. Son nom doit être inscrit en toutes lettres dans le livret de famille.
Vous proposez de compléter l'article 79-1 du code civil pour y indiquer que l'acte d'enfant sans vie sera désormais porté sur le livre de famille. Je veux ici remercier la sénatrice Anne-Catherine Loisier, le président du groupe de l'Union centriste Hervé Marseille, mais aussi vous, bien sûr, madame la rapporteure, ainsi que le président du groupe UDI et indépendants Jean-Christophe Lagarde, d'avoir ce texte à l'ordre du jour de votre niche. Je veux aussi remercier très chaleureusement les parlementaires de la majorité qui ont été particulièrement sensibles à ce texte, ce qui devrait permettre dans quelques instants son adoption conforme et donc, comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, son entrée en application très prochaine.
Je remercie donc Mme Coralie Dubost, M. Gouffier-Cha, ainsi que vous, bien sûr, madame Tiegna. Par cet amendement d'appel, vous me donnez l'occasion de dire quelques mots.
Je tiens à exprimer de nouveau devant cette assemblée une pensée chaleureuse pour toutes ces familles frappées par la douleur de la perte d'un enfant. L'épreuve est immense et elle mérite toute notre attention. Comme je l'ai dit au Sénat, je suis convaincu de la nécessité d'admettre dans le code civil l'inscription d'une mémoire pour apaiser cette souffrance si longtemps déniée. Il faut donner un nom de famille aux enfants nés sans vie pour ne pas ajouter l'oubli à l'insupportable tragédie. Je rappelle qu'à côté des 740 000 naissances d'enfants vivants enregistrées en 2020, 8 747 actes d'enfant sans vie ont été dressés : 8 747 familles ont été bouleversées par ce drame.
J'entends votre volonté de garantir la bonne interprétation de la loi et l'effectivité des droits des parents à voir complétés les actes d'enfant sans vie et les livrets de famille pour y ajouter le nom choisi pour l'enfant. Je partage cette volonté, croyez-moi. Pour répondre aux interrogations qui ont pu naître sur l'application immédiate de la loi nouvelle, je dois souligner que cette possibilité de nommer l'enfant dans les actes d'enfant sans vie sera également ouverte pour les actes déjà dressés qui pourront ainsi être complétés.
Je tiens à vous rassurer, madame la députée, si tant est qu'il en soit encore besoin, en vous disant que l'inscription de l'acte d'enfant sans vie dans le livret de famille est bien prévue. Toutefois, vous savez que le régime du livret de famille est fixé par un décret du 15 mai 1974 et par un arrêté du 1er juin 2006 et non pas par le code civil.
Il sera donc prévu par décret que, à la demande des parents, le livret sera complété ou délivré. L'acte d'enfant sans vie sera donc mentionné dans le livret de famille avec la date, le lieu de l'accouchement, ainsi que l'inscription des noms et prénoms des parents, le prénom de l'enfant et, demain, grâce à cette proposition de loi très importante, son nom – je devrais dire son nom de famille.
Vous avez la garantie que ces dispositions réglementaires seront complétées pour tirer les conséquences de cette proposition de loi. Je m'engage également à ce que ces nouvelles dispositions réglementaires soient largement diffusées pour accompagner les familles frappées par ce deuil profond. Elles pourront également demander l'ajout du nom de famille sur le livret de famille déjà établi, comme je l'ai dit. Pour l'ensemble de ces raisons je vous invite à retirer votre amendement afin de pouvoir adopter conforme cette proposition de loi.
Monsieur le garde des sceaux, je voulais simplement, à la suite de vos propos, faire valoir que les oppositions, sur tous les bancs, je pense, de cet hémicycle, comme à la commission des lois, ont appuyé ce texte et le voteront. Puisque vous n'avez parlé que de la majorité, vous me voyez obligée de rappeler que les oppositions participent aussi à cette action salutaire du groupe UDI et indépendants dont je salue l'initiative.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je pensais avoir rendu hommage à Jean-Christophe Lagarde.
Monsieur le garde des sceaux, je tiens à vous remercier pour l'engagement que vous avez pris. Cette proposition de loi a une grande valeur ajoutée en ce qu'elle nous grandit, comme elle grandit l'humanité. Sur cette question sensible, cette proposition de loi permettra de réduire la peine de beaucoup de familles. Il sera donc possible d'inscrire le nom et le prénom de l'enfant décédé avant terme dans le livret de famille, et je vous en remercie. Pour toutes les raisons que vous avez exposées, je retire l'amendement.
L'amendement n° 1 est retiré.
Merci, madame Tiegna.
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble de la proposition de loi.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, pour la mise en place d'une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public (n° 3473, 4700).
En application de l'article 107 du règlement, je n'appellerai que les amendements et les articles auxquels ces amendements se rapportent.
Il s'agit simplement de définir quelles seront les entreprises soumises à ce nouveau cyberscore. Nous ne voulons pas d'un dispositif trop contraignant ou trop coûteux pour certaines entreprises, notamment pour les petites start-up qui démarrent tout juste.
La parole est à Mme Huguette Tiegna, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Cet amendement, également déposé par le groupe La République en marche, a été très bien défendu par M. le rapporteur : il s'agit d'améliorer la lisibilité de la proposition de loi et de la rendre plus facilement applicable.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, pour donner l'avis du Gouvernement.
Les deux amendements visent à renvoyer à un décret la définition du seuil d'activité à partir duquel les plateformes en ligne seront concernées par l'obligation de cybersécurité prévue par ce texte. La rédaction actuelle de la proposition de loi se réfère à l'article L. 111-7-1 du code de la consommation, qui concerne les opérateurs de plateformes en ligne dont l'activité dépasse un seuil de 5 millions de visiteurs uniques par mois. Or, comme le rapporteur l'a souligné, la complexité du dispositif que nous examinons nous impose de nous délier de ce seuil établi en 2017 et qui visait des objectifs différents.
Le Gouvernement approuve par ailleurs l'usage du terme « audit », mieux adapté que celui de « certification » pour caractériser l'information de cybersécurité qui sera publiée à destination du grand public.
Avis favorable.
Mes chers collègues, pour la bonne information de tous, je vous rappelle qu'en procédure d'examen simplifiée, ne peuvent prendre la parole sur les amendements, outre le rapporteur et le Gouvernement, que l'un des auteurs des amendements et le cas échéant un orateur pour s'exprimer contre ces amendements.
Je regrette que notre collègue Philippe Latombe, qui en est le premier signataire, ne soit pas là pour défendre cet amendement intéressant. Nous avons travaillé de concert, et j'aurais voulu le saluer et le remercier.
Il s'agit d'inscrire dans la loi que la localisation des données hébergées fait partie intégrante du diagnostic de cybersécurité. Même si certaines choses vont sans dire, cela va toujours mieux en les disant… La localisation pourra faire partie des futurs critères examinés par l'audit, mais Philippe Latombe et moi-même estimons qu'il est préférable de le préciser.
Je comprends l'intention : assurer une meilleure protection des données et, au-delà, affermir notre souveraineté. Mais je veux rappeler que l'information sur la localisation physique des données est insuffisante pour atteindre cet objectif. Le fait que les données appartenant à un citoyen français soient localisées sur le territoire français ne les protège pas dès lors qu'elles seraient confiées à un acteur dont le centre de données serait géré depuis l'étranger.
Informer le citoyen de l'endroit où ses données sont stockées, comme le prévoit l'amendement, risque à mon sens de créer une sécurité illusoire. Cela pourrait être contre-productif : nos concitoyens pourraient plébisciter des services fournis par des acteurs étrangers, pensant à tort que la protection est la même que celle d'un fournisseur européen.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
L'amendement n° 3 est adopté.
Il s'agit de préciser que l'autorité qui mènera l'audit ne sera pas la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), mais l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), plus compétente en ce domaine.
La parole est à Mme Huguette Tiegna, pour soutenir l'amendement n° 14 .
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques n° 10 de M. le rapporteur et 15 de Mme Huguette Tiegna sont rédactionnels.
Cet amendement porte sur l'une des pierres angulaires de cette proposition de loi : le cyberscore. Lorsqu'un utilisateur ira sur un site ou une plateforme, il verra un code couleur, bien identifié, qui lui apprendra qu'un audit indépendant a confirmé que ses données sont bien protégées mais aussi que la sécurisation interne du site est rigoureuse.
La parole est à Mme Huguette Tiegna, pour soutenir l'amendement n° 16 .
Identique au précédent, il propose de renvoyer la définition du format visuel de l'affichage au public des résultats de l'audit et des conditions d'accès aux résultats sur le service en ligne, ainsi que toute disposition relevant des modalités de présentation des résultats, à l'arrêté mentionné au cinquième alinéa. Une telle répartition entre la loi et le règlement a été retenue pour les textes récents qui ont créé le nutriscore et l'indice de réparabilité. L'amendement maintient cependant le principe d'une présentation ou d'une expression complémentaire devant accompagner la publication des résultats de l'audit.
L'article 1er , amendé, est adopté.
Il va falloir du temps pour définir les contours de cet audit. Je propose donc que la loi n'entre en vigueur que le 1er octobre 2023.
La parole est à Mme Huguette Tiegna, pour soutenir l'amendement n° 17 .
En effet, il faut prévoir suffisamment de temps pour que l'ANSSI mène le travail d'expertise technique et pour que les textes réglementaires prévus soient publiés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 49
Contre 1
La proposition de loi est adoptée.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires qui est examinée aujourd'hui par l'Assemblée nationale vise à redéfinir le champ des incompatibilités entre le mandat de parlementaire et les fonctions exécutives de maire, de maire délégué et d'adjoint au maire dans les communes de moins de 10 000 habitants.
Le texte, tel qu'il a été adopté par le Sénat, tend également à élargir la possibilité d'exercer concomitamment le mandat de parlementaire et de nombreuses autres fonctions exécutives locales. La proposition de loi organique a fait l'objet d'une très riche discussion lors de son examen par la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui l'a finalement rejetée.
Comme lors de sa discussion au Sénat, le Gouvernement, quant à lui, demeure défavorable au texte. Toutefois, celui-ci lui donne l'occasion, ainsi qu'au Parlement, de s'interroger plus largement sur l'articulation entre les mandats locaux et celui de parlementaire, sur la compréhension qu'ont nos concitoyens du rôle des députés et des sénateurs, ainsi que sur les responsabilités de plus en plus riches qui incombent aux collectivités territoriales, particulièrement aux communes et aux intercommunalités. Il s'agit d'un débat utile et fondamental, mais que la proposition de loi organique réduit à la simple question du cumul des mandats.
À en croire les auteurs du texte, aux yeux des Français, les parlementaires seraient devenus hors-sol, déconnectés du réel et des problématiques des territoires dans lesquels ils sont pourtant élus. À cet égard, l'instauration des incompatibilités par la loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur y aurait contribué substantiellement.
Le Gouvernement ne partage absolument pas ce constat, pas plus qu'il ne partage la solution qui est ici proposée et qui reviendrait à revenir sur le mouvement, entamé bien avant 2014, visant à renforcer les limites au cumul des mandats. Lors du grand débat national, nos concitoyens ont exprimé leur grand besoin d'accroître leur proximité avec les autorités publiques, notamment au niveau local. Et ils souhaitent que les élus s'engagent pleinement dans leur mandat au sein des assemblées dans lesquelles ils sont élus.
Dans une étude réalisée pour l'Assemblée nationale par l'institut CSA, la Fondation Jean-Jaurès et FONDAPOL – Fondation pour l'innovation politique – et rendue publique cette semaine, 73 % des personnes interrogées considèrent ainsi que le non-cumul des mandats est une bonne chose.
Par ailleurs, le texte évoque la nécessité, pour les élus nationaux, de disposer d'une connaissance des difficultés, des enjeux et des compétences exercées par les élus locaux. Le Gouvernement partage évidemment ce point de vue. Cependant, à ce stade, nous ne pensons pas qu'il faille exercer concomitamment le mandat de parlementaire et celui de maire ou de vice-président de région à cette fin.
Je tiens d'ailleurs à rappeler que la loi permet aux parlementaires de conserver un mandat local. En effet, l'article L.O. 141 du code électoral dispose que le mandat de député est compatible avec l'exercice d'un des mandats suivants : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller à l'assemblée de Guyane, conseiller à l'assemblée de Martinique, ou conseiller municipal d'une commune de plus de 1 000 habitants.
À ce titre, les parlementaires peuvent pleinement prendre part, dans le cadre d'un rôle délibératif, à la vie de nos collectivités locales, s'impliquer dans les décisions prises au sein des conseils municipaux, ou encore aller à la rencontre des habitants de la commune dont ils sont conseillers. À l'heure actuelle, 213 députés exercent d'ailleurs un mandat de conseiller municipal, départemental ou régional et je ne pense pas que ces parlementaires, qui sont également élus locaux, se considèrent hors-sol ou déconnectés du réel, comme l'indique l'avant-propos de la proposition de loi organique.
J'ajoute que la connaissance du terrain ne s'acquiert pas uniquement en étant élu local, mais aussi grâce aux nombreux engagements que la plupart des parlementaires entretiennent au sein de la société civile de leur circonscription, qu'ils soient associatifs, en lien avec la vie économique, ou autres. Mesdames et messieurs les députés, par votre présence dans vos circonscriptions, vous êtes quotidiennement à l'écoute de la population qui vous sollicite,…
…ainsi que du tissu économique, associatif et culturel, s'agissant aussi bien de ses problèmes que de ses initiatives.
Les mandats de parlementaire et de maire demandent donc à ceux qui en sont investis d'être pleinement disponibles pour assumer les responsabilités qu'ils représentent – ce sujet a été largement évoqué lors de la discussion du texte en commission. J'insiste sur ce point : nos concitoyens demandent à leurs élus, maires ou parlementaires, d'être totalement concentrés sur leurs missions, chacun dans son rôle – j'adhère à cela.
Être maire – beaucoup d'entre vous l'ont été – est une mission difficile et prenante, eu égard aux responsabilités liées au mandat, aux sollicitations multiples, aux compétences variées qui sont attribuées aux communes et aux intercommunalités. Et cela est d'autant plus valable dans les communes de petite et de moyenne taille, concernées par la présente proposition de la loi organique. En effet, les maires de ces communes sont impliqués au sein des intercommunalités dont elles font partie : leur disponibilité est donc essentielle au bon fonctionnement de ces institutions. Le maire représente un point de référence, un interlocuteur du quotidien.
De la même manière, le travail du Parlement s'étant fortement intensifié et diversifié, l'implication constante est nécessaire à l'exercice du mandat de parlementaire. Eu égard à la complexité et à la technicité de nombreux textes, celui-ci requiert une expertise de plus en plus poussée.
Enfin, votées en 2014, les règles relatives à l'interdiction du cumul des mandats ont été appliquées pour la première fois lors des élections législatives de 2017, soit à l'occasion de votre élection. Aussi, tirer un bilan des conséquences de ce nouveau dispositif, alors même que cette législature n'est pas terminée, apparaît-il prématuré.
Certes, cette règle a conduit de nombreux députés et sénateurs qui étaient également maires, présidents ou vice-présidents de collectivités locales à choisir entre leur mandat national et leur mandat local, mais elle a sans doute contribué, entre autres, à un renouvellement important de la classe politique, aussi bien au Parlement qu'au sein des exécutifs locaux, apportant ainsi davantage de diversité socioprofessionnelle et générationnelle. Cette réflexion mérite d'être poursuivie et approfondie, sans la limiter à la seule question des incompatibilités entre mandats.
Pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi organique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et SOC.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je me réjouis que nous soit donnée l'occasion de nous pencher sur cette question de l'implantation locale des parlementaires, que certains considéraient comme tranchée depuis 2014 et que le Sénat et le groupe UDI et indépendants de l'Assemblée nationale ont souhaité remettre sur la table. À cet égard, notre volonté n'est pas, comme je l'ai entendu, de limiter le débat sur le cumul des mandats à cette question précise : il s'avère que les niches parlementaires, que la Constitution accorde une fois par an aux groupes d'opposition ou minoritaires, ne permettent pas d'examiner des textes plus longs. Je conviens volontiers qu'une réflexion plus générale devrait avoir lieu.
Tout d'abord, permettez-moi de présenter quelques chiffres démontrant l'importance du débat qui nous occupe aujourd'hui. Seuls 39 % de nos concitoyens déclarent avoir confiance en leur député et 37 % en leur sénateur, contre 64 % en leurs élus locaux.
Vous disiez, madame la ministre déléguée, qu'une étude réalisée notamment par FONDAPOL a montré que les Français sont attachés au non-cumul des mandats. Or cette même étude, qu'il aurait convenu de citer de manière exhaustive, indique que nos concitoyens, qu'il ne faut donc pas faire parler abusivement, demandent que leurs parlementaires aient davantage de pouvoirs locaux. Il s'agit d'une contradiction ancienne.
Ainsi, à l'assertion « les responsables politiques sont déconnectés de la réalité et ne servent que leurs propres intérêts », figurant dans un sondage du Cevipof – le Centre de recherches politiques de Sciences Po – de 2021, 70 % des personnes interrogées ont déclaré être « d'accord », sauf quand elle s'applique à leurs élus locaux, particulièrement aux maires et à leurs adjoints. Voilà ce sur quoi nous cherchons à alerter avec cette proposition de loi organique. Sans grand optimisme quant à son adoption, nous voulons ouvrir une réflexion et soutenir un point de vue : je sais pertinemment que certains d'entre vous le partagent.
La loi du 14 février 2014 a strictement interdit tout cumul de mandats entre une fonction exécutive, même secondaire, et une fonction de parlementaire. Cela me paraît dommageable car, quand on y réfléchit, les seules fonctions interdites aux députés et aux sénateurs sont précisément les fonctions exécutives locales. Il est ainsi tout à fait possible d'être à la fois député et chef d'entreprise ou médecin ou de détenir des responsabilités associatives très importantes, mais pas d'être également maire adjoint ou conseiller municipal délégué. Pour la bonne inspiration du Parlement, il nous semble que ce n'est pas une bonne chose. Dans cet hémicycle, comme au Sénat, nous adoptons des textes, sources de normes et de réglementations qui s'appliquent aux associations, aux salariés, aux entreprises, ainsi qu'aux collectivités locales.
Par ailleurs, mon propos n'est pas d'accuser qui que ce soit d'être hors-sol : je vous ferai remarquer, madame la ministre déléguée, que l'avant-propos de la proposition de loi organique est celui du Sénat, pas de mon groupe, qui a souhaité l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée.
Pendant dix-sept ans, j'ai eu la chance et l'honneur d'être député et maire et j'ai vu la différence dans les informations que je recevais. En effet, vous écrivez régulièrement aux maires, madame la ministre déléguée, tout comme le font les préfets, afin de faire appliquer telle ou telle circulaire, conséquence d'une législation votée ici. Or nous n'avons plus de collègues exerçant ces fonctions locales en parallèle pour connaître les deux extrémités de la chaîne. Je ne dis pas que c'est une nécessité ni la seule façon d'être député, mais s'il est toujours possible d'aller à la rencontre des maires, ce n'est pas la même chose d'écouter que de pratiquer.
Le raisonnement qu'on nous a longtemps servi et selon lequel la société civile devait être davantage représentée dans cet hémicycle est d'ailleurs similaire. Un chef d'entreprise, qui peut d'ailleurs poursuivre son activité parallèlement à son mandat, peut évidemment apporter des éclairages, fruits de son expérience. En revanche, je répète que ce même chef d'entreprise devra abandonner ses fonctions locales s'il est, par exemple, conseiller municipal délégué chargé de la gestion des eaux dans sa commune. C'est cet excès que nous visons, en essayant de revenir à un équilibre.
Vous avez cité des chiffres, mais quelle était la situation antérieure ? En raison de la nature des circonscriptions, des maires de très grandes communes siégeaient dans cet hémicycle. Pourquoi ? Parce que leur poids politique dans leur circonscription favorisait leur présence ici. Or vous observerez que la proposition de loi organique adoptée par le Sénat vise, au contraire, à favoriser la présence de maires de petites communes, et ce, non pas, comme j'ai pu l'entendre, pour dévaloriser le rôle ou le travail de ces élus, qui peuvent de toute façon avoir des responsabilités dans les intercommunalités, mais pour éviter que le poids politique du maire ne détermine son élection en tant que député.
En effet, dans des circonscriptions d'environ 125 000 habitants comme les nôtres, le poids d'un maire d'une commune de moins de 10 000 habitants est plus relatif, la plupart du temps, qu'il ne l'était par le passé. C'est donc même une inversion de la logique que nous proposons, en évitant que les principaux élus locaux de la République ne siègent ici et en permettant aux élus de collectivités plus modestes de le faire.
De la même façon, il me paraît étrange qu'on ne puisse pas être maire adjoint chargé de l'environnement ou du logement, tout en siégeant dans cet hémicycle : nous avons vu, lors des débats sur la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, la loi ELAN, à quel point notre Parlement avait eu du mal à résister à ce que voulait l'administration – et, pour bien connaître l'administration chargée du logement, je dis bien qu'il s'agit d'elle avant que du Gouvernement, le ministre Mézard, ancien élu local, connaissant parfaitement le sujet.
Il nous faut donc parvenir à un équilibre, tout comme, je ne le nie pas, nous devons parvenir à un équilibre pour ce qui concerne les fonctions exécutives locales. Il ne me paraît pas sain en effet qu'on puisse assumer deux fonctions exécutives locales. Parce que, lorsqu'on parle de conflit d'intérêts entre les fonctions exécutives locales et les fonctions parlementaires, on se moque du monde : chacun, ici, ne représente que 1/577 de cette assemblée et il ne fera pas basculer le vote en fonction de son intérêt local ! En revanche, lorsque vous êtes à la fois vice-président d'une région ou d'un département et maire, le conflit d'intérêts peut rapidement se faire jour. Cela exige qu'on y réfléchisse.
Prenons un autre exemple : il n'est pas possible aujourd'hui pour un parlementaire d'être président d'un office HLM. Or le président d'un office HLM n'a aucun pouvoir : celui qui dirige l'office, c'est son directeur général : il en assume la responsabilité, y compris pénale. Pourtant, un parlementaire peut parfaitement être directeur général d'un office HLM : où est donc la logique, lorsqu'on sait que le président du conseil d'administration d'un office HLM ne fait que présider le conseil d'administration, entre trois et huit fois par an, ainsi, éventuellement, que les commissions d'appel d'offres, s'il le souhaite, cependant qu'in fine c'est le directeur général qui décide ?
C'est cette incohérence que nous dénonçons, en plaidant pour une assemblée dont la composition soit plus diverse. Il faut une plus grande diversité socioprofessionnelle, en matière d'âges aussi et, évidemment, plus de parité, mais nous avons aussi besoin d'élus locaux : il s'agit non pas de retomber dans les excès du passé, mais d'amender les règles d'interdiction du non-cumul, qui sont excessives. Dans cette optique, nous devons nous interroger sur les limites fixées en matière de taille des exécutifs ou de nature des mandats.
Vous disiez, madame la ministre déléguée, qu'il n'était pas encore temps de dresser un bilan. Mais, outre qu'il ne reste que six mois avant la fin de la législature, la question n'a cessé de se poser. Je vous rappelle que les gilets jaunes – les vrais gilets jaunes, pas les abrutis de casseurs – réclamaient le retour des parlementaires sur le terrain et que le Président de la République, lui-même, s'est interrogé au cours du grand débat sur la possibilité pour un parlementaire d'être maire adjoint. Quant au Premier ministre, il affirmait il y a peu qu'un ancrage territorial pouvait être utile.
Il n'est donc pas interdit d'ouvrir le débat même si je n'ai aucune illusion sur la volonté de la majorité d'adopter ce texte, à quelques mois des élections. Je sais malheureusement qu'en France une idée a besoin de temps pour infuser.
L'interdiction quasi idéologique qui nous a été faite en 2014 d'exercer toute fonction exécutive locale nous empêche de mettre les mains dans le cambouis. Certes nous passons beaucoup de temps, dans nos circonscriptions, à écouter nos concitoyens et les représentants des collectivités locales, des entreprises, des syndicats ou des associations, mais écouter n'est pas la même chose que faire : nous fabriquons la norme, mais nous n'avons jamais à l'appliquer, ce qui enrichirait pourtant les travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Il y a en tout cas un procès que je n'entends pas, c'est celui dans lequel on nous accuse de vouloir revenir en arrière. Je considère simplement que nous sommes allés trop loin et que nous devons procéder à des ajustements – ce que nous faisons en permanence dans cet hémicycle pour toutes sortes de lois.
On nous oppose que le parlementaire doit pouvoir se consacrer exclusivement à son mandat, mais je viens d'expliquer que nous avons parfaitement le droit d'exercer d'autres activités y compris professionnelles, y compris lorsqu'elles sont très prenantes. Que ce soit dit une bonne fois pour toutes : je ne connais aucun collègue, qu'il soit dans la majorité ou dans l'opposition, dont la semaine se limite à trente-cinq heures, et la vérité est que, bien souvent, les trente-cinq heures, nous les avons déjà effectuées le mardi ou le mercredi soir. Il est donc tout à fait possible d'être parlementaire tout en exerçant par ailleurs des fonctions exécutives locales modestes – j'en veux pour preuve le grand nombre d'entre nous qui exercent d'autres fonctions hors de cette assemblée.
Enfin, lors des dernières élections municipales, nombre de députés et de sénateurs ont choisi de quitter leurs bancs pour redevenir maires. Reprendre une fonction exécutive locale est un choix parfaitement honorable, mais il se trouve que le cursus honorum inversé que nous avons en quelque sorte instauré ne leur permet plus de se faire les porte-parole des difficultés de leurs territoires au niveau national.
Cela ne me paraît pas sain, car cela revient à donner licence à l'administration. En effet les maires des petites villes n'ont pas accès au Gouvernement, ni même, parfois, au préfet. Sous ce quinquennat, l'administration a considérablement accru son pouvoir sur les collectivités locales – et la majorité n'y est pour rien. Jamais je n'ai vu un tel mépris pour la fonction parlementaire ni un tel autoritarisme, de la part de l'administration préfectorale et des autres administrations de l'État, vis-à-vis des élus locaux. C'est aussi cela, la fin du cumul des mandats, tel qu'elle a été votée, dans des termes excessifs, en 2014.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Il n'est pas de bon ou de mauvais moment pour débattre du fonctionnement de notre vie démocratique. Notre démocratie, chacun s'accorde à le reconnaître, est en crise. Et le quinquennat qui s'achève n'a malheureusement pas contribué à résorber cette crise : il a plutôt contribué à l'approfondir.
Dans son ouvrage paru en 2017, Plus rien à faire, plus rien à foutre, Brice Teinturier, décrit ce phénomène grave et visiblement inexorable : le « PRAF » fait que des citoyens, qui s'opposaient auparavant au fonctionnement de nos institutions politiques en manifestant leur contestation, notamment au travers du vote contestataire, se sont aujourd'hui déconnectés de la vie politique et ne manifestent plus que du désintérêt pour nos institutions. Cela va beaucoup plus loin que le vote protestataire. Le « plus rien à foutre », c'est la traduction du : « À quoi ça sert de voter, puisque ça ne changera rien au cours de ma vie personnelle ? »
Le Parlement n'a jamais été aussi faible que sous cette législature et, au-delà du rôle auquel le cantonnent les institutions de la V
C'est pourquoi nous souhaitons débattre à cet instant de la possibilité pour un parlementaire d'exercer une fonction exécutive locale, d'envergure raisonnable.
Mais non ! La véritable explication, c'est que le Parlement n'a pas de pouvoir !
Ce n'est pas la même chose d'être conseiller municipal, maire adjoint ou conseiller municipal délégué, quelle que soit la taille de la commune, et j'aurai l'occasion de défendre plusieurs amendements motivés par le fait que le problème est moins la taille de la collectivité que le nombre de mandats qui peuvent être cumulés avec celui de parlementaire – un seul. S'il s'agit du temps consacré à un mandat – vous rappeliez, madame la ministre déléguée, que nos concitoyens sont très majoritairement attachés au mandat unique parce qu'ils considèrent qu'il exige un temps plein –, alors un ministre ne devrait plus demain, en toute logique, pouvoir également détenir un mandat exécutif local, un président de région ne pourrait plus être maire, un maire ne pourrait plus être vice-président d'un département ou président de trois syndicats intercommunaux. La règle devrait s'appliquer à tout élu de la République, qu'il soit parlementaire ou non.
C'est précisément pour éviter ce qui nous semble un recul démocratique que nous souhaitons rétablir la possibilité pour un parlementaire d'exercer une fonction exécutive locale.
En réalité, le vrai débat, la véritable opposition que manifestent nos concitoyens au cumul porte sur le cumul des rémunérations, et avant que la loi ne fixe des règles claires en la matière en écrêtant les revenus des parlementaires – ce qui n'est pas le cas pour les élus locaux –, on pouvait en effet légitimement considérer qu'être député-maire ou cumuler un mandat parlementaire et des mandats locaux était un peu excessif.
Pour en revenir à l'efficacité de l'action des élus, nous savons tous – et Jean-Christophe Lagarde l'a rappelé – que face au préfet, face à l'administration, face aux autorités ministérielles, face à l'État, un député-maire aura toujours plus de poids qu'un simple élu local, quelles que soient ses qualités.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter cette proposition de loi équilibrée conçue pour renforcer l'efficacité du mandat des élus.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La réforme de 2014 a mis fin au modèle historique français du député-maire ou du sénateur-maire, qui était pourtant une équation naturelle dans nos territoires. Près de cinq ans après son entrée en vigueur, la présente proposition de loi vise à revenir sur cette interdiction, en autorisant les parlementaires, députés et sénateurs, à exercer la fonction de maire d'une commune de moins de 10 000 habitants ou celles de membre d'un exécutif territorial – sans pouvoir en assumer la présidence. Le texte initial prévoyait aussi que cela se fasse sans cumul d'indemnités, de façon à faire clairement ressortir un objectif unique : pouvoir exercer les deux fonctions en les conjuguant sur le terrain, sans en cumuler les avantages financiers, ce qui est normal.
Notre groupe, composé d'élus que rassemble un fort ancrage territorial, est partagé sur ce texte. Nous nous retrouverons cependant autour d'un constat : l'affaiblissement sans précédent de notre parlement ces dernières années. Cela amène à la question suivante : est-ce lié à la disparition du député-maire ou du sénateur-maire ?
Force est de constater que la réforme de 2014 portée par François Hollande n'a pas permis de remédier à la défiance des citoyens ni fait cesser les critiques contre les élus. Au contraire, il semble qu'elle ait constitué un retour en arrière et n'ait fait qu'alimenter cette défiance vis-à-vis des élus.
À l'inverse, certains considèrent que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui risquerait d'éloigner les maires des petites communes des affaires locales, car être maire d'une commune est un mandat à plein temps, tout comme d'autres fonctions, celles d'un député, d'un chef d'entreprise ou d'un travailleur libéral – je pense, en particulier, aux médecins.
D'autres, dont je fais partie, sont favorables à cette proposition de loi. J'ai eu la chance d'être, pendant un mois, député-maire de Ludon-Médoc, en Gironde, et je considère que la réforme de 2014 a mis à mal l'ancrage local des parlementaires, pourtant essentiel pour rester proche de nos concitoyens. Il est toujours plus simple de franchir la porte du maire que la porte du député.
Le nouveau système favorise en effet les apparatchiks, les parachutés, les fameux « cursus inversés », par opposition aux cursus classiques. Dès lors, dans un contexte d'antiparlementarisme, on reproche souvent aux parlementaires d'être déconnectés des préoccupations des Français, alors que l'on ne pouvait opposer un tel reproche aux parlementaires bien implantés localement qu'étaient les députés-maires et les sénateurs-maires. J'ai connu le sénateur-maire de Soulac-sur-Mer quand il exerçait ces deux mandats ; quand je me rends là-bas pour des cérémonies annuelles, tous les habitants me disent combien ils regrettent cette époque – ce sentiment est surtout manifeste dans les zones rurales, reconnaissons-le.
Par ailleurs, la réforme de 2014 a privé les parlementaires d'une assise locale susceptible de renforcer leur autorité et leur indépendance vis-à-vis des partis politiques. Ainsi, l'interdiction du cumul, alliée à la réforme du quinquennat, me semble avoir aggravé encore le déséquilibre déjà très important des pouvoirs au profit de l'exécutif dans la V
Enfin, paradoxalement, le non-cumul pourrait contribuer à dévaloriser progressivement le mandat parlementaire, puisque les personnalités politiques sont désormais incitées à lui préférer celui de chef d'un exécutif territorial – ce fut manifeste dans les mois passés. Avant cette législature, nous n'avions jamais vu autant de suppléants de députés renoncer à siéger au Parlement, dans le seul but de conserver leur mandat local. Cela doit nous interroger.
Si les voix des députés de mon groupe, Libertés et territoires, sont partagées sur ce texte, nous sommes unanimes pour considérer que cette proposition est loin de pouvoir répondre seule aux attentes de réforme démocratique. Renouveler la confiance passe en effet par une réforme institutionnelle profonde de notre République, nécessitant de réviser la Constitution, pour y inscrire le principe de différenciation territoriale. Une république girondine doit être une république décentralisée, avec un parlement renforcé. Un parlementaire ou élu local disposant d'un pouvoir élargi ne se poserait jamais la question du cumul des mandats.
De grands blocs de compétences doivent être totalement transférés aux collectivités locales, comme cela se fait dans les pays européens voisins. Nous croyons en effet que les décisions doivent être prises à l'échelon le plus proche, autant que possible, conformément au principe de subsidiarité. Tout ne doit pas se décider à Paris.
Les députés de notre groupe voteront, comme de coutume, en liberté de conscience sur ce texte. La question de l'ancrage territorial des élus est essentielle pour notre démocratie.
Seules des réformes profondes permettront de venir à bout de la défiance et redonner aux élus la place centrale qui leur revient.
Les êtres humains « se divisent naturellement en deux partis : ceux qui craignent le peuple, s'en défient et sont portés à lui retirer tous les pouvoirs, et ceux qui l'aiment, le respectent, le considèrent comme le dépositaire le plus honnête et le plus sûr des intérêts publics ». Cette dichotomie, formulée par Prosper-Olivier Lissagaray lors de la Commune de Paris, éclaire utilement nos débats et permettra de départager clairement nos votes. Pour ma part et avec le groupe La France insoumise, nous considérons qu'à tout problème démocratique, la solution est le peuple.
Aussi sommes-nous profondément opposés au retour du cumul des mandats. Revenir sur ce principe semble tout simplement aberrant, à nous comme à nombre de nos concitoyens. Vouloir à tout prix reconstituer une caste d'élus qui accaparent le pouvoir pour le partager entre eux est une entreprise si manifestement antidémocratique qu'on en vient à se demander comment il est possible d'avoir une idée pareille. Notre démocratie est très malade, c'est vrai, mais la méthode que vous proposez aggrave le mal qu'elle prétend guérir, car notre démocratie souffre de l'exclusion du peuple des institutions, or vous voulez la renforcer !
Nous avons entendu de beaux discours sur une Assemblée nationale prétendument renouvelée par la start-up nation, plus jeune et plus féminine. Cela est vrai, certes. Mais notre législature se caractérise avant tout par l'exclusion des classes populaires de la fonction de parlementaire. La société civile des cadres supérieurs, des riches, des importants est entrée à l'Assemblée. Il y a bien, peut-être, quelques employés, femmes et hommes, moins de 5 % d'entre nous. Mais où sont dans notre hémicycle, les ouvrières et les ouvriers ? Où sont les aides-soignantes, à part ma collègue et amie Caroline Fiat, les caissières, les livreurs, les agents de sécurité ? Nulle part ! Dehors, oui, autour de nous, oui. Mais parlementaires, jamais.
Le mode de scrutin crée une représentation politique grossièrement déformée : à dix-sept députés insoumis, 3 % des députés, nous représentons 7 millions de personnes qui ont porté leurs suffrages sur le programme « L'Avenir en commun », soit presque 20 % des suffrages. Avec à peine 1,6 million, soit à peine 4 % des voix de plus que nous, LaREM obtient plus de 50 % des sièges ! Et cette majorité godillot règne en exécutrice mécanique des décisions du monarque présidentiel.
Protestations sur les bancs du groupe Dem.
Mercredi, un rapport a été présenté sur la défiance envers les élus. Et avec une telle situation, on parvient encore à s'en étonner ! Il est logique que le peuple n'ait pas confiance dans les institutions censées le représenter, car tout est fait pour qu'elles ne le représentent pas, tout est fait pour transformer les élections en une sorte de formalité. Voilà même qu'un milliardaire d'extrême droite essaie explicitement d'acheter l'élection présidentielle, en se payant divers médias afin de répandre à son aise des discours de haine et de division du peuple. En réalité, vous voulez que nous nous en remettions indéfiniment à une même caste qui cumulerait allègrement les fonctions de maire, député, sénateur, président de région et même ministre, puis que, d'un claquement de doigts, certains barons reviennent prendre possession de leur ville. Cette indécence n'a plus de limites et la start-up nation n'y a rien changé.
Je suis ouvert à tout type de démonstrations, mais fondées sur le réel. Expliquez-moi donc comment arriver à dégager dans nos emplois du temps de député, déjà surchargés, le temps nécessaire pour gérer une commune ? C'est matériellement impossible ! Cumuler les mandats conduit immanquablement à bâcler la tâche ou à négliger l'un ou l'autre. Non seulement le cumul des mandats exclut le peuple des fonctions électives, mais en plus il crée de mauvais élus, désinvoltes et désinvestis de leurs fonctions.
Le cumul des mandats a créé en plus une confusion dommageable dans l'esprit des citoyennes et des citoyens. Combien de personnes que je reçois lors de mes permanences viennent aborder une question sur laquelle un député n'a aucun pouvoir ?
Chers collègues, vous rêvez de redevenir cumulards, de vous tailler sur le dos du peuple des baronnies, des marquisats, des duchés et des comtés dignes de l'Ancien Régime. Nous proposons le contraire : que les parlementaires soient élus à la proportionnelle départementale, comme c'était le cas en 1986.
Nous l'avions déjà proposé lors de notre journée réservée de l'an passé.
Mais il faut aller plus loin. Nous voulons une VI
Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem.
Dès 2022, avec Jean-Luc Mélenchon, nous convoquerons une assemblée constituante. Elle ne pourra pas être composée de cumulards ou de personnes ayant déjà été parlementaires.
Cette assemblée travaillera en parallèle des institutions, de façon à écrire une nouvelle constitution, qui sera approuvée par référendum. Il faut que le peuple recouvre le pouvoir souverain dont il a été peu à peu spolié par les institutions de la V
De nombreux Français et Françaises ne se reconnaissent plus dans le fonctionnement de nos institutions. Si ce constat est largement partagé sur les bancs de notre assemblée, les solutions proposées diffèrent largement. Les députés sont les représentants du peuple. Leur mission essentielle de débattre de la loi et donc des droits de chaque individu, comme des règles de vie en société selon les valeurs de la République, se nourrit des rencontres, des événements, des débats qu'ils partagent avec les habitantes et les habitants.
En tant qu'élus, hommes et femmes politiques, nous travaillons à des propositions concrètes pour améliorer le quotidien de nos compatriotes. Les projets que nous soutenons, nous les présentons pour servir l'intérêt collectif. C'est notre disponibilité auprès de nos concitoyens et concitoyennes, au quotidien, et notre vision de la société et de son avenir qui forgent notre mandat d'élu, et non, chers collègues, le cumul des mandats !
En soi, cette proposition de loi a un caractère déraisonnable. Être maire d'une ville de moins de 10 000 habitants est une responsabilité à plein temps qui ne s'accommode guère de l'exercice d'un mandat national. Au-delà, revenir sur le non-cumul des mandats pour remédier à la crise démocratique, c'est nier de façon bien malhabile les maux plus profonds qui traversent notre démocratie.
M. le rapporteur présente ce texte en arguant qu'il a pour ambition de restaurer le lien entre les citoyens, les citoyennes et leurs représentants. C'est oublier que près de 90 % des Français étaient favorables au non-cumul des mandats. C'est oublier également que cette disposition a eu des effets positifs, tels que le renouvellement des élus. Le non-cumul a également permis aux femmes de prendre leur place au sein des exécutifs dans de nombreuses assemblées locales et d'être plus nombreuses à siéger au Parlement.
L'affaiblissement considérable du rôle du Parlement n'est pas lié au non-cumul, mais au fait que le Gouvernement est maître de l'ordre du jour, les députés ayant très peu l'initiative des lois et leurs votes pouvant être contournés par des mécanismes tels que la seconde délibération, entre autres. Cet affaiblissement contraste sans doute avec le maintien des moyens d'action des élus locaux. Pour autant, l'addition des pouvoirs ne restaurera pas la confiance perdue de nos compatriotes dans l'action parlementaire.
L'inversion du calendrier électoral constitue en revanche une mesure simple et centrale pour redonner au Parlement son autonomie par rapport à l'exécutif. Il importe de décorréler l'élection présidentielle des élections législatives, pour sortir de la spirale du fait majoritaire. Pour être effective, la mesure doit toutefois s'accompagner de la fin du pouvoir discrétionnaire de dissolution de l'Assemblée nationale dont dispose le Président de la République. Cette proposition aurait pu être défendue dans notre hémicycle et sans doute aurions-nous été nombreux à nous y associer car, oui, elle redonnerait son véritable rôle au Parlement.
Mais revoir le calendrier électoral n'est pas suffisant. Il est temps de repenser totalement nos institutions et plus précisément la place des citoyens et des citoyennes en leur sein. Ils et elles ne veulent plus être réduits à un rôle de spectateurs. Le renouvellement des élus ne doit pas représenter l'unique mode de participation à la vie publique.
Ainsi, cela fait maintenant des années qu'aucun Président de la République n'a eu recours au référendum, et pour cause : nous nous souvenons tous et toutes du traitement réservé au résultat du dernier. En 2005, une majorité de Français se sont déplacés pour dire non à la ratification du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe. La campagne fut démocratique et le résultat sans appel. Pourtant, deux ans plus tard, cette expression populaire a été tout simplement balayée par le Gouvernement nouvellement élu, provoquant une véritable fracture démocratique. Aurions-nous peur de l'expression des citoyens lorsqu'elle se différencie de l'avis de ceux qui gouvernent ? C'est ce que nos compatriotes ont alors perçu.
L'avènement d'une VI
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La présente proposition de loi vise à remettre en cause l'interdiction de cumul du mandat de parlementaire avec ceux de maire d'une commune de moins de 10 000 habitants, de maire délégué, de maire adjoint, de maire d'arrondissement ou de vice-président d'intercommunalité, sans limite de seuil, et à permettre le cumul des indemnités.
Le texte propose ainsi de faire machine arrière sur des décennies de processus démocratique : la loi du 3 février 1992, qui a plafonné les indemnités en cas de cumul ; celle du 5 avril 2000, qui a limité à deux le nombre de fonctions exécutives locales ; le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V
Le groupe La République en marche est défavorable à ce texte pour cinq raisons principales.
La première est que le cumul est déjà possible avec un mandat local : un parlementaire peut être conseiller municipal, départemental ou régional. D'ailleurs, 56 % des députés exercent actuellement un mandat local ; si l'on y ajoute ceux qui en ont exercé un par le passé, près des deux tiers des députés ont un ancrage dans les collectivités territoriales. Nous pouvons participer aux conseils municipaux, prendre des décisions et voter au sein des assemblées locales. Je ne crois pas que représenter les collectivités territoriales implique nécessairement d'en diriger une.
Deuxièmement, le seuil de 10 000 habitants étant totalement arbitraire, il comporte un risque constitutionnel important. Ce seuil est également contre-intuitif au regard de la charge de travail des maires des petites communes et des villages. Beaucoup repose sur eux : avec peu d'agents et un conseil municipal réduit, ils sont à la disposition de leurs concitoyens sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Comment pourraient-ils, en plus, être députés ? A contrario, le président d'une métropole peut se reposer sur un directeur général des services (DGS) et sur de très nombreux agents qui lui permettent de consacrer deux à trois jours aux débats à Paris. Maire est un engagement à temps plein, et je veux profiter de cette tribune pour rendre hommage à tous les maires de France qui travaillent sans cesse à l'intérêt général.
Troisièmement, la charge de travail induite par un retour au cumul des mandats serait bien trop lourde. D'après le dernier baromètre AMF-Cevipof, les maires des communes de 1 000 à 3 500 habitants consacrent trente-cinq heures hebdomadaires à leur mandat de maire ; c'est même quarante-cinq heures pour les maires des communes de 3 500 à 10 000 habitants. Je ne sais pas combien d'heures nous consacrons à notre mandat de député, mais qui peut dire ici que député n'est pas un mandat à temps plein ? Comment trouver du temps pour exercer sans compromis les deux fonctions de député et de maire ? La France n'a besoin ni de demi-maires, ni de demi-députés.
Quatrièmement, certains voient dans le cumul des mandats un moyen de faire avancer les dossiers à Paris. Est-ce vraiment ce que nous voulons : un député qui pourrait privilégier telle ou telle commune au détriment des autres ? Faut-il que les 35 000 maires soient députés pour s'assurer que leurs dossiers avancent ? Évidemment que non.
Enfin, soyons réalistes : les députés, quand ils ne siègent pas, sont sur le terrain. Nous sommes au contact permanent de nos concitoyens dans nos permanences, auprès des associations, dans les marchés et sur les bords des terrains de rugby. Il est encore trop tôt pour en tirer toutes les leçons, mais la loi limitant le cumul des mandats – qui n'a pas encore connu un exercice complet – a permis un important renouvellement de la classe politique, son rajeunissement et sa féminisation. Je crois aussi que la venue massive de députés issus de la société civile, particulièrement ancrés dans la réalité vécue par nos concitoyens, a favorisé un formidable travail législatif dans de très nombreux domaines.
Cependant, cette proposition de loi effleure de vraies questions que beaucoup, ici, ont soulevées. Comment réaffirmer le rôle du parlementaire, encore trop méconnu de nos concitoyens ? Comment améliorer l'information et le travail des parlementaires avec le préfet et certains élus locaux ? Comment limiter le cumul horizontal, quand on peut être à la fois maire, président d'une intercommunalité et conseiller régional ? Comment limiter le cumul dans le temps qui conduit à la technocratisation des charges des exécutifs locaux ? Comment organiser une démocratie plus directe entre le député et les concitoyens ? Quel statut pour l'élu ? Voilà des questions fondamentales que nous serions ravis d'aborder. Mais il faut les étudier globalement, sereinement et en concertation avec les élus locaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et SOC.
Je voudrais associer à mon propos l'ensemble de mes collègues du groupe Les Républicains, au nom duquel j'ai le plaisir de prendre la parole. Nombre d'entre eux sont concernés par ce texte sur l'implantation des parlementaires, car ils sont d'anciens élus locaux, maires ou adjoints. Moi-même, j'ai été maire du 17
Par la loi du 14 février 2014, le législateur avait souhaité mettre un terme au cumul des mandats en rendant incompatible le mandat de parlementaire avec l'exercice d'un exécutif local. Le premier objectif avoué de cette réforme était de renforcer la confiance dans la vie politique en libérant les députés et les sénateurs de fonctions trop absorbantes qui les auraient empêchés, paraît-il, de se concentrer sur leurs missions parlementaires. Le deuxième objectif était de renouveler le personnel politique en permettant une meilleure représentation de catégories socioprofessionnelles jusqu'alors sous-représentées sur les bancs de l'hémicycle et sur ceux du Sénat. Le fait est qu'il n'en est rien.
Les promoteurs du non-cumul nous promettaient le retour de la confiance des Français dans la vie politique. Pourtant, l'adoption de cette réforme n'a pas résolu les difficultés rencontrées par la démocratie représentative française. La preuve en est que le non-cumul n'a pas ramené massivement les Français vers les urnes lors des dernières élections locales. De même, l'image des parlementaires au sein de l'opinion publique ne s'est guère améliorée, quand elle ne s'est pas dégradée. En témoignent les agressions visant certains de nos collègues, les dégradations de permanences électorales ou les menaces de mort et messages d'insulte qu'ont reçus certains d'entre nous.
Près de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi sur le non-cumul des mandats, force est de constater que la démocratie n'en est pas sortie renforcée, bien au contraire. Pire, les effets négatifs du non-cumul des mandats l'ont emporté sur les effets vertueux que l'on nous promettait : est-il nécessaire de rappeler que rarement le Parlement n'est apparu aussi faible et l'équilibre des pouvoirs, ou plutôt le déséquilibre des pouvoirs, tant remis en cause ? Avant 2017, les parlementaires disposaient d'une assise locale susceptible de renforcer non seulement leur autorité et leur expertise, mais aussi leur indépendance vis-à-vis de l'exécutif, sans parler de la dépendance beaucoup plus forte par rapport aux appareils partisans. La réforme s'est faite au détriment de ceux qui, auparavant, conquéraient un mandat parlementaire par des mandats locaux durement gagnés.
Plus inquiétant encore, parce que cela concerne l'avenir même du mandat parlementaire, nombre de députés et de sénateurs privilégient dorénavant un mandat exécutif local au détriment de la représentation démocratique nationale. Les élections municipales, puis départementales, en ont été une illustration frappante, comme si être en contact direct avec les citoyens, localement, était finalement plus gratifiant. L'éloignement forcé des parlementaires, privés de mandat exécutif local, a conduit à renforcer le sentiment de déconnexion que ressentent nos concitoyens. À Paris, il est encore plus frappant : peu de Parisiens connaissent leur député, quand la figure du maire, y compris du maire d'arrondissement, est bien mieux identifiée.
Permettez-moi de m'arrêter un instant sur le cas parisien. Paris, découpé en arrondissements, compte non seulement un exécutif municipal autour du maire, mais également dix-sept maires d'arrondissement. Ces derniers, dépourvus de véritables prérogatives, exercées par la mairie de Paris, se voient imposer une double peine : ils n'ont pas de véritable levier d'action pour influer sur le développement de leur arrondissement, et ne peuvent, pas plus que les autres maires de France, exercer de mandat parlementaire. Il y a là, vous en conviendrez, une mesure qui confine à l'absurde. C'est ce qui me conduira à défendre tout à l'heure un amendement en faveur d'un aménagement du non-cumul des mandats pour les maires d'arrondissement et de secteur de Paris, Lyon et Marseille.
Pour avoir exercé les deux fonctions, il me paraît tout à fait possible de mener de front les missions de maire d'arrondissement – lesquelles, je le répète, sont allégées par rapport à un maire de plein exercice – et les missions d'un parlementaire. Je suis même intimement convaincue que les fonctions de maire d'une petite commune – nous parlons ici de communes de moins de 10 000 habitants – ou d'un arrondissement sont parfaitement complémentaires avec le travail de député.
Enfin, au nom de mon groupe, je souhaite soulever une dernière incongruité de la loi sur le non-cumul des mandats. En effet, si elle se montre particulièrement exigeante avec les députés et les sénateurs en leur interdisant d'exercer une fonction dans un exécutif local, elle l'est nettement moins avec les membres du Gouvernement. Si l'usage veut, depuis plusieurs décennies, qu'un ministre abandonne ses fonctions de maire ou de président d'une collectivité territoriale, rien ne l'y contraint légalement. C'est ce qui a permis à certains membres du Gouvernement, actuel ou précédent, de recourir au cumul : je parle ici du ministre de l'intérieur, ainsi que du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui était, à une époque, président d'un conseil régional. Expliquez-moi comment cela est possible quand vous refusez le cumul aux parlementaires ! L'argument concernant la nécessité d'être concentré à plein temps sur son mandat local ou sur ses fonctions nationales ne semble pas s'appliquer en l'espèce.
Les Républicains soutiendront cette proposition de loi en faveur d'un plus solide ancrage territorial des parlementaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LT.
La vie démocratique a vu s'installer ces dernières années une défiance qui creuse le fossé entre les élus et les Français. Elle s'exprime de diverses manières, notamment par un taux d'abstention de plus en plus important, y compris pour des élections qui, jusqu'alors, paraissaient préservées. Le taux d'abstention a connu une progression spectaculaire au premier tour des élections départementales et régionales du 20 juin 2021, pour atteindre 66 % : seul un électeur sur trois s'est déplacé, contre un sur deux lors des derniers scrutins du même type. Parallèlement, les réseaux sociaux montrent une violence verbale grandissante envers les élus, et nos boîtes mail sont envahies de menaces, qui sont parfois des menaces de mort. Injures, violence, abstention : tout cela révèle une profonde remise en cause de la démocratie représentative.
Comment y mettre un coup d'arrêt et donner un nouveau souffle à notre démocratie ? Nous devons tout d'abord entendre nos concitoyens. Les Français nous disent qu'ils veulent plus de proximité et d'implantation locale. Le colloque qui a eu lieu mardi dernier à l'Assemblée nationale sur la perception qu'ont les Français du mandat et du travail des députés montre que 70 % d'entre eux veulent que leur député s'occupe d'abord des problèmes locaux, mais la même proportion demeure hostile au cumul des mandats.
C'est dans ce contexte qu'intervient la proposition de loi organique. Elle propose de revenir sur l'interdiction du cumul des mandats au nom d'un parlementarisme résolument ancré dans la réalité des territoires. Est-ce la bonne solution ? La question se pose véritablement, mais pas dans une approche isolée. Monsieur le rapporteur, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés pense que ce sujet doit être abordé dans une réforme d'ensemble, sous peine de décevoir les Français. L'enjeu est important : il s'agit de rétablir la confiance des Français dans notre démocratie.
Notre famille politique s'implique depuis de nombreuses années dans l'élaboration de propositions visant à revitaliser et à renforcer notre démocratie en luttant, par exemple, contre la hausse du taux d'abstention. Cela passe par la modernisation des opérations de vote, ainsi que, certainement, par une meilleure maîtrise du calendrier parlementaire. Nous avons ainsi formulé des propositions autour de la simplification et de la modernisation du vote, défendues notamment par mon collègue Jean-Noël Barrot ; nous œuvrons à l'instauration d'une dose de proportionnelle et nous avons une conception du mandat de député axée sur la proximité et sur un lien permanent et fort avec les Français.
Le débat que nous avons aujourd'hui doit donc prendre place dans une proposition de réforme plus vaste, plus englobante. Nous ne pouvons croire que le retour au cumul des mandats, même si la question se pose, soit l'unique réponse à la crise de confiance démocratique que traverse notre pays. Travaillons ensemble à une réforme plus pragmatique et plus à l'écoute des Français. D'ailleurs, de nombreux travaux sont actuellement en cours à l'Assemblée nationale dans le cadre de la mission d'information consacrée à la participation électorale ou du groupe d'étude sur les modalités d'organisation de la vie démocratique. Hors de l'hémicycle, des groupes de travail œuvrent également à saisir tous les enjeux de la crise pour, ensuite, formuler des propositions précises. C'est en menant ce long travail de réflexion que nous parviendrons à réformer en profondeur notre système.
Chers collègues, les enjeux du rétablissement du lien de confiance avec les Français sont importants et méritent que nous y apportions des réponses concrètes et pérennes. La France est une grande démocratie et doit le demeurer. C'est la raison pour laquelle nous avons la responsabilité de ne pas nous satisfaire de réponses incomplètes. Le rétablissement du cumul des mandats ne peut s'envisager indépendamment de toute autre réponse, et c'est pourquoi le groupe Dem votera contre la proposition de loi organique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous débattons d'un texte issu du Sénat, que les membres du groupe Socialistes et apparentés considèrent comme décliniste et régressif. Une fois encore, il remet en cause le non-cumul des mandats. La route est longue et difficile.
Nous sommes tout à fait d'accord pour renforcer l'ancrage local du parlementaire, conformément au souhait des élus locaux et des citoyens, et au nôtre. Nous partageons l'objectif visé, mais nous sommes en désaccord sur l'outil que le Sénat, relayé par le groupe UDI et indépendants, propose d'employer pour l'atteindre. Selon nous, le remède est pire que le mal.
Nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 1er . Je vous prie d'en excuser la radicalité : vous savez que l'opposition, soumise à une exigence de clarté, ne peut pas se permettre de trop tergiverser et doit exprimer son point de vue dès que possible. Nous défendrons donc cet amendement pour exprimer notre nette opposition au texte que nous examinons.
À cette occasion, je salue l'initiative du président Ferrand d'avoir commandé une enquête sur le regard que les Français portent sur l'Assemblée nationale, dont les résultats nous ont opportunément été adressés dernièrement. Selon cette enquête sérieuse, forte, les citoyens attendent que les députés fassent preuve d'un ancrage local. J'observe que la réduction du nombre de députés envisagée en début de mandat est contradictoire avec l'objectif de maintenir un ancrage local, qui suppose que la taille de la circonscription permette d'en rencontrer les citoyens dans un temps donné.
Selon cette enquête, 70 % des Français veulent que leur député s'occupe des problèmes de sa circonscription, ce que nous faisons, en utilisant pour les aider, sans tomber dans le compromis ni le conflit d'intérêts, la puissance que nous procure notre mandat national, lorsque c'est conforme à l'intérêt général. Je souligne que, dans le même temps, 73 % des Français refusent que nous revenions sur le non-cumul des mandats.
L'ancrage est donc nécessaire – sur ce point, je partage votre préoccupation. Comment alors le favoriser, si ce n'est par le cumul des mandats ? Selon nous, il faut d'abord maintenir un nombre suffisant de parlementaires, afin que la taille des circonscriptions soit compatible avec notre tâche. Ensuite, il est nécessaire d'encadrer la présence du député par des lois et par des règlements, afin qu'elle ne soit pas laissée à l'appréciation d'un préfet, d'une institution ou d'une collectivité locale. Lorsqu'un député exprime le désir de venir expliquer un dispositif ou de vérifier l'application d'une mesure, les portes doivent s'ouvrir au nom du mandat national. En effet, notre rôle d'élu national est de prendre en compte et de rendre compte – encore faut-il que les dispositifs législatifs et réglementaires prennent en considération cette exigence.
L'ancrage local suppose également que l'élu national remplisse sa mission de contrôle de l'application concrète de la loi qu'il a votée dans les territoires. Or ce n'est pas du tout le cas. L'effectivité du travail parlementaire serait appréciée avec bien plus de justesse dans les territoires, in situ, plutôt qu'ici, lors des semaines de contrôle, qu'il faut bien qualifier d'insipides, que nous égrenons année après année, pour faire semblant.
Je vois que M. Jean-Noël Barrot est présent : nous avons – bien – travaillé ensemble dans le cadre de la mission d'information sur la concrétisation des lois, et nous avons ouvert des perspectives qu'il faudra sérieusement étudier pour la prochaine législature.
Enfin, au-delà des lois et des règlements, il y a la loi fondamentale, la Constitution. Or elle ne dit rien du rôle local du député, qui existe pourtant dans les faits. Pendant la prochaine législature, nous devrons nous employer à créer un dispositif constitutionnel et législatif qui détaille le rôle local du député.
Le lien entre les Français et leurs représentants constitue le ciment de notre société politique. Ainsi, le Parlement doit être le lieu où s'expriment toutes les sensibilités, toutes les réalités et tous les désaccords. Parce qu'un sentiment qu'aucune voix dans la République ne vient exprimer, une opinion qui n'est pas entendue dans notre démocratie, un territoire oublié de la représentation nationale, c'est une part de notre nation qui est mise au ban. Il est donc primordial que les élus soient ancrés dans les villes, dans les départements, dans les régions. C'est pourquoi, durant plusieurs décennies, à compter de la III
Toutefois, la loi organique du 14 février 2014 a rendu le mandat de député ou de sénateur incompatible avec toutes fonctions exécutives locales, notamment la présidence ou la vice-présidence des assemblées délibérantes locales, des conseils consulaires, ou de membre du bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger. La proposition de loi organique que nous examinons prévoit de revenir sur cette mesure. Tel qu'adopté par le Sénat, le texte vise à permettre aux députés et sénateurs d'occuper un nombre important de fonctions exécutives locales. Ils seraient notamment éligibles aux mandats de maire ou adjoint au maire d'une commune de moins de 10 000 habitants, de vice-président de collectivité territoriale et de président de conseil consulaire.
Ainsi, ce texte rouvre un débat qui habite nos institutions depuis plusieurs années maintenant : nous devons pour cela remercier ses auteurs. Il est toujours positif que le Parlement se saisisse des questions qui traversent la société française.
Les inquiétudes soulevées au moment de l'adoption de la loi organique du 14 février 2014, et qui motivent cette proposition de loi, sont légitimes et doivent être entendues. Le non-cumul des mandats entraîne un risque réel que les parlementaires soient déconnectés des réalités du terrain. En outre, jusqu'en 2014, un député ou un sénateur exerçant un mandat exécutif local était susceptible d'avoir plus de poids et d'autonomie, notamment vis-à-vis de structures politiques parfois gangrenées par leur propre immobilisme. Symétriquement, un maire ou un président de collectivité territoriale ne peut que mieux se faire entendre, notamment face aux préfets, s'il est en phase avec les enjeux nationaux. Somme toute, le cumul des mandats favorisait l'articulation de l'échelon national et de l'échelon local, la coopération entre toutes les forces vives dont nous ne pouvons pas nous passer, comme la crise sanitaire l'a encore montré.
Toutefois, il ne faut pas oublier que la réforme de 2014 avait du sens et en a toujours. En effet, le premier enjeu était de s'adapter au développement des prérogatives de l'Assemblée nationale et du Sénat que la révision constitutionnelle de 2008 avait engagé. Pour être assumés pleinement, les pouvoirs du Parlement doivent être exercés par des élus concentrés sur la mission pour laquelle ils portent l'écharpe : élaborer la loi, en représentant l'intérêt de tous les citoyens. Car pour restaurer la confiance des Français dans la politique, il faut aussi respecter la répartition des rôles entre élus locaux et élus de la nation.
Corrélativement, il s'agissait de respecter l'esprit des lois de décentralisation, en permettant aux maires et aux présidents de collectivités d'exercer pleinement les nouvelles compétences qui leur étaient accordées. Cet argument est toujours valable : plus que jamais, pour relancer nos économies, pour recréer du lien entre les Français, pour relever les grands défis contemporains, la décentralisation est indispensable. Plus qu'un principe énoncé dans notre Constitution, elle doit être une logique à chaque instant suivie.
En outre, en 2017, l'interdiction du cumul des mandats, de concert avec le renouveau apporté par l'élection du Président de la République et de sa majorité, a favorisé un important rafraîchissement du personnel politique. À la faveur de ce changement, certaines catégories de populations, mises à l'écart par le passé, ont gagné en visibilité. Je pense notamment au nombre de femmes dans cet hémicycle, qui, sans toutefois atteindre la parité, a augmenté de plus de onze points.
Dès lors, chacun d'entre nous peut concevoir qu'il n'est pas possible de balayer d'un revers de main la question du lien entre le Parlement et les territoires. Toutefois, en raison du manque d'études empiriques en la matière, et à l'aune de la diversité des sentiments qui habitent les Français à son égard, la pertinence du cumul des mandats demeure une question très subjective. En conséquence, les députés du groupe Agir ensemble feront chacun leur choix, en conscience et selon les convictions de ceux qu'ils représentent. Pour ma part, je voterai contre cette proposition de loi.
Malheureusement, d'année en année, nous constatons que nos concitoyens font preuve de désaffection pour la politique et de défiance envers les élus et que le taux d'abstention aux élections atteint de tristes records, alors que la majorité d'entre nous tentent de faire du mieux qu'ils peuvent pour honorer leur mandat. Cette situation constitue un véritable danger pour notre démocratie. Nous nous devons collectivement d'en chercher les causes et de tenter d'y trouver des solutions.
Les raisons sont multiples, mais l'une est sans doute l'absence de proximité entre les élus nationaux que nous sommes et nos concitoyens. C'est dans cette réflexion globale que prend place modestement cette proposition de loi, qui souhaite favoriser l'implantation locale des parlementaires en ajustant les règles de non-cumul des mandats locaux et nationaux votées en 2014.
Quelques années après l'entrée en vigueur d'une réforme, il est toujours opportun de s'intéresser à ses résultats et d'ouvrir un débat sur son application. Or la participation aux élections est indéniablement toujours en baisse ; le mouvement des gilets jaunes nous a notamment démontré que la méfiance envers les politiques ne faiblit pas ; pire encore, de nombreux élus subissent des attaques physiques ou verbales. Force est donc de constater que la loi sur le non-cumul était loin de constituer un remède miracle.
En revanche, nous en connaissons bien les effets pervers, dont le plus préjudiciable est évidemment l'accusation d'un parlementarisme totalement hors-sol.
Rires.
Le texte que nous examinons ce matin tend non pas à revenir complètement en arrière, ni à autoriser un cumul illimité des mandats, mais simplement à restaurer quelque équilibre dans un dispositif conçu de manière jusqu'au-boutiste.
Le Sénat et notre rapporteur proposent d'ajuster le non-cumul afin de rendre aux parlementaires l'implantation locale dont ils ont besoin pour mener à bien la mission confiée par nos concitoyens. En effet, les mandats de maire ou d'adjoint au maire permettent une proximité nécessaire avec tous, une meilleure connaissance du terrain, une plus grande capacité à faire remonter les demandes, un poids plus important face à l'exécutif.
Le député-maire n'est pas ce que l'on appelle péjorativement un cumulard, il est un élu plus proche de ses administrés, qui peut faire le lien entre l'échelon local et l'échelon national, afin d'adapter en toute cohérence les politiques dans les circonscriptions.
J'ai moi-même été maire pendant de longues années. Lorsque je suis devenu député, il m'a fallu trouver d'autres moyens de rester en contact avec mes concitoyens. J'ai donc instauré un conseil de circonscription, et je suis toujours plus convaincu que tous les citoyens ont besoin de cette proximité. Ce n'est pas un hasard si les élections municipales connaissent, en général, le plus fort taux de participation.
Il n'est pas souhaitable d'ériger des barrières légales entre les mandats de maire et de parlementaire. Ils se parlent, s'enrichissent, se complètent. Loin d'être l'un contre l'autre, l'un ou l'autre, ils peuvent être l'un et l'autre.
Mes chers collègues, vous aurez remarqué que je n'ai pas cité une farandole de chiffres et de sondages, que nous connaissons malheureusement trop bien. Je n'ai pas non plus parlé de manière très terre à terre d'efficacité de l'action publique, d'un pouvoir trop centralisateur qui délaisse nos territoires ou de tout un tas d'autres problématiques qui corroborent cette proposition de loi. Dans les cinq minutes qui m'étaient imparties, j'ai tenté d'exprimer avec des mots simples pourquoi je crois que le texte que le groupe UDI et indépendants défend ce matin est indispensable pour redonner un peu d'humanité et de corps à notre fonction, dans l'intérêt de notre démocratie et de tous ceux qu'elle sert au quotidien.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Les lois de décentralisation de 1985, 2000 et 2014 ont considérablement réduit les possibilités de cumul des mandats. Elles avaient pour objectif de donner plus d'efficacité au mandat parlementaire et d'améliorer la transparence de la vie politique. À l'époque, il nous avait été assuré que le cumul des mandats était la cause d'une grave crise de confiance entre les parlementaires et les citoyens. Sept ans plus tard, l'augmentation constante de l'abstention démontre que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) n'a rien résolu, alors que les parlementaires hors-sol se sont multipliés. Pire, le député n'existe quasiment plus sur le terrain. Le président Lagarde a raison : l'administration remplace les élus, petit à petit.
Les auteurs de la proposition de loi organique envisagent de revenir partiellement sur la loi du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales et d'un mandat parlementaire. Le sens de cette proposition de loi est de maintenir vivant le lien entre les Français et leurs élus. Il est vrai que lutter contre la déconnexion des parlementaires doit tous nous préoccuper. Le sentiment d'abandon des territoires et de la ruralité est particulièrement fort et légitime. Il y a une hypocrisie certaine : le Gouvernement s'oppose au texte, alors que des ministres sont eux-mêmes cumulards.
La démocratie ne va pas mieux depuis la loi organique interdisant le cumul des mandats ; au contraire, celle-ci a participé à éloigner les élus des citoyens.
Les grandes régions et les grands cantons ont accéléré le processus d'éloignement. Plus on allonge la distance entre les élus et les citoyens, plus la confiance s'érode. On a opposé le local et le national en coupant les parlementaires de leur ancrage local.
C'est pourquoi il est positif d'apporter une dose de liberté à ce sujet. Lorsqu'on a été élu local, on a une vision moins désincarnée des politiques publiques.
Le critère essentiel doit rester l'efficacité de l'action publique. Depuis 2014, le paysage de la décentralisation a considérablement évolué. Depuis la loi NOTRE, le cumul des mandats est désormais non plus vertical, mais horizontal : il concerne des désignations internes aux conseils municipaux et départementaux, ainsi qu'aux exécutifs intercommunaux. Certaines personnalités politiques cumulent un nombre important de fonctions et de mandats locaux, devenant de véritables barons. On peut ainsi être maire de Nice, président de la métropole de Nice et vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; dans ma circonscription, on peut être maire de Liévin, vice-président de l'agglomération et vice-président du conseil départemental ; mais député et adjoint au maire, non. Mais quelle hypocrisie !
La proposition de loi rend possible la complémentarité entre le mandat parlementaire et celui de maire ou d'adjoint au maire. Seul un élu local peut comprendre les réalités de terrain et les électeurs doivent avoir la liberté de choisir en qui ils placent leur confiance. L'implantation locale et l'ancrage sur le terrain sont essentiels au bon fonctionnement démocratique, afin de maintenir un lien fort sur le territoire.
Pourtant, le texte pourrait être plus ambitieux. Je parle évidemment de la proportionnelle, que vous aviez promise : une trahison de plus, car si le lien entre les parlementaires et le terrain est un sujet, il n'est rien par rapport à la crise de représentativité du Parlement. Ainsi, nous sommes sept députés pour représenter plus de 10 millions d'électeurs ; même pas un groupe parlementaire, alors que nous avons été présents au second tour de l'élection présidentielle. C'est un scandale démocratique majeur qui fait de notre pays l'un des plus en crise de toute l'Europe, comme l'a démontré la crise des gilets jaunes. Il est évident que l'abstention et la défiance vis-à-vis des politiques diminueront lorsque les Français auront le sentiment non seulement de connaître leurs élus, mais surtout d'être représentés.
Mme Brigitte Kuster applaudit.
À ce stade, j'oserais presque dire que la proposition de loi organique que nous reprenons du Sénat a atteint une bonne partie de son objectif. Je n'ai pas la naïveté de penser qu'à la veille des élections présidentielle et législatives, l'Assemblée nationale aura le courage d'aller plus loin. D'ailleurs, j'observe que, parmi ceux qui nous ont dit que ce serait trop tôt ou qu'il faudrait que ce soit plus global, avec une vision plus large des réformes, aucun n'a pris l'initiative de le faire au cours de la législature. Nous sommes le 26 novembre 2021 : nous avons été élus le 19 juin 2017 et, depuis, rien ne s'est produit – ni sur ce sujet-là ni sur d'autres – qui aurait permis d'améliorer l'attractivité de la vie publique. Tout le monde l'a constaté et le regrette.
Évidemment, d'élection en élection, l'abstention ne cesse de progresser, mais je ne pense pas qu'elle soit la seule mesure permettant d'évaluer cette dégradation. Notre ambition est en réalité de faire réfléchir non seulement le Parlement, mais aussi nos concitoyens. J'ai entendu un grand nombre de nos collègues se référer à l'avis ou à l'opinion de ces derniers. Il me semble – c'est en tout cas la philosophie du groupe UDI et indépendants – que, dans cet hémicycle, notre mission consiste parfois à faire évoluer l'esprit public, y compris quand nos concitoyens se trompent.
Je le répète, nous n'avions pas pour ambition de revenir au système antérieur. Nous constatons simplement – cela arrive souvent dans cet hémicycle, sur beaucoup de sujets – que la loi de 2014 pousse une logique à l'excès. Je reconnais bien volontiers qu'elle a laissé complètement de côté, par démagogie électoraliste, le problème du cumul des mandats locaux qui vient d'être évoqué par plusieurs d'entre vous.
Soyons honnêtes – je viens pour ma part avec beaucoup de bonne foi : dans une niche parlementaire qui compte plusieurs textes, dont les deux premiers ont été adoptés en procédure simplifiée, nous n'avons pas la possibilité de proposer une réforme globale. En début de législature, il y a eu une discussion sur la Constitution, malheureusement avortée pour les raisons que l'on connaît et qui n'est jamais revenue sur la table. Il n'y a pas eu de projet de loi qui aurait permis de réorganiser certains fonctionnements des pouvoirs locaux ou la capacité de différenciation.
Je demande simplement qu'on ne fasse pas ici le faux procès consistant à dire que nous ne regarderions que cela. Je le dis pour les collègues, parce que j'imagine qu'ils sont de bonne foi, mais également pour ceux qui nous écoutent, notamment les habituels trolls d'internet qui m'indiffèrent profondément – je les invite à ne pas perdre leur temps, je ne regarde jamais leurs commentaires.
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sourit.
Nous n'avons pas l'ambition de réformer l'ensemble de la démocratie. Je suis d'accord avec certains intervenants : bien sûr, il y aurait d'autres choses à faire, à commencer par modifier ou moduler la V
Quand ils avaient des mandats locaux, il est vrai qu'ils pouvaient parfois mieux résister, mais je ne fais pas ce procès-là. Le problème est la V
Allez voir en Allemagne, où existe une vraie démocratie parlementaire ! Regardez quels sont les moyens du Bundestag pour savoir ce que fait le gouvernement fédéral ! On nous amuse avec des rapports qui sont rédigés par le Gouvernement et dont nous n'avons même pas les moyens de contrôler la réalité ! Ce n'est pas le fait de cette majorité, c'est un problème institutionnel qui est majeur, parce qu'il conduit non seulement le Gouvernement – avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre déléguée – mais aussi et avant tout l'administration, à exercer davantage le pouvoir que nous-mêmes.
Je disais tout à l'heure que je n'aime pas le débat sur les conflits d'intérêts. Chacun d'entre nous représente 1/577 de la légitimité de l'assemblée, mais il vaut mieux convaincre les conseillers des ministres, que j'appelle les petits hommes en noir – pardon, vous servez très bien la République –, que les députés : parce que, lorsque vous avez convaincu un conseiller de ministre, la loi s'applique ; si vous cherchez à convaincre les députés alors que le Gouvernement est opposé, vous verrez que, quelle que soit la majorité, ça ne marche pas.
J'ai eu plus de succès en allant convaincre les hauts fonctionnaires du ministère du logement – qui ne devraient pas avoir autant de pouvoir – de partager entre le locataire et le propriétaire le bénéfice d'un investissement économisant l'énergie, qu'en essayant de le faire comprendre à mes 576 collègues.
M. Bruno Bilde applaudit.
Je sais très bien qu'il peut être caricaturé, mais nous devons aussi assumer notre fonctionnement institutionnel si nous voulons que nos concitoyens comprennent que des équilibres différents pourraient exister.
Concernant les interventions des uns et des autres, permettez-moi de commencer par Pascal Brindeau, parce que cela correspond à l'ordre de passage, et par mon ami et doyen du groupe, Guy Bricout. La question qui est posée n'est pas une question de praticité pour les détenteurs des élus, c'est une question d'efficacité. Il est normal, dans notre assemblée comme au Sénat, que nous puissions avoir des élus issus de toutes les tranches et de toutes les catégories de la société.
Un jour, il faudra qu'on m'explique pourquoi toutes les fonctions, sauf celle de maire, sont autorisées parallèlement au mandat de député. Elle est même autorisée avec la fonction de ministre ! Je n'y reviens pas, parce que c'est caricatural. D'ailleurs, vous auriez pu saisir l'occasion de ce texte pour l'interdire. Puisque la majorité fait ce qu'elle veut, elle pouvait présenter un amendement visant à interdire d'être ministre et maire en même temps !
Il fallait le déposer !
Madame la ministre déléguée, je peux encore déposer un amendement en effet, mais vous avez aussi le loisir de le faire ! Je laisse ce cas de côté parce qu'il serait trop polémique. Plus sérieusement, qui peut nous expliquer que les seuls qui ne peuvent siéger dans cet hémicycle ou dans celui du Sénat sont les conseillers municipaux délégués, les maires adjoints – je me tourne vers vous, madame Untermaier – ou les maires des petites communes ?
Comment peut-on nous expliquer, comme je l'ai entendu de la part de beaucoup d'entre vous – je pense notamment à M. Cazeneuve –, qu'être maire d'une petite commune c'est un mandat à plein temps qui occupe beaucoup ? C'est vrai ! Quelqu'un a parlé de trente-cinq heures, voire de quarante-cinq heures de travail hebdomadaire : c'est vrai ! J'observe quand même que les élus locaux des petites communes exercent tous des fonctions professionnelles à plein temps, à moins qu'ils ne soient retraités, ne serait-ce que parce que leurs indemnités sont si faibles que ce mandat est quasiment bénévole.
Soyons cohérents, chers collègues ! La vérité est que la plupart des élus locaux sont soit des retraités, soit des gens qui exercent une fonction professionnelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
On dit que leur mandat est un travail à temps plein, mais ce n'est pas vrai. Le plein-temps pour un élu local comme pour un parlementaire, ce n'est pas trente-cinq heures par semaine. Je veux que les Français l'entendent, puisque nous sommes souvent la cible de quolibets. Reconnaissons qu'aucun maire en France travaille moins de trente-cinq heures par semaine ; il en fait beaucoup plus et il le fait souvent en plus de son métier. Aucun député ne fait trente-cinq heures par semaine.
Cette idée du plein-temps n'a pas de sens, de mon point de vue, puisque le plein-temps des Français n'est pas celui des élus.
Je réponds à des arguments que vous nous avez objectés : vous ne pouvez pas dire que cela n'a rien à voir !
Comme le disait Guy Bricout, il y a des raisons multiples à la désaffection : celle-ci en est une. Nous cherchons un équilibre par rapport à un texte qui a été jusqu'au-boutiste, sur un seul point – j'ai abordé d'autres sujets institutionnels dont je rêverais qu'ils soient appliqués ici. Si l'on cherchait quelque chose de transversal entre élus nationaux et élus locaux, il nous semble que le bon équilibre serait le cumul d'un mandat exécutif et d'un mandat représentatif, à tout niveau, tant pour protéger des conflits d'intérêts que pour permettre à celui qui représente, dans un conseil départemental, dans un conseil régional ou dans une assemblée parlementaire – ici ou au Parlement européen – d'avoir non pas un ancrage, mais l'obligation d'assumer lui-même les normes qu'il édicte.
Je pense que cela renforcerait la capacité de contrôle du Parlement. J'ai exercé, durant plusieurs années, les fonctions de parlementaire et de maire : 95 % de mon activité parlementaire était inspirée par ce que je vivais en tant que maire, notamment par les interactions entre les administrations et les élus locaux.
L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), que nous avons auditionnée, a fait, bien qu'elle n'ait pas de position officielle, le constat suivant : les maires se tournent moins naturellement vers leurs parlementaires – cela ne relève pas de la responsabilité de ces derniers –, même les sénateurs, car ils ont l'impression de ne pas être concernés par les mêmes sujets.
Bien sûr, en tant que parlementaires, nous sommes au contact des maires, mais cela ne revient pas au même de devoir appliquer la circulaire du préfet, du directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN), du recteur, de la caisse d'allocations familiales, que d'entendre dire par quelqu'un que celle-ci est susceptible de poser tel ou tel problème. Notre proposition de loi ne vise pas autre chose.
C'est vrai, il ne faut pas revenir au système dans lequel, par exemple – que personne ne se sente visé –, on pouvait être à la fois maire de Paris et député de Corrèze : c'est impossible. Cependant, comment expliquez-vous qu'il soit permis d'être maire d'une petite ville tout en exerçant une fonction professionnelle, mais qu'il n'y ait pas d'autorisation de cumul avec le mandat de député ? Je pense que cette interdiction est une erreur.
Vous l'avez dit, monsieur Simian, la proposition de loi initiale – nous y reviendrons lorsque nous examinerons les amendements – prohibait le cumul d'indemnités. Il s'agit tout simplement d'éviter d'alimenter le fantasme selon lequel on exercerait plusieurs mandats pour une question d'argent : l'objectif est uniquement celui de l'efficacité – comme l'a évoqué Pascal Brindeau –, celui de favoriser la pluralité des approches et la diversité des expériences lors des débats parlementaires. Un maire ou un président d'exécutif également député avait-il davantage de poids vis-à-vis de la population ? Je ne saurais le dire. En revanche, il est certain que sa capacité à résister au gouvernement, à son propre parti ou groupe politique était bien plus grande : ce constat vaut pour l'Assemblée comme pour le Sénat. Notre parti compte un groupe dans les deux assemblées, et nous constatons que l'incompatibilité actuelle ne contribue pas à renforcer le pouvoir des élus face à l'administration, ce qui devrait être une obsession collective.
M. Lachaud a, comme d'habitude, cherché à opposer les bons et les méchants. Une telle vision du monde est détestable, car le monde n'est pas en noir et blanc, ni en rouge et noir : il existe simplement différentes modalités d'organisation de la vie publique.
Vous avez affirmé que la présente proposition de loi visait à exclure le peuple des assemblées, ce qui n'a aucun sens, même si la représentation sociologique de nos assemblées peut laisser à désirer – vous avez raison de le souligner.
De même, contrairement à ce que vous avez indiqué, il ne sera pas possible de cumuler la fonction de ministre avec celle de président de région.
Enfin, monsieur Lachaud, vous considérez que le mandat de parlementaire doit s'effectuer à plein temps ; pourtant, être producteur de cinéma et parlementaire en même temps ne semble pas poser problème, pas plus que de prétendre être un bon député.
Observez ce qui se passe dans votre propre groupe ! C'est la raison pour laquelle – et je plaide coupable – on peut être à la fois président d'un parti politique, ce qui prend du temps, et parlementaire, ce qui est le cas d'un certain nombre d'entre nous, quasiment dans tous les groupes, à l'exception du Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés. Pensez-vous réellement que la fonction de président d'un parti politique ne prenne pas de temps ? Vous avez, madame Buffet, exercé ce type de responsabilité. Par conséquent, l'argument du temps ne tient pas.
Vous avez, madame Buffet, évoqué la nécessaire disponibilité des élus. Nos circonscriptions sont voisines et je n'ai jamais entendu un seul concitoyen de votre circonscription dire que vous n'étiez pas disponible ; je ne pense pas non plus que vous ayez entendu cela de moi pendant les dix-sept années durant lesquelles j'ai exercé simultanément les fonctions de député et de maire. Car, lorsque vous assumez les deux types de mandats, les gens vous sollicitent indifféremment au titre de l'un ou de l'autre : ce n'est pas une question de disponibilité, celle-ci correspondant au temps que vous y consacrez.
En revanche, je suis en désaccord avec vous, madame Buffet, concernant l'avis des Français, que vous dites être défavorables, pour 90 % d'entre eux. L'enquête commandée par l'Assemblée nationale le montre : les Français refusent le cumul de mandats, qui leur est présenté comme une facilité ou un intérêt personnels – d'où notre proposition de supprimer les indemnités –, tout en souhaitant que leur maire puisse être entendu là où il ne l'est pas actuellement – ce qui relève d'un problème institutionnel que vous avez eu raison d'évoquer, j'y reviendrai – et que leur député dispose de plus de pouvoir au niveau local.
Nous recevons tous des personnes qui nous disent savoir que nous ne pouvons rien pour elles car nous n'avons pas les manettes, ce qui est un paradoxe, au vu du nombre de citoyens – je ne parle pas des groupes de pression – qui sollicitent les députés pour des problèmes particuliers – ceux qui viennent pour faire valoir une idée politique étant malheureusement trop peu nombreux.
Si notre République était réellement décentralisée – et je réponds ainsi également à M. Cazeneuve –, sans doute ne serait-il pas utile que les députés cherchent à faire avancer tel ou tel dossier ou à intervenir auprès des administrations centrales, mais notre République et la plupart de ses administrations sont encore extrêmement centralisées. L'argument qui rend légitime le cumul avec un mandat local dans une ville moyenne – nous reparlons du seuil, qui serait de l'ordre de 10 000 habitants ou de 9 000 habitants, peu importe – est justement celui de l'absence d'accès des collectivités locales aux administrations centrales. Les maires de Toulouse, de Marseille ou de Lille auront toujours accès aux ministères. En revanche, le maire d'une ville de 3 000 ou de 4 000 habitants ne l'a pas et il a besoin d'une intervention parlementaire.
Je suis en désaccord avec vous, monsieur Cazeneuve : non, faire avancer le dossier de telle collectivité ne revient pas à la privilégier. J'ignore combien vous avez de communes dans votre circonscription.
Pour ma part, je me suis battu, dans ma circonscription, à l'époque de la présidence Chirac, pour que la ville de Bobigny, dirigée par un communiste, puisse bénéficier d'une zone franche : je ne l'ai pas privilégiée mais j'ai contribué à répondre à un besoin des habitants et à promouvoir le développement économique. Il n'y a pas de conflit d'intérêts, car cela fait partie du travail des parlementaires : lequel d'entre vous refuserait-il d'essayer de faire avancer un dossier local ? Ce comportement est parfaitement logique et légitime. Si le maire d'une ville de 4 000 habitants devient parlementaire et ne défend pas les dossiers de sa commune, je crains qu'il ne soit pas député très longtemps ! Ces arguments ne tiennent donc pas. Il est normal qu'un parlementaire, voulant aider certaines collectivités locales, cherche à intercéder auprès des administrations centrales qui ne les considèrent pas, ou à les soustraire de l'administration déconcentrée – les préfectures sont parfois à l'origine des blocages. Tel est aussi notre rôle.
Vous l'avez évoqué, monsieur Cazeneuve, il est possible de cumuler les mandats de conseiller municipal, de conseiller départemental ou de conseiller régional avec un mandat parlementaire. Cependant, j'ai été conseiller municipal d'opposition pendant douze ans et maire durant dix-sept ans : vous ne ferez croire à personne qu'être conseiller municipal d'opposition, ou même de la majorité, revient au même qu'à gérer une commune, notamment celles d'une certaine taille. C'est faux !
Dans ce cas, il ne sert plus à rien d'avoir des conseillers municipaux !
Monsieur Cazeneuve, il est très différent de diriger une commune ou de participer à sa direction comme adjoint au maire ou comme conseiller délégué : si on n'est pas maire, on se rend une fois par mois au conseil municipal pour discuter d'un ordre du jour imposé par le maire – les ordres du jour des assemblées municipales ne relèvent pas de l'initiative du conseil municipal, ce que je regrette, car dans d'autres systèmes d'organisation, notamment en Allemagne, le maire n'est pas le président de l'assemblée et n'a pas ce pouvoir. D'ailleurs dans la plupart des villes – celles de moins de 100 000 habitants –, les élus ne disposent pas de temps ni d'indemnités pour se consacrer à leur mandat. Ils ne peuvent même pas vérifier les informations, si bien que le maire peut dire ce qu'il veut à son opposition – certains d'entre vous en font parfois l'expérience. La situation est donc très différente selon que l'on exerce une part de la responsabilité ou que l'on siège en voyant les ballons passer sans savoir ce qu'il y a derrière.
Enfin, vous affirmez que la société civile a beaucoup apporté au Parlement : je ne dis pas le contraire, mais il est curieux de considérer que tout le monde peut apporter quelque chose au Parlement, sauf les élus locaux ; ce raisonnement m'échappe ! Je suis ravi que des professionnels des secteurs de la santé, de l'industrie, des technologies, de l'agriculture puissent siéger sur ces bancs, car je suis totalement incompétent dans le domaine agricole : je fais comme tout le monde, comme vous, je lis, je m'informe. Nous sommes tous plus ou moins spécialistes d'un sujet, le plus souvent lié à une passion ou à une expérience professionnelle. Mais qui peut prétendre parler savamment de l'énergie atomique au titre de son parcours professionnel ? Qui peut parler avec certitude des questions médicales – elles ont été nombreuses durant ce quinquennat ? Un député est à la fois un spécialiste de ce qu'il connaît et un généraliste des autres sujets.
Pourquoi le mandat d'élu local est-il le seul qui soit interdit dans cet hémicycle ? C'est une erreur. Certes, cela partait, madame Untermaier, d'un bon sentiment : lutter contre des baronnies excessives, car le fait d'être maire de la principale ville du département – les circonscriptions n'étaient pas découpées de la même façon – permettait d'assurer son siège à coup sûr et, effectivement, de ne pas exercer les deux fonctions.
Prenons cependant l'exemple de Sophie Métadier, l'une des dernières députées à nous avoir rejoints, à la suite du départ de Mme Sophie Auconie. Maire d'une petite commune rurale, elle a exercé sa profession, tout en présidant le syndicat des petites communes. Elle continue désormais à les défendre, mais sans savoir ce qui se passe entre elles et les administrations centrales, ce qui est dommage. En quoi cela enrichit-il le Parlement de l'avoir arrachée à la direction d'une commune de quelques centaines d'habitants ? Au contraire, toutes les légitimités sont nécessaires à un parlement, ou, pour le dire autrement, comme l'un d'entre vous l'a évoqué : toutes les opinions doivent être accueillies ici, ce qui doit inclure la diversité des expériences.
Ainsi, nous allons très prochainement examiner le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS – à cet égard vous avez évoqué avec raison, madame Kuster, le problème particulier des villes de Paris, Lyon et Marseille, notamment quant à l'organisation démocratique de la métropole Aix-Marseille-Provence. Le cas d'une métropole dirigée par une personne qui a perdu les élections municipales dans la ville principale et qui passe un accord avec la majorité pour recentraliser davantage les pouvoirs des communes vers la métropole, contre la volonté des maires, ne justifierait-il pas que ces derniers puissent s'exprimer sur ces bancs ? Les maires des villes intermédiaires situées entre Marseille et Aix n'ont plus la parole et perdent tout pouvoir : telle est la réalité qu'aucun d'entre eux ne pourra évoquer dans cet hémicycle, faute d'avoir le droit d'y siéger, même en étant maire d'une ville de 4 000 ou de 5 000 habitants.
Certes, mais avec beaucoup moins de possibilité de faire entendre la voix de ces maires fictifs que si eux-mêmes pouvaient interpeller les uns et les autres dans cet hémicycle. Cela n'est pas utile tout le temps et tout le monde ne doit pas obligatoirement se trouver dans cette situation, mais le fait que ce soit impossible contribue à amoindrir la qualité de la loi que nous votons.
Enfin, je suis parfaitement d'accord avec vous, monsieur Cazeneuve, sur le fait qu'il faille prendre des mesures plus globales, mais vous savez bien que cette assemblée ne le fera pas dans cette législature. Nous essayons donc de faire avancer le débat sur ces questions.
Quelle sera la prochaine assemblée ? L'optimisme est autorisé à tout le monde, à la majorité comme aux oppositions. J'ignore si je conserverai mon mandat de député, aussi je m'efforce de faire progresser les idées au sein des assemblées dans lesquelles je siège, plutôt que dans celles où les uns et les autres espèrent siéger demain.
Vous avez raison, madame Florennes, et je vous remercie de votre question, pertinente : la réponse sera plurielle. Effectivement, les Français sont pleins de contradictions qu'il faut prendre en compte mais qu'il faut aussi pointer auprès d'eux avec pédagogie. Il est assez désagréable d'entendre systématiquement dire que les gens sont contre le cumul des mandats. C'est vrai, mais ils veulent que les parlementaires disposent de pouvoirs à l'échelle locale.
Il faut donc expliquer – à cet égard, personne ne refuse le débat et nous avons déjà atteint notre objectif, celui de faire réfléchir – qu'il n'existe pas forcément de difficultés liées aux conflits d'intérêts ou au temps disponible, qu'il ne s'agit que d'un aspect parmi d'autres qui ne suffirait pas à lui seul à refonder l'ensemble de la démocratie. Je vous invite simplement à reconnaître l'existence de cette contradiction.
Je n'ai pas rencontré beaucoup de personnes qui exprimaient des reproches à ceux et à celles qui avaient simultanément exercé le mandat de maire et celui de parlementaire. Comme cela est souvent le cas, les gens n'aiment pas telle ou telle catégorie de personnes, mais apprécient leur voisin : cette contradiction existe et il faut en tenir compte.
Enfin, madame Florennes, je sais que votre groupe aurait souhaité que le Président de la République respecte sa promesse d'instaurer la proportionnelle au cours du quinquennat. Or s'il y a bien un cas où il serait nécessaire d'instaurer un cumul des mandats, c'est si la proportionnelle partielle ou intégrale était instaurée.
Si les députés étaient élus à la proportionnelle, ils devraient pouvoir cumuler ce mandat avec une fonction exécutive locale, sauf à prendre le risque que les élus soient complètement hors-sol. Un député élu à la proportionnelle ne doit son mandat qu'à son parti ; ainsi, il a plus intérêt à discuter avec celui-ci plutôt qu'avec la population. Si un jour, comme je le souhaite, l'Assemblée nationale était élue au scrutin proportionnel, les députés auraient besoin de cumuler des mandats.
Enfin, M. Bilde m'a donné l'occasion de réfléchir. Oui, l'administration a accru son pouvoir depuis la fin du cumul des mandats, je le constate dans mon département
M. Bruno Bilde acquiesce.
Je ne fais pas un procès aux fonctionnaires : les institutions guident la conduite de l'administration. Ils ont en face d'eux des élus qui ont moins de force politique et électorale ; par conséquent, ils se comportent différemment du temps où le cumul était autorisé…
…– madame la ministre déléguée, il est bien difficile pour un ministre de s'assurer du contrôle qu'il exerce sur son administration, qu'elle soit déconcentrée ou décentralisée. Ce n'est pas le député de la Seine-Saint-Denis qui parle, mais le président d'un parti et d'un groupe politiques. Ce n'est pas le Président de la République qui a voulu cette situation, mais l'institutionnalisation d'un déséquilibre dans les rapports de forces l'a créée. On peut le nier. Si je demandais à ceux qui ont pour profession d'étudier la vie politique – je pense aux universitaires et non aux acteurs – d'observer ce phénomène, ils s'en rendraient compte assez rapidement.
Je le répète, la proportionnelle, dont vous êtes l'un des partisans, viendrait aggraver cet affaiblissement. Vous avez raison, il y aurait un intérêt à ce que des courants d'opinion politique soient mieux représentés dans l'hémicycle. Dans ce cas, l'élu doit trouver une autre source de légitimité que celle de son parti politique.
En conclusion de cette longue réponse…
Cher collègue, si vous souhaitez que je m'exprime davantage, je peux recommencer.
Sourires sur les bancs du groupe Dem.
Plus sérieusement, il s'agit de notre niche parlementaire, donc permettez-nous de gérer notre temps comme nous le souhaitons.
Plusieurs arguments ont été exposés clairement pour ceux qui veulent y réfléchir. Je remercie les orateurs, qui n'ont pas été caricaturaux à quelques exceptions près. Même si une nouvelle majorité est élue l'année prochaine, nous devons réfléchir à cette question de façon plus générale et plus équilibrée. Madame Untermaier, vous faites partie de la majorité qui a voté la loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur. Nous aurions sans doute pu trouver un équilibre avant son adoption et nous ne le trouverons pas durant cette législature ; or il est nécessaire de le déterminer.
Personne ne saura contester certains arguments que j'ai avancés au soutien de la possibilité d'exercer à la fois un mandat parlementaire et une responsabilité locale limitée. Dans le pire des cas, si vous ne voulez pas que le mandat parlementaire se cumule avec la fonction de maire, il pourrait se cumuler avec celle d'adjoint. Pourquoi ne peut-on pas être conseiller municipal délégué en même temps que parlementaire ? Cela n'a pas de sens, c'est une position idéologique qui est nocive à l'exercice du travail parlementaire. Nous avons eu des discussions relatives à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations – GEMAPI ; Dieu sait que ce sujet est compliqué ! Il vaut mieux avoir les mains dans le cambouis de temps en temps afin de vérifier que les normes que nous adoptons ne sont pas décalées par rapport à la vie réelle.
Enfin, étant donné que chacun a remis sa petite couche institutionnelle, nous militons pour un droit à la différenciation – je m'adresse à vous, madame la ministre déléguée : il avait été promis de l'instaurer durant cette législature, mais cela n'a pas été le cas. Le mouvement des gilets jaunes donnait l'occasion de modifier la Constitution, y compris par voie référendaire car plusieurs forces politiques en étaient d'accord. Si le droit à la différenciation est un jour instauré, il nécessitera que des parlementaires cumulent des responsabilités locales afin de faire entendre et sentir les différences entre les territoires. En effet, un territoire frontalier se distingue d'un territoire central, et un territoire urbain d'un territoire rural. C'est la raison pour laquelle il existe autant de circonscriptions. Le cumul doit être mesuré et limité, y compris concernant la question de la rémunération sur laquelle j'ai déposé un amendement. On ne peut pas dire aux Français que l'on est favorable à l'addition tant des fonctions que des indemnités. On m'oppose que cette disposition n'est pas constitutionnelle ; je réponds que je préfère laisser le Conseil constitutionnel faire son travail. Il peut entendre qu'un parlementaire peut exercer des mandats locaux sans pour autant être indemnisé car, après tout, il l'est déjà pour exercer un travail à plein temps.
Vos propos très succincts – si vous me permettez ce trait d'humour – ouvrent un large débat…
…sur des sujets fondamentaux, personne ne peut le nier, directement liés à nos assemblées représentatives, et que vous ne traitez pas dans la proposition de loi.
M. Pascal Brindeau s'exclame.
Par ailleurs, vous dénoncez le cumul de la fonction de ministre avec le mandat local, tout comme Mme Kuster, sans pour autant en prévoir l'interdiction. Vous nous demandez de déposer un amendement sur une proposition de loi à laquelle le Gouvernement est opposé ; nous n'en déposerons donc pas. Toutefois, à plusieurs reprises, la majorité et le Gouvernement ont indiqué qu'ils souhaitaient qu'un débat se tienne sur tous les sujets que vous avez abordés, dans le cadre d'une réflexion globale. Aujourd'hui, il est prématuré de prendre des décisions visant à répondre aux attentes de nos concitoyens relatives à la participation électorale et aux assemblées représentatives.
Nous ne disons pas que le Parlement ne doit pas être représentatif de la société civile et des élus locaux ; il l'est. Ici, des parlementaires sont issus de la société civile, par exemple ceux exerçant des professions libérales, ou ont été élus locaux. Parmi eux, certains étaient maires et ont choisi entre leur mandat parlementaire et leur mandat local. Le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jean-René Cazeneuve, qui a exercé la fonction de maire, a eu à faire ce choix. La représentativité de cette assemblée que vous appelez de vos vœux est respectée.
On élit un député d'une circonscription et non d'une seule commune. Vous êtes député d'une circonscription qui compte trois communes, alors que certaines en dénombrent cinquante, cent,…
…voire deux cents. Il ne faut pas tout mélanger : lorsqu'on est député, on n'est pas déconnecté. Vos propos – et non votre proposition de loi – laissent entendre qu'un député qui n'exerce pas de mandat local est hors-sol ; je suis profondément convaincue qu'il ne l'est pas.
Mme Christine Hennion et MM. Guillaume Kasbarian et Jacques Marilossian applaudissent.
D'ailleurs M. le député Cazeneuve l'a rappelé : les députés sont sur le terrain et en lien direct avec les institutions locales, les acteurs économiques, le tissu associatif et nos concitoyens.
Mêmes mouvements.
Ainsi, lorsqu'on est élu député, on est élu localement tout en agissant globalement pour la société française et pour tout un pays ; nous avons su le démontrer durant ces quatre années de mandat.
Monsieur le président Lagarde, j'ai été parlementaire, je suis aujourd'hui ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville, alors que je n'ai jamais été maire. En multipliant les dispositifs de contractualisation ,
M. Pascal Brindeau s'exclame
qui sont, en quelque sorte, des outils de différenciation, nous ne sommes pas à côté de la plaque. Nous avançons dans le bon sens avec les élus : quand on met en œuvre des programmes tels que Action cœur de ville ou Petites villes de demain, nous ne sommes pas à côté de la plaque.
Mme la présidente de la commission des lois et Mme Monique Limon applaudissent.
Madame Buffet, vous avez rappelé votre position qui n'est pas nouvelle. Mme Florennes a indiqué notre point d'accord sur la nécessité de revitaliser notre démocratie pour lutter contre l'abstention. Le débat doit s'inscrire dans le cadre d'une réflexion beaucoup plus large ; je l'ai évoqué lors de mon propos liminaire. La mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, lancée par le président Ferrand, appréhende ces questions de manière globale ; attendons le résultat de ses travaux, ne tirons pas de conclusions hâtives. C'est pourquoi, monsieur le président Lagarde, le débat que vous nous proposez aujourd'hui est intéressant mais prématuré.
Je terminerai mon propos en répondant au député Lachaud, qui, avec son groupe La France insoumise, mélange encore une fois absolument tout.
Il dit être contre le cumul des mandats tout en demandant plus de pouvoir. Lors de vos propos, vous en profitez pour insulter la majorité présidentielle.
Votre mépris et votre condescendance ne sont pas dignes d'un débat démocratique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous regardez la catégorie socioprofessionnelle de la majorité et vous en profitez pour déverser une haine contre la réussite, haine que je combats tous les jours dans nos quartiers.
Il ne faut pas être contre la réussite et l'ambition ; il faut voir la réussite telle qu'elle est et ne pas la considérer comme une remise en question de ce que nous sommes, de notre histoire, de notre parcours, des origines sociales de nos parents ou des difficultés rencontrées. Monsieur le député, la réussite permet de sortir de la résignation, cette assignation à résidence dans laquelle vous et votre groupe souhaitez enfermer les classes pauvres et les classes populaires. Mesdames et messieurs les députés, je le dis également à nos concitoyens : ne laissez personne mettre en cause ce que vous êtes et ce que vous avez fait.
Pour en revenir à la proposition de loi que vous examinez aujourd'hui, nous ne sommes pas opposés à ce débat, nous vous l'avons dit. Les arguments que vous avez présentés ne sont pas de nature à nous convaincre ; nous ne sommes donc pas favorables à votre texte. Le débat continue et je suis très heureuse d'y prendre part, à condition que l'on se respecte les uns les autres.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Trois orateurs sont inscrits à l'article.
La parole est à Mme Aurore Bergé.
Monsieur le rapporteur, vous affaiblissez la fonction de député de manière criante dans tous les propos que vous avez tenus ; cela m'interpelle. Vous considérez que nous ne sommes ni efficaces ni utiles. Votre seul argument est de dire que nous ne le deviendrions qu'à la condition de cumuler notre mandat de député avec une autre fonction élective, celle de maire. Comme si ce seul cumul permettait de réaliser des actions au service des Français.
Oui, c'est exactement ce qui a été dit. Quelles dispositions, issues de propositions de parlementaires, avons-nous votées ces derniers mois ? Nous avons adopté la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école, défendue par une ancienne principale adjointe ; un amendement visant à renforcer les droits des propriétaires en cas de squats, déposé par un député issu de la société civile ; la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles, rédigée par un député élu d'un territoire rural…
…comprenant 219 communes – il aurait du mal à choisir la commune dont il pourrait être maire ; la proposition de loi en faveur de l'engagement associatif et la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, défendues par des députés engagés dans des associations ;…
…la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, déposée par une députée qui fait de cette lutte le combat de son mandat parlementaire ; la proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme, présentée par un médecin et une ancienne infirmière anesthésiste.
Exclamations sur les bancs du groupe UDI-I.
Monsieur le député Lagarde, l'ancrage n'est pas lié à la fonction de maire. Il n'y a pas de mode d'emploi quand vous devenez député. Le mandat de député est ce que vous en faites, ce sont les mesures que vous défendez. Or ces actions sont soutenues au quotidien par la majorité parlementaire. Être sur le terrain, cela ne s'invente pas et ce n'est pas parce que vous êtes maire que vous le parcourez forcément ; en revanche, nous y sommes tous les jours. C'est grâce à l'ancrage territorial que nous avons réussi à nouer que nos propositions de loi, qui ont été votées, sont mises en œuvre aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'entends vos propos, madame Bergé : en fin de compte, la majorité ne serait composée que de parlementaires ayant profité de leur expérience professionnelle et de terrain, pour faire avancer la France. Dans ce cas, expliquez-moi pourquoi tant de vos collègues étaient candidats aux élections municipales en 2020
Rires sur les bancs du groupe UDI-I
– avec la réussite que l'on sait, au reste, qui explique sans doute pourquoi ils sont restés parlementaires… Expliquez-moi pourquoi tant de collègues de la majorité étaient également candidats aux élections régionales et départementales – avec, là encore, le succès que l'on sait, qui explique qu'ils soient restés parlementaires ! Chers collègues de la majorité, il arrive qu'être député et membre d'un exécutif local soit tout aussi utile pour la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Depuis le début de la législature, on nous répète ad nauseam que nous serions déconnectés et hors-sol. C'est d'autant plus insupportable pour ceux d'entre nous qui ont été élus locaux : ayant été maire d'une petite commune, monsieur le rapporteur, j'incarne le contre-exemple de la situation que vous dénonciez à l'instant en affirmant que les maires de petites communes ne peuvent plus être élus députés. C'est tout le contraire ! Auparavant, dans mon département, il fallait forcément, pour devenir député, être maire de l'une des trois principales communes. Désormais, il est redevenu possible d'être député et élu d'une petite commune. Je siégeais hier encore à un conseil municipal et, comme conseillère communautaire, je participe tous les mois au conseil de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ; je connais donc parfaitement les dossiers locaux. Vous faites preuve de bien peu de reconnaissance envers les conseillers municipaux, départementaux et régionaux, dont les mandats leur permettent de connaître parfaitement la vie locale et celle des collectivités.
Votre idée n'est pas bonne. Si vous autorisez de nouveau les maires de communes de plus de 10 000 habitants à cumuler leur mandat avec celui de député, ce sont précisément eux qui seront élus députés, au détriment des maires de petites communes !
Nous sommes ancrés dans le territoire, forts de nos expériences. Entendez cela, car il est tout simplement faux de prétendre à l'envi que les députés sont hors-sol et déconnectés !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Je remercie le président Lagarde d'ouvrir ce débat passionnant qui nous concerne, même s'il ne figure sans doute pas parmi les premières préoccupations de nos concitoyens. Il pose la question de la fonction de parlementaire. Deux visions s'opposent : celle, d'abord, du député-maire qui, à l'époque, dirigeait souvent une grande commune – c'était un baron local, selon l'expression de M. Bilde, un maire ancré dans sa commune qui accomplissait cinq voire six mandats de député comme de maire. Mais depuis 2014, ce n'est plus possible. Au cours de cette législature, nous avons expérimenté l'autre vision et en constatons toutes les vertus : les députés font leur métier de député,…
…contrôlent l'action du Gouvernement et l'interpellent lorsque c'est nécessaire, évaluent les politiques publiques et, surtout, votent les lois. Malgré cela, puisque vous évoquiez les trolls et les réseaux sociaux, force est de constater que les députés sont peu nombreux dans l'hémicycle lors de votes importants, sur le passe sanitaire par exemple. Voilà ce sur quoi nos concitoyens s'interrogent : un député à temps plein a déjà tant d'activités qu'il n'est pas toujours en mesure de siéger dans l'hémicycle, et cela, il faut l'expliquer. Quant à la question des moyens dont il dispose pour contrôler l'action du Gouvernement, elle se pose en effet et je vous rejoins ; j'ai d'ailleurs écrit l'an dernier un livre de 300 pages sur le sujet, que je vous recommande de lire !
Depuis le début, votre apport au débat par interjections est décidément très constructif, chère collègue…
Les propos de Mme Bergé ne m'ont pas semblé refléter ceux des intervenants des groupes. Vous voulez faire croire que notre proposition est notre seul objectif et concerne le seul problème qui se pose dans notre démocratie. Je répète que, ne serait-ce que parce que vous n'avez rien changé à la législation et à l'organisation des pouvoirs, le groupe que je préside, qui compte dix-huit députés, n'a le droit de maîtriser l'ordre du jour de l'Assemblée que pendant – tenez-vous bien – douze à treize heures par an. Or nous ne pouvons pas consacrer cette journée qu'à un seul sujet, car nous avons plusieurs propositions institutionnelles.
Le débat constitutionnel a été avorté par l'affaire Benalla ; nous avions pourtant des propositions à formuler. La majorité a-t-elle souhaité le rouvrir, de sa propre initiative ou suivant celle du chef de l'État ? Non. Ne nous donnez donc pas de leçons en prétendant qu'il s'agirait de notre seule préoccupation ; il ne tenait qu'à vous de faire en sorte que ce débat soit plus approfondi.
Je n'ai pas dit, madame Bannier, que le cumul avec un mandat de maire était la seule façon d'être député ; en revanche, qu'on me dise pourquoi on n'interdit que cette façon-là ! Quel est le bon argument justifiant que cette occupation soit la seule que les députés de la République ne peuvent pas exercer ? Voilà tout. M. El Guerrab, qui représente les Français établis hors de France, ne peut pas cumuler son mandat avec une fonction exécutive locale ; c'est bien la preuve qu'il existe d'autres façons d'être député, personne ne le conteste ! Pourquoi, dans ce débat, faut-il céder à la caricature ?
Je n'ai caricaturé personne. Je mesure d'ailleurs la souffrance – dont je ne m'étais pas rendu compte – qui apparaît dans les propos et réactions de certains députés de la majorité : vous rabâchez sans cesse les expressions « hors-sol » et « déconnecté », mais ai-je dit cela ?
Nous en avons parlé ensemble, monsieur Cazeneuve : convenez que le but de ce texte n'est en rien d'intenter ce procès ! Je pourrais sinon prononcer un tout autre discours à la tribune… Mais non, il ne s'agit pas de ce procès-là. Je me fiche des élections qui auront lieu dans sept mois. J'essaie de faire avancer une réflexion.
Mme Bergé nous a livré un autosatisfecit des députés de la majorité, en fonction de l'action de tel ou tel.
Comme je ne sais rien du fonctionnement d'un parlement, ni de celui d'un gouvernement, j'imagine que le Gouvernement n'a jamais, à aucun moment, appuyé, favorisé ou sollicité un député. Et puisque vous en avez parlé, même si le débat n'aura pas lieu ici, rappelons qu'alors qu'une mesure antisquatteurs était adoptée, l'instruction inverse était donnée dans le même temps à tous les préfets de France de ne plus expulser quiconque sans relogement, y compris les squatteurs !
M. Pascal Brindeau applaudit.
Pour le coup, sans contact avec les élus locaux, qui ont dénoncé cette situation, je n'aurais pas pu la mentionner ici.
Il va de soi, monsieur El Guerrab, que les députés font leur travail ! Je dirais presque que cela n'a rien à voir. On ne saurait mesurer le travail des députés à l'aune de leur présence dans l'hémicycle. Dans un ministère, en circonscription, dans des réunions, les députés font leur travail, qui ne se limite pas à l'hémicycle – nous le savons tous ici, même si nous luttons bien difficilement contre une image. À l'époque où le cumul des mandats était autorisé, les niches parlementaires attiraient autant de députés qu'aujourd'hui. Nous ne sommes jamais 577 ici ! Au reste, il faut dire aux Français – je le dis au pied de la tribune, madame Bergé, plutôt que de faire de la démagogie – que le travail d'un député ne consiste pas à être systématiquement dans l'hémicycle. Tel que nos travaux sont organisés, il arrive que nous ne puissions pas participer à certains votes parce qu'ils ne sont pas programmés. Aucun député, dans la majorité comme dans l'opposition, sous cette législature comme sous les précédentes, ne passe tout son temps dans l'hémicycle, car ce n'est pas sa fonction. Certains, de permanence aujourd'hui, siègent pour garantir une majorité, mais leurs collègues absents travaillent eux aussi. Cessons de fournir les bâtons à ceux qui veulent nous battre !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-I.
Rester dans l'hémicycle, ce n'est pas que cela la fonction de député. Même lorsque les députés exerçaient d'autres mandats, monsieur El Guerrab, ils travaillaient ! Je n'ai quant à moi jamais reproché à un député de ne pas travailler. En revanche, on peut s'interroger sur la diversité des sources d'inspiration de l'action des députés.
J'ajoute que notre proposition prévoit exactement l'inverse de la situation politique que vous avez décrite, comme Mme Bannier d'ailleurs. Nous ne demandons pas que les élus des plus grandes villes – vous pourriez, si vous y tenez, fixer la limite à 5 000 habitants, quoiqu'il soit bien difficile au maire d'une ville de cette taille de faire croire qu'il contrôle une circonscription de 125 000 à 150 000 habitants – aient le droit de cumuler des mandats, car ils ont déjà accès aux grandes administrations et aux médias plus facilement que les élus locaux ; eux, en revanche, sont les seuls à être définitivement éjectés de cet hémicycle. Tout le monde a le droit de prétendre y siéger sauf eux, s'ils veulent poursuivre leur activité.
Enfin, je souhaite que l'expression « société civile » soit bannie de l'hémicycle.
Je ne sais pas d'où, de quelle noblesse je viens pour ne pas être de la société civile. Il m'est arrivé ceci : à l'âge de 33 ans, on m'a élu. N'étais-je pas auparavant de la société civile ? Et ne le serais-je plus parce que je suis élu ? Dans ce cas, plus personne n'est de la société civile ici ! Cette expression est elle aussi un bâton pour nous faire battre
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
et je pense qu'il faut la bannir de nos débats politiques. Je ne connais personne ici qui soit de la société civile : vous êtes tous parlementaires depuis quatre ans et demi, certains depuis plus longtemps encore, mais cela ne fait pas de nous des élus hors-sol !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-I.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 8 , qui tend à supprimer l'article 1er .
En effet ; je me suis excusée de son caractère radical, mais vous comprendrez que je ne le retire pas car le débat a eu lieu…
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je veux insister sur un point. Il ressort de nos débats que le rôle local du député doit être mieux défini.
Nous ne l'avons pas fait dans le sillage du non-cumul des mandats, et je conviens avec vous que ce processus n'est pas abouti. Néanmoins, il nous faut le poursuivre, non pas en revenant sur le non-cumul mais en organisant la capacité des députés à travailler dans les territoires, avec ou contre l'exécutif, le cas échéant. De ce point de vue, nous devrions pouvoir procéder à des contrôles in situ de l'application des lois que nous votons ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem
plutôt que de dire comme vous le faites, monsieur le rapporteur, que nous fixons la norme mais que nous n'avons pas à l'appliquer. Précisément, nous ne voulons pas faire la norme et l'appliquer, car c'est là que se niche le conflit d'intérêts. Nous faisons la norme en tenant compte du terrain, des auditions, du dialogue entre collègues ; ensuite, nous allons contrôler son application en rencontrant le maire, le préfet, le procureur ou la présidente du tribunal, en leur demandant ce qu'ils pensent de l'application des textes importants que nous avons votés et ce qu'il en est dans l'exercice quotidien de leur travail.
Là où je vous rejoins, c'est qu'il est très difficile de le faire. Nous devrions donc rassembler nos forces et instituer un dispositif qui conforte le rôle local du député – car il correspond évidemment à une réalité. Vous avez tous des permanences, vous travaillez dans vos territoires. Il ne faut pas voir d'attaque personnelle derrière le non-cumul des mandats. Vous avez tous été élus et vous faites tous votre travail, d'où que vous soyez issus, de la société civile ou non. En tout état de cause, la priorité des priorités doit être de réfléchir à la démocratie parlementaire et à son rôle dans le territoire.
Il est évidemment défavorable. Tout aurait été dit, nous annonce Mme Untermaier ; je ne le crois pas. Certains amendements visent d'ailleurs des fonctions secondaires autres que celle de maire, de président d'exécutif local ou d'adjoint et mériteraient d'être examinés.
D'autre part, si cet amendement était adopté, cela signifierait que l'interrogation qui était celle du Président de la République en 2019 – y a-t-il un débat ? – et les propos des uns et des autres reconnaissant que le problème se pose même s'il ne faut pas le traiter ainsi, n'étaient pas sincères, puisque cela reviendrait à interrompre le débat.
Nous ne prenons aujourd'hui de temps à personne, puisque cette journée unique et annuelle nous est consacrée. Il me paraît donc nécessaire de rejeter cet amendement pour que nous ayons le droit de débattre. Autrement, chacun reconnaîtrait que le problème existe tout en refusant d'en discuter ; ce serait regrettable – ce serait même une forme d'hypocrisie. Vous avez déjà annoncé que vous ne retirerez pas l'amendement ; je demande donc à l'Assemblée de le rejeter pour que le débat puisse se poursuivre – sauf s'il dérange.
J'ai été saisi de nombreuses demandes de parole et je m'en tiendrai à trois interventions, à savoir, dans l'ordre, M. Cazeneuve, M. Lachaud et Mme Buffet.
« Et Mme la ministre ! » sur les bancs du groupe UDI-I.
Je respecte pleinement cette niche du groupe UDI et indépendants, là n'est pas la question. Simplement, nous avons un règlement intérieur dont nous ne pouvons pas nous affranchir.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UDI-I.
S'il vous plaît, chers collègues, la parole est maintenant à Mme la ministre déléguée pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement de suppression. Nous aviserons ensuite pour ce qui est des autres demandes de parole.
Madame Untermaier, je partage votre avis : la séparation entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif permet de mieux évaluer l'efficacité des lois votées au Parlement et de contrôler la manière dont elles sont appliquées dans les territoires, grâce à l'action conduite par le Gouvernement.
La position du Gouvernement sur l'ensemble de cette proposition de loi devrait me conduire naturellement à donner un avis favorable à cet amendement de suppression. Toutefois, j'entends la volonté qui a été exprimée de voir les débats aller jusqu'à leur terme, ce qui me donnera peut-être l'occasion de répondre aux questions soulevées par les uns et par les autres. Vous savez pertinemment que le Gouvernement est pour le débat démocratique et qu'il respecte les parlementaires. Je m'en remets donc à la sagesse de votre assemblée : à vous, mesdames, messieurs les députés, de décider si notre discussion doit s'arrêter là ou se poursuivre.
M. M'jid El Guerrab applaudit.
C'est à l'aune de la qualité de notre travail législatif qu'il faudrait, me semble-t-il, juger de l'intérêt du cumul. Et quand je regarde le bilan de cette législature, je crois pouvoir dire, comme Aurore Bergé, que ce que nous avons fait est d'excellente qualité alors même qu'il ne nous est plus possible de cumuler mandat parlementaire et fonction exécutive locale.
Poussons le raisonnement plus loin, chers collègues : qu'en a-t-il été sous la législature précédente alors que le cumul était la règle et que l'Assemblée comptait beaucoup de députés-maires ? Eh bien, je dois constater qu'il n'y a jamais eu autant de lois défavorables aux territoires et aux élus locaux !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous renvoie à la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) et à la carte des grandes régions, à la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), à la suppression de 10 milliards d'euros de dotations aux collectivités territoriales !
Si le cumul était la panacée, de telles lois n'auraient pas été votées. Ce n'est pas la seule règle.
Pour être lié au terrain, il ne faut pas nécessairement avoir été maire pendant des dizaines et des dizaines d'années et le rester. Je pose la question : qui est le plus déconnecté, celui qui est député-maire depuis des dizaines d'années ou celui qui a connu la vie dans une entreprise, dans un hôpital, dans une association et qui vient apporter son expérience dans cet hémicycle ? La réponse réside bien sûr dans la première option.
Certes, ce n'est pas exclusif,…
…mais je crois qu'il faut aussi reconnaître la force de ces réalités.
Enfin,…
…nous avions prévu de ne pas voter pour cet amendement de suppression afin que le débat puisse se tenir mais nous considérons maintenant qu'il a eu lieu. Cela fait près de deux heures que nous avons entamé la discussion de ce texte et il reste d'autres propositions de loi à examiner. Je vous propose donc, chers collègues, de l'adopter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre déléguée, je crois que vous n'avez pas très bien écouté mon intervention. Ce n'est pas le fait qu'il y ait des députés issus des classes supérieures que j'ai critiqué, j'ai simplement déploré qu'il n'y ait pas de députés issus des classes populaires.
Exclamations plusieurs bancs du groupe LaREM et Dem.
Il n'y a pas d'ouvriers dans cette assemblée !
Vous avez évoqué la réussite mais qui a qualifié mes collègues de « députés bac-2 » ou de « députés call center » si ce n'est les membres de votre majorité qui ont fait montre d'un mépris sans nom à l'égard des pauvres et des députés des classes populaires !
Vous avez aussi parlé de l'ascenseur social, mais comment voulez-vous qu'il fonctionne quand en Seine-Saint-Denis, dans ma circonscription, des élèves n'ont cours ni de français, ni d'anglais, ni d'histoire depuis le début de l'année scolaire et que la seule réponse de l'administration et de l'éducation nationale est de dire qu'il n'y a pas de professeur et qu'il n'y en aura pas !
Madame la ministre, comment osez-vous vanter la réussite individuelle alors que vous avez détruit toute possibilité de réussite républicaine et ruiné toute égalité sociale ? Vous êtes un scandale !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je pense qu'il faut en effet que le débat, et je veux remercier le président Lagarde de l'avoir ouvert ce matin, se poursuive et qu'il aille au-delà de cette proposition de loi pour porter de manière plus globale sur les institutions de notre République.
Le fossé se creuse entre nos compatriotes et la représentation politique
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UDI-I
et il y a plusieurs raisons à cela, parmi lesquelles, bien sûr, nos institutions elles-mêmes.
La V
Il faut aussi qu'on réfléchisse nous-mêmes sur l'offre politique. Ce fossé entre nos compatriotes et la représentation politique ne vient-il pas aussi du fait que celle-ci n'est pas suffisamment forte, cohérente et globale pour que les citoyens et citoyennes se passionnent de nouveau pour la politique ? Être député, c'est bien sûr faire avancer les dossiers, c'est bien sûr voter la loi, mais c'est aussi, excusez-moi pour cette expression, faire de la politique et porter une certaine idée de la société dans le débat public.
M. Hubert Wulfranc et Mme Anne-Christine Lang applaudissent.
Pour que tous les orateurs des groupes s'expriment, je vais donner la parole à Mme Brigitte Kuster puis à M. Pascal Brindeau.
Mme la ministre déléguée s'en est remise à la sagesse de l'Assemblée, ce qui se traduit pour la majorité par un appel à voter pour l'amendement de suppression. C'est devenu une tradition dans notre hémicycle : lors de chaque niche parlementaire d'un groupe minoritaire, l'article 1er est systématiquement supprimé, ce qui met fin dans la grande majorité des cas au débat.
Ce matin, le débat se tient depuis deux heures et il pourrait se poursuivre pendant des heures encore sans que cela change grand-chose car les institutions sont usées, comme le souligne Mme Buffet, et des aberrations persistent, telle l'interdiction du cumul des mandats de maire et de parlementaire.
Je vous rappelle que cette proposition de loi vient du Sénat et si les sénateurs l'ont adoptée, c'est qu'ils avaient de bonnes raisons de le faire : ils sont élus par un collège de grands électeurs dont font partie les maires mais eux ne peuvent pas être maires.
Ce n'est pas aujourd'hui que nous allons résoudre le problème. Nous sommes tous d'accord, je pense, pour que la gouvernance démocratique soit remise à plat. Si les Français éprouvent un désintérêt voire un dégoût ou un rejet à l'égard de la politique, c'est qu'ils ne savent plus qui fait quoi. Il leur est difficile de reconnaître le rôle de chacun, avec l'agrandissement des régions et le développement des intercommunalités.
Comme l'article de suppression va être adopté, je ne vais pas pouvoir défendre mon amendement qui porte sur les maires d'arrondissement ou de secteur de Paris, Lyon et Marseille qui se voient imposer une double peine, comme je le soulignais dans la discussion générale. J'aimerais avoir votre position à ce sujet, madame la ministre : pourquoi ne pourraient-ils pas être aussi députés ? Certains l'ont été sous de précédentes législatures – je pense à Claude Goasguen et Philippe Goujon – et je ne crois pas que ce cumul les ait empêchés d'être de bons députés.
Leur mandat de député leur a permis en outre de former des contre-pouvoirs face à la mairie de Paris alors que s'ils avaient exercé leur seul mandat de maire d'arrondissement, ils n'auraient pas eu le même poids. Or cela fait des années qu'il n'y a pas de contre-pouvoirs à Paris. Il serait donc bon d'autoriser ce cumul pour renforcer la démocratie parisienne.
M. Mansour Kamardine applaudit.
On ne va pas faire la loi que pour Paris. Vous n'êtes pas le centre du monde !
Nous sommes d'accord sur tous les bancs de cet hémicycle pour dire, comme Jean-Christophe Lagarde l'a d'ailleurs souligné, que ce débat ne se limite pas à la proposition de loi qui nous occupe ce matin. Il s'agit d'aborder tous les maux, y compris de nature institutionnelle, dont souffre notre démocratie.
La démocratie passe aussi par le respect des journées d'initiative parlementaire. Il appartient au groupe UDI et indépendants de décider librement si ce débat doit durer deux heures ou plus. Il revient à chaque groupe, durant la journée qui leur est réservée, de choisir les thématiques sur lesquelles il souhaite que la discussion porte. Et ce, une fois par an seulement.
Philippe Séguin disait que le rôle du Président de l'Assemblée nationale était de protéger les minorités des excès de la majorité. Mesdames, messieurs de la majorité, si vous adoptiez cet amendement de suppression, vous démontreriez une fois encore dans quels excès vous êtes tombés depuis le début de cette législature.
Madame Kuster, vous m'avez interpellée sur les maires d'arrondissement. Il n'y a aucune raison objective pour qu'ils soient exemptés de la règle de non-cumul avec le mandat parlementaire, qu'ils soient maires à Lyon, à Marseille ou à Paris.
Ils ont exactement les mêmes pouvoirs…
Ils exercent des compétences…
Vous me posez une question et je vous réponds, madame Kuster. Ils exercent bel et bien des compétences, même si elles sont différentes. Ils participent aux assemblées délibératives.
Nous estimons que l'interdiction de cumul concerne les fonctions exécutives locales dans leur ensemble. Je sais que cela ne vous plaît pas, madame, mais telle est notre position.
Pas de chance, chers collègues de la majorité : ce n'est pas en vous débarrassant de l'article 1er que vous éviterez le débat.
Très franchement, il y a quatre ans et demi, en voyant la nouvelle majorité arriver, je me disais que les comportements changeraient. Acceptez l'idée que nous ne nous sommes jamais opposés à la moindre discussion engagée par les différents groupes d'opposition, y compris ceux que nous combattons, car nous considérons que les propositions de loi discutées lors des journées d'initiative parlementaire peuvent servir à alimenter les débats, d'autant que vous n'avez pas alors à faire la loi, c'est-à-dire à voter les textes que le Gouvernement vous demande d'adopter.
La suppression de l'article 1er , à la suite de l'intervention de M. Cazeneuve qui ne défendait pas tout à fait la même position à l'extérieur de cet hémicycle, vient de montrer que vous ne souhaitez pas que le débat ait lieu.
Tout le monde semblait dire que celui-ci devait être plus global et aller au-delà de cette proposition de loi mais le résultat de votre vote prouve qu'il vous dérange.
Protestations sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Je ne sais pas pour quelles raisons exactement mais manifestement, c'est le cas.
J'en prends acte. La question que posait le Président de la République était-elle sincère ou pas ? Je ne le sais pas, toujours est-il que la majorité a tranché et que tout le monde pourra savoir dans quel sens.
Quant à l'amendement n° 11 , il prévoit l'impossibilité d'un cumul d'indemnités en cas de cumul de fonctions figurant à l'article 1er , dont la suppression rend donc l'amendement sans objet. Je tiens tout de même à dire – encore une fois, même si vous avez l'impression de perdre votre temps, il s'agit du temps qui nous est accordé pour exprimer nos opinions – que le plus insupportable aux Français était sans doute le cumul des indemnités résultant de celui des fonctions. Députés ou sénateurs, les parlementaires sont indemnisés : il n'y a pas de raison que ceux qui exerceraient simultanément un autre mandat perçoivent davantage. Si le débat pouvait se dérouler sainement, il porterait donc sur la décision du Sénat d'autoriser le cumul d'indemnités, ce que les auteurs de ce texte ne souhaitaient pas – je pense à Hervé Marseille, le président du groupe sénatorial Union centriste. Trop souvent a couru dans l'hémicycle, propagé le plus souvent par la majorité, parfois par le Gouvernement, l'argument selon lequel une telle mesure ne serait pas conforme à la Constitution : très franchement, de manière générale, le Parlement gagnerait à considérer que seul le Conseil constitutionnel peut en décider.
Nous cesserions ainsi de nous autocensurer en permanence, sans même avoir de certitude puisque le Conseil constitutionnel change parfois d'avis ; c'est bien à nous de voter la loi et à lui d'en censurer au besoin les dispositions qu'il estime contraires à la Constitution. Pour en revenir encore une fois à l'amendement, je le retire, puisqu'il n'a plus lieu d'être en raison de votre décision d'interdire le débat.
L'amendement n° 11 est retiré.
Je le retire également, car il visait à compléter la liste établie par le rapporteur, et la suppression de l'article 1er le rend donc sans objet. Finalement, nos collègues de la majorité sont en pleine contradiction car nous abordions là des aspects plus techniques que le débat politique, au sens large du terme, portant sur le cumul de fonctions – sauf à considérer que le mandat unique sera désormais la règle pour tous, ce qui constituerait une erreur démocratique. Encore faudrait-il pouvoir en discuter !
L'amendement n° 18 est retiré.
Les amendements n° 12 de M. le rapporteur et 19 de M. Pascal Brindeau sont retirés.
Si le débat pouvait avoir lieu, cet amendement devrait susciter la réflexion. On nous a souvent opposé le risque de conflit d'intérêts : il vise donc à ce que le mandat de député soit incompatible avec les fonctions de président ou vice-président du conseil d'administration du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), ainsi qu'avec celles de président du conseil d'administration d'un centre de gestion de la fonction publique territoriale.
Il n'est plus question des mandats de maire, d'adjoint, de conseiller municipal délégué : circulez, il n'y a rien à voir, vous refusez d'en discuter ! Je parle ici de fonctions qui pourraient parfaitement échoir à un député alors même qu'il ne serait pas élu local ; de même, j'évoquais tout à l'heure la présidence du conseil d'administration d'un bailleur social, que celui-ci prenne la forme d'un office public ou d'une société d'économie mixte (SEM). En vertu de quelle logique discutable celle-ci nous serait-elle refusée, tandis que nous pouvons diriger une entreprise ?
Je le répète, la loi organique du 14 février 2014 est allée trop loin. Seulement, les élections approchent, et la peur des électeurs engendre la démagogie : il ne faut toucher à rien !
M. Jean-René Cazeneuve proteste.
Telle a été votre réaction, monsieur Cazeneuve ! Ce n'est d'ailleurs pas ce que vous m'aviez indiqué au sujet de l'esprit dans lequel vous aborderiez ce débat. Savoir pourquoi telles fonctions nous sont interdites, cela valait la peine d'en débattre. Je vous ai tous entendus dire qu'il serait intéressant de donner plus de place aux parlementaires sur le terrain ; en l'occurrence, encore une fois, il ne s'agit plus de fonctions exécutives locales ni d'indemnités, mais d'autoriser les parlementaires à siéger au conseil d'administration de tel ou tel organisme, ce qui n'aurait rien d'absurde. L'Assemblée désigne bien certains de ses membres pour la représenter au sein d'instances aussi importantes que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ou la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) !
Nous cherchions simplement à mettre en lumière les incohérences de la loi afin qu'elles puissent être examinées, ce qui sera manifestement impossible, bien que je ne souhaite pas retirer cet amendement. Vous nous annoncez qu'un tas de groupes de travail ont été ou vont être créés, que tout le monde réfléchit à la démocratie ; reste que d'ici au terme du quinquennat et de la législature, rien n'en parviendra dans l'hémicycle. Peut-être avez-vous raison de tabler sur un renouvellement de votre mandat : les Français en décideront. En attendant, je le répète, rien n'aura été fait ! Il faudra bien que quelqu'un s'aperçoive un jour de ces incohérences et que la loi soit modifiée. J'ai rencontré il y a peu le président d'une société employant 800 personnes, qui souhaite rejoindre les rangs des parlementaires : cela n'a pas de sens qu'il puisse, une fois élu, conserver ses fonctions actuelles, mais non en assumer au sein d'un syndicat intercommunal, dont la taille et le pouvoir sont limités. C'est absurde !
Par ce débat, nous voulions dénoncer les contradictions de la loi : au-delà des postures électorales, j'espère avoir amené certains de mes collègues à réfléchir.
Mme Agnès Thill et M. Mansour Kamardine applaudissent.
L'amendement n° 20 de M. Pascal Brindeau est défendu.
L'avis du rapporteur est évidemment favorable.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Vous savez toute l'amitié que je vous porte, monsieur Kamardine, mais je n'en serai pas moins défavorable à ces amendements.
Il serait anormal qu'un parlementaire préside le conseil d'administration d'un établissement public, alors qu'il est censé évaluer l'application par ces établissements des lois votées par le Parlement. En outre, rien ne l'empêche de siéger au sein de ce même conseil en tant que simple membre.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit ne pas comprendre que l'on puisse être député tout en exerçant une profession. En dehors des cas d'incompatibilité, je ne vois pas pourquoi il faudrait s'en affranchir : notre profession, c'est notre filet de sécurité à l'issue d'un mandat extrêmement compliqué et dont, sauf dans de rares circonscriptions bénies, rien ne garantit le renouvellement, car nous ne sommes pas sénateurs. Tout au plus aurions-nous souhaité encadrer son exercice, trouver un moyen qu'elle ne dévore pas le mandat et garantir ainsi aux citoyens que leur député s'implique véritablement.
Cette nécessité d'un encadrement va de pair avec celle d'une réflexion sur les conflits d'intérêts. Médecins ou avocats, lorsque nous discutons de textes qui nous concernent professionnellement, cela pose problème. Encore une fois, nous ne devons pas exclure l'exercice d'un métier, ce qui entraînerait la professionnalisation des élus politiques, mais limiter la quantité de travail qu'il suppose – ce que font généralement déjà les députés – et lutter contre le risque de conflit d'intérêts.
Monsieur Lagarde, vous soutenez que le mandat de député serait compatible avec toute une série d'autres fonctions : c'est peut-être vrai sur le papier, mais non dans les faits. Ne vous imaginez pas qu'une entreprise ou une association continuerait de payer l'un de ses salariés, par exemple un ingénieur chez Dassault Aviation, devenu député ! D'ailleurs, la plupart d'entre nous mettent leur métier entre parenthèses pour se consacrer exclusivement à leur mandat. Il faut le dire et le redire : député est une activité à temps plein !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Par ailleurs, nous étions tout disposés à ce débat, car beaucoup d'entre nous estiment à juste titre qu'il existe de vraies questions concernant le rôle du député, son intégration locale, ses relations avec les élus locaux, avec la préfecture, avec l'administration. Nous avons discuté : seulement, monsieur Lagarde, au lieu de vous prononcer de manière relativement concise sur chaque amendement, vous avez fait le choix – qui relève de votre liberté que je respecte – d'intervenir longuement, en abordant d'entrée de jeu tous les aspects du sujet. Au bout de deux heures et demie, cela s'appelle un débat !
Mêmes mouvements.
Monsieur Cazeneuve, vous avez inventé le temps législatif programmé pour les niches de l'opposition : c'est là une novation par rapport à notre règlement, en tout cas par rapport à l'esprit dans lequel il a été rédigé ! Vous consentez au débat à condition d'en siffler la fin lorsqu'il vous plaît de le faire. En démocratie, c'est un choix discourtois ; assumez au moins votre décision !
Madame Untermaier, vous plaidez pour que les députés conservent un reliquat d'exercice professionnel. M. Cazeneuve fait valoir que leur mandat les occupe à temps plein ; la loi les autorise pour sa part à le cumuler avec toutes sortes d'activités, d'où l'institution du déontologue de l'Assemblée nationale, chargé notamment de prévenir les conflits d'intérêts. Nous nageons donc dans l'hypocrisie : tous les députés ne se vouent pas entièrement à leur mandat, puisqu'ils sont par exemple autorisés à continuer d'enseigner la médecine ou le droit. Ne racontez pas de pareils bobards aux Français, en tout cas pas dans cet hémicycle !
Enfin, madame la ministre déléguée, votre réponse n'était pas adaptée à ces amendements. Vous dites en substance qu'un parlementaire ne peut gérer un établissement public, car celui-ci applique la loi. Une entreprise n'en fait-elle pas autant ? Un député peut être membre ou responsable d'une organisation professionnelle : celle-ci en applique-t-elle moins la loi ? Faire partie – même pas en tant que président ou vice-président – du conseil d'administration d'un établissement public local, quelle dépense de temps, quelle dramatique impossibilité selon la loi de 2014, dont chacun sait qu'elle n'a rien d'excessif ! Le conseil de surveillance d'une société d'économie mixte locale (SEML), c'est encore pire : vous êtes député, sortez de là ! Tout cela donne une législation fort équilibrée, chers collègues, laquelle ne mérite pas d'être débattue. En fait, j'espère que vous aurez l'occasion de reprendre ce débat, car il convient de retirer de la loi les exagérations de 2014, que vous n'avez pas voulu voir.
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi organique. Les articles et amendements portant article additionnel ayant tous été supprimés ou rejetés, elle n'est pas adoptée.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
C'est empreinte d'un sentiment ambivalent que je me présente devant vous à la tribune. Ce sentiment tient tout d'abord de la fierté : j'ai la chance de porter la parole de concitoyens qui subissent quotidiennement de terribles injustices. Cela commence par des rendez-vous, par une écoute attentive et consternée. On interpelle le Gouvernement par tous les moyens en notre possession, des dizaines de courriers, de multiples interventions, des amendements : c'est notre travail de parlementaire. Philippe Dunoyer, Stéphanie Atger et moi-même avons eu la chance d'élaborer un rapport d'information portant en particulier sur l'indemnité temporaire de retraite (ITR), dont les préconisations se sont traduites dans une proposition de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen.
C'est ensuite un sentiment de révolte qui me vient – oui, de révolte, mes chers collègues ! J'ai été particulièrement agacée par les prises de position purement politiciennes de certains groupes en commission. On ne fait pas de politique lorsqu'il est question de la détresse et de la souffrance de nos concitoyens. Je veux tout particulièrement m'adresser au groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, qui prétend que ces mesures ne sont pas pertinentes, que ce sont des pansements et qu'elles ne sont pas susceptibles d'apporter une réponse rapide. Cela fait soixante-dix ans que les injustices perdurent et cela fait des années que nous interpellons le Gouvernement. Si nous présentons cette proposition de loi, c'est bien parce que rien n'a été fait jusque-là !
Les mesures présentées aujourd'hui, fruit de plusieurs années de travail sur le terrain, ont été enrichies par les différentes auditions de la mission parlementaire. Le texte n'est certes pas parfait, et je suis convaincue que le débat démocratique peut le parfaire. Je suis ravie que plusieurs de mes collègues ultramarins aient déposé des amendements qui reflètent des témoignages recueillis.
J'en viens au fond du texte. L'article 1er vise à geler l'extinction progressive de l'ITR. Cette indemnité, mise en place pour compenser le coût élevé de la vie outre-mer, a été totalement dévoyée de son but initial ; elle est aujourd'hui victime de ses abus. Cela, personne ne le conteste. En revanche, tout le monde milite pour l'émergence d'un système alternatif, fondé sur une surcotisation sur les primes et les indemnités. C'est d'ailleurs ce à quoi s'était engagé le gouvernement de l'époque, lors de l'entrée en vigueur de la réforme de l'ITR, avec l'installation d'un groupe de travail relatif à la mise en œuvre du régime alternatif à l'ITR. Sauf que, près de deux ans plus tard, ce n'est pas un système alternatif qui a vu le jour mais un rapport concluant que la réforme ne justifie pas d'envisager la création d'un dispositif substitutif.
Vous comprenez maintenant, mes chers collègues, pourquoi ce sujet est très sensible. Les bénéficiaires d'aujourd'hui et de demain ont le sentiment d'avoir été floués par l'État, qui n'a pas respecté son engagement.
Ils doivent payer pour quelques profiteurs alors que l'existence d'un dispositif compensant la cherté de la vie outre-mer est plus que jamais indispensable. Je vous rappelle que les prix sont en moyenne supérieurs de 38,5 % en Polynésie française et de 33 % en Nouvelle-Calédonie.
Nous avons bon espoir, madame la ministre, d'avancer en bonne intelligence avec vous sur cette question qu'il nous faut absolument résoudre. L'adoption de l'article 1er enverrait un signal fort sur la réouverture des débats avec l'État et constituerait un gage de la confiance rétablie entre les différents interlocuteurs après un long silence. Pouvez-vous faire un point d'étape sur l'avancée des travaux ?
La réforme du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM), à l'article 2, propose d'intégrer les critères d'éligibilité dans la loi. Le CIMM évalue l'appartenance d'un agent à un territoire ultramarin pour l'octroi d'un congé bonifié, d'une mutation ou de l'ITR. Toutefois, cette procédure nourrit un puissant sentiment de vexation chez les agents qui s'y soumettent. Ceux-ci ont l'impression de passer un examen d'« ultramarinité », alors que les décisions peuvent être totalement contradictoires d'une administration à une autre. Lors des auditions de la mission parlementaire, les critiques se sont essentiellement concentrées sur le sentiment d'arbitraire concernant la décision rendue, sur l'absence de caractère contradictoire de la procédure et sur le caractère unipersonnel de la décision. L'intégration des critères dans la loi permettra de se prémunir de cet arbitraire en supprimant les marges d'appréciation de l'administration, celle-ci devant se borner à constater la seule réunion des critères. Le fait que l'agent doive apporter la preuve de son appartenance à son territoire d'origine de façon récurrente alimente et amplifie son ressentiment. C'est pourquoi il est proposé qu'une fois obtenu, le CIMM soit acquis pour les natifs de nos territoires.
En commission, j'ai entendu que la constitution de critères légaux risquerait d'écraser la jurisprudence. Je vous le confirme, et c'est heureux ! Dans notre rapport parlementaire, il est écrit noir sur blanc que l'impossibilité de se référer à une jurisprudence stabilisée est source d'erreur. D'ailleurs, mes chers collègues, en cas de désaccord sur les critères proposés, libre à vous de déposer des amendements pour les modifier. Certains l'ont fait et je les en remercie. J'ajouterai que certains critères actuels sont très discutables, comme le lieu de naissance et de scolarisation des enfants. Le fonctionnaire temporairement affecté dans l'Hexagone n'a d'autre choix que d'y scolariser ses enfants et il a encore moins de prise sur leur lieu de naissance. Le lieu d'inscription sur les listes électorales n'est pas non plus un critère pertinent, sauf à considérer normal de devoir prendre l'avion à chaque scrutin. Je ne suis pas certaine que le guide des bonnes pratiques proposé par la majorité change quoi que ce soit, car il est le fruit d'une évaluation interne des services de l'État.
Nous en venons à l'article 3 et à l'indemnité d'installation des militaires ultramarins (INSMET). Depuis les années 1950, les militaires des départements d'outre-mer touchent, pour leur installation en métropole, une prime correspondant à neuf mois de solde – douze mois pour les Guyanais. Pour les Polynésiens, les Calédoniens, les Wallisiens, les Futuniens et les Mahorais, il n'y a rien !
Les collectivités du Pacifique, en particulier la Polynésie française, présentent l'un des ratios d'engagés dans les armées par rapport à la population les plus importants du territoire national. Ces personnes risquent leur vie au même titre que les autres ; leur engagement au service de la patrie n'a pas moins de valeur. Je veux d'ailleurs rappeler le sacrifice ultime de Tanerii Mauri, brigadier-chef du 1er régiment de chasseurs de Thierville-sur-Meuse, le 28 décembre 2020, ainsi que ceux de ses frères d'armes ; ils nous rappellent le lourd tribut payé par nos armées pour assurer la sécurité de tous les Français. Pourtant, la discrimination perdure depuis soixante-dix ans. La ministre des armées s'est engagée à harmoniser le dispositif et à l'ouvrir aux militaires qui en sont injustement exclus : elle l'a fait une première fois en février 2019 puis une seconde fois en octobre 2021, annonçant un projet de décret devant être publié en janvier 2022. Nous espérons que la démarche aboutira cette fois-ci, et nous lui en serons extrêmement reconnaissants ; une inscription dans la loi permettrait néanmoins de cadrer le nombre de bénéficiaires et la charge financière.
En revanche, et sauf erreur de ma part, il n'est fait aucune mention de cette dépense nouvelle dans les documents budgétaires pour 2022. L'harmonisation se ferait donc à budget constant ; autrement dit, c'est sur les autres territoires ultramarins que reposerait le poids de la correction de l'injustice. On ne règle pas une injustice en en créant une autre, madame la ministre. La solidarité doit être nationale et pas seulement ultramarine, car c'est bien pour la Nation tout entière que nos militaires s'engagent.
L'article 4 demande la remise d'un rapport sur les dispositifs de reconversion professionnelle des militaires du Pacifique. Nombre d'entre eux ne disposent en effet pas des dispositifs déployés en métropole, alors que la fonction publique d'État en Polynésie française compte 11 000 postes. Cette question mériterait une analyse plus approfondie. La majorité nous rétorquera qu'elle pourrait faire l'objet d'un rapport parlementaire. Mais la présente proposition de loi est elle-même la traduction d'un rapport parlementaire dont vous faites parfois peu de cas, mes chers collègues, quand bien même un membre de la majorité en est le co-auteur. Sans doute un rapport gouvernemental trouverait-il davantage grâce à vos yeux.
Enfin, l'article 5 propose d'assurer la prise en charge des frais de voyage des militaires afin qu'ils puissent rejoindre le territoire où se trouve leur CIMM tous les deux ans, sur le modèle des congés bonifiés dont bénéficient les fonctionnaires.
En conclusion, mes chers collègues, je n'ai pas la prétention de croire que ce texte est parfait ; libre à vous de l'enrichir par voie d'amendements, c'est l'essence même du débat parlementaire. J'ai la faiblesse de croire, en revanche, qu'il traduit assez fidèlement le puissant ressentiment qu'éprouvent de nombreux ultramarins au plus profond d'eux-mêmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Je me réjouis, au nom du Gouvernement, de l'examen d'une proposition de loi instaurant diverses dispositions relatives aux fonctionnaires et militaires originaires d'outre-mer. Mon collègue Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, ne peut pas être présent à mes côtés mais soyez assurés, mesdames et messieurs les députés, du plein engagement de son ministère sur ces questions.
Avant de commencer, je souhaiterais saluer l'engagement des agents publics qui travaillent dans les territoires d'outre-mer ou qui en sont originaires et travaillent dans l'un de nos services publics, dans le contexte sanitaire difficile que nous connaissons
Conformément aux engagements pris par le Premier ministre à cette tribune en juillet 2020, il m'a été confié une mission essentielle au bon fonctionnement de notre pays : territorialiser le cœur de la politique publique que nous menons, afin que l'action publique ait un sens dans chaque territoire. L'enjeu pour moi est de mener la transformation en m'assurant que, dans chaque territoire, l'action publique est adaptée au terrain et aux réalités vécues par les habitants, avec des agents dont les compétences sont pertinentes pour relever partout les défis posés. La territorialisation prend évidemment un sens tout particulier dans les territoires ultramarins car on ne mène pas une politique publique nationale de la même manière à Saint-Laurent-du-Maroni, à Nouméa, à Pointe-à-Pitre ou à Papeete, et on n'y attend d'ailleurs pas les mêmes compétences.
Les spécificités justifient historiquement des particularités statutaires et indemnitaires pour les fonctions publiques outre-mer, dont l'évolution doit rester guidée par des critères d'impact et d'efficacité mais aussi par le maintien d'un principe d'égalité et d'équité. Je tiens à saluer l'important travail parlementaire, mené notamment par les députés Stéphanie Atger, Philippe Dunoyer et par vous-même, madame Sanquer, qui a débouché sur l'élaboration de plusieurs propositions dans le rapport d'information sur la réforme de l'indemnité temporaire de retraite.
Vous proposez à l'article 1er , madame la députée, de revenir sur l'extinction progressive de l'ITR. Vous entendez ainsi tirer les conséquences d'un rapport qui montre que l'extinction de ce dispositif réduit le taux de remplacement pour certains fonctionnaires. La crainte est que leur situation économique soit fragilisée, dans un contexte de vie chère. Le Gouvernement ne souhaite néanmoins pas revenir sur l'extinction de l'ITR, dont il convient de rappeler qu'elle avait été instituée en 1952 dans le but de compenser l'écart monétaire entre la métropole et l'outre-mer, où circulait alors le franc CFA ou le franc Pacifique. Depuis 2008, l'extinction de l'ITR est lisible et prévisible, ce qui permet aux agents de connaître la réalité du montant de leur pension compte tenu du plafonnement dégressif entre 2020 et 2028.
J'ajoute que le surcroît de retraite de l'ITR ne s'accompagne pas d'une surcotisation ni même d'une condition de résidence outre-mer pendant l'activité de l'agent public. Il ne concerne que les fonctionnaires de l'État, à l'exclusion des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Il ne couvre par ailleurs qu'une partie des territoires ultramarins, puisque la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique en sont exclues. Je précise enfin qu'il est décorrélé du coût de la vie réellement observé.
Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet article. Jamais depuis 2009, l'interruption de cette extinction n'a été mise sur la table. Je tiens à le rappeler ici, car cette extinction est pleinement justifiée. Mais la question des retraites des fonctionnaires ultramarins mérite d'être traitée autrement, en prenant en compte la réalité de ces territoires. J'ai eu avec vous, madame la députée, et avec vos collègues Stéphanie Atger et Philippe Dunoyer des échanges à ce sujet il y a quelques semaines.
Comme le Président de la République l'a annoncé lors de son déplacement en Polynésie, Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, réunira un comité consultatif qui aura deux objectifs : partager un diagnostic objectivé des pensions de retraite des agents publics dans ces territoires ; dessiner, à moyen terme, des solutions équitables pour le régime de retraite des fonctionnaires au vu des conséquences de la réforme de l'ITR. Ce comité conduira un travail partenarial, avec des experts, des représentants des territoires et des administrations et, évidemment, des représentants syndicaux, sur la prise en compte des sur-rémunérations, elles-mêmes justifiées par le coût de la vie, dans les retraites des fonctionnaires ultramarins. Il se réunira et apportera des premières réponses au cours du premier semestre 2022.
Mesdames et messieurs les députés, ce gouvernement est le premier à s'engager dans une démarche d'évaluation de la situation, en vue d'apporter des réponses adéquates, concertées et globales à la question du coût de la vie et du pouvoir d'achat des agents publics retraités outre-mer.
Le second article de la proposition de loi porte sur les conditions d'octroi du CIMM, en prévoyant d'inscrire dans la loi une liste exhaustive de critères. Cette reconnaissance permet notamment l'octroi des congés bonifiés mais aussi d'une priorité légale d'affectation dans les mobilités, instaurée par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer du 28 février 2017. Cette nouvelle priorité légale d'affectation est bien sûr appliquée par l'ensemble des ministères. En tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques, il est de ma responsabilité d'y veiller. Les modalités de sa mise en œuvre ont été déclinées dans les lignes directrices de gestion de chaque ministère.
Je signalerai d'abord que la reconnaissance du CIMM constitue déjà une réelle accélération de mutation pour les agents qui la sollicitent puisque leurs demandes ont deux fois plus de chances d'aboutir : en effet, 28 % des demandes de mobilité effectuées au titre du CIMM aboutissent à une affectation contre 15 % des autres demandes relevant des autres priorités légales.
Aujourd'hui, les critères permettant à un agent public de justifier du CIMM sont effectivement fixés par voie réglementaire et laissent, comme vous le soulignez, une certaine marge d'appréciation à l'employeur public. Définir la réalité des liens qui attachent une personne à un territoire implique d'entrer dans la complexité et l'unicité de chaque situation personnelle, familiale, matérielle et morale. C'est une question d'humanité avant d'être une question de critères légaux.
Nous avons d'ores et déjà impulsé une simplification de l'établissement du CIMM pour que celui-ci reste valable six ans. C'est un réel progrès en termes de lisibilité et de prévisibilité. Nous avons publié un guide, destiné aux agents, qui présente les critères, ni exhaustifs ni cumulatifs. Je vous ai fait part des résultats. Nous devons assurer un traitement juste, équitable et transparent de chaque demande.
C'est pourquoi la réponse que vous proposez ne paraît pas pertinente. Cette notion de CIMM est par nature complexe et recouvre des situations trop diverses. Je crains qu'en définissant trop précisément les critères dans la loi, nous n'aboutissions à une rigidification excessive du dispositif, dont certains demanderaient très légitimement la simplification dans quelques années. Une attribution trop large du CIMM conduirait par ailleurs à vider de sa substance la notion même de priorité légale d'affectation. Les nombreux amendements déposés à cet article montrent la difficulté de définir une liste précise et complète de critères.
J'en viens aux dispositions concernant les militaires.
L'article 3 concerne l'INSMET, qui est versée aux militaires dont le centre des intérêts moraux et matériels est situé dans un département d'outre-mer, lorsqu'ils sont désignés pour servir en métropole à la suite de leur entrée au service ou d'une mutation dans l'intérêt du service. Régie par décret, elle excluait jusqu'à maintenant, vous l'avez rappelé, les militaires domiciliés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Mayotte, et mutés pour la première fois en métropole. Ces hommes et ces femmes qui s'engagent paient parfois un lourd tribut à la défense de notre pays.
Il s'ensuivait effectivement une différence de traitement difficilement justifiable, dans la mesure où les sujétions liées à l'installation en métropole sont globalement identiques pour tous les militaires ultramarins. Ce constat a conduit la ministre des armées, Florence Parly, à annoncer dans cet hémicycle, devant vous, une réforme inédite du dispositif indemnitaire relatif à l'installation des militaires ultramarins en métropole. Cette réforme avait été annoncée par le Président de la République, le 27 juillet dernier, à l'occasion de son discours prononcé à Papeete en clôture de son déplacement en Polynésie française – certains d'entre vous étaient présents. Le travail réglementaire sur cette question devrait aboutir avant la fin de l'année pour s'appliquer en 2022 ; cette inégalité sera ainsi corrigée. Vous pouvez compter sur ma vigilance pour sa bonne mise en œuvre.
L'article 4 prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport sur la reconversion professionnelle des militaires et anciens militaires établis en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou dans les îles Wallis et Futuna. Très honnêtement, les antennes de l'agence Défense mobilité, ouvertes par ma collègue ministre des armées dans nos territoires pour offrir des solutions professionnelles et un avenir à ceux qui ont servi nos armées, me semblent beaucoup plus efficaces et concrètes qu'un texte de loi et un rapport. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en trois ans, 170 militaires ont été accompagnés par les deux antennes Défense mobilité du Pacifique.
L'article 5 prévoit enfin d'étendre les congés bonifiés aux militaires. Vous le savez, les militaires bénéficient d'un dispositif adapté à leurs caractéristiques propres et aux sujétions liées à leurs missions. Ce dispositif permet aux militaires dont le CIMM est situé dans un département ou une collectivité d'outre-mer de bénéficier d'un cumul, sur trois ans, de leurs permissions non prises, dans la limite de six mois. Il donne en outre au militaire et à sa famille la possibilité de bénéficier de la prise en charge des frais de transport aller et retour dans ce cadre. Le maintien de l'article 5 ne semble donc pas pertinent à cet égard.
Pour les raisons évoquées ci-dessus, le Gouvernement est défavorable à votre proposition de loi, dans son ensemble. Madame la députée Sanquer, mesdames et messieurs les députés – tout particulièrement, madame Atger et monsieur Dunoyer, que je sais particulièrement impliqués sur tous ces sujets –, je vous remercie pour votre travail d'ampleur. Vous pouvez bien évidemment compter sur tout le Gouvernement, notamment sur la ministre de la transformation et de la fonction publiques que je suis et sur le ministre des outre-mer, pour répondre concrètement aux attentes que vous avez formulées.
Nous entendons continuer de bâtir une fonction publique qui ressemble à notre société et qui tire sa légitimité de son efficacité dans les territoires. Pour le ministre des outre-mer et moi-même, il est crucial de promouvoir le recrutement et la mobilité des agents publics originaires d'outre-mer, dans les territoires ultramarins comme dans toute la fonction publique, ainsi que de garantir l'attractivité de ces territoires pour ceux dont la valeur est reconnue et qui entendent s'engager et servir là où des défis économiques et sociaux majeurs sont à relever.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Les fonctionnaires et les militaires originaires d'outre-mer, plus particulièrement des collectivités du Pacifique, sont parfois victimes d'inégalités de traitement par rapport à leurs compatriotes de l'Hexagone. C'est une réalité, qui trouve son origine dans plusieurs sources législatives, réglementaires ou administratives. Sans surprise, ces différences de traitement suscitent au sein de la population des incompréhensions et un légitime sentiment d'injustice.
Cette proposition de loi de notre collègue Nicole Sanquer a vocation à combattre ces injustices et à apporter des solutions pratiques à certains de ces problèmes identifiés de longue date, vous l'avez rappelé, madame la ministre, et sur lesquels nous appelons l'attention du Gouvernement depuis plusieurs années. Sur ces sujets, nous progressons pas à pas, et je ne doute pas plus que vous que nous ne parvenions à leur donner une issue positive, aujourd'hui et dans les prochaines semaines, notamment sur l'ITR.
Je rappellerai d'abord la situation des militaires originaires du Pacifique. Comme vous le savez, la place de l'armée y est puissante, son aura importante et son rôle essentiel, notamment en termes de formation et de filières d'emplois, au travers du service militaire adapté (SMA). Plus de 800 jeunes hommes et femmes originaires de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna s'engagent chaque année, ce qui fait du Pacifique un formidable vivier de recrutement pour l'armée ; ces militaires font preuve du même dévouement et du même engagement au service de notre pays que leurs collègues, un dévouement et un engagement que nous devons saluer, encourager et valoriser.
C'est la raison pour laquelle nous considérons qu'ils doivent bénéficier de la même prime d'installation que leurs collègues ultramarins lorsqu'ils sont affectés dans l'Hexagone, de la prise en charge des frais de voyage lorsqu'ils retournent dans leur territoire d'origine mais aussi d'un accompagnement adapté au moment de leur reconversion.
Depuis 1950, notre réglementation prévoit d'accompagner les militaires originaires d'outre-mer lorsqu'ils sont affectés en métropole, mais, pour une raison inconnue, cet accompagnement exclut expressément ceux originaires du Pacifique. À cet égard, je m'associe aux remerciements que vous avez adressés, madame la ministre, à Mme la ministre des armées, qui s'est engagée à remédier, par décret au début de l'année 2022, à une injustice vieille de soixante-onze ans. L'article 3 de la proposition de loi vise à ce que nous puissions définir ensemble les modalités de cette correction. Les obstacles d'ordre budgétaire qui ont été pointés lors de nos auditions doivent être surmontés, afin d'éviter de nouvelles incompréhensions.
Sur le sujet des congés bonifiés, nous avons progressé, puisque le dispositif a été étendu par un décret du 2 juillet 2020 aux fonctionnaires civils et militaires calédoniens et polynésiens, conformément à une demande que nous formulions de longue date. L'article 5 de la proposition de loi va un peu plus loin en alignant le régime des congés bonifiés des militaires sur celui dont bénéficient les fonctionnaires civils.
Un autre sujet essentiel est abordé par cette proposition de loi, celui du CIMM, très joli sigle qui recouvre une série de critères destinés à établir une priorité légale d'affectation dans ces territoires. Vous l'avez dit, un bilan de l'application de ces critères nous a été transmis la semaine dernière, lequel conclut, sans surprise là aussi, à une utilisation satisfaisante, encadrée et précisée par la jurisprudence. Je tiens à dire, madame la ministre, qu'il n'en est rien. Plus d'un élément en témoigne, si tant est que cela soit nécessaire. D'abord, c'est le thème sur lequel le plus grand nombre d'amendements ont été déposés, notamment par Olivier Serva, président de la délégation aux outre-mer, absent aujourd'hui mais très investi sur ce sujet, comme vous le savez. Une illustration presque caricaturale du caractère subjectif de ces critères est citée dans le rapport que notre collègue Stéphanie Atger et moi-même avons rendu : une même personne a bénéficié du dispositif du CIMM pour sa pension d'invalidité, mais n'en a pas bénéficié pour sa pension de retraite. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Il est important que nous puissions revenir sur l'application de ces critères, trop souvent incohérente et qui donne lieu à des décisions qui nourrissent l'incompréhension, voire la colère, des agents concernés. C'est la raison pour laquelle il est proposé de fixer les critères dans la loi afin de mettre un terme aux divergences d'interprétation.
Je terminerai en évoquant un sujet important – ils le sont tous – qui me tient particulièrement à cœur : celui de l'indemnité temporaire de retraite. Depuis 2019, que ce soit auprès du président de la délégation aux outre-mer, ou dans le rapport pour avis sur les crédits de la mission "Outre-mer" du projet de loi de finances pour 2020, ou encore dans le cadre du rapport d'information que nous avons publié sur la réforme de l'ITR et que vous avez eu la gentillesse de rappeler tout à l'heure, nous répétons que ce sujet doit faire l'objet d'une attention et d'une vigilance particulières.
Ce rapport dresse plusieurs constats : en premier lieu, la réforme de l'ITR décidée en 2008 était légitime, il faut le rappeler, car il fallait mettre un terme à des effets d'aubaine inadmissibles qui permettaient, par exemple, à des fonctionnaires n'ayant aucun lien avec les territoires d'outre-mer et n'y ayant jamais travaillé de choisir d'y passer leur retraite et de bénéficier de cette indemnité.
Toutefois, il convient également de souligner que ces effets d'aubaine ont aujourd'hui disparu. Désormais, plus aucun fonctionnaire n'est autorisé à bénéficier de l'ITR s'il ne dispose pas d'un lien direct avec nos territoires et s'il ne peut justifier d'y avoir accompli au moins quinze années de services effectifs – ce dernier critère ayant été ajouté. L'impact budgétaire attendu, c'est-à-dire la baisse du coût de la mesure, a été validé à plusieurs reprises par l'État. Dorénavant, seuls les fonctionnaires originaires des territoires ultramarins ou qui y sont installés de très longue date pourront prétendre à l'ITR, du moins jusqu'à la disparition complète du dispositif. C'est en cela que réside le deuxième effet, le plus inquiétant, souligné dans le rapport.
Nous avons pu mesurer le taux de remplacement – c'est-à-dire le montant de la retraite d'une personne lorsqu'elle quitte le monde professionnel – à la suite de la disparition progressive de l'ITR : alors qu'il est de l'ordre de 60 % à 65 % en France et en Europe, il passera de 73 % environ à 40 % dans les territoires ultramarins. Plus qu'une baisse drastique, le pouvoir d'achat des anciens fonctionnaires et nouveaux retraités vivant dans les territoires ultramarins diminuera de moitié, au point que certains d'entre eux envisagent de quitter le territoire où ils sont nés pour vivre leur retraite ailleurs, compte tenu du niveau très faible de celle-ci – ils nous l'ont dit et je veux faire état ici de leurs témoignages. Certains d'entre eux toucheront même des retraites inférieures au minimum vieillesse, bien que nous ayons des dispositifs équivalents à celui du minimum vieillesse dans nos territoires.
Le troisième point concerne celui du coût de la vie dans nos territoires : notre collègue Nicole Sanquer l'a rappelé, il est globalement plus élevé, de l'ordre de 33 % à 37 %. Les territoires ultramarins sont ceux où la vie est la plus chère : je prends, à dessein, l'exemple de l'alimentation, pour laquelle les prix des produits sont plus élevés de 73 % en Nouvelle-Calédonie qu'en métropole.
Dans ce contexte, et aussi légitimement qu'il est nécessaire d'indexer les traitements des fonctionnaires, l'indemnité temporaire de retraite, ou l'instauration d'un complément de retraite, est essentielle. Ce sujet est attendu par des milliers de nos compatriotes, vous le savez, madame la ministre. Nous avons récemment franchi – je tiens à vous en remercier – un cap important lors de la réunion que vous avez évoquée et à laquelle nous avons participé, avec Nicole Sanquer et Stéphanie Atger. Ce cap est d'autant plus essentiel que le gouvernement s'était engagé il y a treize ans à mener des discussions avec les territoires ultramarins et les organisations syndicales. Après treize ans d'oubli, nous formons l'espoir de parvenir, avec vous, à des avancées concrètes. Nous serons très attentifs à l'évolution de ce dossier.
Pour en revenir à la présente proposition de loi, je veux rappeler un point de vigilance : lorsque nous aurons instauré une cotisation complémentaire sur la totalité du traitement des fonctionnaires, nous n'aurons pas apporté une réponse à ce qu'on peut appeler la génération sacrifiée de ces fonctionnaires qui n'auront pas le temps de cotiser suffisamment pour compenser cette perte. Mais je sais que vous avez très bien identifié ce problème.
Nous devons donc progresser ensemble sur ces sujets. À cet égard, l'annonce de la création prochaine – l'objectif annoncé est le premier semestre 2022 – d'un comité consultatif, sous l'égide du ministre des outre-mer et associant les organisations syndicales, est une très bonne nouvelle.
Je conclurai en soulignant que les occasions d'évoquer les questions des militaires et des fonctionnaires des outre-mer sont assez rares dans l'hémicycle. En soumettant cette proposition de loi à votre examen, nous défendons la voix de nos compatriotes qui rencontrent un trop grand nombre de difficultés quotidiennes. Je souhaite que nos débats permettent de confronter nos idées et de répondre à leurs préoccupations légitimes.
Le groupe UDI et indépendants votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – M. Mansour Kamardine et Mme Marie-George Buffet applaudissent également.
Plus que jamais, les territoires ultramarins appellent un soutien sans faille de l'État. Les récents événements survenus en Guadeloupe ou en Martinique, comme le mouvement de grève à Wallis-et-Futuna ont mis en avant les fractures territoriales et sociales persistantes dans ces régions. Le groupe Libertés et territoires soutiendra pleinement cette proposition de loi, qui permet de lutter contre les inégalités de traitement dont sont victimes certains fonctionnaires et militaires ultramarins.
Dans les territoires d'outre-mer, les agents publics comme le reste de la population font face à des conditions de vie plus difficiles que dans l'Hexagone, le coût de la vie y étant nettement plus élevé. Pour faire face à ces sujétions particulières, notre groupe rappelle que l'État, en sa qualité d'employeur, est tenu à un devoir d'exemplarité : il doit apporter un juste soutien à ses agents afin d'éviter tout décrochage.
Je commencerai par rappeler un peu d'histoire législative : à la fin de l'année 2008, le Parlement a voté la suppression progressive de l'indemnité temporaire de retraite ; en contrepartie, un dispositif alternatif devait être déployé : qu'est devenue cette disposition pourtant adoptée dans cet hémicycle ? Elle est tout simplement restée lettre morte. Depuis, treize années d'incurie inacceptable pour les fonctionnaires ultramarins se sont écoulées. En rétablissant l'ITR jusqu'à ce qu'une alternative soit trouvée, la présente proposition de loi permettrait de sortir de cet immobilisme et de rappeler l'État à ses engagements.
Par ailleurs, notre groupe se rallie à la volonté des auteurs de ce texte de redéfinir par la loi la notion de centre des intérêts moraux et matériels, les fameux CIMM. Cette notion ouvre droit à plusieurs avantages : ITR, mutation, congés bonifiés, prise en charge de frais de changement de résidence, etc. Or elle est actuellement source d'incompréhensions pour nos concitoyens d'outre-mer. En ce sens, le groupe Libertés et territoires déplore les conditions opaques d'examen des dossiers par l'administration centrale. Nous partageons le constat de la délégation aux outre-mer, présidée par notre collègue Olivier Serva, qui a mis en évidence des incohérences parfois choquantes dans le traitement des dossiers.
À titre d'exemple, sur le fondement des CIMM, le dossier d'un même agent a été accepté pour sa pension d'invalidité, mais refusé pour sa pension de retraite. Ces réponses contradictoires, sans explication, en un mot arbitraires, ne sont plus acceptables aujourd'hui. Nous ne pouvons plus faire subir à ces agents des examens d'« ultramarinité ». Le législateur peut, sans empiéter sur le domaine réglementaire, inscrire dans la loi de nouveaux critères. En proposant une définition mieux calibrée, ce texte vise à limiter la trop grande marge d'interprétation que détient actuellement l'administration.
J'en viens au dernier volet de ce texte, qui concerne les militaires ultramarins. Ils doivent bénéficier d'un traitement équivalent : comment pouvons-nous accepter que l'indemnité d'installation en métropole ne soit toujours pas ouverte dans les mêmes conditions à tous ces militaires, quelle que soit leur collectivité d'origine ? Ce combat pour l'égalité de traitement est cher à notre collègue de Wallis-et-Futuna Sylvain Brial, que je salue et qui est mobilisé de longue date sur ce dossier. Il avait ainsi alerté Mme la ministre des armées en 2019 sur l'exclusion des Wallisiens et des Futuniens du bénéfice de l'indemnité d'installation en métropole, ostracisme qui est perçu comme une injustice et une discrimination par les engagés et leurs familles. En effet, les différences de statut ne doivent pas conduire à une exclusion des dispositifs de droit commun, mais à l'instauration de dispositifs alternatifs adaptés.
Nous prenons acte de l'annonce de Mme la ministre des armées de la publication d'un décret visant à étendre le dispositif aux militaires actuellement exclus. Néanmoins, le Parlement devrait se saisir de l'occasion que nous offre ce texte pour procéder sans délai à cette extension. Nous soutenons la volonté des auteurs de cette proposition de loi de garantir l'égalité de traitement de tous les militaires, afin de renforcer l'engagement des jeunes ultramarins dans nos armées.
Avant de conclure, j'aimerais évoquer un dernier sujet : mercredi soir, notre assemblée a voté en lecture définitive le second projet de loi de finances rectificative pour 2021. Ce texte instaure une indemnité inflation de 100 euros pour 38 millions de Français. Une fois encore, certains territoires français comme ceux de Wallis-et-Futuna, de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française sont exclus de la mesure. Si je peux comprendre les limites liées au statut de ces territoires, il est toutefois nécessaire d'élaborer un dispositif alternatif en collaboration avec eux et d'y consacrer les moyens budgétaires ; à défaut, nous accentuerions les inégalités. Je me réjouis néanmoins, madame la ministre, que vous ayez annoncé, à la suite de la visite du Président de la République, l'organisation d'une table ronde dans les prochains mois.
Le groupe Libertés et territoires tient à saluer le travail de la rapporteure Nicole Sanquer – mauruuru, Nicole, merci ! – et votera en faveur de l'adoption de la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Vous fixez un bel objectif à cette proposition de loi : mieux garantir l'égalité de traitement des fonctionnaires et des militaires ultramarins.
Je remplace mon collègue Philippe Naillet pour exprimer la position positive du groupe Socialistes et apparentés, qui votera ce texte comme il l'a fait en commission.
Rappelons que cette proposition de loi vise, sur trois sujets distincts, à mettre fin à des différences de traitement que subissent des fonctionnaires d'État et des militaires ultramarins.
Le premier sujet, traité dans le chapitre Ier , concerne l'ITR, supplément de retraite créé en 1952 et supprimé en 2008. Le gouvernement s'était alors engagé à réfléchir à l'instauration de mesures alternatives et compensatoires pour les fonctionnaires qui devaient légitimement bénéficier de cette indemnité. Toutefois, plus de dix ans après le début de la réforme, aucun système de compensation n'a vu le jour et le bénéfice financier de la suppression n'a pas été reversé aux territoires concernés.
Le deuxième sujet a trait à l'éligibilité au dispositif du CIMM, instauré en 1984 et que la proposition de loi souhaite expliciter. Le texte prévoit que si un demandeur réunit certains critères, qui seront inscrits dans la loi, l'administration devra lui octroyer le bénéfice du dispositif. La notion et les critères du CIMM résultent d'une construction jurisprudentielle qu'il convient de légaliser.
Enfin, la promesse gouvernementale de faire bénéficier tous les militaires originaires d'outre-mer du versement de l'indemnité d'installation en métropole devrait se concrétiser, comme la ministre s'y est engagée. L'État est loin d'être un employeur exemplaire pour de nombreux ultramarins qui ont décidé de consacrer leur vie professionnelle à son service et à celui de l'intérêt général et de l'ensemble des citoyens de notre pays ; ce texte le contraindra à l'être un peu plus.
Cette proposition de loi ne répond pas à toutes les urgences, nous le savons, mais elle avance des réponses à certaines difficultés importantes rencontrées par les fonctionnaires et les militaires ultramarins.
Je conclurai en reprenant une observation de mon collègue Philippe Naillet, que je partage : il faudra aller plus loin et réfléchir à l'offre d'emplois et de stages dans les territoires ultramarins, laquelle, d'une manière générale et récurrente, est beaucoup moins attrayante que dans l'Hexagone en matière de rémunération ou d'indemnités notamment, alors que le chômage y frôle les 40 % de la population active et que 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Je tiens en tout cas à remercier votre groupe parlementaire et vous-même, madame la rapporteure, d'avoir présenté ce texte pour lequel nous voterons très volontiers.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi instaurant diverses dispositions relatives aux fonctionnaires et militaires originaires d'outre-mer ;
Discussion de la proposition de loi visant à la création d'une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19 ;
Discussion de la proposition de loi pour l'emploi des travaileurs expérimentés jusqu'à la retraite ;
Discussion de la proposition de résolution visant à reconnaître le génocide des Kurdes en Irak.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra