Nous débattons d'un texte issu du Sénat, que les membres du groupe Socialistes et apparentés considèrent comme décliniste et régressif. Une fois encore, il remet en cause le non-cumul des mandats. La route est longue et difficile.
Nous sommes tout à fait d'accord pour renforcer l'ancrage local du parlementaire, conformément au souhait des élus locaux et des citoyens, et au nôtre. Nous partageons l'objectif visé, mais nous sommes en désaccord sur l'outil que le Sénat, relayé par le groupe UDI et indépendants, propose d'employer pour l'atteindre. Selon nous, le remède est pire que le mal.
Nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 1er . Je vous prie d'en excuser la radicalité : vous savez que l'opposition, soumise à une exigence de clarté, ne peut pas se permettre de trop tergiverser et doit exprimer son point de vue dès que possible. Nous défendrons donc cet amendement pour exprimer notre nette opposition au texte que nous examinons.
À cette occasion, je salue l'initiative du président Ferrand d'avoir commandé une enquête sur le regard que les Français portent sur l'Assemblée nationale, dont les résultats nous ont opportunément été adressés dernièrement. Selon cette enquête sérieuse, forte, les citoyens attendent que les députés fassent preuve d'un ancrage local. J'observe que la réduction du nombre de députés envisagée en début de mandat est contradictoire avec l'objectif de maintenir un ancrage local, qui suppose que la taille de la circonscription permette d'en rencontrer les citoyens dans un temps donné.
Selon cette enquête, 70 % des Français veulent que leur député s'occupe des problèmes de sa circonscription, ce que nous faisons, en utilisant pour les aider, sans tomber dans le compromis ni le conflit d'intérêts, la puissance que nous procure notre mandat national, lorsque c'est conforme à l'intérêt général. Je souligne que, dans le même temps, 73 % des Français refusent que nous revenions sur le non-cumul des mandats.
L'ancrage est donc nécessaire – sur ce point, je partage votre préoccupation. Comment alors le favoriser, si ce n'est par le cumul des mandats ? Selon nous, il faut d'abord maintenir un nombre suffisant de parlementaires, afin que la taille des circonscriptions soit compatible avec notre tâche. Ensuite, il est nécessaire d'encadrer la présence du député par des lois et par des règlements, afin qu'elle ne soit pas laissée à l'appréciation d'un préfet, d'une institution ou d'une collectivité locale. Lorsqu'un député exprime le désir de venir expliquer un dispositif ou de vérifier l'application d'une mesure, les portes doivent s'ouvrir au nom du mandat national. En effet, notre rôle d'élu national est de prendre en compte et de rendre compte – encore faut-il que les dispositifs législatifs et réglementaires prennent en considération cette exigence.
L'ancrage local suppose également que l'élu national remplisse sa mission de contrôle de l'application concrète de la loi qu'il a votée dans les territoires. Or ce n'est pas du tout le cas. L'effectivité du travail parlementaire serait appréciée avec bien plus de justesse dans les territoires, in situ, plutôt qu'ici, lors des semaines de contrôle, qu'il faut bien qualifier d'insipides, que nous égrenons année après année, pour faire semblant.
Je vois que M. Jean-Noël Barrot est présent : nous avons – bien – travaillé ensemble dans le cadre de la mission d'information sur la concrétisation des lois, et nous avons ouvert des perspectives qu'il faudra sérieusement étudier pour la prochaine législature.
Enfin, au-delà des lois et des règlements, il y a la loi fondamentale, la Constitution. Or elle ne dit rien du rôle local du député, qui existe pourtant dans les faits. Pendant la prochaine législature, nous devrons nous employer à créer un dispositif constitutionnel et législatif qui détaille le rôle local du député.