La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
« Il faisait encore nuit, et nous avons vu que l'eau entrait dans le canot par l'arrière. Un groupe s'est mis à écoper. […] Nous avons ensuite appelé la police française […] mais ils nous ont dit : "Vous êtes en territoire britannique, nous ne pouvons rien faire." Nous avons ensuite appelé les Britanniques, mais ils ont dit : "Non, appelez les Français" […] C'est à ce moment-là que les gens ont commencé à tomber à l'eau. Donc, pour les sauver, nous nous sommes tenus par la main. […] Le soleil s'était levé, mais nous ne pouvions plus tenir. Les gens ont juste arrêté de se tenir la main, et ils sont tous tombés à l'eau. Ils sont morts. »
Ces mots sont ceux de Mohammed Ibrahimzadeh. Ce Kurde de 21 ans est l'un des rares survivants de la tragédie qui a fait au moins vingt-sept morts, mercredi dernier, dans la Manche. Je veux parler ici de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui aspiraient à une vie meilleure, et qui sont morts d'avoir voulu réaliser ce rêve.
Nous ne pouvons accepter que tant de vies fassent l'objet de ces postures politiciennes et de ces calculs cyniques qui forment pourtant la base de certaines candidatures à l'élection présidentielle.
Je ne peux, pour ma part, accepter que la fraternité soit devenue un délit. Oui, il faut lutter contre les réseaux, les passeurs. Oui, il faut renforcer Frontex. Mais où sont les véritables solutions communes, durables, pour que la Méditerranée, la Manche ou la forêt biélorusse cessent d'être des cimetières ?
Sortons des débats tronqués, des polémiques instrumentalisées, des discours de haine. La France est belle quand elle fait rayonner ses valeurs humanistes. Elle doit être à l'avant-garde, en Europe notamment, et remettre à plat le funeste règlement de Dublin.
Seule compte la vision d'ensemble. Quels moyens supplémentaires prévoyez-vous pour permettre un accueil enfin digne des migrants dans notre pays ? Quand allons-nous cesser ces parties de ping-pong si inhumaines ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, SOC, FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Je précise que Mme Barbara Pompili représente cet après-midi le Premier ministre qui, je vous le rappelle, a été déclaré positif à la covid-19. Son temps de parole lorsqu'elle s'exprime à ce titre n'est donc pas limité.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Au nom du Gouvernement, je voudrais d'abord avoir une pensée pour les hommes, les femmes et les enfants qui ont perdu la vie en tentant de rejoindre le Royaume-Uni depuis le nord de la France. On ne peut qu'être profondément touché par ces drames humains, et nous agissons pour qu'ils ne se reproduisent pas.
Nous luttons contre les réseaux de passeurs, qui se nourrissent de la misère humaine. Le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé le renforcement de la surveillance aérienne de la Côte d'Opale, ce qui se traduira notamment, dès cette semaine, par l'engagement d'un avion Frontex et de deux hélicoptères supplémentaires du ministère de l'intérieur. Afin de démanteler ces réseaux, il a aussi été décidé d'accroître le recours à des mécanismes d'enquête européens bilatéraux spécifiques avec certains pays.
En outre, ces drames posent la question de la coopération avec notre voisin britannique. Quels que soient nos désaccords, nous ne changerons pas la géographie : il est dans notre intérêt commun de travailler ensemble pour résoudre ce problème. Mais il faut être deux pour coopérer. De bonnes intentions sont affichées en privé et des invectives lancées en public : il faut sortir du double discours et s'engager dans un travail sérieux. Le Gouvernement français y est disposé.
En matière d'immigration irrégulière, ce ne sont pas les accords du Touquet qui prévalent, mais le traité de Sandhurst. C'est sur cette base que nous coordonnons notre action opérationnelle. Je vous rappelle que le Premier ministre écrira dans les tout prochains jours à son homologue britannique Boris Johnson afin de rappeler que chaque pays doit assumer ses responsabilités, et que la France ne saurait à elle seule être tenue pour responsable de la question migratoire dans la Manche. Nous sommes prêts à poursuivre la coopération opérationnelle avec le Royaume-Uni dès lors qu'elle s'inscrit dans un cadre de confiance et de bonne foi.
Je veux notamment dire ici que nous n'accepterons jamais la pratique des refoulements en mer. Le droit de la mer est clair : le premier devoir de n'importe quel marin est de porter secours.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Lorsque l'on voit la piètre qualité des embarcations sur lesquelles s'amassent des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants, peut-on croire un instant qu'il serait sans danger de les forcer à faire demi-tour ?
Enfin, le Gouvernement assume de mener une politique humaine et raisonnée en matière d'asile et d'intégration : nous avons renforcé la capacité du parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile, en créant près de 4 700 places en 2021, ce qui porte notre capacité à environ 103 000 places. Nous avons aussi lancé cette année le plan Vulnérabilités, qui a vocation à répondre aux besoins de prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés souffrant de traumatismes, victimes de violences, ou encore de demandeurs vulnérables en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Nous avons également augmenté les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) afin d'apporter une réponse plus rapide aux demandes d'asile.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Nous n'oublions pas l'intégration. Je rappellerai simplement que nous avons doublé le volume horaire de la formation linguistique et civique des étrangers qui obtiennent un titre de séjour.
Monsieur Pancher, soyez assuré de notre volonté de ne pas laisser la Manche se transformer en cimetière maritime, comme de notre volonté d'assurer dans des conditions dignes l'exercice du droit d'asile sur notre sol.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il y a quelques jours, une politique agricole commune nullissime a été votée au Parlement européen. Elle déroule le tapis rouge à l'agriculture industrielle, et aucune voix de votre délégation LaREM-FNSEA – Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles –, emmenée par Jérémy Decerle, n'a manqué pour la faire adopter, au détriment de nos agriculteurs, des consommateurs et de l'environnement.
La déclinaison nationale de cette politique agricole, le plan stratégique national, n'est pas en reste : continuité des aides à l'hectare plutôt qu'à l'actif ; continuité de l'injustice, puisque 80 % des aides profitent à 20 % des agriculteurs ; aucun paiement pour services environnementaux ; enfumage sur les mesures agroécologiques, avec le faux label haute valeur environnementale (HVE).
Votre plan stratégique national s'éloigne tellement des objectifs de sauvegarde du climat et de l'environnement que l'Autorité environnementale et le Haut Conseil pour le climat ont pris des positions au vitriol sur son contenu, sans oublier d'égratigner vos méthodes pour cacher ce qui vous dérange sous le tapis. La Commission nationale du débat public ne vous épargne pas non plus, notant l'absence de prise en considération de l'avis des citoyens dans la trajectoire que vous dessinez pour l'avenir de nos agriculteurs et agricultrices.
Mais, de tout cela, il ne sera pas question de discuter ici, au Parlement, comme je le réclame depuis deux ans. On se contentera d'un pauvre questionnaire sur le site de votre ministère pour que rien ne change.
Monsieur le ministre de la ferme France – devrais-je plutôt dire de la ferme-usine France ? –, allez-vous enfin prendre la mesure des enjeux : produire des matières premières saines, ici en France, pour rémunérer les agriculteurs et nourrir le pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui ? Ce n'est pas très sympa pour nos agriculteurs !
Il nous faut un nouveau pacte social entre les Français et leurs agriculteurs. Nous proposons, avec Jean-Luc Mélenchon, la création d'un ministère de la production alimentaire. Monsieur le ministre, que proposez-vous aux Français et au monde agricole, à part la disparition de la moitié des agriculteurs d'ici dix ans, à part des traités de libre-échange, à part le silence imposé au Parlement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de mon collègue Julien Denormandie, qui se trouve aux côtés des viticulteurs, puisqu'ils ont connu une année noire en raison des épisodes de gel. Cette présence à leur chevet est attendue.
Puisque vous évoquez la politique agricole commune, j'aurais aimé vous entendre vous réjouir que nous ayons obtenu pour nos agriculteurs une PAC à budget constant, ce que nous devons à la mobilisation du Président de la République, du Gouvernement, de cette majorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'aurais aimé vous entendre dire une chose claire, et que nos concitoyens voient tous les jours : s'il y a un secteur économique qui est engagé dans la transition écologique, c'est bien l'agriculture de notre pays.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.
Vous en venez à nier tous les efforts, tous les engagements de nos agriculteurs, partout sur le territoire national, en faveur de cette transition ; vous en venez à nier des résultats qui sont perceptibles.
La réalité, c'est que la surface en bio de notre pays aura doublé depuis 2017. Nous disposons maintenant de la première surface de bio en Europe !
Mme Danielle Brulebois applaudit.
La réalité, c'est que nous avons augmenté le label HVE de 20 % depuis le début du quinquennat.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
La réalité, c'est que nous avons réduit l'usage des pesticides et des produits phytosanitaires de 93 % depuis le début du quinquennat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Voilà la réalité !
Vous abordez la question de la PAC. Mais si l'on suivait votre logique, si l'on suivait votre trajectoire, on aboutirait – cela a été examiné notamment par la Commission européenne – à une baisse de 13 % de la production en France et à une augmentation des importations de 20 %. Les deux tiers de nos réductions d'émissions de gaz à effet de serre seraient compensés par les importations.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Voilà la réalité de ce que vous proposez, et ce n'est pas ce que nous voulons pour nos agriculteurs.
Oui, dans la déclinaison nationale de la PAC, nous augmentons de 30 % les budgets dédiés au bio dans notre pays. Voilà la réalité de l'action du Gouvernement et des agriculteurs, et les résultats sont au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-I ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Monsieur le ministre de l'intérieur, le 24 novembre, vingt-sept migrants se sont noyés en tentant de traverser la Manche depuis le Pas-de-Calais. Ce drame terrible nous appelle à agir. Comme l'a souligné le président Macron, « la France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière ». Les vies des migrants, la dignité de la République et de l'Union européenne sont en jeu. Une solution européenne doit être trouvée, avec pour objectif d'assurer un accueil digne pour les demandeurs d'asile, d'accélérer le traitement des demandes, de mieux protéger nos frontières.
La réunion de Calais marque une première étape.
Bien sûr, la France ne doit pas renoncer à tenir ses frontières, comme l'ensemble de ses partenaires européens. Toutefois, cette solution doit associer nos voisins britanniques. Or les questions migratoires ne font pas partie des accords post-Brexit conclus avec Londres. Si les Britanniques souhaitent reprendre le contrôle de leur frontière, ils doivent aussi en assumer les conséquences. Nous devons donc nous interroger sur l'attitude récente de leur gouvernement qui rejette sa responsabilité et qui refuse toute coopération.
À l'échelle plus locale, il est nécessaire d'apporter un soutien renforcé au Pas-de-Calais, désormais frontière extérieure de l'Union européenne, et aux pêcheurs dont les navires se trouvent parfois pris d'assaut par des migrants désespérés.
Quelles mesures envisagez-vous pour tenir compte de ce nouveau statut et soutenir ce département et ses habitants, qu'ils soient sur la côte ou en mer ? Comment pouvons-nous accélérer les négociations autour du pacte européen sur la migration et l'asile tout en tenant compte de la nécessité de trouver des solutions en parallèle avec la Grande-Bretagne ? L'idée d'un nouveau système post-Dublin incluant le Royaume-Uni vous semble-t-elle réalisable ?
Tout le monde a évidemment été étreint par l'émotion lorsque nous avons constaté les vingt-sept décès dans la Manche : des femmes enceintes, trois enfants… Ces gens qui fuyaient la misère étaient parfois présents seulement depuis quelques heures ou quelques jours sur le territoire national. L'un des deux survivants, ce citoyen irakien qui a été cité par M. Pancher, était en France depuis six jours à peine ; quinze jours plus tôt, il avait passé la frontière biélorusse. Les migrations sont un phénomène ancien, mais il y a des flux nouveaux ; ce qui se passe en Syrie, en Afghanistan, en Biélorussie, a des répercussions sur les côtes calaisiennes, et au-delà dans le monde entier.
Le sujet est donc complexe et nous devons le régler en luttant contre les passeurs, mais aussi, vous l'avez dit, en travaillant avec nos amis britanniques.
Ce que réclame le Gouvernement, c'est l'égalité de travail et l'équanimité dans les discussions avec nos amis britanniques. Le Président de la République a regretté, et je le fais après lui, la différence très profonde qui existe entre nos discussions privées avec le gouvernement britannique et nos discussions publiques, à la Chambre des communes ou dans la presse.
Le Premier ministre va donc, à la suite du conseil de défense convoqué par le Président de la République, proposer au Premier ministre britannique une nouvelle phase de construction. Vous avez justement rappelé que dans l'accord de négociation du Brexit, la question migratoire n'avait pas été prévue ; il nous appartient donc de mener ce travail maintenant. Il mérite d'être précis, et il doit prévoir une égalité de traitement, car la Grande-Bretagne doit prendre sa part : 150 000 demandes d'asile en France, 30 000 en Grande-Bretagne. Cherchez l'erreur.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse au Premier ministre. Une crise violente traverse les Antilles, notamment la Guadeloupe, après que vous avez décidé de suspendre 1 400 soignants qui ont refusé de se soumettre à l'obligation vaccinale. Je veux ici rendre hommage aux policiers et aux journalistes qui ont été pris pour cibles dans cette révolte qui est devenue une rébellion.
Nous savons que la Guadeloupe rencontre des problèmes structurels aussi bien en ce qui concerne l'alimentation en eau potable que le pouvoir d'achat ou le chômage, sans compter le scandale du chlordécone qui a touché 90 % de la population adulte.
Nous voulons exprimer notre incompréhension de la manière dont a été gérée cette crise. Tout d'abord, le ministre des outre-mer a mis trois semaines à se rendre sur place. Sans doute était-il trop occupé à faire signer une tribune de soutien au Président de la République pour sa réélection.
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Mais la Guadeloupe, c'est la France ! Si ces événements avaient eu lieu dans les Bouches-du-Rhône ou en Corrèze, nous n'aurions pas attendu trois semaines
Mêmes mouvements.
Ensuite, vous avez décidé de reporter l'obligation vaccinale pour les soignants. Faut-il comprendre que, lorsqu'on tire sur les policiers, la loi devient caduque ? Du reste, le moment est mal choisi, car nous devons faire face à une cinquième vague et à un variant nouveau.
Enfin, vous avez décidé d'ouvrir un curieux débat institutionnel en parlant d'autonomie au plus mauvais moment, alors que l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie se joue dans quelques semaines. Pouvez-vous vous expliquer quelle est la cohérence de votre politique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Aubert, je vous remercie de remercier les policiers et les gendarmes, qui sont présents, nombreux et courageux. La République a fait dépêcher, à la demande du ministre des outre-mer et du Premier ministre, cinq unités de force mobile (UFM), c'est-à-dire ici cinq escadrons de gendarmerie, en Martinique et autant en Guadeloupe.
L'ordre républicain est en grande partie rétabli, puisqu'on est passé d'une quarantaine de barrages à quelques-uns seulement.
En ce moment même, la police et la gendarmerie achèvent ce travail.
Monsieur Aubert, je m'étonne que vous nous reprochiez un manque de fermeté alors que le ministre des solidarités et de la santé a eu le courage de suspendre plus de 1 400 soignants qui ne se sont pas soumis à l'obligation vaccinale, quand certains appelaient de leurs vœux une solution différenciée en outre-mer et en métropole. Certains candidats à l'élection présidentielle pourraient présenter au concours Lépine leurs propositions bizarres ou loufoques.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Ils considèrent ainsi que les Guadeloupéens ne seraient pas capables – en tout cas le seraient moins que les Polynésiens – de gérer certaines compétences, autrement dit d'accéder à l'autonomie. Il ne faut pas confondre l'autonomie et l'indépendance, même si je sais, monsieur Aubert, que ce sont deux notions difficiles à comprendre.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
La situation des Antilles à cet égard est différente de celle de la Nouvelle-Calédonie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le groupe Les Républicains ne cesse de mettre en avant la décentralisation, mais manifestement il veut la décentralisation partout, sauf en outre-mer !
Protestations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'intérieur se félicite d'avoir rétabli l'ordre alors qu'on rackette les touristes en leur prenant vingt euros pour circuler en Guadeloupe. Je constate, monsieur le ministre, que vous êtes assez mal informé. Nous faisons la différence entre l'autonomie et l'indépendance, mais nous considérons qu'on ne négocie pas avec qui nous met un revolver sur la tempe.
Vous appliquez exactement la même stratégie que pour les gilets jaunes : au Parlement, vous n'écoutez personne ; ensuite vous répondez par la répression ; puis vous lâchez du lest budgétaire ; vous terminez avec un grand bric-à-brac institutionnel ! Encore de l'enfumage ! Encore du « en même temps » !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre Sébastien Lecornu n'a justement pas voulu discuter avec des « représentants » de l'intersyndicale parce qu'ils avaient refusé de condamner les violences contre les policiers ; l'entretien a duré dix minutes ,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
ce qui montre la fermeté de l'État.
Rires sur les bancs du groupe LR.
Durant les semaines qui viennent, je vous recommande de mettre la même énergie à attaquer M. Zemmour et Mme Le Pen que celle que vous employez à attaquer le Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous propose, monsieur Aubert, quand la vidéo absolument ignoble de M. Zemmour est diffusée, de ne pas courir les plateaux pour vous féliciter du travail que vous aurez à faire avec lui, mais de rester dans l'arc républicain. C'est ainsi qu'on pourra rassembler la famille gaulliste !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse au ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le ministre, alors que la France fait face à une accélération de l'épidémie de covid-19, le monde s'inquiète du nouveau variant venu d'Afrique australe, baptisé « omicron ». Ce variant, qui semble plus contagieux, circule déjà en Europe et en France, malgré la décision prise de fermer les frontières aux voyageurs provenant de cette région. Il fait peser un risque supplémentaire sur l'évolution de cette épidémie qui s'accélère déjà depuis quelques semaines.
Le Gouvernement a annoncé la semaine dernière de nouvelles mesures pour contrer la progression du covid, parmi lesquelles l'extension à tous les adultes de la dose de rappel vaccinal. Le Conseil scientifique a souligné que ces mesures, que je salue au nom de la majorité, étaient « extrêmement utiles » pour freiner l'épidémie et la diffusion du nouveau variant. Faudra-t-il cependant aller plus loin ?
Les projections de l'Institut Pasteur prévoient que le pic de la cinquième vague se situera à la mi-janvier. Grâce aux mesures fortes qui ont été prises, grâce aux efforts de chacun et à la vigilance constante maintenue ces derniers mois, les indicateurs sanitaires sont meilleurs en France que chez nos voisins européens. Malgré tout, les Français s'inquiètent pour les fêtes de fin d'année ; pourront-ils se retrouver dans des conditions normales ?
On le sait, les gestes barrières, les mesures d'isolement et les vaccins sont nos principales armes contre le covid, mais un trop grand nombre de Français sont encore récalcitrants à la vaccination ou relâchent leur vigilance.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il d'adapter sa stratégie sanitaire au regard de l'arrivée du nouveau variant et de l'évolution actuelle de l'épidémie ? Par ailleurs, comment compte-t-il aider les pays déjà largement exposés au variant « omicron » et qui n'ont qu'un accès limité aux vaccins ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame Delpirou, je vous remercie pour votre question sur la situation épidémique et sur les moyens de lutter contre cette cinquième vague qui atteint notre pays, comme elle frappe le continent européen dans son ensemble et même outre-Atlantique.
Je serai tout à fait franc avec vous : sur le front de l'épidémie, la situation s'aggrave. Santé publique France publiera aujourd'hui, comme chaque jour, le nombre de contaminations de la veille : nous déplorons 47 000 contaminations au cours des vingt-quatre dernières heures, ce qui continue de marquer une augmentation de la diffusion du virus sur le territoire national. Il se diffuse sur tout le territoire national ; le nombre de contaminations par jour dépasse 30 000 et pourrait être, si l'on suit cette dynamique de + 60 % par semaine, supérieur au pic de la troisième vague d'ici à la fin de la semaine. Voilà quelle est la situation épidémique.
Cependant, vous l'avez dit, ce qui a changé, c'est que la vaccination fait que, pour un nombre de contaminations donné, il y a beaucoup moins de cas graves, d'hospitalisations, notamment en réanimation, et beaucoup moins de décès. C'est ce qui protège actuellement notre pays car, avec le nombre de contaminations que nous déplorons aujourd'hui, nos hôpitaux seraient déjà dans une situation de débordement, ou presque, si nous n'avions pas cette protection collective.
Le passe sanitaire montre ainsi son utilité car, sans lui, nous aurions sans doute été amenés à fermer certains établissements recevant du public ou du moins à leur imposer des mesures de gestion. Je remercie la majorité d'avoir avec courage et détermination voté pour cet outil élaboré pour protéger les Français. Je pense que personne dans cet hémicycle ne regrette que la majorité se soit ainsi engagée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Même s'il est moins important que ce qu'il aurait été sans la vaccination, le nombre de cas graves continue de monter : 1 700 patients atteints du covid sont dans nos services de réanimation et de soins critiques. C'est pourquoi il faut amplifier la campagne de rappel. Les dernières données de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) montrent que le rappel de la vaccination conforte une protection beaucoup plus forte encore qu'après les deux premières doses car il réduit très fortement le nombre de cas graves.
Enfin, vous savez qu'un premier cas de contamination au variant omicron a été identifié à La Réunion. D'autres cas pourraient être identifiés dans les heures à venir. Je tiendrai évidemment les Français informés.
Ma question s'adressait au Premier ministre, à qui je souhaite un bon rétablissement. Le sénateur Fabien Gay et moi revenons de Guyane et de Guadeloupe, où nous avons entendu une colère que votre gouvernement ne veut pas reconnaître. Encore hier, au lieu d'écouter les représentants, votre ministre a fait le choix de poser un ultimatum, suscitant une colère unanime, de sorte que tous les élus de Guadeloupe ont refusé d'aller à sa rencontre !
Il ne s'agit pas, pour qui que ce soit, de cautionner les pillages ou les violences, mais d'écouter les habitants, de les respecter.
En 1967, face à une grande grève des salariés guadeloupéens pour la hausse des salaires, le patron des patrons leur avait répondu : « Quand les nègres auront faim, ils retourneront au travail. » Cette phrase résonne encore dans les têtes, dans celles des soignantes et des pompiers qui sont suspendus, sans salaire, sans mutuelle ! Écoutez cette « blessure sacrée » dont parlait Aimé Césaire. Ce qu'ils veulent, ce n'est pas moins d'État mais un meilleur État. Ce qu'ils veulent, c'est l'égalité garantie par la République.
Pourquoi là-bas la vie est-elle encore plus chère qu'ici ? Pourquoi là-bas le chômage frappe-t-il plus la jeunesse qu'ici ? Pourquoi tant de retard dans la lutte contre l'empoisonnement à la chlordécone ? Pourquoi sont-ils obligés, en Guadeloupe, d'aller remplir des bouteilles ou des jerricans pour avoir accès à l'eau ? Et en Guyane, pourquoi la République accepte-t-elle encore des projets industriels qui vont déverser des tonnes de cyanure dans nos fleuves, dans notre forêt amazonienne !
Nous demandons au Premier ministre d'aller rapidement en Guadeloupe et en Martinique pour comprendre pourquoi nos compatriotes doutent autant de la parole du Gouvernement, mais aussi pour mettre en place le plan d'urgence tant attendu par la population et les élus.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Ce serait mentir que de dire que c'est la première fois que la Guadeloupe connaît de telles difficultés. Durant les trente dernières années, à plusieurs reprises, la République a vu les outre-mer et singulièrement la Guadeloupe développer une forme de fièvre. Cependant, il existe une grande différence entre la situation guadeloupéenne actuelle et celle que nous avons connue précédemment : la grande majorité des Guadeloupéens ne soutient pas ces mouvements de contestation, ces mouvements de casseurs qui s'en prennent à des policiers et à des gendarmes.
Vous qui êtes un républicain, vous dites que personne ne cautionne les violences. Mais le ministre des outre-mer a demandé en préalable à la réunion avec l'intersyndicale la condamnation des violences ayant entraîné soixante blessés chez les policiers et les gendarmes. On a roulé sur un gendarme, qui risque de perdre l'usage de ses deux jambes. Au début d'une réunion, les élus ou les responsables syndicaux doivent condamner ces violences.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Refuser de condamner ces violences, c'est refuser de discuter avec l'État républicain.
Mêmes mouvements.
Aucun débat n'est possible avec des personnes qui refusent de condamner ceux qui tirent à balles réelles sur des policiers et des gendarmes, ce que les républicains comme vous savent pertinemment.
Qui a mis fin à la difficulté de l'approvisionnement de l'eau en Guadeloupe ? C'est cette majorité ! Qui a versé 1,5 milliard d'euros pendant le covid en Guadeloupe ? C'est cette majorité ! Qui s'emploie à traiter le problème de la chlordécone qui a été négligé par nombre de gouvernements précédents ? C'est cette majorité !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Aidez-nous donc à reconstruire la Guadeloupe plutôt que de crier avec ceux qui tapent sur les policiers et les gendarmes !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas vu les dizaines de milliers de personnes qui ont manifesté le week-end dernier ! Durant l'ensemble de cette législature, le Gouvernement n'a pas été capable d'instituer un seul plan en faveur des outre-mer ! Il n'y a pas eu de loi de programmation pour les outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Il est vrai que les outre-mer connaissent des difficultés particulières qui concernent la vie chère, les problèmes d'approvisionnement, l'avenir des enfants et leur vie professionnelle. Tout le monde le reconnaît.
Monsieur Roussel, nous vous tendons une main fraternelle, comme à tous les républicains, pour travailler ensemble. Cela vaut pour chacun des membres de cette assemblée. Mais nous posons une seule condition : que les policiers, les gendarmes, les soignants soient respectés en tant qu'agents de l'État ; que les journalistes soient également respectés. Ce préalable est indispensable à l'action de tout gouvernement et à la garantie de toutes les libertés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'intérieur, vingt-sept personnes au moins ont péri dans le naufrage de l'esquif qui devait les mener en Angleterre. La Manche est d'ores et déjà un cimetière. Le sort de ces hommes, de ces femmes et de ses enfants appelle une réponse du Gouvernement. Au-delà même de ces drames maritimes, leurs conditions de survie dans des camps de fortune, où ils sont exposés au froid, à la faim et aux violences de toutes sortes, sont indignes.
Il faut d'urgence démanteler les camps sauvages qui se constituent dans les environs de Calais et traiter les dossiers de ces postulants à l'asile qui peuvent représenter une richesse pour la société française.
Il est également indispensable de lutter contre les passeurs qui font commerce de la détresse humaine et exposent ces familles à des périls mortels. Pourtant, cette action répressive contre les trafiquants d'êtres humains est insuffisante, car on n'arrêtera pas le désespoir en emprisonnant quelques mafieux sans foi ni loi. Pour détourner vraiment les migrants de ces filières, il est nécessaire de rouvrir des voies légales qui leur permettraient de postuler à l'asile dans des conditions humaines et acceptables au lieu de les laisser prendre des risques incroyables.
Pour ce faire, le Président de la République s'était engagé en faveur de la renégociation des accords du Touquet qui font que, de manière aberrante, les frontières britanniques sont en France. Il y a manifestement un manque de volonté du Royaume-Uni envers ces migrants qui souhaitent à tout prix rallier l'Angleterre.
Quelles mesures d'urgence le Gouvernement entend-il prendre afin de faire cesser ces drames insupportables qui ont lieu notamment à la frontière maritime entre la France et le Royaume Uni ?
Nous partageons l'émotion, la détresse et parfois même la colère devant ces drames humains qui ont lieu en mer, comme le 24 novembre, mais aussi sur terre : vous avez raison de le rappeler.
Notre travail s'inscrit dans la continuité de celui accompli par le gouvernement précédent. Je rappelle à cet égard que c'est le ministre courageux qu'était Bernard Cazeneuve qui a permis, en grande partie, de régler ce problème.
Nous avons poursuivi cette action, étant donné qu'il y a aujourd'hui quinze fois moins de migrants à Calais, à Dunkerque et à Grande-Synthe qu'il y a cinq ans.
S'agissant des accords du Touquet, qui sont parfois dénoncés, il a fallu le courage de Nicolas Sarkozy et d'un maire communiste, à la suite des problèmes liés au centre de Sangatte, pour les négocier. Mais ils n'ont rien à voir avec la situation dans laquelle nous sommes et les évoquer à cor et à cri ne résoudra pas le problème.
Les accords du Touquet sont le fruit d'une négociation dans les domaines de l'immigration légale et du tourisme et ont été conclus à un moment où les migrants se rendaient au Royaume-Uni par le tunnel et par le port. Désormais, nous ne trouvons quasiment plus aucun migrant dans ces deux lieux ;…
…c'est pourquoi ils montent sur des small boats. Vous pourrez donc renégocier ces accords tant que vous voulez, cela ne changera rien à l'affaire : le migrant qui se trouve sur la côte, à Bray-Dunes, à Dunkerque ou à Calais ne s'informe pas de l'accord international permettant aux touristes de prendre l'Eurostar ou le tunnel avant de traverser la Manche !
Comme l'a dit le Président de la République, c'est d'une négociation en vue d'un accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni dont nous avons besoin. Nous regrettons, je tiens à le redire, que personne n'y ait pensé lors de la négociation du Brexit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, la semaine dernière, le Président de la République s'est rendu à Rome pour signer le Traité de coopération bilatérale entre la France et l'Italie, appelé traité du Quirinal.
Hier, le président de notre assemblée signait avec le président de la Chambre des députés de la République italienne, M. Roberto Fico, un accord de coopération entre nos deux parlements, autre signe de la vitalité de nos échanges.
Depuis longtemps déjà, l'Italie et la France ont été à l'initiative des plus grandes réalisations européennes, en tant que membres fondateurs de l'Union européenne, du Marché commun, de l'euro et de l'accord de Schengen.
Face à la crise, nous avons démontré la force de nos relations par l'instauration, en concertation avec les autres États membres, du plan de relance européen.
Lors de son allocation de vendredi à Rome, le Président de la République a souligné que l'absence d'un traité entre nos deux pays était une anomalie, car nous partageons une même histoire, une communauté de destin et une proximité culturelle. Nous partageons en effet une même vision d'une Europe démocratique, protectrice et souveraine. La France et l'Italie ont encore beaucoup à faire ensemble.
Par ce traité historique tant attendu, nous concrétisons ainsi nos affinités autour de nombreux projets et domaines. Je pense, entre autres, à la stabilité de la zone méditerranéenne, à l'arc alpin, ainsi qu'à la création de programmes conjoints en matière de défense et de sécurité, d'innovation technologique, de recherche, de culture et d'enseignement supérieur.
Il nous faut renforcer le projet européen et les relations franco-italiennes, grâce à la signature du traité du Quirinal, doivent être l'un des socles de ce travail.
Pouvez-vous nous exposer la finalité et les domaines concernés par ce nouveau traité ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Merci beaucoup pour votre question, vous qui êtes aussi président du groupe d'amitié France-Italie de l'Assemblée nationale : je tiens à saluer cette démocratie parlementaire active, qui nourrit la coopération bilatérale.
Le traité du Quirinal est l'aboutissement d'une démarche initiée en 2017, lors du sommet de Lyon, et qui s'est poursuivie en 2019, avec le sommet de Chambord. Son objet est simple : enfin créer une sorte de réflexe franco-italien pour travailler au renforcement de la construction européenne et agir à tous les niveaux sur le plan bilatéral.
Ce réflexe franco-italien se décline en onze chapitres très denses. S'agissant de la jeunesse, par exemple, le traité crée un service civique franco-italien ainsi qu'un campus franco-italien des métiers, et prévoit le renforcement de l'apprentissage de nos langues respectives. Dans ce domaine, vous le savez, l'apprentissage du français en Italie se renforce d'année en année grâce aux classes ESABAC – sections binationales franco-italiennes.
Sur le plan économique, également, le traité prévoit une coopération renforcée dans tous les secteurs liés à l'autonomie stratégique : je pense aux batteries électriques, à l'industrie pharmaceutique ou encore aux semi-conducteurs.
Et n'oublions pas la sécurité et la justice, étant donné qu'une unité opérationnelle franco-italienne sera désormais mobilisable pour la gestion de nos grands événements respectifs et que le conseil franco-italien de défense et de sécurité sera relancé.
Vous l'aurez compris, tous ces domaines de coopération entre nos deux nations sœurs – nos deux nations tricolores – font que nous sommes décidés à allier la furia francese à la détermination italienne, afin de lancer une véritable renaissance européenne.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mercredi dernier, vingt-sept personnes ont perdu la vie dans la Manche. Le Calaisis, la France et l'Europe sont endeuillés. Le drame que nous, élus locaux et citoyens de ma circonscription, redoutions s'est produit, malgré les efforts surhumains des forces de l'ordre, des sauveteurs en mer, des pompiers, qui, chaque jour, repoussaient l'échéance fatidique. Nous avons tous une pensée pour les disparus et leurs proches.
Il y a trois semaines, ici même, je lançais pourtant un cri d'alerte. Votre ministre déléguée, Marlène Schiappa, préférait alors nier la réalité, me répliquant que « non, l'État ne perd pas le contrôle de la situation à Calais, bien au contraire ».
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
À l'image de cette phrase, la réponse de votre Gouvernement à la détresse des migrants et des habitants de Calais est médiocre : une opération de communication sous couvert d'un sommet européen qui n'aboutit qu'au déploiement d'un avion de Frontex – comme je le réclamais depuis trois ans –, un courrier envoyé à votre homologue britannique, quelques moyens humains supplémentaires, et c'est tout.
Cette nuit encore, des trafiquants de mort ont organisé des traversées, et demain, nous pleurerons de nouveaux noyés. Votre absence de courage politique fait du Calaisis un terrain de jeu pour extrêmes et de la Manche un cimetière marin.
La réalité est simple : une fois à Calais, c'est trop tard ! Après avoir parcouru 5 000 kilomètres, ni les murs, ni les barbelés, ni les patrouilles n'empêcheront les migrants de rejoindre le Royaume-Uni et les passeurs continueront leur macabre business. Dès lors, pour éviter de nouveaux drames humains, vous devez faire du littoral de la Manche, du Calaisis en particulier, un territoire « zéro migrant ».
Cela doit se faire en transférant, si besoin par la contrainte ,
Protestations sur les bancs du groupe GDR
les étrangers en situation irrégulière dans les centres d'accueil et d'examen des situations, où des centaines de places sont disponibles, afin qu'ils puissent y trouver du repos et réfléchir à leur avenir.
Et cela doit se faire en entamant un bras de fer avec Boris Johnson, afin d'ouvrir une voie de passage sécurisée pour les migrants au Royaume-Uni. Avec le Brexit, les Britanniques ont voulu reprendre le contrôle : qu'ils reprennent donc leurs frontières ! Ce n'est pas à la France et aux Calaisiens de subir les conséquences d'une économie britannique basée sur le travail illégal dans un pays communautarisé.
Combien de drames dans la Manche vous faudra-t-il encore pour agir concrètement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je ne sais pas exactement à quelle prise de parole des élus du Calaisis vous faites allusion, parce que Mme la maire de Calais s'est publiquement déclarée très satisfaite de la réunion de dimanche et chacun sait qu'elle combat ce Gouvernement. Il me semble qu'elle a pris des positions courageuses, elle qui gère tous les jours, depuis bien longtemps, la situation à Calais.
Elle a d'ailleurs pu s'exprimer pour la première fois lors d'un sommet international consacré à ce sujet, en l'occurrence devant l'ensemble des ministres européens de l'intérieur concernés et la Commission européenne. Elle a reçu des mots de soutien de sa population, fait part de propositions et salué le travail accompli par le Gouvernement pour essayer de résoudre ce problème vieux de plus de vingt ans.
En revanche, je n'ai pas tellement entendu vos propositions à vous, monsieur le député.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ce que vous proposez, c'est la criminalisation des migrants. J'ai entendu qu'ils devaient être placés dans des centres d'accueil pour réfléchir sur leur avenir : depuis le 1er janvier, ce sont 14 400 personnes qui ont été ainsi relogées. Or, vous le savez mieux que personne, ces personnes ne veulent pas rester en France ni réfléchir à leur avenir dans notre pays : elles veulent aller au Royaume-Uni ! Pourquoi ? Parce qu'elles sont 60 % à être éligibles à l'asile dans ce pays, alors qu'elles ne sont que 3 % à déposer une demande sur notre territoire.
Vous pouvez les éloigner à Lons-le-Saunier ou encore à Tourcoing, où quatre-vingt-douze migrants ont encore été reçus de Calais la semaine dernière, ils voudront toujours aller au Royaume-Uni et, pour cela, retourner en Calaisis. En effet, la géographie fait que, au moins depuis Jules César, Boulogne-sur-Mer et Calais sont les meilleurs endroits pour le faire.
Soyons solidaires, monsieur le député, soyons Français ensemble face au Royaume-Uni !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ne leur offrons pas de bisbilles. Évitons de formuler des propositions plus loufoques les unes que les autres. Cela fait vingt ans que tous les gouvernements gèrent cette difficulté – vingt ans ! Il y a eu des gens courageux : Nicolas Sarkozy à Sangatte, Bernard Cazeneuve dans la jungle de Calais et, je le crois, le Président de la République aujourd'hui.
Mêmes mouvements.
Montrez-vous digne de la responsabilité qui incombe à un parti de gouvernement et ne disons pas n'importe quoi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et j'y associe ma collègue Alexandra Louis.
Un Français sur dix aurait été victime de violences sexuelles par un membre de sa famille dans son enfance. Ce chiffre glaçant pourrait même être sous-estimé, tant la libération de la parole des victimes est difficile dans les cas d'inceste. À la violence de l'agression s'ajoute en effet la souffrance d'avoir été la victime d'un père, d'une mère, d'un oncle ou d'un frère ; la victime d'un membre de la cellule familiale, pourtant censée nous aimer et nous protéger. Le tabou est universel, l'omerta presque naturelle. Aucune région, aucun département, aucune ville, aucune catégorie sociale n'est épargnée.
Parce que le temps est une variable déterminante dans la reconstruction des victimes, la détection se doit d'être la plus précoce possible. L'école a donc aussi un rôle à jouer pour prévenir et repérer ces drames individuels, pour que se brise enfin la loi du silence. Il est essentiel de bâtir une véritable culture commune du repérage, associant le scolaire, le périscolaire et l'extrascolaire, comme nous en débattons actuellement en ce qui concerne le harcèlement scolaire.
À la demande du Président de la République, un groupe de travail interministériel portant sur les violences intrafamiliales et l'inceste a été constitué en février dernier. Ses conclusions ont été rendues cet été et ont servi de base au plan d'actions gouvernemental lancé à la rentrée dernière visant à renforcer la politique de prévention déjà menée. Celui-ci comprend la formation des personnels au recueil de la parole des victimes, mais aussi la sensibilisation des enfants et des familles.
Pouvez-vous nous donner des précisions quant au calendrier de déploiement de ce plan, car au moment où nous parlons, des enfants sont victimes de violences intrafamiliales ? Il est de notre responsabilité collective de les entendre et de les aider.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Vous avez raison, ce sujet est l'un des plus dramatiques qui soit, l'un des plus traumatiques, et probablement l'un de ceux les plus fréquemment passés sous silence, pour les raisons que vous avez rappelées. Ainsi, sur la base du travail mené par Adrien Taquet pour aboutir à des propositions concrètes et par Marlène Schiappa lors du Grenelle des violences conjugales, nous avons évidemment cherché à aller de l'avant.
Les propositions issues du Grenelle concernent l'éducation dans la mesure où, vous l'avez dit, il faut à la fois de la prévention et de la formation. La prévention suppose de la coopération entre tous les acteurs et, à cet égard, nous avons commencé dans le département de la Somme une expérimentation qui associe à la fois le conseil départemental, le parquet et l'éducation nationale, dans l'optique de favoriser l'échange d'informations et de prévenir les violences. Cette expérimentation donne ses premiers résultats, lesquels nous inciteront sans doute à la généraliser.
Par ailleurs, dix-sept actions ont été recommandées par les travaux du Grenelle, que nous avons bien sûr vocation à mener. La plupart d'entre elles sont des actions de formation : elles ont commencé et doivent être systématisées, non seulement auprès des professeurs, mais aussi des personnels de l'éducation nationale et des collectivités locales. Je pense en particulier aux infirmières et aux médecins scolaires, qui sont au contact des élèves et souvent déjà à même de repérer les signaux faibles, mais qui disposeront ainsi de nouveaux outils.
Outre la formation, un travail d'information des élèves est aussi à mener. Vous le savez, un vademecum sur l'éducation sexuelle sera publié prochainement : il intégrera les violences sexuelles intrafamiliales pour sensibiliser les élèves et éviter qu'il n'y ait une omerta dans ce domaine.
Nous disposons donc d'une stratégie complète et interministérielle, qui se traduira tout au long de l'année par l'application des dix-sept actions de l'éducation nationale, dont les premières ont commencé.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et j'y associe mon collègue Maxime Minot.
À la rentrée, vous nous aviez annoncé que 600 000 tests salivaires seraient réalisés chaque semaine dans les écoles maternelles et primaires. Je vous avais alors interrogé sur votre stratégie, que vous qualifiiez d'ambitieuse, alors que je la considérais largement insuffisante.
Hélas, trois mois plus tard, les faits nous donnent raison. Vous n'avez jamais réussi à dépasser les 142 000 tests par semaine, ce qui est très insuffisant pour une population scolaire de plusieurs millions d'élèves. Les parents, les élèves et les enseignants ont assisté à une certaine cacophonie dans vos annonces et tout cela est source de méfiance.
Aujourd'hui, il faut le dire, votre politique de tests covid à l'école est un véritable fiasco. Le flou de votre discours et surtout de vos actes, dans la gestion de cette crise, est incompréhensible : du matériel de test qui n'arrive pas, des annonces de fermeture de classe faites au dernier moment, les règles concernant le port du masque à l'école qui changent tous les jours. Élèves, parents et enseignants n'en peuvent plus !
Ma question est donc très simple : pourquoi n'avez-vous pas opté pour un dépistage hebdomadaire systématique de tous les élèves du primaire comme Les Républicains vous le demandent depuis dix-huit mois ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cette mesure, préconisée par le Conseil scientifique, permettrait de freiner la dynamique épidémique et aurait le mérite de mieux protéger toute la population française.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Si l'on faisait un florilège de vos interventions sur l'épidémie, cela n'aboutirait pas vraiment à une leçon de civisme …
Protestations véhémentes sur les bancs du groupe LR
…et nous ne manquerons pas de le faire, le moment venu. Un Huron qui vous écouterait aurait du mal à comprendre que notre pays est internationalement salué comme celui qui a le plus maintenu ses écoles ouvertes – j'étais, hier encore, à Bruxelles, et je peux vous dire que la gestion française n'est pas jugée mauvaise, loin s'en faut.
Vous voulez faire passer l'adaptation pour de la complexité, tout comme vous le faisiez déjà en juillet, lors de vos précédentes interventions…
Vous vous alarmiez au sujet de la vaccination, disiez que nous n'étions pas prêts… mais en réalité vous vous en réjouissiez, parce que c'est comme ça que vous concevez votre travail d'opposants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
La réalité, c'est que plus de 90 % des professeurs sont aujourd'hui vaccinés, ainsi que plus des trois quarts des élèves âgés de plus de 12 ans : nous sommes en la matière l'un des meilleurs pays d'Europe.
Cela explique qu'il n'y ait plus de problème dans l'enseignement secondaire. Pour ce qui est de l'enseignement primaire, l'expérimentation engagée depuis le début du mois d'octobre s'avère en partie concluante et nous a conduits à retenir la solution que nous avons adoptée, laquelle, d'après mes informations, satisfait autant les parents d'élèves que les professeurs.
Allez voir les enfants, allez voir les étudiants : vous verrez s'il n'y a plus de problème !
Le but est de fermer le moins d'écoles possible : essayons donc, s'il vous plaît, de viser l'intérêt général plutôt que de se perdre en vaines polémiques sur une question dont la gestion est par ailleurs saluée !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, votre niveau d'autosatisfaction est incroyable ! Allez sur le terrain, regardez ce qui s'y passe ! Et, au lieu de chercher à décrédibiliser vos opposants, qui posent des questions légitimes ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LR
répondez aux questions que nous vous posons. Ce sont nos élèves, leurs familles et leurs enseignants qui sont concernés, toute la population française : vous ne leur répondez pas, ce qui est scandaleux !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vous réponds sans difficulté mais, si vous savez lire, vous avez toutes les réponses.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Premièrement, il y a largement de quoi tester tous les enfants de France aujourd'hui ; ils sont environ 180 000 à être testés chaque semaine, et nous sommes capables d'en tester plus de 3 millions. C'est la solution la plus efficace pour maintenir les écoles ouvertes. Si vous souhaitez plus de détails, tout se trouve sur le site du ministère mais, en réalité, ce ne sont pas des réponses que vous cherchez, mais la polémique !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Bien que le ministre de l'agriculture soit excusé, je souhaite relayer auprès du Gouvernement la préoccupation de nombre de responsables professionnels agricoles au sujet de l'avenir des filières de l'élevage en France. Dans toutes les régions, les agriculteurs, notamment les éleveurs, nous interpellent. En Bretagne, André Sergent, le président de la chambre régionale d'agriculture a adressé une lettre ouverte au ministre : il s'inquiète de ce que, rien que dans les quatre départements de la Bretagne administrative, on ait perdu en un an 62 000 bovins, soit un peu moins de 3 % des effectifs.
Cette diminution concerne aussi bien les autres filières, comme la filière porcine ou la filière volaille, et l'inquiétude ne cesse de grandir.
Être éleveur dans notre pays, c'est être mobilisé trois cent soixante-cinq jours par an, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Applaudissements les bancs du groupe UDI-I.
C'est un métier très dur, très prenant et, surtout, très mal rémunéré.
Le nombre d'exploitations agricoles est passé de 1,5 millions dans les années 1970 à 450 000 en 2020. Nous devons permettre à davantage de jeunes agriculteurs de s'installer mais, pour ce faire, ils doivent tirer un revenu acceptable de leur métier. Ce sont les agriculteurs qui nous nourrissent ; ils participent à la préservation de l'environnement et concourent à la production d'énergie dans notre pays.
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Merci pour l'hommage que vous avez rendu à nos éleveurs, à qui l'on doit notre souveraineté agricole et grâce à l'engagement quotidien desquels les Français peuvent se nourrir.
Vous le faites dans un contexte où, en effet, leurs inquiétudes sont vives quant à la pérennité de leur filière et quant à leur avenir. Nous partageons votre diagnostic, notamment pour la Bretagne, qui concentre un grand nombre des problèmes que le Gouvernement s'est attelé à résoudre depuis plusieurs mois, qu'il s'agisse du renouvellement des générations, de la rémunération ou encore du financement des changements rendus nécessaires par les attentes des consommateurs en matière de bien-être animal ou d'environnement.
C'est d'autant plus difficile que le contexte est compliqué. Les charges de nos exploitations agricoles sont en train de flamber et on assiste à un effet ciseaux entre la hausse des prix des intrants et la réduction des marges.
Mais je veux le redire, comme Julien Denormandie l'a dit à l'occasion de son dernier déplacement, nous ne laisserons pas tomber les filières d'élevage ni en Bretagne ni dans le reste du pays. Nous avons mis en place des cellules locales de crise et mobilisons l'ensemble des moyens de soutien aux exploitations les plus fragiles – échelonnement de dettes et report de cotisations MSA, notamment.
Nous travaillons aussi à des réponses structurelles, qui ont fait l'objet de différentes réformes, celle de la PAC, mais surtout celle de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi EGALIM 2, en grande partie inspirée des travaux menés notamment par Grégory Besson-Moreau et par Jean-Baptiste Moreau, grâce à laquelle les coûts de production sont pris en compte dans le prix d'achat des produits agricoles.
Les agriculteurs ne doivent plus être ceux qui subissent les règles du jeu. Les mécanismes institués par les lois EGALIM ont vocation à équilibrer les rapports de force entre les acteurs et à mieux répartir l'augmentation des coûts. La contractualisation, la non-négociabilité des prix des matières premières agricoles ou la non-discrimination tarifaire vont permettre de changer la donne.
Vous pouvez compter sur nous pour faire appliquer la loi EGALIM 2 ;…
…comptez sur nous, surtout, pour être toujours au côté de nos éleveurs.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Que l'on soit pour ou contre l'énergie nucléaire, cette dernière fait encore partie intégrante du mix énergétique français pour les années à venir. Les choix dans ce domaine sont cruciaux, tant pour les finances publiques que pour la sûreté et la souveraineté énergétiques.
Si nos centrales nucléaires permettent de produire de l'électricité en grande partie décarbonée de manière continue, elles posent un défi majeur : la gestion de déchets hautement radioactifs.
À ce jour, la production du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), dont je suis chargée, avec le sénateur Bruno Sido, de rédiger le rapport d'évaluation parlementaire, a plus de deux ans de retard. Le Gouvernement a non seulement violé la loi en prolongeant ses délais de remise, mais il entrave de facto le travail de la mission de contrôle du Parlement sur la stratégie gouvernementale en matière de nucléaire civil.
La question des déchets n'est, à ce jour, pas la seule qui reste sans réponse. Les estimations financières des coûts de l'ensemble de la filière n'ont pas été réévaluées, qu'il s'agisse des travaux de maintien, de sûreté, de démantèlement, ou du projet de centre industriel de stockage géologique (CIGEO).
À ces coûts, viennent s'ajouter ceux de la construction de nouveaux réacteurs européens pressurisés (EPR) ou de petits réacteurs modulaires, annoncée sans même que la représentation nationale ait été consultée.
Pourtant, n'est-ce pas le rôle du Parlement de contrôler l'action du Gouvernement ? N'est-ce pas un enjeu de démocratie que les représentants du peuple français puissent s'exprimer sur des choix énergétiques qui engagent l'avenir de tout un pays pour des décennies et des générations ?
Mmes Bénédicte Taurine et Albane Gaillot applaudissent, ainsi que M. Ugo Bernalicis.
Les questions sont multiples, et les enjeux de souveraineté énergétique cruciaux. Si nous voulons faire face aux défis que pose le nucléaire, nous devons chiffrer nos besoins en financement et en ressources humaines, et peser avec le maximum de transparence chaque option de traitement des déchets. Sans cela, nous fonçons droit dans un mur budgétaire, avec des choix de plus en plus contraints.
Ma question est donc la suivante : n'est-il pas temps de lancer sur le nucléaire français un grand débat public rassemblant les experts indépendants, les citoyens, les acteurs économiques, les associations et les politiques, pour débattre des choix et des modèles financiers qu'il conviendrait de retenir, afin de planifier au mieux la transition énergétique et écologique ?
Mêmes mouvements.
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, représentant M. le Premier ministre.
Je pense comme vous que des enjeux aussi importants que l'avenir de notre politique énergétique doivent être débattus publiquement, en dehors du Parlement mais aussi dans vos hémicycles, et c'est pourquoi je suis heureuse que, grâce au travail collectif des députés, une nouvelle loi sur la transition énergétique doive être votée en 2023 et déclinée ensuite dans une programmation pluriannuelle de l'énergie. Cela marque déjà une grande avancée démocratique.
Mais pour pouvoir avoir un débat serein, il faut le poser sur des bases saines. C'est pourquoi le Gouvernement – j'y avais beaucoup insisté lorsque j'étais députée – a demandé à Réseau de transport d'électricité (RTE) un rapport permettant d'envisager différents scénarios. Nous avons ainsi sur la table six scénarios…
…qui doivent nous permettre d'atteindre la neutralité carbone en 2050 et ont chacun des avantages et des inconvénients, y compris en termes financiers – une analyse financière des enjeux du nucléaire doit d'ailleurs être bientôt diffusée très bientôt pour enrichir le débat.
Ces scénarios doivent être débattus. Ils le seront dans le cadre de la préparation de la future loi mais aussi dans le cadre de la stratégie française pour l'énergie et le climat, qui fait l'objet, depuis le 2 novembre, d'une consultation ouverte à tous les citoyens.
En ce qui concerne la question des déchets, le PNGMDR a fait l'objet, la semaine dernière, d'un avis public de l'Autorité environnementale. Un nouveau programme de construction de centrales aura nécessairement des répercussions sur les déchets de haute activité à vie longue, et cela, comme tout le reste, devra faire partie du débat.
Le travail est, depuis 2017, le fil rouge de notre action et sa boussole, pour que le travail paie toujours davantage que l'inactivité et permette de vivre dignement.
Pour cela, une nouvelle étape de la réforme de l'assurance chômage s'engage dès demain. À partir du 1er décembre, il faudra avoir travaillé au moins six mois dans les deux dernières années pour pouvoir être indemnisé, contre quatre mois aujourd'hui.
Pour les salaires mensuels supérieurs à 4 500 euros brut, pour des publics en plein emploi, l'allocation chômage deviendra dégressive au bout du septième mois d'indemnisation, au lieu du neuvième mois actuellement.
Cette réforme est aujourd'hui possible, car l'action que nous menons depuis 2017 porte ses fruits. Notre stratégie nous a non seulement permis de résister à la crise mais aussi de mieux rebondir : notre croissance, dynamique, supérieure à 6 %, place la France en tête des grandes économies européennes. Nous obtenons des résultats spectaculaires, avec 1 million d'emplois créés depuis 2017.
Un effort spécifique a été fait en faveur de la jeunesse : grâce au plan « 1 jeune, 1 solution », 3 millions de jeunes ont trouvé une formation, et le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans, y compris chez les moins de 25 ans.
Enfin, la hausse de la formation en faveur des demandeurs d'emploi, qui a augmenté de 15 % en deux ans est largement due à la hausse de l'usage du compte personnel de formation (CPF), consécutive à l'ouverture, fin 2019, du parcours d'achat direct, qui permet de mobiliser directement et plus facilement le CPF.
Aussi, madame la ministre, dans le contexte de difficultés de recrutement que nous connaissons partout, et au-delà de cette réforme indispensable, pouvez-vous nous dire si les formations plébiscitées convergent bien vers les besoins exprimés sur le marché de l'emploi ?
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Sourires sur les bancs GDR.
En effet, les chiffres parlent d'eux-mêmes : en octobre, le nombre de demandeurs d'emploi sans activité a baissé de 113 000 et, au total, de plus de 500 000 sur les six derniers moi.
C'est le fruit de la politique de protection des entreprises et des emplois pendant la crise sanitaire, des investissements de France relance et des réformes structurelles visant à encourager l'activité et le travail. La réforme de l'assurance chômage vise en particulier à encourager tous ceux qui le peuvent à travailler davantage. Elle entrera pleinement en vigueur à partir de demain. Désormais, il faudra avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois pour ouvrir des droits à l'assurance chômage et les allocations pour les demandeurs d'emploi qui gagnaient plus de 4 500 euros brut par mois seront dégressives à partir du septième mois.
Avec cette réforme, notre objectif est simple : encourager le travail et inciter les entreprises à proposer des contrats de meilleure qualité. Cela va de pair avec un investissement inédit dans la formation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. En particulier, nous mobilisons près de 15 milliards d'euros sur cinq ans pour la formation des demandeurs d'emploi ou des jeunes peu ou pas qualifiés.
Dans le cadre du plan annoncé à la fin du mois de septembre avec le Premier ministre, nous avons décidé d'amplifier cet investissement, en privilégiant les formations en entreprise, pour répondre au plus vite à leurs besoins de recrutement.
Les résultats sont là. Près de six demandeurs d'emploi formés sur dix ont retrouvé un emploi dans les six mois. Vous l'aurez compris, nous sommes déterminés à tout faire pour encourager le travail…
…et répondre aux besoins de recrutement des entreprises.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, mais je ne le vois plus. De nouveau ce week-end, un peu partout en France, les forces de l'ordre ont été attaquées, mettant encore une fois à mal l'autorité de l'État.
Les terribles images qui nous arrivent de Paris, de Nice ou des Antilles témoignent d'un phénomène généralisé : dans tous nos territoires, l'ordre républicain est bafoué, l'État défié. Dans mon département des Yvelines, qui, vous en conviendrez, ne passe pas pour l'un des plus dangereux, la situation est similaire. On se souvient malheureusement des policiers assassinés à Magnanville et à Rambouillet. Un peu partout dans mon département, ce ne sont que lancers de pierre, tirs de mortier et cocktails molotov.
C'est le lot quotidien des forces de l'ordre qui, chaque jour, risquent leur vie pour assurer la tranquillité de nos concitoyens. Ils méritent notre admiration, tout comme les forces de secours. Mais le meilleur hommage que nous puissions leur rendre, c'est de rétablir enfin l'autorité de l'État par une fermeté exemplaire. Je ne nie pas les efforts consentis, notamment dans ma circonscription avec la construction d'un commissariat ultramodeme à Élancourt. Mais tous ces nouveaux moyens indispensables ne suffiront pas si le Gouvernement ne durcit pas dans le même temps sa réponse pénale. La maison continue de brûler et les délinquants semblent jouer avec le sentiment d'impunité que le pays ressent.
Par ailleurs, les forces de l'ordre ont été très heurtées par les accusations de violences policières relayées par le Président de la République. Dans cette période politique sensible, nos concitoyens ont l'impression que l'autorité de l'État s'effondre. Le président Chirac a dit un jour : « L'histoire nous enseigne qu'une civilisation, pour garder la maîtrise de son destin, doit se donner les moyens de sa sécurité. »
Ma question est donc simple : quel sens donnez-vous au principe d'autorité de l'État ? Selon vous, faut-il plus et mieux d'État ? Un État plus fort et plus ferme ? Ou moins d'État, en baissant la garde et en promettant, par exemple, l'autonomie aux Antilles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Avant de vous répondre, j'aurai une pensée pour le policier sauvagement attaqué dans le 13
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Je vous remercie pour lui. Votre question porte sur la sécurité des policiers, notamment des attaques dont ils font l'objet. Quelques chiffres permettent de constater que les outrages aux dépositaires de l'autorité publique ont diminué au premier semestre de 2021, par rapport à 2020. Toutefois, même s'il ne reste qu'un ou dix de ces outrages, c'est encore un ou dix de trop. Nous voulons bien évidemment les combattre.
Depuis 2017, le Gouvernement, le ministère de l'intérieur, mais aussi les parlementaires, ne sont pas restés inactifs. Nous avons d'abord pris des mesures de protection pour l'intégrité physique des fonctionnaires, en remplaçant en particulier les gilets pare-balles individuels, qui étaient vieux de quinze ans à notre arrivée, au profit des deux forces de sécurité intérieure. Le ministre de l'intérieur a également consacré des moyens en particulier aux véhicules.
Ce n'est pas nouveau, c'était déjà le cas avant 2010 ! C'était même le cas quand M. Cazeneuve était ministre de l'intérieur.
Monsieur Benassaya, je vous remercie d'ailleurs de nous en savoir gré dans votre intervention, en soulignant les moyens importants déployés pour la rénovation ou la construction de nouveaux commissariats, partout sur le territoire.
Je rappelle en outre que la loi pour une sécurité globale du 25 mai 2021 prévoit des mesures visant à mieux réprimer les atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique. Elle a été votée ici même ; vous savez donc qu'elle étend les peines pour les embuscades contre les personnes dépositaires de l'autorité publique et les membres de leurs familles. Elle supprime les crédits de réduction de peine automatiques pour les auteurs de violences…
Si, je réponds à votre question, qui portait sur l'action du Gouvernement.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.
Enfin, le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, que nous avons fait voter, prévoit la création d'un délit de violences volontaires contre les forces de sécurité intérieures…
…et les membres de leurs familles, ainsi que le durcissement des peines et des mesures conservatoires…
…contre le refus d'obtempérer. Le Gouvernement est mobilisé.
La ministre déléguée n'a pas répondu à la question !
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la cinquième vague et l'arrivée d'un nouveau variant suscitent de nouvelles inquiétudes. Conséquence : le protocole sanitaire a encore changé pour les écoles, sans une organisation suffisamment claire ni la fourniture des tests salivaires nécessaires, ce qui complexifie une nouvelle fois le quotidien des familles et des enfants. On a du mal à s'y retrouver.
Il ne suffit pas de vouloir maintenir les classes ouvertes, monsieur le ministre, encore faut-il qu'il y ait des enseignants qui veuillent et puissent enseigner ! Dans ce contexte, comment comptez-vous pallier le manque d'enseignants et de remplaçants ? Il ne vous aura pas échappé que la profession est en crise : démissions, burn-out, manque de candidats aux concours, essoufflement des enseignants, même des plus jeunes, conditions de travail dégradées, heures supplémentaires contraintes, baisse du pouvoir d'achat. Jamais l'attractivité de ce métier n'aura été aussi faible, et c'est toute la communauté éducative qui en souffre.
Face à tous ces problèmes, la principale réponse de votre institution est de faire appel à des vacataires, bien souvent par le biais de Pôle emploi. Il y a quelques semaines, vous nous aviez promis d'échanger avec la représentation nationale sur la situation de l'emploi dans l'éducation nationale, plus particulièrement sur les vacataires. Toutefois, vous m'avez indiqué récemment, non sans une certaine pointe de mépris, que le rapport de vos services sur ces questions était « dans un placard ». Allez-vous enfin vous décider à ouvrir ce placard, à nous donner, sans nous mentir, les chiffres sur la situation des enseignants et des vacataires en France, et à apporter des solutions à la hauteur de nos ambitions pour l'éducation ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Concernant la gestion de la crise sanitaire, je compléterai ma réponse précédente. Le changement est assez clair. Je précise de nouveau qu'un résultat négatif à un test de dépistage du covid sera demandé à chaque famille d'un enfant de l'école primaire, dès lors qu'un cas positif est apparu dans la classe de celui-ci. La semaine dernière, environ 8 500 classes étaient fermées ; nous pensons que ce chiffre diminuera, à la satisfaction générale, tout en testant tous les enfants, en adoptant d'ailleurs une formule similaire à celle suivie dans d'autres pays. Il ne sert à rien de rendre ce protocole plus compliqué qu'il n'est. Bien sûr, il crée une gêne pour tout le monde, car l'épidémie gêne et demande de s'adapter depuis le début ; il n'y a pas lieu de créer des polémiques inutiles à ce sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Vous m'interrogez également sur l'attractivité du métier de professeur. Nous avons mené le Grenelle de l'éducation pour la renforcer. Cela passe par les douze engagements que j'ai pris, à commencer par l'amélioration du pouvoir d'achat, qui devient une réalité concrète depuis le début de l'année 2021, notamment pour les plus jeunes professeurs. L'objectif est de permettre rapidement qu'aucun professeur ne soit rémunéré moins de 2 000 euros net par mois. Nous avons commencé ce chemin.
Pour les plus jeunes, cela se traduira, à partir du début de l'année prochaine, par un gain mensuel de 167 euros net. C'est substantiel, même s'il faut aller encore plus loin – je suis le premier à le dire. Sur tous les autres aspects, j'ai pris des engagements lors du Grenelle. Enfin, nous devons également contribuer à l'attractivité du métier de professeur en tenant des discours positifs sur celui-ci.
Je suis un peu surprise par votre réponse. Quelque 1 648 enseignants ont démissionné durant l'année écoulée, soit 100 de plus qu'en 2020 et 250 de plus qu'en 2018. Pour le nombre d'élèves par enseignant, par exemple, la France est avant-dernière en Europe – il est de 18,8 chez nous, contre 13,3 en moyenne dans l'Union européenne. Il semble donc que vos solutions n'ont pas convaincu. Vos chiffres sont une chose, mais la réalité sur le terrain est tout autre. Même sans être un as des mathématiques, on peut constater la différence entre les deux.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et LT ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-I.
Madame la députée, nous aurons un débat chiffré, cela ne pose aucun problème. La France compte 850 000 professeurs pour 12 millions d'élèves. La question est donc celle de l'amélioration qualitative, qui passe par les douze engagements dont j'ai parlé.
Je le répète devant tout le monde : bien sûr qu'il y a des problèmes, auxquels nous devons apporter des solutions, mais les discours que nous tenons comptent également. Il ne sert à rien de tenir des discours misérabilistes.
Protestations sur les bancs des groupes SOC, GDR et LT.
Il faut aller de l'avant ; c'est ce que nous faisons !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre déléguée chargée de la ville, les contrats de ville permettent d'embrasser l'ensemble des politiques publiques – à la fois économiques, sociales, environnementales, éducatives et culturelles – et d'accorder chaque année aux acteurs plus de 400 millions d'euros, en plus des autres soutiens financiers.
L'année 2023 constituera une échéance pour le renouvellement de ces outils indispensables au développement et à la cohésion des territoires. Je crois savoir que M. le Premier ministre a décidé de prolonger les contrats de ville au-delà de 2022, pour laisser un temps à l'évaluation et à la réflexion concernant l'élaboration des nouveaux contrats. C'est une réponse forte à une demande exprimée par nombre d'élus locaux.
Madame la ministre déléguée, vous avez lancé hier une Commission nationale de réflexion sur la nouvelle génération des contrats de ville, que vous présidez et dont je suis honoré de faire partie. Je tiens à saluer le soin que vous avez eu d'associer de nombreux acteurs associatifs, maires, élus locaux et parlementaires, pour réfléchir à l'avenir de ces contrats – c'est une très bonne nouvelle.
Nous connaissons aussi les limites potentielles de ceux-ci : ils rendent difficile d'exprimer les priorités et initiatives locales ; leur pilotage est parfois insuffisant ; leur articulation avec les politiques de droit commun reste perfectible. Sans préjuger du résultat de nos prochaines réflexions et afin d'y associer l'ensemble de la représentation nationale, pouvez-vous préciser quelles seront vos priorités et vos attentes, concernant cette commission ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Vous l'avez rappelé, les contrats de ville arrivent à échéance à la fin de l'année 2022. Nous espérons repousser cette échéance à 2023 au cours de la navette parlementaire du projet de loi de finances (PLF), pour mener à bien les travaux de réflexion sur la nouvelle génération des contrats de ville.
À l'heure où les habitants des quartiers reçoivent des messages stigmatisants, insultants,…
…nous préférons, pour notre part, agir pour leur bien-être, en étudiant l'avenir de l'intervention permise par les contrats de ville. Certains veulent raser ces quartiers ; d'autres veulent y envoyer l'armée.
Nous réfléchissons aussi à la meilleure façon d'intervenir dans les territoires avec les élus et aux manières de rendre plus efficace et plus agile la politique de la ville.
La commission, composée d'élus locaux, de parlementaires, d'associations, d'acteurs économiques et de bailleurs sociaux, sera amenée à étudier ces questions. Nous réfléchirons également aux nouveaux modes d'intervention, en tenant compte des enjeux du XXI
Nous souhaitons en outre réfléchir à la meilleure manière de mobiliser l'ensemble des partenaires, les régions, les départements, les bailleurs sociaux, les CAF – les caisses d'allocations familiales – et tous les opérateurs de l'État. Nous voulons étudier la pérennisation de tous les dispositifs instaurés depuis 2017. Évidemment, j'associerai le Conseil national des villes et l'ensemble des associations d'élus à cette réflexion, car il s'agit bien d'élaborer une politique d'intervention pour tous les territoires de la République. Monsieur le député, je vous remercie pour votre implication.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Merci au député du groupe Les Républicains, Jean-Pierre Door, d'avoir tiré une nouvelle fois la sonnette d'alarme : hier, lors de la lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, il a alerté sur l'incapacité du Ségur de la santé à endiguer la crise de l'hôpital public. Merci, monsieur le député !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la cinquième vague du covid est là. Le variant omicron arrive en France ; les hôpitaux sont en tension, et certains d'entre eux ont activé le plan blanc. Les médecins sont éprouvés, les blocs opératoires soumis à un rythme effréné auquel les personnels soignants ont du mal à faire face. Le Ségur de la santé et la loi du 24 juillet 2019 mettant en œuvre la stratégie Ma santé 2022 sont de beaux habillages.
Nous, députés Les Républicains, qui écoutons le terrain, nous ne cessons de vous répéter ce constat simple : la revalorisation des salaires ne suffit pas à résorber la crise de l'hôpital. D'un côté, la moitié des 19 milliards d'euros du Ségur servira à combler la dette de la sécurité sociale, et non à aider l'hôpital ; de l'autre, la situation s'aggrave. Je vais vous donner un exemple concret. Au centre hospitalier de Compiègne, 800 opérations ont été reportées depuis un an sans reprogrammation à ce jour et, depuis septembre, le bloc opératoire ne fonctionne plus qu'à 50 %, faute de personnel.
Les patients sont dans l'inquiétude, le personnel est découragé et le Ségur de la santé n'y change rien. Monsieur le ministre, puisque vous rejetez toutes les propositions des Républicains, quelles actions comptez-vous entreprendre pour rendre de nouveau l'hôpital attractif aux yeux des salariés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La droite française a bien changé. J'ai connu la droite française qui voulait moins de fonctionnaires, qui coupait les budgets des hôpitaux et qui considérait que la sécurité sociale était un puits sans fond.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.
J'ai connu une droite française qui, il y a encore vingt-quatre heures, n'a pas voté le budget de la sécurité sociale, considérant qu'il proposait trop de dépenses. Il n'est jamais trop tard pour changer, mais je suis assez peu crédule : je croirai au changement quand je le verrai, et je pense que je n'aurai pas l'occasion de le voir dans les prochaines années.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
J'ai l'habitude, monsieur le président. Le Ségur de la santé, ce sont 10 milliards d'euros de hausses de salaires. Quel est le bilan de la droite française ces vingt dernières années en matière de hausses de salaires à l'hôpital ? Zéro.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.
Le Ségur de la santé, c'est 19 milliards d'euros pour rattraper l'incurie des politiques menées pendant des années, si ce n'est des décennies, en matière d'investissement à l'hôpital pour la modernisation et la reconstruction des hôpitaux.
Quel est votre bilan ? Il y a eu le plan hôpital en 2008 : il était quatre fois inférieur au Ségur de l'investissement que nous présentons aujourd'hui.
Personne ne dit que la situation est simple. Personne ne nie les tensions qui peuvent exister, ni la fatigue des soignants qui se battent. Mais savez-vous ce que nous disent les soignants ? Ils nous disent : « Croyez en nous, aidez-nous, soutenez-nous. » Ils n'ont pas envie de discours qui pointent du doigt un hôpital défaillant, car l'hôpital, chaque fois qu'il a fallu tenir, a tenu. Quand il a fallu multiplier par deux, par trois ou par cinq le nombre de lits de réanimation, au moment où, ici même, les députés de votre groupe disaient que l'hôpital allait craquer, l'hôpital vous a donné tort. Monsieur le député, l'hôpital continuera de vous donner tort, et nous continuerons de le soutenir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Arrêtez de crier, laissez s'exprimer M. Vatin et M. le ministre !
La parole est à M. Pierre Vatin.
Monsieur le ministre, la réalité d'hier n'est pas la réalité d'aujourd'hui…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai donc hâte que la primaire des Républicains se termine et de voir la droite française formuler des propositions impliquant plus de dépense publique et plus de fonctionnaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Pierre Vatin demande la parole.
Monsieur Vatin, vous n'avez le droit de prendre la parole que deux fois au total, et ce n'est pas plus mal, vu le niveau d'excitation ambiant.
Cherbourg, 1925 : la jeune Joséphine Baker, trépignant de joie, s'approche d'un brasero. Elle se sèche, habillée d'un petit manteau de rien du tout. Les visages, les maisons, le ciel, les chiens, les chats, l'accordéon, tout la fait rire. Elle a 19 ans. Elle ne se méfie pas de l'épidémie qui fait des ravages. C'est une jeune femme de couleur, noire.
Et voilà Paris. Voir les gens qui s'embrassent dans la rue ; dans le Missouri, ils vont en prison. Le Missouri, terre maudite où l'on pend, lynche et brûle les noirs.
Joséphine part pour connaître un monde où des hommes et des femmes, quelle que soit leur couleur, leur sexe, leur quartier, leur dieu, ne se tuent pas. Elle sait se défendre. Quand un journaliste se permet un jugement sur son anatomie, elle répond : « Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, c'est une question de zoologie humaine ! » Elle devra attendre encore sept ans pour devenir française. Elle vivra en France. Avec sa mèche noire collée sur le front, elle devient l'égérie des cubistes, l'amie de tous les artistes, les peintres, les musiciens, les écrivains. Elle ne danse pas sur les ruines du monde : elle donne force et joie.
Éclate la guerre, elle dit « non ». Résistante, amoureuse de la liberté, elle participe à la libération de la France, son pays. Vient alors la reconnaissance nationale pour cette femme qui a enflammé le Tout-Paris avec son regard, ses jambes, ses tenues, ses hanches, sa voix : médaille de la Résistance, Légion d'honneur, croix de guerre… Joséphine a fait de sa vie une revue d'insolence et de liberté, de résistance généreuse et juste, érotique et fantastique. Elle s'offre le château des Milandes : elle y accueillera ses douze enfants, sa « tribu arc-en-ciel ».
Joséphine Baker est la sixième femme qui honore le Panthéon, pour y rejoindre le seul homme de couleur qui y repose, Félix Éboué. Au moment où la France cherche ses repères, où l'Europe est en souffrance, où le monde s'affronte, j'ai deux amours : Joséphine et Baker.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
L'hommage que vous rendez à Joséphine Baker est magnifique, et je vous remercie pour cette intervention qui fait résonner dans l'hémicycle les combats de Joséphine Baker.
Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. Ce soir, Joséphine Baker entrera au Panthéon ; elle y rejoindra notamment Simone Veil, Jean Moulin, Marie Curie, Félix Eboué et Germaine Tillion. Elle sera la sixième femme à intégrer le mausolée des héros républicains.
Joséphine Baker avait choisi la France ; aujourd'hui, c'est la France qui la choisit. C'est la France qui rend hommage à la résistante, celle qui a tout risqué pour elle durant la seconde guerre mondiale. C'est la France qui rend hommage à la militante infatigable de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. C'est encore la France qui rend hommage à cette icône de l'émancipation qui a porté haut la flamme de la liberté.
La décision du Président de la République de la faire entrer au Panthéon est un signal fort, dans un pays en proie au repli sur soi. Les multiples combats qu'elle a incarnés font écho aux enjeux de la société d'aujourd'hui. Plus que nulle autre, Joséphine Baker incarne le triptyque républicain ; plus que nulle autre, elle incarne la France plurielle, cette France éprise de liberté qui n'a pas peur du métissage ni de l'ouverture à l'autre, cette France si généreuse. Raconter son histoire, c'est parler d'humanisme, c'est parler d'universalisme et, en toile de fond, c'est parler de la France. Avec elle, c'est tout notre pays dans sa pluralité qui entre au Panthéon, et c'est notre passé qui se raccroche au présent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et SOC.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le 1er décembre de chaque année, nous célébrons la Journée mondiale de lutte contre le sida. Demain ne sera pas un 1er décembre comme les autres, puisqu'il sera marqué du sceau des quarante ans de l'apparition des premiers cas d'infection par le VIH.
En 1981, un bulletin de santé américain relatait les symptômes d'une pathologie alors inconnue du monde médical et scientifique. Deux ans plus tard, les professeurs Françoise Barré-Sinoussi et de Willy Rozenbaum, auxquels je rends hommage aujourd'hui, découvraient ce que nous connaissons depuis sous le nom de virus de l'immunodéficience humaine.
Quarante ans après, malheureusement, la lutte continue. Nous sommes engagés dans un combat rude auquel le Gouvernement et la majorité ont pris leur part en déployant des mesures opérationnelles, comme la primo-prescription de la prophylaxie pré-exposition, la PREP, par les médecins généralistes, ou encore la généralisation de l'expérimentation « Au labo sans ordo ». Des initiatives dont on peut se féliciter et qui s'inscrivent dans le prolongement des progrès effectués depuis près d'un demi-siècle.
Ce travail de longue haleine a néanmoins été fortement mis à mal par la pandémie de covid-l9. Durant de longs mois, les acteurs associatifs ont été empêchés de réaliser leurs actions en faveur de la prévention et du dépistage, provoquant une baisse sensible – estimée à près de 650 000 – du nombre de tests réalisés en 2020. Leur engagement est également menacé à long terme du fait de l'annulation des événements culturels : pour ne citer qu'un exemple, chaque édition de Solidays annulée a conduit à une perte estimée à 3,5 millions d'euros.
Tout n'est pas sombre et les recherches sur la covid-l9 permettent de susciter de nouveaux espoirs, notamment concernant le développement de vaccins dans les années à venir. Indépendamment de la crise de la covid-19, le combat contre les discriminations et en faveur de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH reste nécessaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est vrai que nous sommes à la veille de la Journée mondiale contre le sida. Vous avez raison de rappeler l'objectif soutenu par la France dans le cadre de l'ONUSIDA, le programme commun des Nations unies sur le VIH-sida, à savoir l'éradication du VIH d'ici à 2030. Seuls 87 % des cas de VIH sont diagnostiqués dans notre pays, dont un tiers à un stade avancé de la maladie. Nous devons donc progresser.
Comme vous l'avez souligné, le covid-19 a causé un recul du dépistage. Nous avons immédiatement pris des mesures fortes, comme le renforcement de l'information ou encore l'autorisation de l'accès direct, sans prescription et gratuit à un test VIH dans n'importe quel laboratoire de biologie médicale – mesure que vous avez votée ici. J'ai également rendu la primo-prescription de la PREP, la thérapie permettant de limiter fortement le risque de contamination, accessible en médecine de ville et en pharmacie. Trois centres de santé sexuelle d'approche communautaire ont ouvert, et un quatrième ouvrira bientôt. Enfin, nous avons autorisé par arrêté le protocole de coopération sur la consultation de santé sexuelle par les infirmiers.
Demain, je lancerai la nouvelle déclinaison de la stratégie nationale de santé sexuelle avec une feuille de route indiquant trente actions prioritaires. Nous développerons tous les outils possibles pour améliorer et renforcer le dépistage des autres infections sexuellement transmissibles et les hépatites. Il est indispensable de renforcer la formation, de promouvoir tout ce qui existe en matière de santé sexuelle et d'accroître l'offre sexuelle… ,
Sourires
l'offre de santé sexuelle en nous appuyant sur les professionnels de premier recours et sur les structures de prévention.
Enfin, il nous sera bientôt possible de compter sur d'autres armes, comme la nouvelle bithérapie contre le VIH, laquelle sera disponible au plus tard à la mi-décembre 2021. Merci pour votre engagement !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En l'espace de quelques jours, nous devons encore faire face à l'inimaginable : deux femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint. La première, le 27 novembre, a été tuée à coups de couteau par son compagnon, qui venait de sortir de prison sans qu'elle en soit informée après avoir purgé une peine pour des violences conjugales. La seconde, dans la nuit du 28 au 29 novembre, a été tuée à l'arme blanche par son conjoint au sein du domicile du couple.
Malgré le Grenelle des violences conjugales lancé par le Gouvernement en 2019, selon les chiffres officiels, les violences conjugales ont augmenté de 10 % en 2020. Malgré la mise à disposition de 1 000 bracelets antirapprochement dans tous les tribunaux judiciaires, seuls 250 conjoints violents ont été condamnés à le porter. Comment pouvons-nous améliorer ce dispositif afin qu'il soit aussi efficace qu'en Espagne, où la violence a diminué de 25 % ?
Les procureurs ont demandé, dans une déclaration de juin 2021, la création d'un assistant spécialisé dédié à cette cause. Qu'en est-il de cette requête ? Nous ne pouvons pas accepter que certains faits soient instruits et jugés en trois jours, alors que d'autres traînent en longueur. Il est primordial que les plaintes pour violences intrafamiliales soient instruites et jugées dans les plus brefs délais.
À ce jour, il est fait état de 105 féminicides pour l'année 2021. Nous pouvons inverser la tendance tragique à la hausse du nombre de femmes qui meurent en France, victimes de cette violence. Il est nécessaire que toutes les femmes de France se sentent mieux considérées et mieux protégées. Il n'y a pas de fatalité à la violence. La peur doit changer de camp. Pour cela, il faut de la fermeté et de la volonté. En avez-vous ? Combien de décès vous faut-il pour qu'enfin, des mesures intransigeantes soient mises en place ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Les faits à propos desquels vous m'interpellez sont évidemment très graves. Si vous me le permettez, j'aimerais préciser que ce ne sont pas les violences conjugales qui ont augmenté de 10 %, mais les signalements déposés par les victimes.
Madame la députée, vous savez que l'engagement de ce gouvernement, aux côtés de la majorité et du Parlement dans son ensemble, est absolument total pour lutter contre les violences faites aux femmes. Depuis 2017, quatre lois ont été votées et plus d'une cinquantaine de mesures prises pour renforcer la prévention et la protection des victimes. Ce gouvernement et cette majorité – ce Parlement – ont beaucoup fait pour combattre ce fléau.
Je n'ai pas dit que tout allait bien, j'ai dit que beaucoup avait été fait.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je pense notamment à l'augmentation de 80 %, depuis 2017, du nombre de places d'hébergement pour les victimes, aux trente centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales, au déploiement des téléphones grave danger, qui seront au nombre de 5 000 d'ici à la fin de l'année 2022.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous évoquez très régulièrement les bracelets antirapprochement. Depuis décembre 2020, 1 000 bracelets ont été mis à la disposition des juridictions. Les tribunaux ont prononcé 676 mesures imposant le port de l'un d'eux.
Je vous assure, madame la députée, que le garde des sceaux et l'ensemble des services judiciaires et pénitentiaires font preuve d'une mobilisation constante pour protéger les victimes de violences. Le 19 mai dernier, une circulaire a été diffusée pour demander aux juridictions d'informer systématiquement la victime de la date de libération de l'auteur des violences, et de réévaluer régulièrement la situation et la gravité du danger auquel les victimes sont exposées, afin d'adapter les dispositifs visant à les protéger.
Je salue la décision de Mme la procureure de demander une enquête pour faire la lumière sur cette affaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de la relance et concerne les Français de l'étranger. De nombreux Français installés en Italie et en Grèce se trouvent dans une situation dramatique à cause de revirements des administrations fiscales locales.
Des Français retraités en Italie et des enseignants des établissements d'enseignement français installés en Grèce, notamment, se voient réclamer des sommes qui atteignent parfois des dizaines de milliers d'euros et correspondent à des arriérés d'impôts dont ils auraient dû s'acquitter, parfois depuis 2014.
Pourquoi cette situation ? Les administrations fiscales italienne et hellène ont décidé d'appliquer unilatéralement les dispositions des conventions de 1989, pour l'Italie, et de 1963, pour la Grèce. Nos ambassadeurs, avec qui je me suis entretenu, ont connaissance du problème.
Précisément, Grecs et Italiens réclament rétroactivement la différence entre l'impôt payé aux autorités fiscales françaises et la somme qui aurait été due à leur administration fiscale. Jusqu'à récemment, ces dispositions des conventions citées n'étaient pas appliquées. Ces revirements sont injustes et traumatisants pour nos compatriotes.
M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas là ; je l'ai interpellé par courrier le 5 juillet et par question écrite le 5 octobre – hélas sans recevoir de réponse. J'ai saisi son cabinet, qui s'était engagé à m'apporter très rapidement des éléments. J'attends toujours. Il y a urgence !
Ces Français ne peuvent plus attendre – c'est la raison de ma question. Ils sont menacés de sanctions pécuniaires très lourdes. Beaucoup m'interpellent désemparés, parfois en plein désespoir. Imaginez ! Il est injuste de recevoir brutalement, des années après, des réclamations de plusieurs dizaines de milliers d'euros ! Il leur est impossible de les payer !
Le ministre est le seul, avec le Président de la République peut-être, à pouvoir intervenir. En son absence, je m'adresse à M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger : saisirez-vous vos homologues italiens et grecs pour geler cette décision ou, au minimum, annuler la rétroactivité ? Ce serait salutaire pour nos compatriotes.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Votre question concerne deux sujets différents, même s'il s'agit d'application de conventions fiscales. J'étais en Grèce il y a quinze jours,…
…et j'ai pu m'entretenir avec les conseillers consulaires de cette question assez particulière. Comme vous l'avez expliqué, il s'agit de l'application de la convention de 1963, qui prévoit un principe d'imposition partagée. Pour éviter une double imposition, le fisc grec octroie aux contribuables résidant en Grèce et y déclarant leurs revenus un crédit d'impôt correspondant au montant payé en France, lorsqu'ils perçoivent un revenu du secteur public – je pense notamment aux retraités et aux enseignants de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE). Dans certains cas, les revenus n'ont pas été déclarés en Grèce, non plus que les impôts payés en France, ce qui explique des écarts très importants avec les montants attendus.
Notre ministère et celui de l'Europe et des affaires étrangères, avec Jean-Yves Le Drian, se sont saisis de la question. Nous avons obtenu de l'administration fiscale grecque qu'elle fasse montre de bienveillance, d'abord en concédant un étalement, ensuite en accordant un délai afin que le fisc français précise à son homologue grec quelles sommes ont été payées en France, de manière à résorber l'écart.
La décision de la Grèce est pleinement conforme avec la convention fiscale de 1963. C'est une des raisons pour lesquelles nous renégocions ladite convention. La nouvelle version grecque et la traduction française nous ont été adressées la semaine dernière ; le ministre des finances grec et moi avons formé le vœu qu'elle soit achevée et signée très vite, de manière à disposer de standards proches de ceux l'OCDE, et que nos concitoyens contribuables en Grèce en France ne connaissent plus de semblable situation. Nous assurons également un suivi individuel des cas qui peuvent présenter des difficultés particulières.
Pour ce qui concerne l'Italie, la situation est un peu différente. Le système est comparable, puisque l'article 18 de la convention de 1989 prévoit un crédit d'impôt pour éviter la double imposition. Nous sommes en train de vérifier que les deux administrations fiscales française et italienne ont bien respecté les conditions conventionnelles, car certains cas suscitent des interrogations, comme vous l'avez souligné dans votre question écrite. Là encore, nous examinons les dossiers au cas par cas, pour accompagner nos compatriotes tout en nous assurant que les conventions sont respectées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il y a urgence ! Il ne faut pas procéder à un étalement, mais à une annulation.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Depuis une semaine, les révélations se succèdent. En Égypte, la France a fourni des renseignements au régime d'Al-Sissi,…
…qui s'en est servi pour se livrer à des bombardements sur des civils, des assassinats, des actes de torture, des enlèvements, des emprisonnements arbitraires.
Elle l'a fait avec l'opération de renseignement Sirli et en autorisant le déploiement d'une opération d'espionnage de masse, financée par les Émirats arabes unis.
Le Président de la République savait ; le ministre de l'Europe et des affaires étrangères savait ; la ministre des armées savait. »
Ils ont accepté ces crimes pour vendre des armes à un régime despotique, ils ont osé donner la Légion d'honneur au dictateur ;…
…ils ont humilié la France et discrédité sa parole. Aux yeux du monde, ils nous font passer pour une nation hypocrite et donneuse de leçons. Vous parlez sans cesse de valeurs à défendre dans le monde, et vous les bafouez constamment. Cette fois, des documents confidentiels incontestables ont été publiés : personne – je dis bien personne – n'a osé démentir !
Le Gouvernement se mure dans le silence et attend que ça passe, c'est inadmissible. Monsieur le Premier ministre, expliquez-vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
L'Égypte est un partenaire de la France avec lequel, comme avec beaucoup d'autres pays d'ailleurs, nous entretenons des relations dans le domaine de la lutte antiterroriste. Il s'agit d'une posture assumée, au service de la sécurité régionale et de la protection des Français.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Laissez-moi aller au bout de ma réponse, s'il vous plaît !
Au cours des dernières années, l'implantation de groupes terroristes en Libye, qui est un pays voisin de l'Égypte, a constitué une source de préoccupation majeure. Dans le cadre de cette coopération contre le terrorisme, des moyens de renseignements ont été déployés. Les règles d'engagement de tels moyens répondent à des exigences strictes ; elles définissent très précisément la mission. Je veux être très claire avec vous, monsieur le député : des problèmes domestiques, intérieurs, absolument dépourvus de lien avec la lutte contre le terrorisme,
Mêmes mouvements
n'entrent aucunement dans le champ de la mission. Ces règles sont connues du partenaire et sont régulièrement rappelées.
Au vu de ces révélations, qu'avons-nous fait ?
Premièrement, j'ai demandé le déclenchement d'une enquête interne approfondie sur les informations diffusées par la plateforme Disclose. Il s'agit de vérifier que les règles définies pour cette coopération et les mesures prises pour garantir leur application ont effectivement été mises en œuvre.
Vous savez que la détention et la diffusion de documents classifiés constituent une violation flagrante du secret de la défense nationale, qui met en péril la poursuite de nos opérations de renseignement. J'ai donc en second lieu saisi la justice. Voilà, monsieur le député, où nous en sommes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La lutte contre le terrorisme a bon dos ! Vous dites que les règles ont été rappelées, mais ont-elles été respectées ? Les notes confidentielles qui vous ont été remises avant la visite officielle du Président de la République en Égypte indiquaient que ce n'était pas le cas. Les avez-vous reçues ? Étaient-elles vraies ou fausses ? N'avez-vous pas alors réagi ? Avez-vous eu besoin d'attendre Disclose ?
Plus sérieusement, c'est Matignon qui a autorisé l'export d'armements et de matériels d'espionnage. Ceux-ci ont permis la répression de militants des droits humains, d'opposants et de personnes LGBT. Ils ont permis d'espionner le militant Ramy Shaath, dont la famille est française et qui croupit en prison depuis deux ans. La lutte contre le terrorisme vous sert de prétexte pour couvrir les pires turpitudes. C'est une politique odieuse et de courte vue !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Le commerce de proximité est au centre des débats depuis le début de la crise sanitaire. Ce secteur, poids lourd de l'économie française, qui atteignait en 2018 un chiffre d'affaires de plus de 1 400 milliards d'euros, connaît depuis une vingtaine d'années des mutations considérables.
Nos concitoyens restent très attachés à leurs commerces de proximité. Pourtant, à l'ère du black friday – comme vendredi dernier – et de l'essor du commerce numérique, accentué par la crise sanitaire, les consommateurs modifient leurs usages et, depuis plus de dix ans, les commerçants doivent constamment s'adapter aux nouveaux modes de consommation.
En conséquence, il est indispensable de maintenir et de dynamiser les commerces de proximité dans nos territoires, dans nos quartiers, dans nos villes petites et moyennes. Dans le cadre de la mission d'information sur le rôle et l'avenir du commerce de proximité dans l'animation et l'aménagement du territoire, mes collègues et moi-même nous efforçons de répondre à cette interrogation complexe : quelle politique conduire pour répondre à cet enjeu ?
Après plus de quarante auditions, nous pouvons d'ores et déjà affirmer que l'avenir du commerce dépend évidemment de facteurs économiques et technologiques, mais aussi de politiques volontaristes d'aménagement du territoire.
Le commerce est l'indicateur clé de l'état de santé économique d'un territoire. Il n'est jamais condamné, dès lors que les élus locaux font preuve de volontarisme. Je rends hommage à ceux qui se battent avec succès pour soutenir et développer le commerce, dans les villes petites et moyennes.
M. Ugo Bernalicis s'exclame.
L'État aussi a un rôle à jouer. Vous aussi placez la volonté politique au cœur de votre action pour adapter ce secteur aux enjeux de l'avenir. Vous ouvrirez demain les assises du commerce. Pouvez-vous nous en préciser les contours et définir les objectifs du Gouvernement ? Je vous remercie de votre diligence !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Le commerce forme un des piliers de notre identité, de nos villages, de nos villes, de nos métropoles. Il n'y a pas de France sans commerce. Vous l'avez dit, il représente 1 500 milliards de chiffre d'affaires, dont 500 milliards pour le commerce de détail. Pendant la période de fermeture due à la crise sanitaire, nous avons pu mesurer combien il était important en France.
Par ailleurs, ce secteur représente plus de 3 millions d'emplois. Il est lié à l'aménagement du territoire et, depuis quelques années, connaît un bouleversement dû à l'arrivée des nouvelles technologies. Il est important que nous analysions de quelle manière celles-ci continueront à affecter fortement le commerce.
Pour cela, Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance ; Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ; Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et moi-même organisons les assises du commerce, qui commenceront demain et se tiendront tout le mois de décembre.
À cette occasion, nous écouterons tous les acteurs concernés – représentants du grand commerce, du petit commerce et du commerce numérique –, pour échanger avec eux, essayer de partager les constats et définir des pistes d'évolution, quels que soient les sujets. Il n'y a pas de ligne rouge, ni de sujet tabou. Nous savons que les problèmes concernent les loyers, l'aménagement du territoire, les stocks, et bien d'autres domaines, donc nous aborderons tous les sujets.
J'espère qu'à la fin du mois de décembre, nous serons en situation de publier un rapport, et peut-être de soumettre au Parlement certains dispositifs, en tout cas de faire figurer au débat public le sujet du commerce, essentiel pour notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, en vous interpellant sur la question du protoxyde d'azote, je sollicite de votre part, en urgence, un durcissement des décrets régissant la vente et la consommation de ce gaz dit hilarant. Mais je souhaite également alerter tous les parents et les professeurs de notre pays sur les dangers d'une substance qui se banalise dans les moments festifs des adolescents et des étudiants.
Les témoignages poignants se multiplient, de parents qui ignoraient jusqu'à l'existence de ce gaz et n'ont pu empêcher les drames qui se répètent désormais chaque semaine. Ainsi, ces jeunes de 20 ans à peine, qui ne sentent plus leurs mains ou ne peuvent plus bouger leurs pieds et qui disent : « Le problème du proto, c'est que tu n'en as jamais assez et que c'est très facile d'accès ». Brûlures de la trachée, évanouissements, accidents de la route, arrêts cardiaques ; après quelques mois de consommation, certains utilisateurs souffrent de troubles neurologiques permanents et de pertes de mémoire.
Les restrictions sanitaires pèsent sur le moral de la jeunesse, la consommation de gaz hilarant se propage rapidement et la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote n'a empêché ni les achats massifs sur internet pour un usage détourné, ni les rodéos motorisés sous son emprise désinhibante, ni la vente de ballons en boîte de nuit ou les livraisons en une heure proposées sur les réseaux sociaux. À moins de 30 centimes la cartouche sur internet, cette drogue du pauvre facilite, encore plus que le cannabis, la dérive d'un jeune vers l'esclavage de la dépendance ou les drogues dures.
Nous devons refuser la société de l'effacement des repères et du nivellement des valeurs, qui expose notre jeunesse comme jamais. Nous devons montrer une tolérance zéro face à la moindre drogue qui détruit des vies et des familles. Alors, monsieur le ministre, quand déciderez-vous l'interdiction totale de la vente de protoxyde d'azote aux non-professionnels, ainsi que de sa détention et de sa consommation ?
Pourrons-nous bientôt faire de sa consommation une circonstance aggravante en cas d'accident de la route ? Quand seront enfin déployées des campagnes massives de sensibilisation dans les établissements scolaires ? Frappons fort, soyons dissuasifs, protégeons nos enfants !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Valérie Six applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Monsieur le député Filippo…
Monsieur Di Filippo, l'ensemble de ce que vous appelez de vos vœux est effectivement au centre de l'action du Gouvernement. Vous l'avez évoqué, c'est un véritable problème de santé publique qui a d'abord touché le nord du pays et qui s'est ensuite étendu à Paris, à Bordeaux et dans le Grand Est, votre région. Le protoxyde d'azote est le troisième produit psychoactif le plus consommé chez les étudiants.
Le Gouvernement prend évidemment toute la mesure de ce problème de santé publique, avec les parlementaires. Je souhaite saluer l'action précoce de Valérie Létard au Sénat et de Valérie Six à l'Assemblée nationale.
La loi du 1er juin 2021 que vous évoquez a permis de prendre plusieurs mesures concrètes pour limiter au mieux la consommation du protoxyde d'azote par les plus jeunes, avec le délit d'incitation d'un mineur à l'usage détourné d'un produit de consommation courante.
C'est toute la difficulté de ce problème : le protoxyde d'azote en soi n'est pas illégal, c'est son usage détourné qui pose problème. L'incitation à l'usage détourné pour un mineur est assortie d'une peine de 15 000 euros d'amende. La loi interdit également la vente de protoxyde d'azote aux mineurs, quel que soit le conditionnement, et aux majeurs dans certains lieux – débits de boissons, bureaux de tabac, discothèques. Elle interdit aussi la vente de tout produit spécifiquement destiné à faciliter l'extraction du protoxyde d'azote ou à en obtenir des effets psychoactifs – je pense notamment aux crackers ou aux ballons dédiés à cet usage détourné. Enfin, elle impose une mention indiquant la dangerosité de l'usage détourné, notamment sur les sites internet qui le commercialisent.
En matière de prévention – c'est un levier que vous avez évoqué – la dangerosité de l'usage détourné est désormais intégrée dans l'information annuelle dispensée dès le collège et au lycée à l'ensemble des élèves, dans le cadre des dispositions appliquées à l'école. Sachez par ailleurs que les projets de décret pourraient être adoptés dans les prochaines semaines.
J'aurais voulu que vous manifestiez la volonté d'aller plus loin. Ce n'est pas suffisant.
Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le ministre, je ne vous apprends rien, le système de santé à l'hôpital est en crise. Le secteur médico-social est en crise grave à la suite de la crise du covid et du Ségur de la santé : difficultés sans précédent à recruter et à fidéliser les professionnels qualifiés ; décrochage des salaires ; diminution du pouvoir d'achat ; fuite des compétences vers les secteurs mieux rémunérés ; départs massifs des professionnels franciliens vers la province ; dégradation du climat social.
La crise sanitaire, qui s'ajoute à la crise de l'hôpital, est un puissant accélérateur d'un ensemble de facteurs auxquels le secteur médico-social et celui de la santé se heurtaient depuis plusieurs années. Ces questions sont rappelées quasiment chaque mardi par l'ensemble des parlementaires, qui voient la situation se dégrader dans leur territoire et les Français s'inquiéter de leur bien le plus précieux : l'accès à la prise en charge de qualité en matière de santé.
Cette crise, c'est celle qui voit des lits d'hôpitaux fermer, faute de personnel. Prenons l'exemple de la santé mentale : par manque de lits d'hospitalisation, certains malades ne sont plus pris en charge en hôpital de jour ou hospitalisés, mais renvoyés chez eux avec des médicaments – qu'ils prendront ou non –, tout en sachant le risque que cela représente pour la collectivité dans son ensemble ; des jeunes en grande souffrance sont confiés à leurs parents, alors qu'ils peuvent passer à l'acte à leur domicile, faute de lits d'hospitalisation pour les accueillir. Monsieur le ministre, je sais que vous connaissez cette situation : des professionnels de santé sont épuisés et démissionnent ; leurs équipes se délitent ; dans certains territoires, les urgences ferment à 18 heures.
Cette crise, c'est aussi celle qui voit les déserts médicaux gagner du terrain chaque jour, revenant par la même occasion sur la promesse de la République d'être présente sur tous les territoires auprès de nos concitoyens. Majoritairement, nous avons voté pour les mesures que vous avez prises pour résoudre cette crise, notamment la fin de la logique qui présidait au numerus clausus…
Je vous remercie, madame la députée.
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
C'est vrai que ces questions reviennent de façon récurrente au Parlement. C'est tout à fait normal, parce qu'elles touchent au cœur de nos concitoyens : la santé est l'un des premiers services et l'une des premières revendications légitimes des Français.
J'ai avec vous des points d'accord et des points de désaccord. Quand vous dites qu'il y a un décrochage des salaires et une baisse du pouvoir d'achat dans les secteurs sanitaire et médico-social, c'est factuellement faux. Nous avons augmenté les salaires d'au moins 200 euros nets par mois, ce qui n'était jamais arrivé. Ce n'est pas un décrochage, ou alors c'est un décrochage vers le haut, attendu depuis des années. Le pouvoir d'achat s'en voit augmenté pour les 2,5 millions de blouses blanches et de salariés, qui ne sont pas forcément au contact des malades, mais qui travaillent dans les hôpitaux et dans les EHPAD. Ça, c'est pour rétablir les faits.
S'agissant de la psychiatrie, c'est un problème récurrent et ancien. Des postes sont ouverts et financés – nous ne sommes pas là dans une logique de moyens –, mais ne trouvent pas preneur. L'exercice de la psychiatrie est particulièrement difficile ; moins vous avez de psychiatres, plus la charge de travail repose sur les autres psychiatres, plus ceux-ci s'épuisent et partent en ville, ou faire autre chose. C'est une vraie difficulté, décrite depuis quinze ans déjà dans les rapports parlementaires.
Nous augmentons massivement le nombre de psychiatres en formation. Avec Frédérique Vidal, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, nous avons également annoncé la modification du diplôme d'études supérieures (DES) : nous passons la maquette à cinq ans pour former les futurs psychiatres et pédopsychiatres. Il y a deux mois, sous l'égide du Président de la République, les assises de la psychiatrie et de la santé mentale – qui ne s'intègrent pas dans le Ségur, mais sont complémentaires – ont proposé des solutions nouvelles attendues par les Français : huit consultations de psychologue payées par an ; c'est une avancée énorme ! Nous avons créé des centaines de postes dans les centres médico-psychologiques (CMP), partout, et nous renforçons les moyens consacrés à la psychiatrie. Le Parlement a d'ailleurs voté un texte prévoyant que le budget de la psychiatrie devait, quoi qu'il arrive, connaître une hausse annuelle au moins équivalente à celle du budget global de la santé. Nous mobilisons vraiment des moyens importants là-dessus.
Vous dites que les professionnels démissionnent. Non, madame la députée ! Il y a toujours eu des gens qui quittent l'hôpital. Là, il y a eu de la fatigue et de la tension post covid, que l'on peut comprendre, mais il n'y a pas d'hémorragie de soignants à l'hôpital. Je vous demande simplement de ne pas avoir un discours trop péjoratif au vu de la situation et des problèmes réels qu'elle pose. Ce n'est pas ce qu'attendent de nous les soignants dans la période.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de la solidarité et de la santé, vous le savez, c'est un fait incontestable désormais : 11,6 % de la population française vivent dans une zone sous-dotée en médecins généralistes. Un nombre plus important encore de nos concitoyens réside à plus de trente minutes d'un service d'urgence. L'accès aux soins est, de fait, la préoccupation majeure des Français. Elle s'était d'ailleurs imposée spontanément lors du débat national inventé pour étouffer la colère des gilets jaunes.
Si les déserts médicaux, leur cartographie et les réponses structurelles à y apporter font l'objet de débats réguliers entre nous, avons-nous pour autant tout essayé pour y remédier ? Nous ne le croyons pas. C'est dans cet esprit qu'avec les députés communistes et républicains, nous avons décidé de déposer une proposition de loi concrète et pragmatique, dont l'objectif est partagé ici sur de nombreux bancs.
Sans entrer dans les détails – nous en avons déjà parlé –, il s'agit d'adapter l'augmentation des formations en fonction des besoins de chaque région ; d'aider les jeunes à financer leurs études pour en démocratiser l'accès, en contrepartie d'une obligation d'installation temporaire dans les zones sous-dotées ; de généraliser une forme de conventionnement sélectif ; de renforcer les moyens des hôpitaux de proximité pour développer notamment les offres de spécialistes.
Monsieur le ministre, en commission, votre majorité est restée fermée à toute proposition, considérant que la suppression du numerus clausus était suffisante. Indispensable – tout le monde le dit –, cette mesure ne suffira pas. Dans ces conditions, doit-on dire aux Français qui habitent dans un désert médical qu'il leur faudra attendre dix ans ? Non, trois fois non !
Allez-vous bouger et répondre à l'appel du Président de la République qui, dans les Hauts-de-France le 19 novembre dernier, nous a invités – vous a invité – à être plus innovants et plus incitatifs, ou allez-vous, pour répondre aux lobbys, continuer à favoriser l'immobilisme pour que rien ne change ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Alain David applaudit également.
Monsieur le député, on peut me reprocher beaucoup de choses, mais certainement pas d'être un médecin ministre de la santé qui répondrait aux lobbys.
Je crois l'avoir démontré, puisque dans le PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, les parlementaires ont adopté l'expérimentation de l'accès direct aux kinés et aux orthophonistes, par exemple, et la possibilité pour des orthoptistes de prescrire des lunettes. Il ne vous aura pas échappé que des corporatismes se sont élevés pour dire que nous allions trop loin. Je considère que nous n'allons pas trop loin, dès lors que nous améliorons l'accès aux soins des Français dans les territoires, sans renier la qualité, la sécurité et la continuité des soins ; nous continuerons à le faire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous continuerons à le faire, parce que notre pays a pris du retard en matière de pratique avancée et de coopérations interprofessionnelles.
Je suis en discussion avec des IADE – infirmiers anesthésistes diplômés d'État – dont j'entends la revendication légitime qui consiste à aller plus loin dans la prescription et à développer une forme de médicalisation de leur profession. J'aurai bientôt un rapport remis par l'Inspection générale des affaires sociales sur les professions infirmières spécialisées. Je suis absolument ouvert à toutes ces transformations, de la même manière que j'ai été ouvert le recours à la télémédecine. Reconnaissez-moi au moins le mérite d'avoir pris l'arrêté qui a permis de multiplier par cent, du jour au lendemain, le nombre de consultations de télémédecine !
Avec Frédérique Vidal, nous avons augmenté de 6 000 le nombre de postes d'aides-soignantes et d'infirmières en formation et de 2 500 le nombre de jeunes médecins en formation. Vous avez raison, il faut du temps pour former des médecins et la suppression du numerus clausus ne fait pas apparaître comme par magie des médecins par milliers dans les territoires. Néanmoins, nous continuons à renforcer la permanence des soins avec le service d'accès aux soins, expérimenté dans de nombreux territoires, qui fait participer les libéraux et les hospitaliers, avec une meilleure coopération des soins. Nous avons envoyé plus de 2 000 assistants médicaux dans les cabinets de ville pour libérer du temps médical.
Monsieur le député, nous avons eu l'occasion la semaine dernière à mon ministère de parler ensemble, ainsi qu'avec le président Chassaigne, de la coercition : je n'y crois pas. Pas par corporatisme, mais parce que dans une période de pénurie globale, empêcher des médecins de s'installer où ils le souhaitent pour les faire venir dans d'autres territoires, c'est créer des déserts médicaux et les renforcer là où ils sont déjà existants. Si pendant cinq ans vous empêchez des médecins de s'installer à Albi pour qu'ils aillent dans les montagnes, pas très loin d'Albi, vous renforcez les déserts médicaux à Albi, parce qu'on vous dira que là-bas aussi on manque de médecins. Oui à l'innovation, non à la coercition !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de Mme Laetitia Saint-Paul.
Il vise à supprimer le deuxième alinéa de l'article 1er , conformément aux avis de l'Académie de médecine et du Collège national des gynécologues et obstétriciens français – CNGOF.
Nous relayons leur position : allonger de douze à quatorze semaines de grossesse la durée de recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) n'est pas un bon choix. Nous pouvons recourir à beaucoup d'autres dispositifs, tels que la sensibilisation à la contraception et aux grossesses non désirées ou encore la prise en charge plus rapide des IVG dans les hôpitaux.
Selon les médecins, allonger le délai de recours à l'avortement, c'est changer la nature de celui-ci : alors qu'à douze semaines, le fœtus est aspiré, à quatorze semaines, son crâne est ossifié et il faut dilater de col de l'utérus pour le sortir. Les conséquences gynécologiques peuvent être graves, notamment dans le cadre de futures grossesses au cours desquelles des accouchements prématurés pourraient advenir. Pour des raisons médicales, nous demandons la suppression de l'allongement de ce délai.
L'article 1er prévoit l'allongement de la durée d'accès à l'IVG de douze à quatorze semaines. Nous avons eu l'occasion de le dire : à ce stade du développement, le crâne du fœtus est ossifié et, dans le cadre légal, seules les IVG chirurgicales peuvent être pratiquées. De nombreux professionnels, même parmi les plus engagés sur ces questions – je pense notamment au professeur Israël Nisand qui exerce à Strasbourg –, alertent sur le fait qu'un tel allongement conduira à réaliser un geste technique très complexe.
Comme l'indique l'Académie de médecine, si l'on allonge le délai à seize semaines d'aménorrhée, on augmentera le recours à des manœuvres chirurgicales pouvant être dangereuses pour les femmes, comme l'a rappelé notre collègue Fabien Di Filippo à l'instant.
Du reste, la plupart des femmes ne demandent pas cet allongement. Monsieur le ministre, hier soir, vous n'avez pas répondu à une question très simple : le chiffre est difficile à obtenir, mais nous aimerions savoir combien de femmes seraient concernées par un tel dispositif.
Hier, vous m'avez interpellé en me disant que mes arguments étaient fallacieux ; or c'est votre politique publique qui pose problème. La proposition de loi vise à résoudre un problème de politique publique, mais si vous faisiez votre travail correctement, nous n'aurions pas à débattre de ces questions.
Je demande tout simplement la suppression de l'article qui prévoit l'allongement du délai de recours à l'IVG.
La parole est à Mme Albane Gaillot, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
Si nous répondons aux arguments que vous présentez à l'appui de ces amendements, nous ne le ferons pas systématiquement par la suite.
Revenons sur l'allongement des délais de recours à l'IVG que nous défendons dans cette proposition de loi. Ce n'est pas une lubie de femme ou de militante féministe, mais le fruit des rencontres sur le terrain que mènent depuis des mois, voire années, Cécile Muschotti, Marie-Noëlle Battistel et la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (DDF). De mon côté, j'étais encore hier au centre d'orthogénie - IVG de l'hôpital Bicêtre, où le personnel médical a indiqué la nécessité d'allonger les délais.
Vous nous dites que l'Académie de médecine et certains gynécologues insistent sur les difficultés techniques et pratiques qui, dès lors que les délais s'allongent, rendent la pratique des avortements plus compliquée à la fois pour les médecins et pour les femmes. D'autres gynécologues, associations féministes et professionnels de santé reconnaissent que, si ces difficultés existent, l'enjeu est le droit des femmes à disposer de leur corps, car aujourd'hui certaines femmes ne peuvent pas avorter. Nous pouvons batailler sur les chiffres : combien sont-elles ? 500, 800, 2 000 ? Marie-Noëlle Battistel l'a rappelé hier : « si seulement 500 femmes n'avaient pas accès à l'IVG en France, ce serait toujours 500 de trop pour lesquelles il faudrait trouver des solutions ».
Je rappelle que dans son avis, le Conseil consultatif national d'éthique – CCNE – a indiqué qu'il n'y avait aucun frein à mettre à l'allongement du délai. Nous sommes donc défavorables aux amendements de suppression du deuxième alinéa de l'article 1er .
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis de sagesse, en cohérence avec la position gouvernementale.
Chers collègues, nous l'avons longuement rappelé hier lors de la discussion générale : cette proposition de loi est le fruit de travaux menés sur le terrain par la DDF. Avec ma collègue Marie-Noëlle Battistel, nous sommes allées à la rencontre de toutes celles et tous ceux qui sont confrontés aux demandes d'IVG, qui pratiquent des IVG et de ceux qui en sont empêchés, afin de comprendre comment nous pourrions lever certains freins à l'accès au droit à l'avortement.
Il s'agit non d'une question bioéthique, mais de garantir la sécurité des femmes qui sont parfois obligées d'aller à l'étranger quand le délai légal est dépassé. Dans ces conditions, nous ne sommes pas en mesure de garantir la sécurité des soins. L'allongement du délai constitue un levier complémentaire aux autres mesures de la proposition de loi et il est indispensable pour garantir le respect des droits et de la santé des femmes.
Nous avons pris le temps d'entendre celles et ceux qui y étaient opposés ou exprimaient des réserves quant au geste médical. Nous ne sommes pas médecins ; nous avons réfléchi et posé un diagnostic à partir de l'expérience du terrain en tenant compte du territoire et de l'époque dans laquelle nous vivons. Nous en avons conclu que le délai de recours à l'IVG devait être allongé. Supprimer cet alinéa reviendrait à supprimer cet article ; ce n'est pas la direction que nous devons prendre.
Hier, lorsque l'examen du texte a débuté dans l'hémicycle, nous étions censés avoir de vrais débats. Or il est étonnant que vous ne répondiez pas à nos légitimes questions, monsieur le ministre.
Il serait intéressant d'avoir l'avis du Gouvernement ; en général, vous êtes assez disert, monsieur le ministre. Or vous donnez un avis de sagesse sur ces amendements. Êtes-vous sur la même ligne que le Président de la République qui est opposé à la proposition de loi ou, au contraire, y êtes-vous favorable en votre qualité de ministre ? Pour une fois, cela vous arrange bien de laisser faire votre majorité concernant un sujet qui a l'air de vous embêter.
À certains moments, vous étiez nettement moins enclin à la laisser faire et on pouvait alors la qualifier de majorité Playmobil. Nous aimerions savoir ce qui motive cette différence de traitement. La majorité est assez plurielle. Quelle position défendez-vous au sein du Gouvernement ? Hier, lors de la discussion générale, votre propos était assez ambigu.
Les amendements n'ont pas été adoptés, car ils ont recueilli le même nombre de votes favorables et défavorables.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 alinéa 1 du règlement et vise à obtenir des précisions sur la manière dont s'effectue le décompte des voix. En effet, alors que le scrutin était déjà engagé, par un vote « assis-debout », trois députés sont entrés dans l'hémicycle, ce qui a fait basculer le sens du vote. Ils auraient dû n'être autorisées à entrer dans l'hémicycle qu'à l'issue du vote. À défaut, le résultat en est vicié.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Avec tout le respect que je vous dois, madame la présidente, il y a un problème de forme. Sur ce vote, sans ces trois députés supplémentaires, nous étions majoritaires !
Puisque la majorité refuse de se mobiliser sur ce texte, qu'elle en assume les conséquences et que les députés de la majorité ne se mobilisent pas pour empêcher nos amendements d'être adoptés !
Je souhaite que mon intervention soit relayée auprès du bureau de l'Assemblée nationale.
Arrêtez de vociférer, monsieur Castaner ! Vous ne maîtrisez manifestement plus votre majorité !
Je répète que, lorsqu'il y a égalité de voix favorables et défavorables, les amendements ne sont pas adoptés.
Vous avez annoncé un vote ex æquo, madame la présidente, mais il aurait fallu retrancher trois voix à ce résultat.
Non ! Il y avait égalité sans les entrants !
Il est vraiment dommage de devoir examiner le texte dans de telles conditions.
La proposition de loi vise à modifier l'équilibre de la loi Veil, en allongeant les délais légaux pour interrompre la grossesse. Au-delà des sujets que vous avez évoqués, madame la rapporteure, cela pose des questions éthiques, non seulement pour l'enfant en devenir, mais également pour la femme qui porte, en particulier pour sa santé.
Du point de vue de l'éthique, la prise en considération de l'embryon devenu fœtus et du risque couru par la femme est susceptible d'évoluer en fonction du délai. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle celui-ci existe. Pourquoi retenir douze semaines plutôt que quatorze ? C'est au regard de l'exigence éthique qu'une limite doit être fixée dans le temps.
Le CCNE, qui avait rendu en 2010 un avis sur l'allongement des délais, se fondait sur une vision élargie : il invitait à se questionner sur les circonstances et sur les facteurs. À la réponse apportée par la présente proposition de loi, ne faudrait-il pas préférer une réflexion sur les moyens ? Afin d'éviter des interventions trop tardives, comme le rappelait encore hier soir le professeur Nisand, en soulignant les risques pour la santé des femmes, ne faudrait-il pas revenir aux délais préconisés par cet avis du CCNE de 2010 ?
Notre collègue Thibault Bazin vient de mentionner, à juste titre, les propos du professeur Israël Nisand, chef du département de gynécologie-obstétrique des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, dont certains arguments méritent d'être pris en considération. Le professeur Nisand insiste notamment sur le fait qu'à douze semaines, un fœtus mesure 85 millimètres de la tête aux fesses,…
…mais qu'à quatorze semaines, il mesure 120 millimètres et que sa tête est ossifiée, ce qui signifie qu'il faut couper le fœtus en morceaux…
Mmes Albane Gaillot et Marie-Noëlle Battistel, rapporteures de la commission des affaires sociales, protestent vivement.
Ce que je dis est purement factuel. On peut comprendre que cela soit assez difficile à réaliser pour beaucoup de professionnels. Le professeur indique également qu'il a été à l'origine du précédent allongement du délai de recours, de dix à douze semaines de grossesse, en 2001. Selon lui, énormément de collègues ont alors décidé d'arrêter de faire des avortements, ce qui a été à l'origine d'un sérieux problème de ressources humaines, qu'on n'avait pas anticipé.
Cela se reproduira si le délai est encore allongé et l'accès à l'IVG sera ainsi réduit, soit l'effet inverse de celui escompté ! M. Nisand n'appartient pas au groupe Les Républicains, mais ses déclarations sont extrêmement claires. Par ailleurs, il est très fortement engagé pour sa profession et pour le droit des femmes.
Vous ne pouvez pas balayer ses arguments, en disant « circulez, il n'y a rien à voir », car il fait partie des personnes qui sont confrontées à ce type de situation au quotidien.
Avis défavorable. Chers collègues, vous mettez en avant le bien-être des femmes pour limiter leur droit fondamental à l'avortement.
Pensez-vous qu'il soit plus traumatisant, pour une femme souhaitant recourir à un avortement, de ne pas pouvoir le faire ou de devoir le faire entre douze et quatorze semaines ? Nous pensons qu'il est plus traumatisant de ne pas pouvoir le faire. Le but de ce texte est de trouver des solutions aux femmes qui n'en ont pas après douze semaines. Comme vous l'avez vous-même indiqué, la très grande majorité des avortements se font avant dix semaines de grossesse, ce qui est effectivement le mieux : plus les avortements sont réalisés tôt et dans de bonnes conditions, mieux c'est.
Reste que le texte vise à rendre effectif le droit à l'avortement pour les femmes qui le souhaitent, ce qui implique d'allonger le délai de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines : toutes les études de terrain convergent sur l'existence de problèmes d'accès, notamment territoriaux, à l'interruption volontaire de grossesse. L'une des solutions – vous avez raison – consiste aussi à fluidifier le parcours de l'IVG, ce que prévoit également le texte.
Vous en êtes presque touchant, monsieur le député Hetzel ! Vous vous présentez quasiment comme un grand défenseur de l'accès à l'IVG, en nous expliquant qu'il est fondamental que les femmes puissent y avoir accès dans de bonnes conditions. Ainsi, la réduction du délai de réalisation de l'IVG permettrait d'en favoriser l'accès, car davantage de professionnels le pratiqueraient…
Vous revêtez les habits de la défense de l'IVG pour mieux la pourfendre, sinon vous n'auriez pas voté contre le mariage pour tous, contre l'assistance médicale à la procréation (AMP) pour les toutes les femmes, contre la recherche sur les cellules souches embryonnaires, .
MM. Patrick Hetzel et Olivier Marleix protestent
Nous avons, vous et moi, passé trois jours et trois nuits dans cet hémicycle, et vous étiez alors contre la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Or, celle-ci a notamment permis de développer le vaccin contre le covid : heureusement que nous ne vous avons pas écouté ! Monsieur le député, assumez vos positions.
Vous en avez le droit et elles sont totalement valables, même si nous ne les partageons pas. Mais, de grâce, n'essayez pas de faire croire à la représentation nationale que votre objectif est de défendre l'accès des femmes à l'IVG, car ce n'est pas crédible. Avis très défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'IVG est un sujet délicat, qui, au Parlement, n'a jamais été facile. Il est encore plus difficile d'en parler quand on est un homme, car les femmes y sont plus sensibles. Vous le caricaturez ,
Mme Albane Gaillot, rapporteure, proteste
en expliquant, grosso modo, que si mon collègue est opposé à l'AMP pour tous…
Toutes !
Même à l'AMP !
…pour toutes ou à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, cela signifie qu'il existe un grand maelström conservateur de personnes qui sont contre tout. Pourquoi ne respectez-vous pas les opinions des uns et des autres ?
Pourquoi ne frémissez-vous pas en entendant mon collègue préciser qu'un avortement à douze ou à quatorze semaines, ce n'est pas la même chose, parce que l'on est obligé de fracturer un crâne et de couper en morceaux un fœtus ? N'existe-t-il pas une différence ontologique…
…qui mériterait d'être débattue ? La question porte non seulement sur le droit fondamental de la femme, mais aussi sur ce qu'il advient du fœtus.
Ce débat n'est pas interdit ! Il n'y a pas lieu d'opposer les bons et les méchants : il n'y a pas, d'une part, des personnes contre l'avortement, et, d'autre part, celles qui y seraient favorables, ni celles qui seraient pour le progrès tandis que d'autres seraient contre les femmes !
Mais non ! Si, sur un débat aussi complexe, vous considérez que les gens qui ne sont pas d'accord avec votre position, qui essayent d'appeler l'attention sur les conséquences éthiques, sont de toute façon hostiles aux femmes et à l'IVG, cela signifie que vous passez au rouleau compresseur sur un sujet sensible, et que vous l'instrumentalisez. Il est un peu facile de toujours se mettre du côté du progrès, en considérant qu'il y a les bons et les méchants. Sur ce texte compliqué, j'aimerais que nous puissions obtenir des réponses techniques et débattre de sujets qui vont bien au-delà de la loi.
Je m'appuierai sur le rapport du CCNE, souvent évoqué hier, même si, en fait, chacun y choisit les arguments qui l'arrangent. Les avis du CCNE sont intéressants, surtout lorsqu'on prend la peine de les lire avec précaution. Pour assurer un droit réel et effectif d'accès à l'IVG, il faut des médecins. Or, le rapport du CCNE indique qu'une enquête réalisée par le CNGOF, en octobre 2020, a permis d'obtenir l'avis de 783 médecins, dont 542 pratiquent des IVG ; 72 % des gynécologues-obstétriciens interrogés se déclarent défavorables à l'allongement du délai légal de l'IVG à quatorze semaines. Ce n'est pas rien. Comment fera-t-on s'il n'y a plus de médecins pour pratiquer les IVG ?
Le rapport du CCNE indique également que, « notamment sur le plan psychologique, les conséquences d'une IVG tardive chez la femme sont aussi complexes, dans la mesure où il s'agit d'une intervention, jamais banale, dont le vécu est différent par le fait de l'avancement de la grossesse et des remaniements corporels et psychiques impliqués. Avec l'avancement de la grossesse, les conséquences psychologiques d'une IVG peuvent ainsi devenir de plus en plus lourdes. L'évolution de la représentation du fœtus est un élément central à prendre en compte, tant pour la femme que pour le médecin ». J'appelle donc votre attention sur ce point : si vous allongez le délai en vue de garantir aux femmes un droit réel et effectif d'accès à l'IVG, mais que les médecins gynécologues n'acceptent plus de les pratiquer, nous ne serons pas très avancés.
Un enfant à naître n'est pas un droit, c'est un enfant. À trois mois, il pèse 100 grammes et mesure 14 centimètres. Ses jambes et ses bras sont visibles à l'échographie. S'il est bien positionné, on peut même quelquefois déceler son sexe. Le président du CNGOF a lui-même fait savoir qu'étendre le droit de recours à l'IVG à trois mois n'est pas souhaitable. Selon lui, une IVG à quatorze semaines est un acte lourd et potentiellement dangereux : en dilatant le col de manière plus importante, on crée un risque de perforation, d'hémorragie et d'infection postopératoire. Plus une IVG est tardive, plus elle est néfaste pour la femme. Cet amendement vise à refuser un allongement du recours à l'IVG, fatal pour l'enfant et traumatisant pour la mère.
Il vise à supprimer l'alinéa 3, qui prévoit de systématiser la présentation de chaque méthode par les professionnels de santé consultés afin de garantir aux femmes le droit de choisir la méthode d'IVG qui leur convient le mieux.
Cette disposition n'est pas équilibrée en ce qu'elle ne propose aucune alternative à l'IVG. On est dans une vision univoque, selon laquelle il n'y a qu'une seule voie, celle de l'IVG, et on ne fait plus aucune autre proposition. C'est une rupture de l'équilibre qui est au fondement même de la loi Veil.
Vous n'auriez pas voté la loi Veil !
Ces amendements tendent à supprimer le troisième alinéa de l'article 1er , qui vise à renforcer le droit à l'information. On constate aujourd'hui que certaines femmes sont assez mal renseignées sur la possibilité d'opter pour une IVG médicamenteuse. Il ne s'agit pas de limiter l'information à l'IVG mais d'améliorer l'information dont elles disposent actuellement sur toutes les possibilités que vous évoquez, et plus particulièrement sur l'IVG. Cette disposition vise à permettre aux femmes de choisir la méthode qui leur convient le mieux.
L'avis est donc défavorable.
Cet amendement rédactionnel vise à préciser que toute personne peut être informée sur les méthodes abortives et en choisir une librement, car il s'agit d'une possibilité et non d'un droit.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement n° 485 .
Les femmes qui souhaitent avorter doivent effectivement être pleinement informées de toutes les options qui s'offrent à elles et, s'agissant de l'avortement, des diverses méthodes abortives en vigueur, des façons de procéder comme des conséquences éventuelles. J'ai évoqué il y a quelques instants les conséquences psychologiques qu'une IVG tardive peut avoir – et ce n'est pas moi qui le dis –, tant pour les femmes que pour les médecins qui les pratiquent car sur le plan technique, la taille du fœtus change tout. Cette information est d'autant plus importante que la proposition de loi tend à porter le délai légal de douze à quatorze semaines.
Le principal syndicat de gynécologues obstétriciens déclare envisager ce changement de législation « avec effroi » – ce sont ses termes. Selon son président Bertrand de Rochambeau, cette mesure risque d'avoir l'effet inverse de celui escompté, de moins en moins de professionnels acceptant de pratiquer l'acte, et il explique avec des détails certes un peu crus, mais qui expriment simplement la réalité, ce que signifie concrètement une IVG à quatorze semaines : à ce stade de développement, le fœtus a l'aspect d'un être humain que l'opérateur doit broyer avec une pince avant d'extraire de l'utérus des morceaux de bras, de jambes, de tête.
Exclamations sur les bancs des commissions.
Quant à la femme, elle s'expose à des complications immédiates comme des déchirures ou des saignements, ou tardives, comme un risque accru d'accouchement prématuré lors d'une grossesse ultérieure.
Ces mots ne sont pas les miens. N'étant pas gynécologue, je ne me permettrais pas de dire ce genre de choses. Il me semble extrêmement important que la femme qui va subir cet acte soit parfaitement et pleinement informée.
La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir le sous-amendement n° 531 .
Je profite de cette prise de parole pour réaffirmer l'opposition des élus du Rassemblement national à la proposition de loi et à l'allongement du délai légal de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines. À mon sens, personne ici ne souhaite remettre en cause le droit à l'avortement ni celui des femmes à disposer de leur corps. Nous sommes là sur un sujet qui appelle à la prudence et à l'humilité parce qu'il touche à l'intime, à la vie, et on doit pour cela être respectueux des idées de chacun.
Vous nous dites que l'objectif de cette proposition de loi est de permettre aux femmes d'avoir recours à l'IVG, qui se heurterait à une multitude d'obstacles dus au manque d'informations, de structures, de praticiens et d'informations. Mais au lieu de vous attaquer directement aux racines du problème en remédiant à ce déficit de structures et de praticiens, ce qui est de votre responsabilité, monsieur le ministre, vous nous proposez comme seule solution d'allonger le délai légal de recours à l'IVG. Or on ne cesse de vous dire que plus l'avortement est tardif, plus ce geste est lourd de conséquences, voire dangereux, physiquement et psychologiquement.
Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, si vous en convenez et pourquoi vous souhaitez allonger ce délai de quatorze semaines, plutôt que treize semaines, comme ça a été proposé, ou quinze ou seize.
C'est laborieux !
Madame Ménard, je ne conteste pas au gynécologue que vous prenez comme référence le droit de défendre une telle position, mais il est intéressant de rappeler l'ensemble de ses positions. En 2018, il expliquait sur un plateau de télévision qu'il ne réalisait plus lui-même d'IVG parce qu'il considérait qu'il n'était pas là pour supprimer des vies. Quand le journaliste lui rétorque qu'une IVG n'est pas un homicide, ce gynécologue lui répond que si. Il a tout à fait le droit de défendre ces positions, je le répète, mais elles ne sauraient servir de caution scientifique à vos propositions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Avis défavorable.
Sous prétexte de défendre des amendements rédactionnels, vous vous livrez systématiquement à des développements hors sujet …
…nous répétant qu'une IVG est traumatisante. Mettre fin à une grossesse a des conséquences, nous ne le nions pas, il faut effectivement extraire un fœtus, mais à un moment il faut arrêter de se lancer, chaque fois qu'on défend un amendement, dans ces descriptions qui ne servent à rien. Vous pouvez les répéter pendant des heures, ça ne nous fera pas changer d'avis.
J'aimerais vous entendre aussi parler de temps en temps de la femme. Quand parlerez-vous de la mère, de la relation qu'elle aura avec un enfant qu'elle aura été obligée de garder et d'élever alors qu'elle n'y était pas prête ? Que fait-on pour cet enfant ? Je n'ai pas l'impression que cela vous préoccupe. Vous évoquez le caractère sacro-saint de la vie mais la vie de la mère est aussi importante, voire plus.
Je rappelle enfin qu'on ne forcera pas les gynécologues à effectuer des avortements à quatorze semaines. Il s'agit de donner aux femmes qui auraient dépassé le délai de douze semaines et qui ne seraient pas en situation de garder l'enfant, la possibilité de demander à un gynécologue qui l'accepte de pratiquer un avortement jusqu'à quatorze semaines. Il s'agit non de contraindre qui que ce soit, mais de renforcer les droits des femmes. Cessez donc, en vous répétant sans cesse, de caricaturer nos positions : nous n'en changerons pas plus que vous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Oui, monsieur le ministre, Bertrand de Rochambeau refuse de réaliser des IVG : ça s'appelle la clause de conscience. Si vous êtes contre la clause de conscience, si les gynécologues n'ont plus le droit de refuser de réaliser des IVG, on peut arrêter là le débat, comme notre collègue Goulet vient de le proposer. Vous avez déjà tranché sur tout : les délais doivent être rallongés, les sages-femmes doivent pouvoir tout faire au même titre que les médecins et ceux-ci n'ont plus le droit à la clause de conscience, pas plus que les sages-femmes, j'imagine, les pharmaciens ni les autres personnels de santé.
Encore heureux que la clause de conscience existe. C'était la volonté de Simone Veil, je le rappelle à ceux qui se réclament d'elle à longueur de temps.
Applaudissements parmi les députés non inscrits et sur plusieurs bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement n° 152 n'est pas adopté.
Sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe La République en marche et le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 443 et 459 , qui font l'objet de quatre sous-amendements n° 487 , 551 , 488 et 532 .
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 443 .
Vous voulez, madame la rapporteure, que l'on parle des mères et des femmes, eh bien ! nous allons le faire, parce que ce que nous voulons c'est qu'elles aient réellement le choix.
Ce que nous proposons par cet amendement, qui touche à l'intime, à la vie, c'est que des alternatives à l'IVG soient présentées, alors que tout ce texte ne propose qu'un allongement du délai légal, qui d'ailleurs ne sera jamais suffisant. Passer de douze à quatorze semaines résoudra peut-être certaines difficultés pour quelques centaines, voire quelques milliers de femmes, mais pas pour toutes, et demain, on proposera – pourquoi pas ? –, de passer à seize semaines, puis à dix-huit, voire vingt ou davantage, comme on le voit dans des États comme le Royaume-Uni. S'il s'agit réellement pour vous de garantir la liberté de choix de ces femmes, ce dont on finit par douter, présentez-leur des alternatives matérielles, financières qui leur permettront effectivement de faire un choix éclairé, au lieu de présenter systématiquement le recours à l'IVG comme la seule réponse à leur détresse. Si vous êtes pour le libre choix, pour un choix pleinement éclairé, vous ne pouvez pas être contre cet amendement, qui préserve la teneur de l'article.
Sur un tel sujet, il est tout de même intéressant d'écouter ce que disent les professionnels, même si, évidemment, l'objectif est de connaître le point de vue de toutes les personnes concernées.
Ainsi, selon le professeur Florence Bretelles, gynécologue obstétricienne de l'assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), ce texte ne règlera rien. Je la cite : « la plupart des patientes hors délai que nous voyons sont généralement plutôt à dix-sept ou dix-huit semaines de grossesse. » Pour sa part, elle juge nécessaire d'instaurer une obligation d'offre de consultation car le dépassement des délais légaux reflète les difficultés d'accès des femmes à l'IVG. C'est un point, monsieur le ministre, que vous semblez écarter d'un revers de la main, mais je me permets de vous le rappeler, et je le répèterai aussi souvent qu'il le faudra : si aujourd'hui le parcours s'effectuait normalement, cette question ne se poserait pas.
Du reste, les arguments utilisés par ceux qui défendent aujourd'hui ce texte sont exactement ceux qui avaient été utilisés en 2001 pour porter le délai de dix à douze semaines. À l'époque, le Gouvernement s'était d'ailleurs engagé à instaurer une veille sanitaire sur l'évolution des conséquences qu'aurait cette disposition. Monsieur le ministre, puisque cette mesure figure dans la loi et que le Gouvernement s'y était engagé, pourquoi cette veille sanitaire n'est-elle pas en place ? Vous ne pouvez pas vous contenter de dire : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » Votre responsabilité est engagée, et c'est de cela que nous devons débattre avant d'évoquer un éventuel allongement du délai.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement n° 487 .
Il tend à préciser l'amendement de mes collègues du groupe Les Républicains. En effet, l'avortement n'étant pas un acte anodin, comme nous l'avons tous répété et comme, me semble-t-il, nous en convenons tous, il convient de porter à la connaissance des femmes qui souhaitent avorter ou qui pensent le faire les alternatives existantes, afin qu'elles puissent prendre leurs décisions en toute liberté, notamment lorsqu'elles envisagent l'avortement en raison d'une situation difficile sur le plan économique ou financier. En effet, les aides apportées aux femmes enceintes ou aux jeunes mamans sont trop souvent méconnues.
On peut parfois se faire une montagne de certains problèmes qui paraissent plus faciles à gérer lorsqu'on est aidée et soutenue. Tous ces dispositifs sont très importants et doivent être portés à la connaissance de ces femmes. Il s'agit notamment de la prise en charge des dépenses et de soins médicaux, ainsi que des soutiens financiers possibles pour les futures mères en difficulté, qui vont du RSA femme enceinte, que peu de femmes connaissent, à l'aide d'urgence de la caisse d'allocations familiales (CAF), en passant par l'aide du centre communal d'action sociale (CCAS), et les mesures destinées à la femme enceinte salariée ou à la femme enceinte au chômage. Il existe également, pour préparer l'arrivée du bébé avant l'accouchement, la prime à la naissance qui – et je saisis cette occasion d'en féliciter la majorité – est désormais versée au cours du septième mois de grossesse.
Lorsque le projet d'avorter n'est pas lié à un problème physique ni d'ordre sentimental ou relevant de la vie privée, ou encore à des circonstances financières ou économiques, une information sur toutes ces aides, souvent méconnues, peut permettre à la femme de prendre sa décision en totale liberté et en étant pleinement éclairée.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir le sous-amendement n° 551 .
Monsieur le ministre, nous savons que, chaque année, 3 000 à 4 000 femmes françaises subissent un avortement après le délai légal en se rendant à l'étranger. Cependant, ce n'est pas en repoussant de douze à quatorze semaines la durée légale du recours à l'avortement que nous supprimerons leur démarche. Or, n'oublions pas que, compte tenu du développement du fœtus, cette mesure met potentiellement en péril la santé des femmes enceintes. Les spécialistes sont quasiment unanimes pour dire que, plus l'avortement intervient tardivement, plus l'opération est lourde et dangereuse pour la femme.
Du reste, il est paradoxal d'allonger le délai légal du recours à l'IVG alors que trop de femmes ne parviennent pas à avorter dans les délais légaux, parce que les hôpitaux ne disposent pas des moyens nécessaires. L'IVG est un droit, mais force est de constater que l'égalité d'accès à l'IVG n'est pas assurée dans les faits.
En outre, il paraît particulièrement inapproprié de supprimer le délai de réflexion de quarante-huit heures.
Recourir à une IVG est une décision particulièrement lourde de sens pour des femmes, parfois très jeunes, qui se trouvent dans une situation psychologique particulièrement difficile. C'est en cela que le délai de réflexion est indispensable.
Nous estimons donc qu'il convient de conserver le cadre légal actuel, qui est suffisant et nécessaire, et de revenir à l'esprit du discours de Simone Veil, qui soulignait en 1974 que l'avortement est l'exception et doit rester l'exception, que c'est toujours un drame et que cela restera toujours un drame.
Les sous-amendements n° 488 de Mme Emmanuelle Ménard et 532 de M. Nicolas Meizonnet sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable sur tous ces amendements. Je rappelle que le dispositif inscrit dans cet article ne remplace pas les informations actuellement disponibles, mais complète l'information sur l'IVG. Toutes vos explications visent à infantiliser la femme.
Depuis 1974, la France a évolué. La France ne vit pas figée dans une vidéo de Zemmour naphtalinée, comme si tout s'était arrêté dans les années 1970 et que rien ne s'était passé depuis.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Il y a eu de nouveaux auteurs depuis Claude Sautet et de nouveaux acteurs depuis Belmondo – qui étaient, au demeurant, très bien. Il s'est passé des choses dans notre pays. Par pitié, donc, évitez de faire référence à 1974 comme si rien n'avait bougé.
Mêmes mouvements.
Je ne pense pas qu'aucun des députés qui ont déposé et défendu cet amendement se soit jamais rendu dans un centre de planning familial en vue d'une IVG. Monsieur Gosselin, vous savez que j'ai beaucoup de respect pour vous, mais je pense que ce n'est pas votre cas. En tout cas, à moins que vous ne soyez mal tombé, je ne pense pas qu'on vous accueille dans un centre d'IVG en vous disant « Venez, c'est par ici, porte B : asseyez-vous, madame, on arrive tout de suite. » Ce n'est pas comme ça que ça marche, monsieur le député !
Le parcours est éminemment complexe, et il est décrit par la voie réglementaire.
Cessez de faire croire que vous voulez améliorer les droits des femmes, car ce n'est pas l'objectif que vous poursuivez. Dites que vous n'êtes pas favorable à l'avortement tel qu'il est pratiqué aujourd'hui, et encore moins tel qu'il sera peut-être pratiqué demain si la majorité vote ce texte, mais assumez des positions politiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Lorsqu'une femme entre dans un centre en vue de réaliser une IVG, elle bénéficie d'une consultation médicale, elle est accompagnée, tout lui est expliqué et raconté de A à Z. On ne se jette pas sur elle ! Ce n'est pas comme ça que les choses se passent.
Je tiens à vous rassurer…
…car, si vous avez besoin d'écrire dans la loi que, lorsqu'un médecin voit une femme qui veut avorter, il est obligé de lui donner des informations médicales, c'est que vous êtes assez loin des pratiques qui ont réellement cours dans notre pays. Avis défavorable, donc. Finalement, comme vous voyez, le Gouvernement prend parfois position à propos de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je fais partie de ces pères qui ont vécu indirectement l'IVG et je tiens à vous apporter le témoignage d'un homme. Il est certes difficile pour un homme d'évoquer l'IVG, il ne la subit pas, mais il se trouve que je l'ai subie indirectement.
Ce que je vois de ce débat me désole et m'afflige terriblement, car chacun reste sur ses positions. Sur le principe, monsieur le ministre, philosophiquement, je ne suis pas favorable à l'allongement du délai à quatorze semaines, mais si cela peut éviter ne serait-ce qu'à quelques femmes d'emprunter des chemins et des parcours plus dangereux, peut-être, à défaut de la voter, ne m'y opposerai-je pas.
Quant à l'information, si vous aviez subi ce que j'ai subi, vous sauriez qu'elle est donnée à tout le monde et qu'il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi.
Mme Michèle Peyron applaudit.
Je voterai contre ces amendements et m'abstiendrai, à titre personnel, lors du scrutin public.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, vous mélangez tout – la campagne présidentielle et les amendements en discussion. Je tiens à vous rappeler que je ne suis pas Zemmour, mais que je suis cadre de santé et que j'ai travaillé pendant des années dans des services de maternité, où j'ai côtoyé tout ce que vous décrivez. Je suis désolée d'entendre aujourd'hui salir la mémoire de Simone Veil dans cet hémicycle.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Elle n'a pas envie que vous défendiez sa mémoire !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 63
Contre 30
L'article 1er est adopté.
Cet article devrait mettre tout le monde d'accord, car il apporte une solution pour que chaque femme soit prise en charge le plus tôt possible dans son souhait d'avortement. En effet, permettre aux sages-femmes de pratiquer l'IVG chirurgicale jusqu'à dix semaines aura pour effet qu'un plus grand nombre de praticiens seront en mesure de pratiquer les deux méthodes d'avortement, donc de réaliser les IVG dans des délais plus rapides qu'aujourd'hui. Techniquement, les sages-femmes sont qualifiées. Elles connaissent la physiologie de la femme et pratiquent déjà certains gestes endocavitaires, auxquels elles sont formées : nous devons reconnaître ces compétences. L'article 1er bis apporte ainsi une vraie solution.
Quelle ne fut donc pas ma surprise lorsque je m'aperçus que plus de dix amendements de suppression de cet article avaient été déposés. Je tiens à mettre leurs auteurs face à leurs contradictions : depuis le début, en effet, vous ne cessez de déclarer, la main sur le cœur, que vous êtes opposés à l'allongement des délais à quatorze semaines au motif que ce qu'il faut faire n'est pas d'allonger les délais, mais de faire en sorte que les femmes soient prises en charge plus tôt. Vous citez Bertrand de Rochambeau en expliquant qu'au lieu d'allonger le délai légal, il faut que tous les hôpitaux publics puissent offrir les services d'IVG jusqu'à douze semaines. Or, c'est précisément ce que permet cet article, qui constitue une vraie solution à ce problème. Alors, votez-le – à moins que vos arguments d'hier ne soient que des prétextes pour cacher ce que vous n'assumez pas car, en réalité, le droit des femmes à disposer de leur corps et de leur vie vous gêne, et vous n'avez nullement envie de résoudre les difficultés qui entravent aujourd'hui le droit à l'avortement.
C'est le contraire que nous défendons. Nous défendons le droit des femmes à disposer de leur corps et du cours de leur vie. Nous voulons que l'accès des femmes à l'IVG soit réel et qu'elles aient véritablement le choix de la méthode employée, comme la loi le prévoit et comme les faits l'empêchent trop souvent, et qu'elles soient accompagnées, dans ce moment difficile, avec bienveillance et dans le respect de leur choix.
C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à cette loi et à cet article 1er bis qui permettra de mieux mailler le territoire et de faire en sorte que les femmes puissent avorter plus tôt, afin que ce droit fondamental ne soit plus entravé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'extension des compétences des sages-femmes pour pratiquer des IVG instrumentales est une disposition juste, car elle marque la reconnaissance de leur expertise, de leur compétence et de tout le travail qu'elles accomplissent au quotidien auprès des femmes. Il a été rappelé, du reste, qu'elles pratiquent déjà des gestes endo-utérins, et cette pratique ne devrait donc présenter aucune difficulté dans leur formation.
Elle va, par ailleurs, de pair avec la proposition de loi d'Annie Chapelier que nous avons adoptée la semaine dernière dans cet hémicycle et qui porte sur la formation et l'extension des compétences des sages-femmes dans la reconnaissance pleine et entière de leur profession médicale. N'oublions pas qu'il s'agit là d'une demande des sages-femmes elles-mêmes, qui sont compétentes et le revendiquent. Nous devons leur faire confiance et nous avons aujourd'hui la possibilité de le leur montrer.
Enfin, cette extension de compétence contribuera à assurer, pour toutes les femmes et sur tout le territoire, l'égalité dans l'accès à ces soins essentiels, qui sont un symbole de liberté, notamment de liberté à disposer de son corps.
Ce texte, qui vise à allonger de quinze jours le délai d'accès à l'IVG et à supprimer la clause de conscience spécifique, rompt encore un peu plus avec la loi Veil de 1975, même si, lorsqu'on vous interroge à ce propos, vous nous dites qu'il n'y a pas de rupture, mais seulement certaines évolutions.
Le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, professeur à la Sorbonne, voit dans cette proposition de loi une nouvelle illustration d'un changement profond de l'esprit de la loi Veil de 1975 – c'est le point clé –, expliquant que deux principes entrent en conflit quand on parle d'interruption volontaire de grossesse : d'un côté, la protection de l'embryon ; de l'autre, la liberté de la femme. La première est assurée par le principe du respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, comme le prévoit du reste le code civil. La seconde est garantie par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui interdit d'imposer à la femme une contrainte qu'elle estime ne pas pouvoir assumer.
En ce sens, la loi Veil avait pour objectif de permettre un équilibre : l'avortement était considéré comme une situation qu'il convenait de légaliser pour éviter les drames liés au caractère clandestin de certains avortements.
Juridiquement, il s'agissait d'une loi de dépénalisation. Or, ici vous êtes en train de supprimer cet équilibre, de rompre avec la coexistence constitutionnellement nécessaire de ces deux principes. En fait, vous avez une vision univoque de cette question.
Avant même d'aborder les questions de fond liées à l'autorisation de pratiquer des IVG par voie chirurgicale que vous voulez étendre par cet article, une question de méthode se pose puisque l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, que vous avez été très nombreux à soutenir, a validé une expérimentation de trois ans. Il semble donc prématuré de voter une extension générale avant d'évaluer cette expérimentation.
L'article 1er bis vise à autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse. La formation et la qualification d'une sage-femme n'étant pas celle d'un médecin, une IVG chirurgicale ne devrait pouvoir être pratiquée que par un médecin, aussi bien pour des raisons de sécurité évidentes qu'eu égard à la nature même de la mission des sages-femmes.
Vous avez voté, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, un article qui autorise les sages-femmes à pratiquer, à titre expérimental, des IVG chirurgicales. Mais vous n'attendez pas la fin de l'expérimentation pour rendre cette disposition pérenne.
Je vous rappelle qu'en 2016, l'un des arguments qui avait été évoqué, lors de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, afin d'accorder l'autorisation aux sages-femmes de pratiquer des IVG médicamenteuses était que les médecins manquaient de main-d'œuvre pour pratiquer des avortements, soit le même argument qu'aujourd'hui. On se souvient de la raison qui était invoquée à l'époque par Sophie Eyraud : les sages-femmes seraient de la main-d'œuvre assurée pour pallier les difficultés de recrutement et le fait que les gynécologues obstétriciens répugnent à faire ce geste. Je trouve cet argument assez méprisant pour les sages-femmes qui, me semble-t-il, n'ont pas vocation à pallier un manque de main-d'œuvre.
J'ajoute que les sages-femmes n'ont pas toutes le même avis sur la question, elles ne demandent pas toutes à pouvoir pratiquer une IVG par voie chirurgicale. Soyons honnêtes, elles sont partagées : certaines souhaitent pouvoir aller au-delà de l'intervention médicamenteuse – très bien –, mais d'autres non.
Quoi qu'il en soit, toutes celles que j'ai pu rencontrer dans le territoire que je connais, et encore pas plus tard que ce midi à l'Assemblée, m'ont alertée sur deux points : la formation et la responsabilité. Tant que ces deux points ne seront pas clarifiés, il n'est pas souhaitable d'aller plus loin.
La formation, la qualification d'une sage-femme n'étant pas celles d'un médecin, il est totalement inconcevable qu'elle puisse accomplir un acte à caractère chirurgical. Cette intervention n'est pas anodine, elle est même tout à fait différente des autres et elle peut avoir des conséquences, y compris psychologiques, sur les femmes qui y ont recours.
La rédaction de l'article 1er bis qui prévoit de limiter l'intervention de la sage-femme à la fin de la dixième semaine de grossesse démontre, s'il en était besoin, que l'allongement du délai à douze semaines rend l'IVG sur un plan médical plus complexe compte tenu de la plus grande taille du fœtus. C'est pourquoi, il convient de faire preuve d'une grande sagesse et de prudence en ne dépassant pas le cadre qui existe déjà. Il convient donc de supprimer une telle disposition, et c'est le sens de cet amendement.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 106 .
On a vraiment des principes à géométrie variable. En effet, quand on veut faire de l'expérimentation un point central, on nous dit qu'on va expérimenter et attendre les résultats. Après tout, expérimenter pour tirer des conclusions afin de savoir si on élargit ou non, c'est une bonne méthode. Cependant, en matière d'IVG, l'approche dépasse toujours l'entendement : il faut systématiquement faire vite – c'est d'ailleurs un peu ce qui se passe avec ce texte qui avait déjà été retoqué –, on a un Président de la République qui n'en veut pas mais qui laisse faire et un ministre qui est très militant – c'est son droit. On voit bien que le débat n'est pas serein.
Il y a quelque temps, il a été décidé que les sages-femmes pourraient pratiquer des IVG instrumentales. Aujourd'hui, on nous dit qu'il serait un peu vexant et fâcheux d'attendre de savoir ce que donneront ces expérimentations, et on passe déjà à l'étape supérieure. J'en appelle à la cohérence ou au respect, au moins de ce qui a été voté ici précédemment, c'est-à-dire à attendre les conclusions de l'expérimentation. Elles ne seront sans doute pas connues au cours de cette législature, mais on n'est peut-être pas à quelques mois près. Attendons la fin de cette expérimentation avant de généraliser, avant de passer à l'étape supérieure. Mais je vois bien que cette demande ne sera pas entendue. Une fois de plus, c'est évidemment regrettable.
L'article 1er bis vise à autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse. Après d'autres orateurs, je me permets d'insister sur le fait que l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 – on parle d'un article qui a été voté il y a moins d'un an – a validé une expérimentation de trois ans de la pratique de l'IVG instrumentale par les sages-femmes, autrement dit jusqu'en 2024. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur cette question, sachant que nous avons eu un débat ici même, il y a moins d'un an, et que le Gouvernement considérait qu'il fallait pouvoir expérimenter, que les expérimentations étaient importantes, et que, bien entendu, il attendrait les résultats d'une telle expérimentation avant de légiférer et d'étendre de manière plus générale. Or, moins d'un an après, on assiste à un revirement du Gouvernement à 180 degrés.
Une fois de plus, nous nous posons légitimement la question suivante : comment se fait-il que sur un tel sujet, il y ait, en moins d'un an, un revirement à 180 degrés par rapport à l'argumentation développée à la fois dans le bleu budgétaire et par les représentants du Gouvernement, ici même, ainsi qu'au Sénat – j'ai vérifié ce qui avait été déclaré au Sénat. On nous avait indiqué que la question n'était absolument pas anodine et qu'il fallait prendre un certain nombre de précautions. Alors pourquoi ces précautions ne seraient-elles pas prises…
…et pourquoi l'expérimentation n'aurait-elle plus de sens ? On a beaucoup de difficulté à comprendre ce que vous êtes en train de faire. Tout ceci est d'une incohérence folle.
Cet amendement vise à supprimer l'article 1er bis parce que l'expérimentation n'est pas terminée. Cet article définit comment les sages-femmes pratiquent l'interruption de grossesse : par voie chirurgicale, avant la fin de la dixième semaine de grossesse, ou par voie médicamenteuse avant la fin de la septième semaine de grossesse. Il définit aussi la formation exigée, les expériences attendues et les conditions de rémunération.
Les sages-femmes semblent très divisées sur ce sujet, d'autant que leur responsabilité n'est pas clairement définie. On a le sentiment que ceux qui sont favorables à ces nouvelles dispositions veulent se donner bonne conscience en obligeant, dans ce même article, le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport sur l'application de la nouvelle compétence des sages-femmes. Les conséquences des dispositions de cet article me paraissent très problématiques, d'où cet amendement de suppression.
L'article 1er bis est très important et je ne comprends pas vos amendements de suppression. Vous défendiez tout à l'heure et hier encore le fait qu'il fallait développer l'offre, avoir davantage de médecins, accélérer le processus, pratiquer moins d'IVG tardives : cet article répond justement à la problématique du développement de l'offre, il permet d'avoir davantage de professionnels de santé chargés de cela, et il ne crée pas une obligation puisqu'il prévoit par la loi que des sages-femmes pourraient pratiquer des IVG instrumentales.
Je suis d'accord, les sages-femmes que j'ai pu rencontrer à de nombreuses reprises sont partagées. Or ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais d'une nouvelle pratique, de nouvelles compétences. Celles qui sont volontaires seront bien évidemment formées. Il faut savoir que les sages-femmes pratiquent déjà ce qu'on appelle des gestes endo-utérins. En effet, ce sont bien souvent les sages-femmes, et non les gynécologues, qui réalisent des interruptions médicales de grossesse. Or cette compétence n'est pas vraiment reconnue. Ce sont aussi elles qui sont appelées en cas de fausse couche. Certaines réclament donc d'avoir la compétence des gestes endo-utérins.
L'article 1er bis répond parfaitement aux problèmes que vous avez soulevées à juste titre en ce qui concerne l'accélération, l'amélioration de la prise en charge des femmes. Nous sommes avec, je pense, ma corapporteure, défavorables à ces amendements de suppression…
…qui ont été déposés par plusieurs députés du groupe LR ainsi que par des députés d'autres groupes.
À la demande des parlementaires, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit la possibilité pour les sages-femmes d'effectuer des IVG instrumentales dans certaines conditions. Les sages-femmes exerçant une profession médicale, il est tout à fait légitime qu'elles puissent être habilitées à développer d'autres compétences pratiques que celles qui sont les leurs dans les décrets de compétences actuels. D'ailleurs, beaucoup de gynécologues qui ont été consultés considèrent que le fait que les sages-femmes puissent réaliser des IVG instrumentales constituerait une aide, un soutien, ajoutant qu'il est important qu'un gynécologue-obstétricien puisse être sur place pour intervenir en cas de problème ou d'accident.
Dans le cadre de l'expérimentation, il est donc prévu que l'IVG a lieu dans le cadre hospitalier, dans un établissement de santé et non dans un centre de santé. C'est ce que précisera un important amendement qui vous sera présenté tout à l'heure. Ensuite, en 2020, vous n'avez pas défini de limite en matière de durée de grossesse pour la réalisation de cet acte. Donner cette souplesse dans la loi, c'est-à-dire supprimer la notion de dix semaines de grossesse, paraît plutôt de bon aloi. Si vous devez voter cet article, je vous encouragerai à supprimer la référence à dix semaines de grossesse. Un amendement a été déposé en ce sens.
Enfin, faut-il en rester à l'expérimentation ou faut-il généraliser ? Je suis convaincu que l'expérimentation est une bonne façon d'avancer. Les acteurs ont été concertés, et l'expérimentation va être déployée dans certains établissements. Pour vous dire ce qui se passe de façon pratique : un peu plus d'un an après l'adoption du PLFSS pour 2021, l'expérimentation n'a pas formellement commencé. C'est un travail qui se met en place lentement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Ce n'est pas parce que vous votez la généralisation que les sages-femmes pourront pratiquer demain, dans tous les hôpitaux, des IVG instrumentales. Il faudra, de la même manière, déterminer les conditions de formation et de réalisation pratique, etc. Cela ne changera pas fondamentalement la donne, et je pense que la montée en charge sera progressive.
Monsieur Reiss, vous demandez quel sera le régime juridique des sages-femmes. Ce sera le même qu'aujourd'hui, à moins que la faute soit détachable de l'établissement, c'est-à-dire qu'elle soit intentionnelle, auquel cas elle relèvera du pénal. L'accident, l'aléa thérapeutique relèvent de la responsabilité de service. C'est pourquoi il est important que cet acte soit réalisé dans un établissement de santé. Les sages-femmes sont donc totalement couvertes dans l'exercice de cette mission, de la même manière qu'elles sont couvertes dans l'exercice de l'ensemble de leurs missions. Aucune responsabilité personnelle ne leur incombe.
Vous connaissez mon avis : sagesse sur ces amendements identiques.
C'est le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés qui avait défendu cette expérimentation dans le cadre du PLFSS pour 2021 pour deux raisons : d'abord, comme vous le savez, nous sommes parfois bloqués à l'Assemblée nationale pour faire ce genre de proposition – l'expérimentation permet de contourner les obstacles –, ensuite, nous ne savions pas quel sort serait réservé à cette proposition de loi. Quand on pense que les femmes ont besoin d'une avancée, il faut savoir, à un moment, entrer par n'importe quelle porte.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'était le but de cette expérimentation.
Je suis convaincue qu'il faut donner la possibilité de pratiquer des IVG aux sages-femmes qui, bien entendu, auront comme les médecins le droit de refuser de les faire. Rappelons qu'elles sont déjà présentes au moment où les femmes accouchent dans le cadre des interruptions médicales de grossesse (IMG), donc à un stade bien plus avancé de la grossesse. De manière générale, elles sont dotées d'une compétence dans l'accompagnement des femmes enceintes sans doute plus développée que chez les médecins qui, pris par de multiples tâches, restent moins longtemps auprès des patientes dans ces moments difficiles.
Je considère que tout ce qui est de nature à accélérer la mise en œuvre des droits des femmes est une bonne chose.
Que l'expérimentation que j'ai proposée soit remplacée par un dispositif pérenne ne me vexerait pas, bien au contraire. Il est vrai que la publication des décrets n'a pas encore eu lieu car le ministère a dû travailler sur les questions liées à l'assurance, à la formation et à la rémunération mais elle devait intervenir très prochainement. Si nous allons plus vite grâce à cette proposition de loi, tant mieux pour les femmes !
Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi certains s'opposent à ce qu'une telle possibilité soit donnée aux sages-femmes alors que, par ailleurs, ils sont défavorables à un allongement du délai légal jusqu'à quatorze semaines. Grâce à cette disposition, les femmes auront recours à l'avortement à un stade plus précoce de leur grossesse. N'oublions pas que le problème principal est l'accès des femmes aux professionnels.
Je voudrais souligner ce que les divers aveux que nous venons d'entendre impliquent, notamment en termes de dysfonctionnements.
Notre collègue affirme vouloir rentrer « par n'importe quelle porte ».
Fort bien, c'est son point de vue, elle l'assume, et j'entends cet argument.
Le ministre, lui, fait un aveu qui me paraît dramatique : l'expérimentation dont nous avons voté le principe il y a un an, à l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, n'a pas encore commencé. À quoi bon voter des dispositions au Parlement si l'exécutif n'en fait ensuite qu'à sa tête ? Une part importante des décrets d'application n'est toujours pas publiée ! Ainsi, le Parlement vote et le Gouvernement dispose.
Voilà qui est vraiment très respectueux du fonctionnement démocratique de nos institutions ! Cela montre en quelle estime l'exécutif tient le législatif.
Madame Goulet, vous avez souligné que les choses étaient compliquées car se posaient des questions liées à la formation, à la rémunération et à la responsabilité, mais celles-ci vont toutes demeurer et même se poser avec plus d'acuité encore si l'article 1er bis est adopté. On ne peut pas les balayer d'un revers de main.
C'est bien pour cette raison qu'une expérimentation aurait pu être intéressante. Quels que soient les points de vue sur l'IVG, nous pouvons nous accorder sur le fait que cette construction intellectuelle, cette méthodologie permettait au moins d'y voir plus clair. Or cette expérimentation n'a pas même débuté, de l'aveu du ministre, qu'on la laisse de côté. Les questions demeurent mais, quelle que soit la porte, quelle que soit la fenêtre, vous y allez et vous continuez à tracer votre chemin.
Eh bien, cet état d'esprit, je ne le trouve ni très rassurant ni très satisfaisant d'un point de vue intellectuel, je vous l'assure.
Je crois que l'on se trompe de débat. Le problème est non pas l'expérimentation ou l'extension de la compétence des sages-femmes mais la délégation des compétences et la confiance mutuelle des professionnels de santé.
Qui se plaint aujourd'hui du fait que les sages-femmes puissent faire des échographies ?
Elles ne sont pas des radiologues, elles n'ont pas été formées dans leur cursus initial à faire de tels examens, pourtant, celles qui l'ont souhaité ont pu se former par la suite pour en effectuer. Il en va de même pour les IVG. Je considère qu'elles peuvent se former pour réaliser ces actes que les médecins, qui ont de toute façon du mal à déléguer, considèrent comme relevant de leur pré carré.
Je vais vous livrer une petite anecdote. Je suis médecin urgentiste et j'ai pu voir ce qui s'est passé avec les thrombolyses préhospitalières : ce traitement de l'infarctus était auparavant réservé aux cardiologues puis d'autres médecins ont été autorisés à l'administrer avant que le patient n'arrive à l'hôpital. Cette évolution s'est faite difficilement, mais le résultat est là : on a sauvé des vies.
Nous devons toujours nous mettre à la place des usagers. Nous sommes ici pour défendre leurs droits et non pour préserver les prés carrés des médecins !
Mme Anne-Laure Cattelot applaudit.
Je suis persuadée que les sages-femmes, profession médicale, seront tout à fait à même de pratiquer cet acte, après s'être formées, si elles le veulent.
Compte tenu de l'impact de cette intervention chirurgicale, des complications qu'elle peut provoquer et des risques qu'elle peut faire courir à la femme, il convient d'assurer la présence d'un médecin, en attendant les résultats de l'expérimentation de trois ans dont le principe a été inscrit dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale.
Il s'agit d'un sous-amendement de précision.
Je le redis, je ne suis pas médecin et j'écoute avec beaucoup d'intérêt ceux de nos collègues qui appartiennent au corps médical ou paramédical. J'essaie toutefois de travailler mes dossiers et j'ai consulté divers avis émis par les professionnels. Je citerai la position du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (SYNGOF) qui s'oppose à ce que les sages-femmes puissent pratiquer des IVG en avançant notamment cet argument, que l'on ne saurait, me semble-t-il, balayer d'un revers de la main : « Ainsi, il est aisé et apparemment généreux de décréter une compétence chirurgicale aux sages-femmes, alors que les conditions de l'acquisition de cette compétence ne sont et ne seront pas avant longtemps remplies. Il s'agit surtout d'une tromperie envers les sages-femmes et de faux espoirs pour les femmes sans aucun impact sur l'accès à l'IVG. ». L'Académie nationale de médecine s'y oppose également – je vous renvoie à l'avis de son comité d'éthique du 12 janvier 2021. Je me pose donc des questions : pourquoi sont-ils si défavorables à cette extension de compétence ?
Dans ces conditions, il me semble intéressant de commencer par mettre en œuvre l'expérimentation que vous avez votée il y a à peine un an. Nous verrons bien ensuite si toutes les réponses aux questions de statut, de responsabilité, de formation ont été apportées et si les sages-femmes peuvent effectuer ces actes dans des conditions satisfaisantes.
Le sous-amendement n° 500 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 15 .
Le métier de sage-femme tel qu'il est défini par l'OMS – Organisation mondiale de la santé – comprend la supervision, les soins et les conseils à la femme enceinte en travail et en période post-partum, l'aide lors d'accouchements sous sa responsabilité, les soins dispensés aux nouveau-nés et aux nourrissons.
Historiquement, l'avortement n'est pas le métier de la sage-femme. S'il en est devenu une partie avec les IVG médicamenteuses, il n'en constitue pas le cœur.
Réfléchissons à deux fois avant d'ajouter une nouvelle prérogative à un corps professionnel en souffrance, auquel manquent reconnaissance et moyens financiers.
L'amendement n° 15 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous voyons à l'œuvre une vision très unilatérale des choses. Reconnaître aux sages-femmes une compétence chirurgicale en matière d'IVG, c'est « mettre la charrue avant les bœufs ». Vous me pardonnerez cette expression triviale que le SYNGOF utilise entre guillemets.
Une question fondamentale doit en effet être traitée au préalable, c'est celle de la formation chirurgicale des sages-femmes : lors du cursus initial pour celles qui sont encore étudiantes, en postuniversitaire pour celles qui sont déjà installées.
Quand on regarde de près, on voit que la profession elle-même a émis des doutes s'agissant de la formation mais aussi de la responsabilité. On lui impose quelque chose sans avoir eu d'échanges suffisamment approfondis avec elle à ce sujet.
Vous avez régulièrement le mot « concertation » à la bouche mais entre ce que vous dites et ce que vous faites, il y a un écart abyssal. Dans ma circonscription, les sages-femmes que j'ai interrogées m'ont dit être encore loin de ce changement qu'on voulait leur imposer sans qu'elles aient eu véritablement l'occasion de s'exprimer. Vous me répondrez que le ministre a pu, lui, avoir des échanges avec la profession. Toutefois, j'estime que ces questions méritent d'être prises en compte de manière beaucoup plus systématique avant que nous ne légiférions.
L'amendement n° 307 de M. Frédéric Reiss est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
On fait comme si, dans le processus législatif, toute disposition inscrite dans un texte de loi était définitive. En réalité, on sait bien que certaines choses doivent être corrigées à un moment donné, et c'est fort heureux.
Les sages-femmes elles-mêmes nous disent qu'elles ne sont pas tellement demandeuses de cette extension de compétence. Dès lors, il me paraît utile de prévoir que de telles interventions ne puissent être pratiquées par elles que si aucun médecin ne peut les effectuer sur un territoire donné.
Il faut prendre en compte le fait que la démarche de généralisation va à l'encontre de ce que demandent les professionnels.
L'intervention des sages-femmes dans la pratique de l'IVG vise à répondre à une carence de médecins dans certaines zones. Il n'est pas nécessaire qu'elles viennent se substituer à un médecin si celui-ci est présent et peut pratiquer l'IVG sur son lieu d'exercice.
La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir le sous-amendement n° 533 .
Vous nous dites que faute de médecins, vous allez élargir l'offre médicale en permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales. Dans ce sous-amendement, nous proposons en guise de solution de repli de préciser qu'elles ne peuvent intervenir qu'à la seule condition qu'aucun médecin n'est en mesure de pratiquer d'IVG sur son lieu d'exercice.
Il me semble bon de rappeler deux choses. Premièrement, l'avortement chirurgical est un geste technique dont les conséquences peuvent être lourdes, ce qui renvoie à la question de la formation et de la qualification des sages-femmes. Deuxièmement, l'essence même de leur métier est de donner la vie…
…et non pas l'inverse. Dans ces conditions, certaines d'entre elles ne souhaitent pas pratiquer l'IVG et il faut bien sûr en tenir compte.
Ce sont des sous-amendements de précision. L'élargissement aux sages-femmes de la pratique de l'IVG tend, vous l'avez rappelé, à pallier la carence de médecins et de gynécologues dans certaines zones ; tel est votre objectif. Lorsque des médecins et gynécologues sont disponibles, néanmoins, il n'est pas nécessaire de leur substituer des sages-femmes, notamment pour des raisons tenant à leur statut, et donc à leur responsabilité, dont le ministre a rappelé qu'elle était naturellement liée à l'établissement dans lequel elles exercent.
Il est tout de même difficile de les autoriser à pratiquer l'IVG chirurgicale. Avant de leur confier cette nouvelle compétence, il est en effet nécessaire de clarifier leur statut et de lever la confusion existante, pour assurer les professionnels autant que les femmes d'une prise en charge de qualité, en toute sécurité. La profession – vous le reconnaissez vous-mêmes et ce n'est pas un mystère – n'est pas unanime, tant s'en faut, au sujet de cette nouvelle disposition. Les sages-femmes ont pleinement conscience de la très lourde responsabilité qui leur incombera désormais si nous allons dans ce sens. Or le législateur ne peut pas se prononcer sans tenir compte de leur avis.
Le sous-amendement n° 507 de Mme Nathalie Bassire est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je ne peux pas laisser dire que les sages-femmes ne serviraient qu'à pallier une carence de médecins. Non, une sage-femme exerce une profession à part entière et possède des compétences. Son rôle ne se limite pas aux accouchements ; elle accompagne les femmes au long de leurs parcours, quel qu'il soit, qu'il s'agisse de la prévention, de la contraception, de l'avortement, de l'accouchement, de la sexualité ou de toutes les autres dimensions de leur santé.
Par l'article 1er bis , nous voulons précisément que les sages-femmes, qui exercent une profession médicale à part entière et qui accompagnent les femmes à toutes les étapes de leur vie, puissent pratiquer l'IVG instrumentale. Nous sommes favorables à une généralisation assez rapide car il n'est plus possible d'attendre : chaque année, plusieurs milliers de femmes partent à l'étranger pour avorter. Encore une fois, les sages-femmes ne font pas que répondre à une carence ; leur rôle est essentiel. Avis défavorable aux amendements et aux sous-amendements.
Distinguons entre deux sujets : celui de l'immédiateté de l'accès aux soins et celui, plus général, de l'évolution des métiers et des compétences. Je le dis souvent : la France n'a pas, selon moi, pris la rampe de lancement des pratiques avancées et des coopérations interprofessionnelles – comme en témoignent les revendications catégorielles qui émergent parmi les sages-femmes, les infirmières de bloc, les infirmières anesthésistes diplômées d'État (IADE), les infirmières en pratique avancée (IPA), les kinésithérapeutes qui souhaitent l'accès direct, les orthophonistes, les orthoptistes, et ainsi de suite. Bref, on sent une forte appétence de professions de santé – dont la formation, au reste, est optimale – pour la réalisation d'actes qui leur sont encore interdits. Dès lors, de deux choses l'une : juger cela impossible parce qu'il appartient au médecin de tout faire ou, dans un esprit d'ouverture, considérer que d'autres peuvent aussi intervenir s'ils suivent une formation ad hoc et si toutes les garanties de continuité et de sécurité des soins sont données. Pourquoi pas, si cela permet à des professionnels de s'épanouir et d'évoluer dans leur carrière ? Pourquoi les métiers de la santé seraient-ils figés, sans perspectives d'évolution ? En tant que médecin, je pourfends cette idée ; en tant que ministre, je la combats.
C'est pourquoi nous développons les pratiques avancées et les coopérations interprofessionnelles, et nous permettons à des professionnels de réaliser certains actes qu'hier, ils ne pouvaient pas faire – et c'est tant mieux. Certes, nous subissons la pression d'une démographie médicale qui nous oblige à prendre des mesures pour que d'autres acteurs suppléent les médecins, qui peinent à répondre à toutes les demandes ; ne le nions pas. Mais en l'occurrence, le fond rencontre la forme : c'est très bien ainsi. Permettons à des sages-femmes formées, si elles le souhaitent, de pratiquer des IVG instrumentales. Elles exercent une profession médicale ; donnons-leur cette possibilité – étant entendu qu'elles n'auront évidemment aucune obligation de procéder à cet acte.
Ne parlons pas au nom de la profession, madame Ménard. Autrement, nous pourrions comparer le nombre de professionnels de santé que vous et moi avons croisés depuis deux ans dans l'exercice de nos fonctions respectives. Je vous assure que cette mesure correspond à l'aspiration légitime d'une bonne partie de la profession. Que les parlementaires décident de leur autoriser cette pratique dans de bonnes conditions est une bonne nouvelle.
Au-delà du mépris évident envers le travail exemplaire des sages-femmes qui se manifeste sur les bancs du groupe Les Républicains et autres,…
Depuis le début de l'examen de ce texte, tout ce que vous faites consiste à réduire l'accès à l'IVG.
Vous le faites par cette bataille d'amendements nombreux – on connaît la méthode. Tous ces amendements ne visent qu'à limiter l'accès des femmes à l'IVG. Ce que vous faites dans l'hémicycle, vos amis de la Manif pour tous le font dans la rue en organisant des prières de rue devant les centres d'IVG.
Ce sont de ces pratiques qu'il faut se débarrasser si l'on veut réellement que toutes les femmes puissent accéder à l'IVG, y compris dans le délai des dix semaines.
Je ne peux pas laisser dire que nous aurions le moindre respect pour la profession de sage-femme…
Tout est dit : vous n'avez pas le moindre respect pour les sages-femmes !
Pardonnez-moi, monsieur Lachaud, mais vous n'avez pas le monopole de ce respect et, au nom de l'ensemble du groupe Les Républicains, j'affirme que nous respectons pleinement la profession de sage-femme !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mmes Emmanuelle Ménard et Marie-France Lorho applaudissent également.
Le simple fait que vous mettiez ce respect en doute est une marque de mépris à l'égard du débat parlementaire – mais cela vous regarde, monsieur Lachaud.
J'ai eu l'occasion de dialoguer avec des sages-femmes de ma circonscription. Que m'ont-elles dit ? Que la loi de 2016 leur permet déjà de pratiquer des avortements médicamenteux, mais qu'il leur sera désormais permis de pratiquer un acte chirurgical. Or les IVG instrumentales ne sont pas de même nature ; elles affirment elles-mêmes que ce geste est loin d'être anodin. J'insiste : elles nous alertent sur ce point et s'interrogent sur la sécurité qu'elles pourront garantir à leurs propres patientes, le cadre de leur intervention ayant changé de nature. D'où ma première question, monsieur le ministre : quelles garanties les professionnels qui pratiqueront ce type d'actes auront-ils ?
J'ai déjà répondu trois fois, monsieur Hetzel !
D'autre part, le débat que nous avons est très intéressant car la proposition de loi vise à allonger le délai d'autorisation de l'IVG à quatorze semaines tout en le maintenant à dix semaines pour les sages-femmes : c'est bien la preuve qu'il s'agit d'un acte d'une nature différente ! Mmes les rapporteures prétendent que ce changement n'est pas fondamental, mais le texte prouve précisément le contraire !
Je laisse M. Lachaud à ses élucubrations. Quel manque de respect pour le débat sur un sujet si important, et pour les sages-femmes qui font le plus beau métier du monde !
C'est vous, madame Battistel, qui avez mis en avant l'argument – les rapporteures sont les premières à l'avoir utilisé – selon lequel les sages-femmes sont aussi là pour permettre aux femmes d'accéder plus facilement à l'IVG.
En 2016, lors des débats sur le projet de loi de modernisation du système de santé, les sages-femmes avaient justement exposé l'argument, au sujet de l'IVG chirurgicale, selon lequel les médecins manquaient de main-d'œuvre pour pratiquer des avortements. Ce n'est pas moi qui l'ai dit ; je n'étais pas élue à l'époque. J'ai déjà cité Sophie Eyraud, coprésidente de l'Association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception : les sages-femmes seraient selon elle de la main-d'œuvre assurée pour pallier les difficultés de recrutement et le fait que les gynécologues-obstétriciens répugnent à faire ce geste. Encore une fois, ce n'est pas moi qui le dis, ni mes collègues du groupe Les Républicains ; ces arguments ont été présentés lors des débats sur la loi de 2016 et vous pourrez les retrouver. Cessez donc de nous renvoyer des arguments que vous utilisez quand cela vous arrange mais que vous ne souhaitez plus entendre quand nous vous les adressons !
Cet amendement de précision vise à substituer à l'expression « lieu d'exercice » celle de l'établissement de santé, pour assurer que les sages-femmes pratiquent bien les actes visés dans un établissement de santé.
Ces sous-amendements, à leur tour de précision, vise à indiquer que les établissements en question sont publics ou privés.
Le sous-amendement n° 502 de Mme Nathalie Bassire est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je demande le retrait de ces amendements et sous-amendements au profit de l'amendement n° 432 que présentera dans un instant le groupe La République en marche.
Je comprends le souhait de la rapporteure que nous retirions notre amendement afin que soit adopté un amendement de la majorité, mais j'indique que son contenu est identique au nôtre. Pour un débat serein, bravo ! Votre dogmatisme n'a aucune limite.
Si l'amendement était identique, il aurait été examiné en même temps que le vôtre. Vous êtes parlementaire, vous devriez connaître les règles d'organisation du débat !
La parole est à Mme Cécile Muschotti, pour soutenir l'amendement n° 432 rectifié .
En effet, cet amendement aurait été défendu en même temps que les précédents s'ils avaient été parfaitement identiques.
Pour des raisons tenant là aussi à la sécurité des soins et aux pratiques des professionnels, il vise à préciser que les sages-femmes ne pourront pratiquer une IVG chirurgicale que dans un établissement de santé.
L'amendement n° 432 rectifié , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement n° 457 .
Il vise à supprimer la différenciation entre les compétences des médecins et celles des sages-femmes s'agissant de l'IVG chirurgicale par aspiration. Précisons que la procédure et les risques sont les mêmes, que l'IVG soit pratiquée à la dixième ou à la quatorzième semaine. Aussi, les sages-femmes sont tout à fait compétentes, après formation, pour réaliser une IVG jusqu'à la fin de la quatorzième semaine de grossesse, tout comme leurs confrères médecins. Il n'est donc aucunement justifié de limiter leur exercice de l'IVG à la dixième semaine. Les sages-femmes attendent que soient pleinement reconnus leurs compétences et leur travail ; cet amendement va dans ce sens.
Cet amendement déposé à l'initiative d'Annie Chapelier va dans le sens d'une proposition de mon rapport en première lecture, qui consistait à ne pas limiter à la dixième semaine de grossesse la possibilité pour les sages-femmes de réaliser une IVG chirurgicale. Avis favorable.
Le Conseil national de l'Ordre des sages-femmes reconnaît que « la capacité d'effectuer une IVG instrumentale ne peut pas être ouverte à l'ensemble des sages-femmes ». Pour que celles-ci puissent exercer pleinement cette compétence, il importe donc qu'elles suivent une formation complémentaire leur permettant de réaliser l'ensemble des actes nécessaires à un avortement instrumental, mais aussi qu'elles justifient d'une d'expérience minimale.
Le Conseil national de l'Ordre des sages-femmes reconnaît que « la capacité d'effectuer une IVG instrumentale ne peut pas être ouverte à l'ensemble des sages-femmes ». Pour que celles-ci puissent exercer pleinement cette compétence, il importe donc qu'elles suivent une formation complémentaire leur permettant de réaliser l'ensemble des actes nécessaires à un avortement instrumental, mais aussi qu'elles justifient d'un minimum d'expériences spécifiques en la matière. Il y a quelques instants, monsieur le ministre, vous avez fait un plaidoyer en faveur de la pratique avancée. Ne faut-il pas considérer que la possibilité que l'on donnerait aux sages-femmes de réaliser des avortements sous forme chirurgicale constituerait une pratique avancée ? Cela permettrait en effet de sécuriser l'acte, tant pour les professionnelles que pour les patientes. Je vous prends donc au mot, monsieur le ministre. Comment réagissez-vous à cette proposition ?
Il faut redire que la pleine compétence orthogénique des sages-femmes nécessite au préalable une formation complémentaire associée à une pratique suffisante. La capacité d'effectuer une IVG instrumentale ne peut pas être ouverte du jour au lendemain à l'ensemble des sages-femmes. Celles-ci en sont d'ailleurs bien conscientes elles-mêmes. Certaines refusent de réaliser de tels actes pour des raisons morales ou idéologiques mais d'autres parce qu'elles ne pensent pas en avoir la capacité. Une formation complémentaire et une pratique entourée par du personnel compétent, me semblent donc nécessaires au préalable. Lorsqu'elles seront acquises, peut-être pourra-t-on se poser la question de l'extension des compétences.
Je suis un peu gênée par ces amendements car ce qu'ils proposent d'ajouter est déjà précisé au quatrième alinéa de l'article 1er bis . Je suis d'accord avec vous, chers collègues : il faut sécuriser les choses. Nous n'allons pas obliger les sages-femmes à mettre en œuvre immédiatement cette nouvelle pratique sans formation. Il est ainsi indiqué qu'un décret précisera « les modalités de mise en œuvre relatives à la formation exigée et les expériences attendues […] ». J'émets donc un avis défavorable à l'ensemble des amendements et sous-amendements.
Ce que nous demandons, ce n'est pas qu'un décret précise ces modalités, mais que ce soit l'alinéa 2 qui précise que « pour pouvoir exercer pleinement cette compétence, la sage-femme peut à la fois suivre une formation complémentaire lui permettant de réaliser l'ensemble des actes nécessaires à un avortement instrumental, mais aussi avoir des expériences minimales spécifiques ».
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question sur la pratique avancée. En réalité, vous fuyez le débat : vous pourriez répondre aux questions que nous vous posons et qui sont celles des professionnels – en l'occurrence des sages-femmes –, mais vous ne le faites pas. Il y a beaucoup de faux-semblants derrière tout cela car, dès que nous posons des questions précises sur des sujets relevant de vos compétences ministérielles, en l'espèce les pratiques avancées, il n'y a plus personne au banc pour répondre. C'est fort curieux !
Depuis tout à l'heure je me tais, mais je voudrais tout de même intervenir. Vous considérez que vous ne méprisez pas la profession des sages-femmes, chers collègues, mais vous ne la connaissez pas. Vous voulez mentionner leur expérience dans un texte de loi, mais comment allez-vous juger de leurs capacités ? Savez-vous qu'au cours de leurs années d'études, elles effectuent des stages obligatoires afin de découvrir de nombreux services et des gestes divers ? Peut-être pourrait-on considérer qu'à la fin de leurs études, elles maîtrisent déjà les gestes de base qui pourront leur permettre de suivre la formation supplémentaire pour réaliser ensuite des IVG instrumentales. Quand on dit aimer une profession, il faut la connaître, et connaître la formation qui y mène. En outre, si l'alinéa 4 précise qu'une formation sera proposée par décret, c'est pour que celle-ci fasse l'objet d'une discussion avec l'Ordre des sages-femmes.
Enfin, les sages-femmes ne sont pas là que pour donner la vie, comme on l'a souvent entendu depuis tout à l'heure. Heureusement que des sages-femmes sont présentes dans les services d'oncologie pour accompagner les patientes souffrant de cancers gynécologiques. Ne nous trompons pas de sujet : elles ont un métier magnifique et celles qui ne souhaiteront pas pratiquer d'IVG instrumentales ne suivront pas la formation et n'accompliront pas ce geste, tout simplement.
L'amendement n° 470 n'est pas adopté.
Je suis saisie d'une série amendements, n° 168 , 304 , 167 , 226 , 302 , 166 , 300 , 164 , 296 , 469 , 165 et 298 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 168 et 304 sont identiques. C'est aussi le cas des amendements n° 167 , 226 et 302 , qui font l'objet de trois sous-amendements. Les amendements n° 166 et 300 sont identiques eux aussi, de même que les amendements n° 164 , 296 et 469 , faisant l'objet de trois sous-amendements, et de même que les amendements n° 165 et 298 .
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 168 .
Rassurez-vous, madame Fiat, nous sommes un certain nombre à nous être penchés sur la question des formations des sages-femmes, mais ce n'est pas l'objet du débat de ce soir. Ce qui est en jeu, toutefois, ce sont les compétences. Vous ne pouvez pas nier ce que m'ont dit celles que j'ai rencontrées : elles ne disposent pas des compétences nécessaires et elles ont besoin de les acquérir. Elles craignent que le législateur ne les contraigne à accomplir des actes qu'elles n'ont jamais pratiqués. La question de la formation est donc réelle, raison pour laquelle nous souhaitons qu'un certain nombre de points soient précisés directement dans le texte de loi et non pas simplement par décret.
Par ailleurs, madame Fiat, je vous trouve habituellement beaucoup plus allante pour préciser les choses dans la loi plutôt que de laisser faire le Gouvernement ! Je suis assez étonné que votre argumentation soit parfois à géométrie variable, en fonction de vos orientations militantes.
Mme Caroline Fiat s'exclame.
L'amendement n° 304 de M. Frédéric Reiss est défendu.
Les amendements identiques n° 167 de M. Patrick Hetzel, 226 de Mme Anne-Laure Blin et 302 de M. Frédéric Reiss sont défendus.
Les sous-amendements n° 505 de Mme Nathalie Bassire, ainsi que 514 et 492 de Mme Emmanuelle Ménard, sont défendus.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 166 .
Il vise à faire en sorte que les actes chirurgicaux que le législateur aurait la volonté de confier aux sages-femmes entrent dans un cadre de pratique avancée au sein de la profession. Une nouvelle fois, le Gouvernement y serait-il favorable ou opposé, monsieur le ministre ? Nous avons le droit de savoir, non ?
Nous pensons que les sages-femmes doivent pouvoir justifier d'une pratique suffisante et régulière, dans un établissement de santé, des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses – qu'elles réalisent déjà aujourd'hui – avant de pouvoir aller plus loin.
La question que nous avons déjà soulevée à plusieurs reprises est posée par les professionnelles elles-mêmes, ce n'est pas une lubie du groupe Les Républicains ! Elle est ressortie des échanges que nous avons eus avec un certain nombre d'entre elles. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les éléments sur lesquels vous vous fondez pour faire fi des précisions que nous souhaitons apporter à la proposition de loi ?
Je me demande si le présent amendement ne pourrait pas s'inscrire dans la continuité de l'amendement n° 432 rectifié , que nous venons d'adopter, et dont l'exposé sommaire précise : « Pour des raisons de sécurité des soins, et de pratiques des professionnels, il apparaît opportun de réserver la pratique des IVG instrumentales par les sages-femmes à un environnement hospitalier. » Nous en convenons, et madame la rapporteure l'a dit : il va falloir préciser l'accompagnement et la formation dont bénéficieront les sages-femmes, afin de faire en sorte que les choses se passent le mieux possible. Ce point peut nous rassembler. Il me semble donc important de préciser que la pratique des IVG instrumentales est réservée aux sages-femmes pouvant justifier d'une formation pratique suffisante. La pratique et la formation sont toutes deux importantes ; autant s'assurer de leur existence. C'est ce que propose le présent amendement de précision.
Défavorable également.
Je reviens à cette question très simple : si l'on s'oriente vers la réalisation d'IVG chirurgicales par des sages-femmes, ne serait-il pas pertinent que cela se fasse dans le cadre de la pratique avancée ? Celle-ci a été instaurée dans d'autres professions, comme celle des infirmières. Vous semblez regarder le plafond de l'hémicycle, monsieur le ministre. Pourriez-vous simplement donner la position du Gouvernement sur cette question simple : vous semble-t-il pertinent d'instaurer un dispositif de pratique avancée pour la profession des sages-femmes ?
Je vais répondre à M. Hetzel, sinon on va y passer la nuit.
La loi – certes récente, mais nul n'est censé l'ignorer – dispose que la pratique avancée concerne les professions paramédicales. Or la profession de sage-femme est une profession médicale ,
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe LaREM
qui n'a donc pas besoin de la pratique avancée. C'est la raison pour laquelle je ne vous répondais pas, monsieur Hetzel, pour ne pas être désobligeant. Nous avons même évoqué cette loi lundi dernier, dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il vise à supprimer l'alinéa 3. Celui-ci prévoit d'allonger le délai d'accès à l'IVG médicamenteuse à domicile à sept semaines de grossesse, inscrivant ainsi dans la loi des dispositions de l'arrêté du 14 avril 2020. Celui-ci avait été pris, vous l'avez rappelé monsieur le ministre, à titre exceptionnel et dérogatoire pendant la crise sanitaire liée au coronavirus. Le code de la santé publique prévoit qu'au-delà de cinq semaines, l'IVG médicamenteuse répond à un protocole très spécifique, en milieu hospitalier, en vue d'assurer la sécurité sanitaire des femmes qui y ont recours. En effet, plus les IVG interviennent tardivement, plus les risques d'hémorragie sont élevés. Il convient par ailleurs de rappeler que les antalgiques préconisés dans le cadre de ces IVG ne sont pas anodins : il s'agit de paracétamol associé à de l'opium ou à de la codéine. Pour la sécurité des femmes, il me semble qu'il convient de maintenir à cinq semaines le délai d'accès à l'IVG médicamenteuse à domicile et non pas d'élargir ce délai comme vous le proposez dans la proposition de loi.
L'amendement 432 rectifié , issu de la majorité et qui a été adopté, prévoit que les sages-femmes ne réalisent d'IVG chirurgicale qu'au sein d'un établissement de santé. Cela confirme le fait que l'alinéa 3 de l'article 1er bis peut susciter bien des interrogations.
Le code de la santé publique dispose qu'au-delà de cinq semaines, l'IVG médicamenteuse requiert un protocole très spécifique, en milieu hospitalier ; le guide édité par l'État sur la question de l'IVG appelle à la vigilance en raison des risques d'hémorragie accrus qu'entraîne une intervention plus tardive. Une fiche consacrée par la Haute Autorité de santé (HAS) à l'IVG médicamenteuse pratiquée hors de l'hôpital, dans le contexte de l'épidémie de covid-19, à la huitième ou neuvième semaine d'aménorrhée précise : « Les patientes sont informées de la survenue de douleurs importantes dont la prise en charge est anticipée, et de la préconisation de ne pas rester seule à domicile. » Être seule à domicile en pareil cas, cela peut arriver : il y a là matière à réflexion. Pour la sécurité des femmes, est-il opportun de conserver l'alinéa 3 ?
Monsieur le ministre, vous feignez de ne point comprendre notre question. Si la définition juridique des pratiques avancées concerne effectivement les professions non médicales, rien n'empêche de développer un dispositif similaire pour les sages-femmes, par exemple. Tout à l'heure, vous plaidiez pour l'innovation : vous voilà soudain beaucoup moins innovant !
C'est fou, quand même !
Par ailleurs, pour en revenir à l'article, l'une des recommandations de la HAS associées aux mesures entraînées par la crise sanitaire a trait aux risques que comporte une IVG à domicile au-delà de cinq semaines de grossesse, risques qui justifient d'ailleurs que, jusqu'à présent, ces cinq semaines aient constitué le délai de droit commun. Nous aimerions donc comprendre ce qui pourrait légitimer l'extension de ce délai, entendre sur cette question le point de vue du Gouvernement, et pas seulement « favorable » ou « défavorable ».
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 231 .
Le texte vise à intégrer à la législation le délai supplémentaire fixé par arrêté ministériel en raison de circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Or les IVG médicamenteuses ne sont pas dénuées de conséquences, ce qui explique que le code de la santé publique dispose qu'au-delà de cinq semaines, elles doivent être réalisées à l'hôpital. Mes collègues l'ont dit : c'est la sécurité des femmes qui est en jeu. Il convient donc de supprimer l'alinéa 3 de cet article.
Afin de compléter les arguments de mes collègues, j'ajouterai que nous avons adopté à l'article 1er le principe de la possibilité d'une IVG jusqu'à la fin de la quatorzième semaine de grossesse ; cette fois, c'est le délai légal de l'IVG médicamenteuse à domicile qui serait prolongé de deux semaines, alors que cette extension constituait une dérogation due à la crise sanitaire et que la sagesse commande, en temps normal, de s'en tenir au droit en vigueur.
L'amendement n° 435 de Mme Nathalie Serre est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Supprimer cet alinéa reviendrait à supprimer la possibilité, testée avec succès durant la crise sanitaire, de pratiquer jusqu'à sept semaines de grossesse des IVG médicamenteuses hors de l'hôpital. En 2020, j'ai corédigé avec Cécile Muschotti un rapport d'information portant sur l'accès à l'IVG. Ce travail nous a permis de rencontrer nombre d'acteurs à travers le territoire : tous se sont montrés favorables à cette expérimentation.
Mme Anne-Laure Blin proteste.
M. le ministre complètera certainement mon propos, mais celle-ci, je le répète, s'est révélée satisfaisante, sans problème particulier. Afin de conserver cette possibilité, j'émets un avis défavorable aux amendements.
Même avis. Pendant la crise du covid-19, il fallait permettre aux femmes…
…de procéder à une IVG à domicile, y compris grâce à la téléconsultation. Un arrêté pris dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire y a donc pourvu ; cela s'est très bien passé, à telle enseigne que nous l'avons prorogé lorsqu'a été prolongé cet état d'urgence,…
…puis dans le cadre des mesures dérogatoires liées à sa sortie. Comme tout continuait de se passer à merveille, j'ai saisi la HAS. Vous faites non de la tête, madame Blin, mais si !
De votre côté, sans doute êtes-vous plus qualifiée que la HAS, laquelle nous a répondu que non seulement nous pouvions pérenniser cette possibilité, mais que ce serait une bonne chose. Un décret en Conseil d'État sera donc publié en ce sens avant l'été ; en attendant, l'arrêté continue de s'appliquer. Je vous confirme que l'avortement pourra être pratiqué à domicile jusqu'à sept semaines de grossesse, y compris grâce à la téléconsultation, ce qui constitue une avancée supplémentaire, elle aussi avalisée par les autorités sanitaires et scientifiques – même si elle ne va pas dans votre sens !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sur l'article 1er bis , je suis saisie par les groupes La République en marche et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 438 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 17 de Mme Marie-France Lorho est défendu.
L'amendement n° 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 438 .
Il vise à reformuler le quatrième alinéa de l'article 1er bis afin de prévoir les modalités de l'extension de la compétence des sages-femmes aux IVG par voie chirurgicale, notamment en matière de formation, d'expérience et de rémunération. Cela répondrait, chers collègues, aux attentes que vous avez exprimées tout à l'heure : j'espère donc que vous adopterez cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 41
Contre 13
L'amendement n° 438 est adopté ; en conséquence, les amendements identiques n° 117 , 172 , 232 , 241 , 311 et 400 tombent, de même que les amendements identiques n° 118 , 173 , 245 , 316 et 401 , les amendements identiques n° 119 , 174 , 235 , 246 , 318 et 402 et les amendements identiques n° 120 , 175 , 236 , 253 , 319 et 403 .
L'amendement n° 18 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Puisque la pratique de l'IVG instrumentale par les sages-femmes au sein des établissements de santé fait l'objet d'une expérimentation en cours, inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et destinée à durer trois ans, mieux vaudrait que le rapport prévu par l'alinéa 5 de l'article soit remis ne serait-ce qu'à mi-parcours de celle-ci, c'est-à-dire dans un délai de dix-huit mois et non d'un an à compter de la promulgation du texte. Madame Battistel, vous évoquiez l'avis favorable de la HAS ; cela n'empêche pas que l'intérêt des expérimentations réside dans un recul suffisant, ce qui ne sera pas le cas en l'occurrence.
Les amendements identiques n° 237 de Mme Anne-Laure Blin et 321 de M. Frédéric Reiss sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
L'amendement n° 439 rectifié de Mme la rapporteure Battistel est rédactionnel.
L'amendement n° 439 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 42
Contre 14
L'article 1er bis , amendé, est adopté.
L'examen de cette proposition de loi donne une impression de précipitation.
…tout accélérer. Nous savons pourtant que sur des sujets aussi importants, la vitesse est souvent préjudiciable à la réflexion. En un seul texte, il s'agit, je le répète, de biffer tout ce qui existe, tout ce que nos prédécesseurs ont élaboré, au nom d'une prétendue liberté de choix. Ainsi, le délai de réflexion infantiliserait les femmes ! Madame la rapporteure, vous ne nierez pas le caractère purement subjectif de cet argument. Prendre le temps de réfléchir n'est pas un signe de faiblesse ou d'immaturité ! Dois-je rappeler qu'après un achat, nous disposons d'un délai de rétractation ?
Une femme fragilisée par une grossesse non désirée a bien le droit de douter et, en effet, d'être libre de son choix ! Vous-même avez évoqué le risque de pressions psychologiques, sociales, familiales ; votre empressement, votre désir de précipiter la décision ne revient-il pas à en exercer une ? L'examen de l'article 1er ter doit nous permettre de bien réfléchir, tous ensemble, à l'utilité de ce délai de réflexion, qui en aucun cas ne porte atteinte à la liberté de la femme de se faire avorter si elle le souhaite.
La question des délais de réflexion avait déjà surgi lors de nos débats sur la révision des lois de bioéthique. Deux interprétations sont possibles : soit l'existence de ce délai constitue un moyen de pression visant à dissuader les femmes d'avorter, soit sa suppression reviendra à faire pression sur elles afin qu'elles avortent. Cependant, quel que soit leur choix, il influera sur toute leur vie : c'est pourquoi la question du discernement personnel mérite réflexion.
L'acte en lui-même n'est pas anodin et résulte d'un véritable choix. La femme a cette liberté de choisir, en prenant le temps – et ce temps est parfois nécessaire. Que représentent finalement quarante-huit heures comparées à quatorze semaines, puisque vous souhaitez allonger de deux semaines le délai légal de recours à l'IVG ? Il s'agit d'un temps relativement court au vu de l'acte en lui-même, qui aura potentiellement des conséquences sur une vie si la femme renonce in fine à mettre un terme à sa grossesse.
Compte tenu de l'impact de la décision, il est souhaitable de maintenir cet ultime moment de réflexion après l'entretien psychosocial préalable, qui permet lui-même d'approfondir cette réflexion ; si l'acte intervenait immédiatement après l'entretien, la femme n'aurait pas le temps d'y réfléchir et d'opérer son choix en toute liberté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 20 .
Alors qu'il est de plus en plus question des violences exercées à l'encontre des femmes par leur conjoint, je m'étonne de la volonté des rapporteures de supprimer ce délai de réflexion, déjà très court. Il peut permettre à une femme, incitée à avorter sous la pression de son conjoint, de trouver un recours face à cette demande. En voulant à tout prix aller plus loin dans l'extension de l'avortement, vous n'envisagez pas ce type de situations.
Telle est d'ailleurs l'orientation générale de votre texte, qui sanctuarise le droit à l'avortement, pris comme un absolu, en oubliant la signification même de ce geste. Comme le soulignait le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, professeur de droit : « d'une dérogation [à l'avortement en 1975], nous sommes passés à une liberté, d'une liberté à un droit. De l'exception à une forme de banalisation. Il y a là un glissement considérable. Une rupture même. »
Nous le répétons : l'avortement n'est pas un acte anodin. Or supprimer tout délai de réflexion revient à en faire un acte anodin et je m'y oppose.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement n° 30 .
La liberté de choix n'est réelle que lorsque ce choix est éclairé. En 2016, le délai de réflexion est déjà passé de sept à deux jours ; deux jours, c'est le temps qui permet d'échanger avec des proches, de prendre en considération un nouvel avis médical, d'assimiler les arguments et les possibilités énoncés par le médecin, ou encore de passer, comme le rappelait notre collègue Thibault Bazin, un entretien psychosocial.
Je pourrais dresser la liste des délais de réflexion incompressibles existant dans le domaine commercial. Or nous évoquons aujourd'hui un choix bien plus grave, qui a des implications sur la vie des patientes et sur d'autres vies plus importantes encore. Pourtant, vous voudriez supprimer ce délai de réflexion. Je ne pense pas que ce soit un progrès.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 41 .
Comme notre collègue Di Filippo vient de le rappeler, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a supprimé le délai de réflexion de sept jours entre la première consultation pour une IVG et la deuxième, au cours de laquelle la femme doit confirmer sa demande par écrit. Cependant, en vertu de l'article L. 2212-4 du code de la santé publique, la loi prévoit qu'un entretien préalable supplémentaire doit être systématiquement proposé, « au cours duquel une assistance ou des conseils appropriés à la situation de l'intéressée lui sont apportés. » Cet entretien est en outre rendu obligatoire pour les femmes mineures.
Un délai de réflexion de deux jours a été maintenu pour toutes les femmes qui assistent à cet entretien préalable, avant de pouvoir confirmer par écrit leur demande d'IVG. Supprimer ce délai, déjà très court, alors que l'acte d'interruption volontaire de grossesse n'est pas anodin, qu'il scelle le destin d'une existence humaine et peut être traumatisant, revient à ne pas respecter les femmes, notamment mineures.
Enfin, au risque de vous faire hurler – mais notre collègue Nathalie Bassire l'a déjà évoqué –, le moindre achat sur internet, par téléphone ou par voie postale, est soumis à un délai de rétractation. La loi impose également un délai de deux semaines de réflexion avant de recourir à une chirurgie esthétique. Expliquez-moi pourquoi il ne serait pas possible de bénéficier de deux jours de réflexion dans le cadre d'une IVG. Je ne comprends pas l'argument que vous nous opposez systématiquement, selon lequel accorder un délai de réflexion à une femme qui souhaite avorter serait infantilisant. C'est l'inverse, au contraire.
La femme aura toujours la possibilité de prendre le temps de la réflexion.
Un tel article, qui vise à supprimer le délai de réflexion avant de recourir à un acte aussi grave que celui dont nous parlons, n'est pas opportun. Il s'agit d'un sujet sensible, qui relève de l'éthique et qui touche à la conception de la vie.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 123 .
La loi Veil avait prévu un temps de réflexion, évidemment important, assurant une forme d'équilibre : la gravité de la situation était mise en avant. Nous nous éloignons peu à peu de la lettre et de l'esprit de la loi, alors que pratiquer une IVG est une décision majeure. Sans porter de jugement sur les femmes qui y ont recours, on peut admettre que prévoir quarante-huit heures de réflexion ne soit pas superfétatoire.
Notre collègue l'a dit : des actes tels que le recours à la chirurgie esthétique engagent un délai de réflexion beaucoup plus long – de deux semaines. Quels que soient nos points de vue relatifs à l'IVG, ce temps non seulement de sérénité mais aussi de recul et d'introspection nous paraît donc indispensable. Je ne sous-estime pas l'urgence de certaines situations mais, par pitié, cessons de mettre les femmes sous pression, arrêtons de vouloir réduire encore et encore ce temps qui n'est jamais suffisant et de faire en sorte que la prise de décision intervienne immédiatement, sous la pression, je le répète. Ce n'est ni faire preuve de respect envers les femmes ni assurer leur sécurité dans ce type de situations, fussent-elles dramatiques.
Une fois n'est pas coutume, je vais lire une intervention de Mme Marisol Touraine – dont vous conviendrez qu'elle n'adhérait pas au groupe Les Républicains –, en commission des affaires sociales, sur ce sujet : « La suppression du délai de réflexion ne fait pas partie des mesures que j'ai proposées, et je ne suis pas sûre qu'elle soit de nature à faciliter l'accès au droit [à l'IVG]. Certaines situations particulières, j'en ai conscience, peuvent exiger une accélération de la procédure ; ainsi, lorsque la grossesse est à un stade avancé, le délai est d'ores et déjà raccourci. On peut aussi envisager un raccourcissement du délai dans les cas d'IVG pratiquées par voie médicamenteuse, autorisée pendant les cinq premières semaines de la grossesse. Dans la plupart des cas, cependant, le délai de réflexion est utile. Doit-il rester fixé à sept jours ? La question peut être posée ; mais, en tout état de cause, je suis défavorable à sa suppression, car la décision qui est en jeu, si elle est un droit absolu, est évidemment tout sauf banale. » C'est une femme de gauche, ayant exercé la fonction de ministre des affaires sociales et de la santé, qui le dit et c'est pourquoi je me permets de reprendre cette citation.
Vous m'opposerez sans doute que cette déclaration est datée ; elle remonte en effet à quelques années. Mais je veux vous interpeller sur cette question dans la mesure où les propos de Mme Touraine, qui méritent d'être rappelés, démontrent que ce point de vue n'est pas exclusivement défendu par une droite réactionnaire. Il existe d'autres avis que le vôtre et j'aimerais qu'ils soient entendus et respectés. Pour l'heure, vous refusez absolument de faire évoluer votre texte, ce qui relève, contrairement à ce que vous affirmez, d'une position dogmatique.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 240 .
Depuis que nous avons entamé l'examen de cette proposition de loi en deuxième lecture, vous vous faites les porte-parole de la voix des femmes. Comme je l'ai souligné hier soir, vous n'avez pas le monopole de la parole des femmes.
Au fur et à mesure de l'examen de ce texte, nous constatons que vous voulez avancer à marche forcée. Vous avez allongé le délai légal d'IVG de douze à quatorze semaines, vous enlevez aux femmes tous les moyens de réflexion, vous voulez supprimer – nous en parlerons ultérieurement – la clause de conscience spécifique des médecins. Vous faites tout pour que les femmes n'aient finalement qu'un seul choix : celui d'avorter. Aujourd'hui, les femmes ont la possibilité de réfléchir. Pourquoi leur enlever ce droit ? Avez-vous peur à ce point qu'elles puissent changer d'avis…
…pour leur ôter ces quarante-huit heures de réflexion ? Les précédents gouvernements ont déjà supprimé les entretiens préalables et ont fait passer le délai de sept jours à quarante-huit heures. De quoi avez-vous peur ?
Faites-vous aussi peu confiance aux femmes ? Celles-ci savent précisément ce qu'elles veulent mais elles ont aussi – c'est une femme qui vous le dit – besoin de réfléchir face à des situations délicates. Je ne crois pas qu'en tant que législateurs nous devions réfléchir à leur place et leur enlever tout droit à la réflexion. Il serait au contraire tout à notre honneur de leur laisser le droit de réfléchir, afin qu'elles puissent prendre la meilleure des décisions pour leur avenir.
La suppression du délai de réflexion de quarante-huit heures – déjà très court – avant la pratique d'une IVG est une erreur majeure. Cela signifie, à mes yeux, que vous ne souhaitez pas que la femme réfléchisse, et votre démarche me semble infantilisante à son égard. Supprimer ce délai pour une femme majeure pose problème, mais le faire pour une mineure, plus fragile, est contraire à toute forme de progrès. Les femmes ont besoin d'un délai de réflexion avant de prendre une décision d'une telle gravité. Chacune doit donc pouvoir continuer à bénéficier d'un délai de réflexion de quarante-huit heures.
L'amendement n° 437 de Mme Nathalie Serre est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
L'article 1er ter avait été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative de notre collègue Cécile Muschotti et visait en effet à supprimer le délai de quarante-huit heures qui persiste entre l'entretien psychosocial préalable et l'interruption volontaire de grossesse elle-même.
Premièrement, il n'y a pas d'atteinte à la liberté de choix des femmes.
Deuxièmement, nous ne supprimons pas la possibilité de réflexion pour celles qui le souhaitent : l'objectif est de permettre à celles qui sont parfaitement décidées à le faire sans attendre deux jours supplémentaires.
Vous expliquez que cette attente permettait d'opérer un choix de manière plus éclairée. Souvenons-nous des débats sur l'article 1er , qui a été adopté. Quand nous avons proposé d'allonger de deux semaines le délai de recours à l'IVG, vous n'y étiez pas favorables.
Non, madame Blin. Voulez-vous que je répète, si vous n'avez pas compris ? Il n'y a aucune atteinte à la liberté de choix et nous ne retirons pas aux femmes la possibilité de réfléchir : elle pourront continuer à le faire pendant un, deux, trois ou quatre jours si elles le souhaitent. En revanche, celles qui auront pris leur décision ne seront pas obligées d'attendre deux jours supplémentaires. Tel est l'objet de cet article. Avis défavorable.
Les heures passent et les oppositions se clarifient : il y a, d'un côté, la volonté d'offrir une plus grande liberté de choix aux femmes qui souhaitent avorter et, de l'autre, la volonté de multiplier les étapes et les difficultés pour contraindre celles-ci à ne plus avoir le choix. Voilà ce qui se passe dans cet hémicycle.
Par ailleurs, vous faites des comparaisons pour le moins troublantes. Non seulement vous l'écrivez, mais vous le répétez dans l'hémicycle : vous comparez un avortement à l'achat d'une voiture. C'est tout de même particulier ! Vous le banalisez…
Non. Vous écrivez que même lors de l'achat d'une voiture, on dispose d'un délai de rétractation.
Ne comparons pas l'avortement à l'achat d'une voiture.
J'ajoute que les femmes ont le temps de réfléchir. Lorsqu'elles effectuent une démarche d'IVG, elles ont souvent réfléchi en amont pendant bien plus de quarante-huit heures. Vous partez du principe que ces femmes commencent à s'interroger sur leur avortement lorsqu'elles arrivent à l'entretien préalable. Mais cela ne se passe pas du tout ainsi ! En général, lorsqu'elles viennent à l'entretien, la décision est déjà prise.
Elles peuvent être ébranlées par la discussion et vouloir prendre encore le temps de la réflexion. Rien ne les y empêche.
Ne bloquons pas celles qui sont décidées à le faire – je vous assure que dans ce cas, attendre n'est pas une partie de plaisir. Quand une femme a réellement envie d'avorter, ce n'est pas lui rendre service que de lui imposer un délai supplémentaire de quarante-huit heures. Nous défendons la liberté de choix des femmes, sans les infantiliser : elles sont assez grandes pour mener leur propre réflexion, sans être constamment soumises à un regard extérieur ou à l'injonction de réfléchir – comme si elles n'en étaient pas capables.
Il faut un délai de réflexion ! On n'est pas en train de choisir un produit !
Cet article, s'il est voté, n'empêchera aucunement les femmes qui le souhaitent de bénéficier d'un délai de réflexion. En revanche, il respectera la décision de celles qui, après avoir mûre réflexion, ont pris leur décision – au reste, toute femme qui recourt à l'IVG l'a mûrement réfléchi. Nous ne voulons pas leur infliger un délai supplémentaire et obligatoire de quarante-huit heures : ce seraient quarante-huit heures de trop.
Je tiens par ailleurs à dissiper un fantasme que semble nourrir la proposition de loi : à vous entendre, si nous garantissions un meilleur accès à l'IVG, nous verrions des hordes de femmes se précipiter pour avorter – comme si, dans nos parcours de vie, nous n'avions qu'une idée en tête, tester l'IVG ! Au risque de vous surprendre, le passage par la case avortement n'est jamais prévu, quels que soient nos parcours de vie.
En revanche, une chose est sûre : nous attendons que la société respecte notre choix. Décider d'avorter n'est pas une partie de plaisir. Ce n'est pas anodin. Cessez de vouloir qualifier le choix des femmes à leur place, et de croire que, si le droit à l'avortement est davantage garanti et effectif, les femmes vont y recourir massivement. C'est méconnaître complètement le parcours de vie des femmes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis étonnée de vous voir pétris de tant de certitudes. Pour avoir discuté avec des femmes qui ont dû recourir à l'IVG, je peux témoigner que leurs situations sont diverses : tout n'est pas aussi simple que vous le dites. Quand elles se présentent à l'entretien préalable, toutes n'ont pas déjà pris leur décision, et certaines souhaitent encore réfléchir.
De plus, ne vous en déplaise – je sais que vous y accordez peu d'importance –, elles sont parfois accompagnées par un compagnon, voire, plus rarement, par une compagne. Vous sous-estimez le poids que ce compagnon peut avoir dans leur choix, car vous n'avez qu'un mot à la bouche : les femmes sont libres et ont le droit de disposer de leur corps comme elles l'entendent.
Soyez conscients que des hommes pèsent parfois dans la décision des femmes, dans un sens ou dans l'autre : certains leur demandent de ne pas avorter, d'autres de le faire alors qu'elles n'en ont pas l'intention. Nous devons prévoir ces situations, même si elles ne constituent pas le cas général. Dans ces circonstances, le délai de quarante-huit heures protège les femmes.
Il protège les femmes qui désirent avorter contre l'avis de leur compagnon, puisqu'il leur donne quarante-huit heures pour le convaincre que c'est le meilleur choix pour leur couple, avec l'appui des services et des médecins qui les accompagnent. À l'inverse, quand une femme veut garder l'enfant alors que son compagnon ne le veut pas,…
…ce délai lui permet de s'affranchir d'une décision qui lui serait imposée sur-le-champ. Sans ces quarante-huit heures, son compagnon pourrait lui intimer d'avorter immédiatement.
Rien n'est imposé ! C'est simplement l'obligation de respecter ce délai qui est levée.
Vous poussez des cris d'orfraie, mais bon sang, ouvrez les yeux ! La vie est parfois compliquée, et certaines situations peuvent être difficiles : tout n'est pas tout noir ou tout blanc. En supprimant le délai de réflexion de quarante-huit heures, vous ne protégez plus les femmes – car dans certains cas, ce délai peut être protecteur, ne vous en déplaise.
M. Nicolas Meizonnet applaudit.
Je suis saisie de sept amendements, n° 460 , 180 , 242 , 328 , 256 , 287 et 427 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 180 , 242 et 328 sont identiques, ainsi que les amendements n° 256 , 287 et 427 .
L'amendement n° 460 fait l'objet de quatre sous-amendements n° 534 , 501 , 549 et 523 .
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 460 .
Nos points de vue peuvent évidemment diverger, mais la disposition prévue par la proposition de loi me paraît gravement attentatoire à la liberté de la femme, laquelle court un risque de précipitation, puisque, en l'absence de délai de réflexion, l'avortement se pratiquera dans la foulée de l'entretien préalable.
Depuis quelques années, la plupart des soutiens institutionnels qui intervenaient dans le processus d'IVG ont été supprimés. Je pense notamment aux entretiens préalables et aux délais de réflexion : ces derniers ont déjà été réduits, et vous voudriez aller jusqu'au bout en les supprimant. Certains, dans l'hémicycle, ont manifestement la volonté de banaliser autant que possible un acte que d'autres ne tiennent pas pour banal. Pardon de le dire, mais je ne considère pas qu'il s'agisse d'un acte banal, et je ne pense pas qu'il faille le considérer comme tel.
Je ne vois pas en quoi notre position serait irrespectueuse vis-à-vis des femmes. Si les temps de réflexion accompagnés ne sont pas nécessaires pour certaines femmes, ils le sont assurément pour celles qui sont en situation de fragilité. Or notre rôle, en tant que législateur, est aussi de nous préoccuper des plus faibles : nous devons protéger ces femmes de toute pression, quelle qu'elle soit. En conséquence, le délai de réflexion ne doit absolument pas être supprimé – je m'étonne d'ailleurs que, dans votre argumentation, vous ne vous intéressiez pas à la protection des plus fragiles. Vous semblez nier ce sujet, qui est pourtant de la plus grande importance – sans même mentionner les questions éthiques qui sont en jeu.
Je serai brève, car j'ai déjà exprimé mon point de vue sur la suppression du délai de réflexion. Le sujet de l'IVG nous oblige à concilier deux principes : d'une part, la liberté des femmes, reconnue par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, d'autre part, la protection de la vie à naître, qui a également valeur constitutionnelle. De mon point de vue, la suppression du délai de réflexion est attentatoire aux droits et à la liberté de la femme, que vous prétendez pourtant défendre : dans certaines situations, en effet, le délai de quarante-huit heures peut la protéger. Il est donc très important de le maintenir.
Ce n'est pas un temps de réflexion de quarante-huit heures qui fera dépasser aux femmes le délai légal d'avortement. Nous pouvons parfaitement le maintenir, d'autant qu'il ne s'applique pas à toutes, mais aux mineures et à celles qui ont eu un entretien préalable. Il peut les protéger, en leur permettant d'être accompagnées et de mener une réflexion en couple, en famille ou entre amis ; dans certains cas, cela peut leur permettre de convaincre un conjoint ou un compagnon quelque peu récalcitrant, quelle que soit leur propre décision. Il est extrêmement important d'offrir cette possibilité aux femmes, donc de maintenir ce délai. En pensant bien faire – car je vous crois de bonne foi –, vous attentez aux libertés et aux droits de la femme.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir le sous-amendement n° 549 .
Le délai de réflexion de quarante-huit heures doit être maintenu et mis à profit pour exposer aux jeunes femmes les différentes aides qui peuvent être offertes aux jeunes mères et aux mères célibataires.
Le délai de réflexion doit être maintenu – il serait même plus raisonnable d'en revenir à une durée de sept jours. Vous dites vous inscrire dans la continuité de Simone Veil, mais celle-ci affirmait, en 1974, que le projet de loi prévoyait diverses consultations qui devaient conduire la femme à mesurer toute la gravité de la décision qu'elle se proposait de prendre. Loin de marcher pas dans les pas de Simone Veil, vous voulez déstructurer et déséquilibrer la loi au détriment des femmes.
J'évoquais, tout à l'heure, la nécessité de prendre en considération l'éventuelle fragilité des femmes. Pensez-vous que la suppression du délai de réflexion constitue une quelconque garantie pour les femmes ? Vous arguez que ce délai n'est pas obligatoire, et que celles qui voudront en bénéficier pourront encore le faire.
Or certains professionnels, y compris du Planning familial, estiment que ce délai peut conduire à une évolution souhaitable. Vous n'envisagez le sujet que par un seul aspect, en considérant que le délai est une souffrance pour certaines femmes, et qu'il doit être supprimé ; mais vous oubliez de dire que, pour d'autres, sa suppression est susceptible d'entraîner des regrets très importants. Un délai de quarante-huit heures leur permettrait de suivre un autre cheminement. Sur cette question, nous ne vous entendons pas : vous semblez ne voir qu'une seule réalité, alors que, sur le terrain, nous en constatons qu'il y en a d'autres. La suppression du délai peut résoudre certaines difficultés, mais elle peut aussi en créer : vous faites comme si elles n'existaient pas.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement n° 287 .
Malheureusement, vous semblez totalement fermés à nos explications. S'il existe un délai de réflexion, c'est parce que la femme s'apprête à faire un choix irréversible. Une fois que l'acte sera pratiqué, il sera définitif et irréversible ; elle ne pourra plus changer d'avis. Si une femme conçoit des regrets après avoir avorté, elle les conservera jusqu'à la fin de ses jours. C'est un lourd fardeau que vous lui faites porter.
Vous leur infligerez une maltraitance psychologique, en ne leur permettant pas de se poser et de réfléchir pendant quarante-huit heures.
Si certaines sont convaincues de leur choix, comme vous le répétez en boucle, elles ne changeront pas d'avis. Mais les autres, notamment les plus fragiles, auront besoin de ce délai de quarante-huit heures.
Pourquoi le retirer à toutes ? Maintenez-le : cela témoignera de votre ouverture et de votre volonté d'offrir aux femmes les plus fragiles une possibilité de réfléchir.
Le recours à l'IVG est une procédure lourde de conséquences psychologiques et physiques pour la femme, voire pour le père de l'enfant. Nous avons conscience que le délai de sept jours, qui a longtemps eu cours, ne sera pas rétabli, mais nous proposons de conserver au moins un délai de réflexion légal de vingt-quatre heures, plutôt que de le supprimer totalement.
Je confirme que nous sommes défavorables à ces amendements, comme je confirme le maintien du délai de réflexion pour les femmes qui le souhaitent.
Avis défavorable.
L'amendement n° 460 n'est pas adopté.
L'article 1er ter est adopté.
Cet article 2 ne vise pas, comme certains ou certaines le prétendent, à supprimer toute possibilité pour un professionnel médical de refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, mais bien à permettre un meilleur accompagnement des femmes qui se présentent pour interrompre une grossesse non désirée.
Un médecin ou une sage-femme n'est pas obligé de pratiquer une IVG, mais il a l'obligation d'informer sans délai la femme de son refus, et surtout de l'orienter vers un praticien qui, lui, accepte ces interventions. Les médecins ont le devoir d'accompagner les femmes en les écoutant, en essayant de comprendre pourquoi cet enfant est impossible.
Grâce à un amendement du groupe La République en marche, nous créons aussi dans cet article un répertoire des professionnels et des structures pratiquant des IVG, qui sera publié par les agences régionales de santé. Ainsi, l'information sera meilleure et le parcours de soins plus rapide, donc plus efficace.
Il existe encore un véritable tabou sur ce sujet, alors que toutes les femmes – j'y insiste, toutes – y sont confrontées de près ou de loin. Toujours et encore, l'annonce se fait dans la honte et la culpabilité – la honte d'avoir failli, d'avoir raté sa contraception, d'avoir été violée, de ne pas avoir été parfaitement informée, de ne pas avoir bien réagi, de subir des violences, d'avoir peur, et puis la culpabilité d'être face à ce choix, choix qui serait peut-être différent quelques mois plus tard, qui s'impose sur le moment. Certaines ont parfois même le sentiment d'être hors la loi, alors même que la loi n'édicte pas ce qui est bien ou mal, mais pose des limites résultant d'un consensus qui tient à des circonstances de temps et de lieu particulières, bref, aux mœurs.
Ces circonstances sont amenées à évoluer, et c'est ce que nous faisons. L'avortement ne doit pas être une concession faite par le corps médical aux femmes ; c'est un droit fondamental, la libre disposition de son corps et le choix de ce que chacune souhaite pour son avenir. Cessons de voir l'avortement comme un échec, voyons-le comme une solution.
Cet article supprime la clause de conscience, ce qui pose des questions à la fois juridiques et éthiques.
Mesdames les rapporteures, vous reprochez à la clause de conscience en matière d'IVG de stigmatiser, de culpabiliser, les médecins disposant déjà d'une clause générale de conscience. L'argument n'est pas convaincant sur le terrain juridique, car, contrairement à ce qui est souvent avancé, ces deux clauses ne sont pas identiques.
Je m'appuie ici sur le travail du professeur agrégé de droit Nicolas Kermabon, qui indique que « la clause spécifique à l'IVG et la clause de conscience générale ne profitent pas exactement aux mêmes bénéficiaires : alors que la clause générale protège les médecins, les sages-femmes et les infirmiers, la clause spécifique bénéficie quant à elle à l'ensemble du personnel médical ». Il ajoute que « ces deux clauses ne couvrent pas le même champ : la clause spécifique pose un principe absolu – les praticiens ne sont jamais tenus de pratiquer une IVG –, tandis que la clause générale prévoit une exception, en ce qu'elle ne peut pas être invoquée en "cas d'urgence" ». Enfin, « elles n'ont pas la même valeur juridique : la clause spécifique a été consacrée par la loi, tandis que la clause générale n'a qu'une valeur réglementaire qui est juridiquement inférieure. La suppression de la clause spécifique aurait ainsi pour résultat d'abaisser la valeur juridique de la protection des personnels soignants. »
D'ailleurs, vous l'aurez noté, la suppression de cette clause ne fait vraiment pas consensus parmi les professionnels concernés. C'est pourquoi nous serons très nombreux à nous y opposer.
La clause de conscience, hier sanctuarisée, est aujourd'hui menacée. Elle fut ce point d'acceptation considéré comme essentiel par Simone Veil elle-même, qui dans son discours de 1974 disait : « il va de soi qu'aucun médecin ou auxiliaire médical ne sera jamais tenu d[e] participer [à une IVG] ». Ce qui allait de soi il y a presque cinquante ans est aujourd'hui remis en cause par vous-même, qui vous réclamez pourtant de la ministre de la santé d'alors. Quel paradoxe !
Et ce n'est pas le seul : d'un côté, on nous dit que l'avortement est un droit qui fait consensus, qui devrait même être érigé en principe fondamental de notre société ; d'un autre côté, pour le faire appliquer, il serait devenu nécessaire de réduire comme peau de chagrin la clause de conscience du personnel médical. Là encore, quel paradoxe !
Peut-être est-ce parce que des voix de médecins de plus en plus nombreuses s'élèvent pour parler de leur malaise grandissant à pratiquer des avortements dans ces conditions ? Et cela ne va pas s'arranger avec les dispositions que vous nous proposez de voter ! Au lieu de tout mettre en œuvre réduire le nombre d'IVG, vous tentez d'imposer l'idée selon laquelle l'avortement serait un acte anodin, en supprimant de la loi la règle selon laquelle un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse.
D'ailleurs, le CCNE – que vous invoquez lorsque cela vous arrange – a formulé un avis négatif sur la suppression de la clause de conscience spécifique des médecins, clause imposant aux praticiens qui refusent l'IVG d'orienter immédiatement la patiente vers un confrère qui, lui, l'accepte. Supprimer cette réorientation serait une régression, et une régression massivement contestée par la profession. Encore une fois, vous proposez une disposition finalement attentatoire à la liberté des femmes.
Cet article était attendu depuis de nombreuses années par les mouvements féministes qui se battent pour le droit à l'avortement. C'est un progrès. Un consensus s'est fait au moment du vote de la loi Veil ; mais c'était dans un contexte de grande tension, et il est aujourd'hui daté. On défrichait la législation pour avancer vers un droit ; on y voit beaucoup plus clair aujourd'hui.
Nous avons toutes et tous conscience que cette clause est utilisée au détriment de certaines femmes, qui voudraient avorter et se trouvent empêchées dans leur parcours. Nous voterons donc cet article.
Monsieur le ministre, je vous entends presque toujours émettre des avis de sagesse.
Les droits des femmes, c'est un combat ; la sagesse, en la matière, c'est de se battre pour eux. Serait-il possible que le Gouvernement s'engage ? Cette proposition de loi risque d'être bloquée au Sénat, et pourrait ne jamais aboutir même si elle est votée par l'Assemblée nationale cette semaine. Nous avons donc besoin de la volonté politique du Gouvernement. Pourriez-vous faire autre chose qu'attendre que ça se passe ?
Mme Elsa Faucillon applaudit.
Le groupe Agir ensemble fonctionnant selon le principe de la liberté de vote, je m'exprime ici en mon nom personnel.
Cet article permettra de rendre plus effectif le droit à l'avortement. Il y a encore des médecins qui utilisent cette double clause de conscience, comme nous l'appelons, pour refuser une IVG, alors qu'ils n'en avaient pas nécessairement besoin.
Je ne sais pas quels arguments nouveaux nous pouvons utiliser pour convaincre ceux qui pensent que nous retirons des droits aux médecins. Mais je voudrais rappeler que la clause de conscience générale existe, et permet déjà à un médecin ou à une sage-femme de refuser tel ou tel acte, quel qu'il soit. Les clauses de conscience spécifiques existent non seulement pour l'IVG, mais aussi pour la stérilisation définitive ou encore le travail sur les cellules souches : elles ont été faites pour rassurer certains praticiens, à qui la clause générale pouvait paraître insuffisante.
Depuis cinquante ans, les médecins ont tous été formés à ces questions ; ils savent qu'ils n'ont pas besoin de mobiliser cette clause de conscience spécifique.
Celle-ci n'a désormais plus qu'une seule conséquence : la stigmatisation du geste d'IVG, et donc des femmes concernées. Je vois des signes de dénégation… C'est pourtant bien le cas. Il est grand temps de faire preuve de cohérence et de supprimer cette clause de notre droit.
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, applaudit.
Lors de la présentation du texte, j'ai parlé de cet article. Vous savez que le Gouvernement a adopté une position de sagesse sur l'ensemble du texte.
Le débat sur la clause de conscience spécifique est évidemment complexe ; j'en comprends le sens, et ce n'est pas le dénigrer que de dire qu'il est sémantique – et un peu juridique. La clause de conscience générale est réglementaire, elle relève de la déontologie, tandis que la clause de conscience spécifique concernant l'IVG est inscrite dans la loi.
Factuellement, si vous votez cet article 2 en l'état et que la loi est promulguée, il n'y aura plus de clause de conscience spécifique à l'IVG. Mais c'est bien un débat sémantique : tant que le règlement ne change pas, les médecins ne verront pas leur exercice perturbé au quotidien. Celles et ceux qui ne souhaitent pas accompagner des patientes dans un parcours d'IVG ne seront pas plus qu'aujourd'hui tenus de le faire, puisqu'ils continueront de bénéficier de la clause de conscience générale.
Je comprends que la sémantique puisse être une bataille, mais je considère aussi que vous menez beaucoup de batailles – et vous allez les gagner, pour ce qui est de cette proposition de loi. Vous connaissez mon engagement personnel à vos côtés.
Pour être tout à fait franc, il peut arriver aussi qu'un mot soit une crise. En l'occurrence, il n'est pas exclu qu'une mauvaise interprétation de la suppression de la clause de conscience sème le trouble au sein de la communauté médicale. La partie de celle-ci qui n'est pas favorable au droit à l'avortement en général et moins encore à l'allongement du délai de douze à quatorze semaines reste aujourd'hui en retrait, considérant que cette proposition de loi ne la regarde pas ; elle pourrait demain considérer qu'on serait sur le chemin d'une forme de contrainte, même si ce n'est pas le cas factuellement. Vous connaissez cela par cœur, vous êtes parlementaires, vous faites de la politique.
Je tiens simplement à appeler votre attention sur ce point. Je ne suis certainement pas là pour distribuer des bons ou des mauvais points. Le débat avance bien, me semble-t-il, dans une ambiance respectueuse, sans obstruction. Vous êtes sur le point, mesdames et messieurs les parlementaires de la majorité – une majorité en l'occurrence élargie –, d'emporter des batailles qui vous honorent. Attention aux basculements possibles.
Encore une fois, je suis très tranquille vis-à-vis du droit à l'IVG et de l'ensemble de cette proposition de loi. On ne peut pas me reprocher le moindre conservatisme en la matière, mais je vous incite à la vigilance. J'en ai parlé avec des gynécologues obstétriciens qui pratiquent l'IVG : certains de ces médecins engagés craignent que la suppression de la clause spécifique de conscience ne soit comprise comme le début d'une contrainte, ou que des praticiens ne se sentent contraints d'accueillir des femmes dans un parcours d'IVG. Celles-ci, alors, seraient mal accueillies. À leur sens, il vaut mieux s'assurer qu'elles soient prises en charge par des médecins engagés, et même militants, que de prendre le risque qu'elles soient mal orientées.
Je partage ces propos en toute transparence, parce que c'est mon rôle. Je confirme l'avis de sagesse du Gouvernement sur cet article 2 comme sur l'ensemble du texte, mais je souligne cette sensibilité particulière du sujet : parfois, en voulant bien faire, on peut glisser de l'autre côté.
Tous les groupes qui l'ont voulu se sont exprimés sur l'article 2.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra