Cherbourg, 1925 : la jeune Joséphine Baker, trépignant de joie, s'approche d'un brasero. Elle se sèche, habillée d'un petit manteau de rien du tout. Les visages, les maisons, le ciel, les chiens, les chats, l'accordéon, tout la fait rire. Elle a 19 ans. Elle ne se méfie pas de l'épidémie qui fait des ravages. C'est une jeune femme de couleur, noire.
Et voilà Paris. Voir les gens qui s'embrassent dans la rue ; dans le Missouri, ils vont en prison. Le Missouri, terre maudite où l'on pend, lynche et brûle les noirs.
Joséphine part pour connaître un monde où des hommes et des femmes, quelle que soit leur couleur, leur sexe, leur quartier, leur dieu, ne se tuent pas. Elle sait se défendre. Quand un journaliste se permet un jugement sur son anatomie, elle répond : « Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, c'est une question de zoologie humaine ! » Elle devra attendre encore sept ans pour devenir française. Elle vivra en France. Avec sa mèche noire collée sur le front, elle devient l'égérie des cubistes, l'amie de tous les artistes, les peintres, les musiciens, les écrivains. Elle ne danse pas sur les ruines du monde : elle donne force et joie.
Éclate la guerre, elle dit « non ». Résistante, amoureuse de la liberté, elle participe à la libération de la France, son pays. Vient alors la reconnaissance nationale pour cette femme qui a enflammé le Tout-Paris avec son regard, ses jambes, ses tenues, ses hanches, sa voix : médaille de la Résistance, Légion d'honneur, croix de guerre… Joséphine a fait de sa vie une revue d'insolence et de liberté, de résistance généreuse et juste, érotique et fantastique. Elle s'offre le château des Milandes : elle y accueillera ses douze enfants, sa « tribu arc-en-ciel ».
Joséphine Baker est la sixième femme qui honore le Panthéon, pour y rejoindre le seul homme de couleur qui y repose, Félix Éboué. Au moment où la France cherche ses repères, où l'Europe est en souffrance, où le monde s'affronte, j'ai deux amours : Joséphine et Baker.