J'entends l'argumentation de Mme la ministre, soucieuse de ne pas rigidifier la procédure en inscrivant dans la loi les critères d'appréciation du CIMM, mais il est important pour nous de normaliser ces critères afin d'en sécuriser l'application et d'objectiver les décisions pour mieux inspirer les pratiques. À cet égard, l'amendement n° 6 est un bel amendement : il est important de placer les intérêts moraux avant les intérêts matériels parce qu'il y a malheureusement des Polynésiens – et d'autres ultramarins – qui ne peuvent se prévaloir d'aucun intérêt matériel pour localiser leur CIMM.
Nous essayons au quotidien de résoudre des situations ubuesques. Je suis en train de suivre le cas d'un Polynésien, fils de militaire, qui a quitté très jeune sa terre d'origine. Son père et son frère jumeau – avec lequel il entretient un lien très fort – sont rentrés en Polynésie mais lui a fait sa vie en métropole. Cela fait treize ans qu'il essaie de revenir dans l'archipel. Il n'a pas de biens là-bas, pas de maison, pas d'emploi. Il a dû suivre sa famille très jeune, à l'adolescence, puis a fondé un foyer ici, mais il a envie de rentrer, de se rapprocher de son frère. Sur le plan moral, comment peut-on lui refuser son CIMM ? Pourtant, c'est ce qu'il subit depuis treize ans, au prétexte qu'il ne possède rien, n'a pas d'intérêts matériels en Polynésie. C'est pourtant son territoire, ses parents y sont nés, sa famille, son frère jumeau y vivent.
De telles situations sont difficiles à vivre pour les fonctionnaires concernés, surtout lorsqu'ils voient d'autres personnes, qui ne sont pas forcément d'origine ultramarine, obtenir grâce au critère matériel la reconnaissance d'un CIMM. Il faut changer d'approche et de philosophie dans le traitement de ces dossiers.