Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du vendredi 26 novembre 2021 à 9h00
Favoriser l'implantation locale des parlementaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur Cazeneuve, il est très différent de diriger une commune ou de participer à sa direction comme adjoint au maire ou comme conseiller délégué : si on n'est pas maire, on se rend une fois par mois au conseil municipal pour discuter d'un ordre du jour imposé par le maire – les ordres du jour des assemblées municipales ne relèvent pas de l'initiative du conseil municipal, ce que je regrette, car dans d'autres systèmes d'organisation, notamment en Allemagne, le maire n'est pas le président de l'assemblée et n'a pas ce pouvoir. D'ailleurs dans la plupart des villes – celles de moins de 100 000 habitants –, les élus ne disposent pas de temps ni d'indemnités pour se consacrer à leur mandat. Ils ne peuvent même pas vérifier les informations, si bien que le maire peut dire ce qu'il veut à son opposition – certains d'entre vous en font parfois l'expérience. La situation est donc très différente selon que l'on exerce une part de la responsabilité ou que l'on siège en voyant les ballons passer sans savoir ce qu'il y a derrière.

Enfin, vous affirmez que la société civile a beaucoup apporté au Parlement : je ne dis pas le contraire, mais il est curieux de considérer que tout le monde peut apporter quelque chose au Parlement, sauf les élus locaux ; ce raisonnement m'échappe ! Je suis ravi que des professionnels des secteurs de la santé, de l'industrie, des technologies, de l'agriculture puissent siéger sur ces bancs, car je suis totalement incompétent dans le domaine agricole : je fais comme tout le monde, comme vous, je lis, je m'informe. Nous sommes tous plus ou moins spécialistes d'un sujet, le plus souvent lié à une passion ou à une expérience professionnelle. Mais qui peut prétendre parler savamment de l'énergie atomique au titre de son parcours professionnel ? Qui peut parler avec certitude des questions médicales – elles ont été nombreuses durant ce quinquennat ? Un député est à la fois un spécialiste de ce qu'il connaît et un généraliste des autres sujets.

Pourquoi le mandat d'élu local est-il le seul qui soit interdit dans cet hémicycle ? C'est une erreur. Certes, cela partait, madame Untermaier, d'un bon sentiment : lutter contre des baronnies excessives, car le fait d'être maire de la principale ville du département – les circonscriptions n'étaient pas découpées de la même façon – permettait d'assurer son siège à coup sûr et, effectivement, de ne pas exercer les deux fonctions.

Prenons cependant l'exemple de Sophie Métadier, l'une des dernières députées à nous avoir rejoints, à la suite du départ de Mme Sophie Auconie. Maire d'une petite commune rurale, elle a exercé sa profession, tout en présidant le syndicat des petites communes. Elle continue désormais à les défendre, mais sans savoir ce qui se passe entre elles et les administrations centrales, ce qui est dommage. En quoi cela enrichit-il le Parlement de l'avoir arrachée à la direction d'une commune de quelques centaines d'habitants ? Au contraire, toutes les légitimités sont nécessaires à un parlement, ou, pour le dire autrement, comme l'un d'entre vous l'a évoqué : toutes les opinions doivent être accueillies ici, ce qui doit inclure la diversité des expériences.

Ainsi, nous allons très prochainement examiner le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS – à cet égard vous avez évoqué avec raison, madame Kuster, le problème particulier des villes de Paris, Lyon et Marseille, notamment quant à l'organisation démocratique de la métropole Aix-Marseille-Provence. Le cas d'une métropole dirigée par une personne qui a perdu les élections municipales dans la ville principale et qui passe un accord avec la majorité pour recentraliser davantage les pouvoirs des communes vers la métropole, contre la volonté des maires, ne justifierait-il pas que ces derniers puissent s'exprimer sur ces bancs ? Les maires des villes intermédiaires situées entre Marseille et Aix n'ont plus la parole et perdent tout pouvoir : telle est la réalité qu'aucun d'entre eux ne pourra évoquer dans cet hémicycle, faute d'avoir le droit d'y siéger, même en étant maire d'une ville de 4 000 ou de 5 000 habitants.

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