C'est empreinte d'un sentiment ambivalent que je me présente devant vous à la tribune. Ce sentiment tient tout d'abord de la fierté : j'ai la chance de porter la parole de concitoyens qui subissent quotidiennement de terribles injustices. Cela commence par des rendez-vous, par une écoute attentive et consternée. On interpelle le Gouvernement par tous les moyens en notre possession, des dizaines de courriers, de multiples interventions, des amendements : c'est notre travail de parlementaire. Philippe Dunoyer, Stéphanie Atger et moi-même avons eu la chance d'élaborer un rapport d'information portant en particulier sur l'indemnité temporaire de retraite (ITR), dont les préconisations se sont traduites dans une proposition de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen.
C'est ensuite un sentiment de révolte qui me vient – oui, de révolte, mes chers collègues ! J'ai été particulièrement agacée par les prises de position purement politiciennes de certains groupes en commission. On ne fait pas de politique lorsqu'il est question de la détresse et de la souffrance de nos concitoyens. Je veux tout particulièrement m'adresser au groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, qui prétend que ces mesures ne sont pas pertinentes, que ce sont des pansements et qu'elles ne sont pas susceptibles d'apporter une réponse rapide. Cela fait soixante-dix ans que les injustices perdurent et cela fait des années que nous interpellons le Gouvernement. Si nous présentons cette proposition de loi, c'est bien parce que rien n'a été fait jusque-là !
Les mesures présentées aujourd'hui, fruit de plusieurs années de travail sur le terrain, ont été enrichies par les différentes auditions de la mission parlementaire. Le texte n'est certes pas parfait, et je suis convaincue que le débat démocratique peut le parfaire. Je suis ravie que plusieurs de mes collègues ultramarins aient déposé des amendements qui reflètent des témoignages recueillis.
J'en viens au fond du texte. L'article 1er vise à geler l'extinction progressive de l'ITR. Cette indemnité, mise en place pour compenser le coût élevé de la vie outre-mer, a été totalement dévoyée de son but initial ; elle est aujourd'hui victime de ses abus. Cela, personne ne le conteste. En revanche, tout le monde milite pour l'émergence d'un système alternatif, fondé sur une surcotisation sur les primes et les indemnités. C'est d'ailleurs ce à quoi s'était engagé le gouvernement de l'époque, lors de l'entrée en vigueur de la réforme de l'ITR, avec l'installation d'un groupe de travail relatif à la mise en œuvre du régime alternatif à l'ITR. Sauf que, près de deux ans plus tard, ce n'est pas un système alternatif qui a vu le jour mais un rapport concluant que la réforme ne justifie pas d'envisager la création d'un dispositif substitutif.
Vous comprenez maintenant, mes chers collègues, pourquoi ce sujet est très sensible. Les bénéficiaires d'aujourd'hui et de demain ont le sentiment d'avoir été floués par l'État, qui n'a pas respecté son engagement.