Plus que jamais, les territoires ultramarins appellent un soutien sans faille de l'État. Les récents événements survenus en Guadeloupe ou en Martinique, comme le mouvement de grève à Wallis-et-Futuna ont mis en avant les fractures territoriales et sociales persistantes dans ces régions. Le groupe Libertés et territoires soutiendra pleinement cette proposition de loi, qui permet de lutter contre les inégalités de traitement dont sont victimes certains fonctionnaires et militaires ultramarins.
Dans les territoires d'outre-mer, les agents publics comme le reste de la population font face à des conditions de vie plus difficiles que dans l'Hexagone, le coût de la vie y étant nettement plus élevé. Pour faire face à ces sujétions particulières, notre groupe rappelle que l'État, en sa qualité d'employeur, est tenu à un devoir d'exemplarité : il doit apporter un juste soutien à ses agents afin d'éviter tout décrochage.
Je commencerai par rappeler un peu d'histoire législative : à la fin de l'année 2008, le Parlement a voté la suppression progressive de l'indemnité temporaire de retraite ; en contrepartie, un dispositif alternatif devait être déployé : qu'est devenue cette disposition pourtant adoptée dans cet hémicycle ? Elle est tout simplement restée lettre morte. Depuis, treize années d'incurie inacceptable pour les fonctionnaires ultramarins se sont écoulées. En rétablissant l'ITR jusqu'à ce qu'une alternative soit trouvée, la présente proposition de loi permettrait de sortir de cet immobilisme et de rappeler l'État à ses engagements.
Par ailleurs, notre groupe se rallie à la volonté des auteurs de ce texte de redéfinir par la loi la notion de centre des intérêts moraux et matériels, les fameux CIMM. Cette notion ouvre droit à plusieurs avantages : ITR, mutation, congés bonifiés, prise en charge de frais de changement de résidence, etc. Or elle est actuellement source d'incompréhensions pour nos concitoyens d'outre-mer. En ce sens, le groupe Libertés et territoires déplore les conditions opaques d'examen des dossiers par l'administration centrale. Nous partageons le constat de la délégation aux outre-mer, présidée par notre collègue Olivier Serva, qui a mis en évidence des incohérences parfois choquantes dans le traitement des dossiers.
À titre d'exemple, sur le fondement des CIMM, le dossier d'un même agent a été accepté pour sa pension d'invalidité, mais refusé pour sa pension de retraite. Ces réponses contradictoires, sans explication, en un mot arbitraires, ne sont plus acceptables aujourd'hui. Nous ne pouvons plus faire subir à ces agents des examens d'« ultramarinité ». Le législateur peut, sans empiéter sur le domaine réglementaire, inscrire dans la loi de nouveaux critères. En proposant une définition mieux calibrée, ce texte vise à limiter la trop grande marge d'interprétation que détient actuellement l'administration.
J'en viens au dernier volet de ce texte, qui concerne les militaires ultramarins. Ils doivent bénéficier d'un traitement équivalent : comment pouvons-nous accepter que l'indemnité d'installation en métropole ne soit toujours pas ouverte dans les mêmes conditions à tous ces militaires, quelle que soit leur collectivité d'origine ? Ce combat pour l'égalité de traitement est cher à notre collègue de Wallis-et-Futuna Sylvain Brial, que je salue et qui est mobilisé de longue date sur ce dossier. Il avait ainsi alerté Mme la ministre des armées en 2019 sur l'exclusion des Wallisiens et des Futuniens du bénéfice de l'indemnité d'installation en métropole, ostracisme qui est perçu comme une injustice et une discrimination par les engagés et leurs familles. En effet, les différences de statut ne doivent pas conduire à une exclusion des dispositifs de droit commun, mais à l'instauration de dispositifs alternatifs adaptés.
Nous prenons acte de l'annonce de Mme la ministre des armées de la publication d'un décret visant à étendre le dispositif aux militaires actuellement exclus. Néanmoins, le Parlement devrait se saisir de l'occasion que nous offre ce texte pour procéder sans délai à cette extension. Nous soutenons la volonté des auteurs de cette proposition de loi de garantir l'égalité de traitement de tous les militaires, afin de renforcer l'engagement des jeunes ultramarins dans nos armées.
Avant de conclure, j'aimerais évoquer un dernier sujet : mercredi soir, notre assemblée a voté en lecture définitive le second projet de loi de finances rectificative pour 2021. Ce texte instaure une indemnité inflation de 100 euros pour 38 millions de Français. Une fois encore, certains territoires français comme ceux de Wallis-et-Futuna, de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française sont exclus de la mesure. Si je peux comprendre les limites liées au statut de ces territoires, il est toutefois nécessaire d'élaborer un dispositif alternatif en collaboration avec eux et d'y consacrer les moyens budgétaires ; à défaut, nous accentuerions les inégalités. Je me réjouis néanmoins, madame la ministre, que vous ayez annoncé, à la suite de la visite du Président de la République, l'organisation d'une table ronde dans les prochains mois.
Le groupe Libertés et territoires tient à saluer le travail de la rapporteure Nicole Sanquer – mauruuru, Nicole, merci ! – et votera en faveur de l'adoption de la proposition de loi.