Perdre un enfant est un événement douloureux que subissent des millions de femmes, d'hommes et de familles. Si les manières d'assumer une telle perte sont singulières, depuis que cela m'est arrivé, récemment, je sais que cette vie qui s'est développée en nous et qui n'est pas parvenue à terme fait toujours partie de nous et, en quelque sorte, de notre famille, car pendant la période de deuil, nous avons besoin de se raccrocher à quelque chose. L'attachement des familles n'a pourtant pas de reconnaissance officielle, puisque cet enfant né sans vie n'est pas inscrit sur le livret de famille.
Ce document officiel remis à la naissance du premier enfant ou lors du mariage présente des extraits d'actes d'état civil des membres d'une famille. Il doit être mis à jour à l'occasion de tout événement survenu après sa délivrance, tels que le mariage des parents, une naissance, une adoption, un divorce, ou le décès d'un des membres de la famille.
Pourtant, pour nombre de nouveau-nés décédés en période périnatale et pour leurs parents, tout s'efface, comme s'il n'y avait pas eu d'enfant. La femme n'a pas accouché, elle n'est pas mère, elle sort de la maternité avec un certificat médical d'avortement tardif.
Cette proposition de loi permettra de donner un nom et un prénom à ces enfants perdus, à ces vies inachevées, car ceux-ci ne sont actuellement inscrits ni sur le registre d'état civil, ni sur le livret de famille. Les parents qui le désirent ne peuvent qu'exceptionnellement inhumer leur enfant, lui donner une tombe et effectuer les rites funéraires. Il n'existe pas de trace tangible de son existence, si courte soit-elle.
Que la grossesse prenne fin avant le troisième trimestre ou à son terme, c'est toujours la même peine pour les parents – je le sais. En plus du traumatisme du décès périnatal, s'ajoute celui de la non-reconnaissance civile et sociale de leur enfant décédé et, par là même, celui de la non-reconnaissance de leur douleur.
Monsieur le garde des sceaux, cet amendement d'appel vise à rappeler que l'acte d'enfant sans vie doit être porté sur le livret de famille, afin de reconnaître civilement et socialement l'enfant décédé. À la demande des parents, le livret de famille pourra donc être complété du nom de l'enfant né sans vie. En effet, l'inscription de l'enfant dans le livret de famille témoignera de manière symbolique de son appartenance à la famille.