Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du mardi 30 novembre 2021 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Article 2

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Factuellement, si vous votez cet article 2 en l'état et que la loi est promulguée, il n'y aura plus de clause de conscience spécifique à l'IVG. Mais c'est bien un débat sémantique : tant que le règlement ne change pas, les médecins ne verront pas leur exercice perturbé au quotidien. Celles et ceux qui ne souhaitent pas accompagner des patientes dans un parcours d'IVG ne seront pas plus qu'aujourd'hui tenus de le faire, puisqu'ils continueront de bénéficier de la clause de conscience générale.

Je comprends que la sémantique puisse être une bataille, mais je considère aussi que vous menez beaucoup de batailles – et vous allez les gagner, pour ce qui est de cette proposition de loi. Vous connaissez mon engagement personnel à vos côtés.

Pour être tout à fait franc, il peut arriver aussi qu'un mot soit une crise. En l'occurrence, il n'est pas exclu qu'une mauvaise interprétation de la suppression de la clause de conscience sème le trouble au sein de la communauté médicale. La partie de celle-ci qui n'est pas favorable au droit à l'avortement en général et moins encore à l'allongement du délai de douze à quatorze semaines reste aujourd'hui en retrait, considérant que cette proposition de loi ne la regarde pas ; elle pourrait demain considérer qu'on serait sur le chemin d'une forme de contrainte, même si ce n'est pas le cas factuellement. Vous connaissez cela par cœur, vous êtes parlementaires, vous faites de la politique.

Je tiens simplement à appeler votre attention sur ce point. Je ne suis certainement pas là pour distribuer des bons ou des mauvais points. Le débat avance bien, me semble-t-il, dans une ambiance respectueuse, sans obstruction. Vous êtes sur le point, mesdames et messieurs les parlementaires de la majorité – une majorité en l'occurrence élargie –, d'emporter des batailles qui vous honorent. Attention aux basculements possibles.

Encore une fois, je suis très tranquille vis-à-vis du droit à l'IVG et de l'ensemble de cette proposition de loi. On ne peut pas me reprocher le moindre conservatisme en la matière, mais je vous incite à la vigilance. J'en ai parlé avec des gynécologues obstétriciens qui pratiquent l'IVG : certains de ces médecins engagés craignent que la suppression de la clause spécifique de conscience ne soit comprise comme le début d'une contrainte, ou que des praticiens ne se sentent contraints d'accueillir des femmes dans un parcours d'IVG. Celles-ci, alors, seraient mal accueillies. À leur sens, il vaut mieux s'assurer qu'elles soient prises en charge par des médecins engagés, et même militants, que de prendre le risque qu'elles soient mal orientées.

Je partage ces propos en toute transparence, parce que c'est mon rôle. Je confirme l'avis de sagesse du Gouvernement sur cet article 2 comme sur l'ensemble du texte, mais je souligne cette sensibilité particulière du sujet : parfois, en voulant bien faire, on peut glisser de l'autre côté.

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