Il est des inégalités structurelles que subissent les territoires d'outre-mer et les Ultramarins. Les politiques publiques tentent de les compenser. Mais il existe également des inégalités criantes instituées par le fait de l'histoire probablement, pour des raisons de maîtrise budgétaire sans doute. Et, comme toujours, il est commode d'en faire payer le prix aux plus faibles et aux plus éloignés, c'est-à-dire à nos compatriotes d'outre-mer.
C'est ainsi que les agents de l'État et militaires originaires des territoires ultramarins subissent une inégalité de traitement indemnitaire. Depuis des années – tous les orateurs l'ont dit –, l'État reste sourd aux injustices dénoncées sur tous les bancs de cette assemblée par les députés d'outre-mer. Nous en avons d'ailleurs eu la démonstration à l'instant avec l'intervention de Mme Atger. Ce fut encore le cas en 2020 dans le cadre de la mission d'information de la délégation aux outre-mer sur les conséquences de la réforme des retraites, dont j'étais corapporteur.
C'est pourquoi je salue sincèrement la qualité du travail de fond et la détermination de notre collègue députée de Polynésie, Nicole Sanquer, pour aboutir à un débat public et – je l'espère – à un vote favorable à la présente proposition de loi.
En effet, l'indemnité d'installation en métropole des Ultramarins est attribuée aux seuls militaires d'origine martiniquaise, guadeloupéenne ou réunionnaise. C'est incompréhensible, s'agissant d'une aide à l'installation absolument essentielle qui représente neuf mois de solde. Député de Mayotte, je connais la situation de ces engagés : chaque année, de nombreux jeunes Mahorais décident de servir sous les drapeaux. Les soldats de la France d'outre-mer font notre fierté et la réputation de notre pays dans le monde. Comment se fait-il que ceux de Mayotte et du Pacifique ne puissent bénéficier de cette aide au même titre que leurs frères d'armes réunionnais ou antillais ?
En outre, les mesures de soutien aux agents et militaires originaires des outre-mer sont soumises à des critères, fixés par décret, permettant de définir le centre des intérêts matériels et moraux de l'agent. Or ces critères conduisent des administrations à apprécier différemment une même situation.
De telles distorsions sont vécues comme des injustices terribles. Or, comme l'a souligné notre rapporteure, bien que les gouvernements qui se sont succédé les aient constatées et se soient engagés à les réparer, rien n'a été fait. Des mots, toujours des mots, rien que des mots !
Une dernière disposition illustre parfaitement cette inaction : la disparition, sans que rien n'y soit substitué, de l'indemnité temporaire de retraite. Alors que plus de 34 000 personnes continuent de bénéficier de l'ITR, sa disparition programmée pénalise lourdement les nouveaux bénéficiaires. Soyons clairs : les économies dégagées par la mise en extinction de cette indemnité doivent servir au soutien des territoires concernés. Faut-il encore rappeler que le coût de la vie dans ces territoires est nettement supérieur à celui de l'Hexagone et que l'espérance de vie y est plus faible ?
Les gouvernements successifs se sont engagés à instituer un dispositif alternatif avant l'extinction définitive du régime actuel en 2028. Mais, madame la ministre, 2028, c'est demain ! La décision de réformer l'ITR a été prise il y a treize ans ; depuis tout ce temps, nous sommes dans l'attente d'un nouveau dispositif. Jusqu'à présent, aucun projet n'a abouti. Après des années d'interpellation des gouvernements successifs par des parlementaires de tous bords, il semble qu'aucune issue ne soit encore envisagée.
Madame la ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt. Vous avez pris quelques engagements en ouverture de ce débat.
Souffrez cependant que je vous fasse part de mon scepticisme, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, au milieu des années soixante, un de vos lointains prédécesseurs soulignait – pour le paraphraser – que l'outre-mer, c'est loin : il faut parfois parler plus fort pour être entendu et l'on vous répond souvent avec retard. Ensuite, alors que le Président de la République s'était engagé, à l'occasion de sa visite à Mayotte, à améliorer la situation des retraités ne touchant que 280 euros par mois après une carrière complète, force est de constater que, deux ans plus tard, cette promesse n'a pas été tenue.
La situation dont nous débattons ne nous grandit pas, car elle exhale un air nauséabond qui porte un nom : la discrimination. Or la discrimination n'a jamais été un compagnon fidèle de la République que nous chérissons et à laquelle nous sommes tous attachés. C'est pourquoi le Parlement doit prendre ses responsabilités. Passons donc à l'action : adoptons ce texte ! Et si le Gouvernement, poussé par notre détermination, respecte ses engagements en 2022, nous n'en serons que plus satisfaits.
Dans cet esprit, et avec la volonté d'unir sa voix à un combat qui lui semble juste, le groupe Les Républicains soutiendra l'adoption de ce texte, qui met fin à des injustices qui n'ont que trop duré à l'égard des agents de l'État et des militaires ultramarins.