En mars 2020, la France commençait à tenir sa triste comptabilité du nombre de cas d'infection à la covid-19. À peine trois mois plus tard, dans une tribune du 9 juin 2020 parue dans Le Journal du dimanche et intitulée « Malades au long cours covid-19, il est urgent de coordonner les actions pour nous soigner », les membres du collectif Les malades du covid-19 au long cours alertaient les autorités sur une forme persistante de la maladie. Ils révélaient alors l'existence de multiples symptômes qui affectaient déjà, et durablement, de nombreuses personnes. Bien souvent passés sous silence, tant l'urgence se concentrait sur l'épidémie elle-même, qui poursuivait son œuvre funeste, ces alertes en disaient long sur une maladie qui ne faisait que s'étendre progressivement et silencieusement sur notre territoire.
Perte de goût et d'odorat, maux de tête, épuisement qualifié parfois de « fatigue terrassante », essoufflement rapide à l'effort, pertes de mémoire, difficulté à se concentrer, « brouillard mental » entraînant une difficulté à penser ou à trouver ses mots, troubles cardiothoraciques, douleurs articulaires, troubles psychiques : la liste des symptômes est malheureusement très longue. La communauté de patients pour la recherche (ComPaRe) de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en a référencé plus d'une cinquantaine à ce jour. Même si la science tâtonne encore dans ce domaine, une chose est certaine : les patients souffrant de ces symptômes ont comme point commun d'avoir été atteints par le virus de la covid-19, à des degrés variables. Ces patients, qui crient leur souffrance ou celle de leurs enfants sur les réseaux sociaux, ont bien souvent développé une forme dite légère de la covid-19 et, pour beaucoup d'entre eux, n'ont pas été hospitalisés. Ces personnes sont donc passées sous les radars des autorités de santé, mais elles souffrent quotidiennement d'un mal réel, qui les empêche de vivre.
Croyez-moi, chers collègues, leur souffrance est réelle et ce ne sont pas des malades imaginaires ! Les auditions que j'ai menées n'ont fait que renforcer ma conviction. Ces malades ne se réduisent pas à des statistiques : ils ont un nom, un visage, une famille, un travail, une vie à poursuivre. Depuis quelques mois – pour beaucoup, depuis plus d'un an –, ils souffrent des effets d'un virus qui ne les a jamais quittés. Qu'ils aient été atteints d'une forme grave ou d'une forme bénigne, ces malades sont aujourd'hui meurtris et maintenus dans d'atroces souffrances. Ils souffrent réellement dans leurs corps et le manque de reconnaissance de leurs symptômes, que l'on associe trop souvent à des douleurs post-traumatiques ou à des troubles dépressifs, a des répercussions sociales et professionnelles que de nombreux témoignages confirment inlassablement depuis des mois sur les réseaux sociaux. À cela s'ajoutent désormais des problèmes financiers, du fait d'une incapacité à reprendre une activité professionnelle complète.
Ces malades sont des milliers à s'être rassemblés dans des groupes de soutien. Des collectifs se sont constitués pour les rassembler et faire entendre leurs souffrances. Leur demande est simple et légitime : ils veulent que la maladie du covid-19 persistant, ou covid long, soit enfin reconnue et prise en charge efficacement. Nous avons, en tant que législateurs, le pouvoir d'agir sur certaines de leurs souffrances pour les atténuer. Il nous incombe de reconnaître leur maladie et de mettre fin à l'errance médicale qui ne fait qu'alimenter leur désespoir, ces patients n'étant pas toujours pris en charge efficacement par notre système de soins.
Nous avons mis en ligne un site internet dédié à cette proposition de loi – loicovidlong.fr – et nous avons reçu plus de 2 500 témoignages en quelques jours. Cet afflux de messages atteste, s'il le fallait, du besoin de nos concitoyens d'être écoutés et pris en considération. Une si grande attente et un si grand espoir nous obligent. La prise en charge des malades chroniques de la covid-19 constitue un vrai défi de santé publique, qui concerne vraisemblablement près d'un million de Françaises et de Français. La réponse doit être proportionnelle à l'ampleur du phénomène.
Tel est précisément l'objet de la proposition de loi, qui a fait consensus lors de son examen en commission. Avec ce texte, nous proposons la création rapide d'une plateforme dédiée aux malades post covid-19 : elle permettra de les prendre véritablement en considération en offrant la possibilité à toutes celles et à tous ceux qui le souhaitent de se faire référencer comme souffrant ou ayant souffert de symptômes post covid. Les personnes concernées devront répondre à un simple questionnaire médical en indiquant les périodes ou la durée de leurs symptômes et en les détaillant à l'aide de réponses médicales préformatées. Les volontaires pourront également apporter un commentaire personnalisé pour compléter les informations transmises de façon automatisée. Contrairement aux contaminations et aux décès imputables à la covid-19, précisons qu'il n'existe à ce jour, en France, aucun décompte officiel du nombre de personnes touchées par le covid long.
Les données recueillies par l'assurance maladie permettront d'identifier les malades chroniques de la covid-19 et de recueillir des informations précieuses sur les pathologies qu'ils ont en commun, la durée de leurs symptômes et les traitements qui portent leurs fruits dans le processus de guérison. Cette étude à grande échelle contribuera à accélérer les recherches d'ores et déjà engagées dans le monde sur ce phénomène post-viral encore trop peu connu. Même si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en a très récemment proposé une définition, tout reste à faire en matière de covid long.
Afin de faciliter la prise en charge médicale des patients qui le souhaitent, le questionnaire médical permettra de les orienter : soit directement auprès de leur médecin traitant, à l'aide d'un protocole de prise en charge généralisé aux malades souffrant du covid long ; soit dans une unité de soins post covid-19 pour les malades atteints de pathologies plus lourdes, nécessitant des analyses poussées. L'agence régionale de santé (ARS) soutiendra la mise en œuvre rapide de ces unités de soins post covid dans les établissements hospitaliers de proximité en veillant à leur attribuer les moyens humains et financiers nécessaires au développement d'un suivi personnalisé à la hauteur des symptômes persistants. Cet outil facilitera ainsi l'orientation des patients et limitera l'errance médicale, à la fois coûteuse et chronophage. Les analyses et les soins délivrés au titre des symptômes persistants de la covid-19 seront intégralement pris en charge par l'assurance maladie et les complémentaires santé.
Tout comme la covid-19, le covid long n'a pas de frontières. Nos voisins européens sont parfois très avancés dans la prise en compte de cette nouvelle maladie. Notre pays pourrait ainsi s'inspirer de la Catalogne, qui a très tôt mis en place un guide clinique spécifique, lequel prévoit un protocole décliné au niveau local, dans les centres médicaux d'assistance primaire, par des référents covid long. Lors des auditions de la commission, nous avons eu l'honneur de recevoir M. Josep Maria Argimon, le ministre de la santé catalan, qui nous a présenté les solutions mises en œuvre dans sa région. Elles existent et elles fonctionnent ! L'Angleterre a également ouvert des centres de soins dédiés au covid long et plusieurs centres spécifiques pour traiter le covid long pédiatrique. Ces exemples peuvent nous aider à relever chez nous ce défi de santé publique.
Chers collègues, tout dans cette pandémie nous conduit à penser différemment et à modifier nos habitudes. Le covid long est une maladie nouvelle, qui touche des centaines de milliers de nos concitoyens, des hommes, des femmes et des enfants. Les auditions que nous avons menées dans le cadre de l'élaboration de la proposition de loi ont mis en lumière l'existence du covid long pédiatrique, qui devra être traité spécifiquement.
Le covid long constitue un sujet politique consensuel et je veux rappeler les travaux entrepris au cours des derniers mois par certains de nos collègues, qui ont permis de faire avancer le sujet – si j'en oublie, qu'ils veuillent bien m'excuser. Je salue, en particulier, Laurence Trastour-Isnart pour sa proposition de loi visant à une reconnaissance des symptômes persistants du covid-19 et une prise en charge des personnes atteintes. Je pense aussi à nos collègues Patricia Mirallès et Julien Borowczyk et à leur proposition de résolution visant à reconnaître et prendre en charge les complications à long terme de la covid-19. L'adoption à l'unanimité de cette proposition de résolution a démontré que c'est collectivement que nous devons combattre cette maladie.
Depuis, des actions ont été menées, des mesures ont été prises ; nul ne peut le nier. Mais l'attente de celles et ceux qui souffrent est immense. L'adoption à l'unanimité de la proposition de loi par la commission des affaires sociales a créé une formidable espérance. Le travail que nous allons maintenant mener dans l'hémicycle est très attendu. Nous ne pouvons décevoir.
Les différents amendements que nous allons examiner permettront de compléter le texte. Les amendements identiques défendus par les députés des groupes La République en marche, Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés et Agir ensemble précisent utilement les modalités de prise en charge des pathologies liées au covid long. Un amendement du groupe UDI et indépendants propose de prévoir l'ouverture rapide d'unités de soins post covid par l'ARS. Nous aborderons ce sujet avec vous dans quelques minutes, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, mais je suis convaincu, car nous partageons la même volonté d'agir vite, que nous trouverons ensemble le meilleur chemin.
Chers collègues, au moment où nos concitoyens se détachent de leurs élus, je suis persuadé que nous ferons honneur à notre mission en démontrant, quelles que soient nos différences, que nous savons nous unir au service de l'intérêt général, pour être aux côtés de nos compatriotes. C'est ensemble que nous vaincrons la maladie.