Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 15h00
Plan d'accompagnement du phénomène de vieillissement accéléré de la martinique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

À l'échelle nationale, les Françaises et les Français sont de plus en plus nombreux et ils sont de plus en plus âgés : notre pays vieillit, nous le savons. Le portrait de la France de demain se dessine ; les enjeux économiques, sanitaires et sociaux s'en trouveront posés en termes nouveaux. Une telle évolution nous impose évidemment de repenser les solidarités intergénérationnelles, et c'est dès maintenant, sans attendre, que nous devons anticiper en décidant des réponses à apporter à ces nouveaux enjeux.

Si tous les territoires sont concernés par le vieillissement, la situation de la Martinique est plus qu'alarmante. En cinquante ans, elle va devenir le département le plus vieux de France, alors qu'elle en était l'un des plus jeunes. Ce glissement accéléré a une cause principale : l'exode massif des jeunes générations, entre autres les étudiants, qui sont nombreux à quitter leur île pour poursuivre leurs études.

L'inquiétude à l'égard du vieillissement est d'autant plus forte que celui-ci se conjugue avec d'autres problèmes, tout particulièrement la pauvreté. De manière générale, les territoires ultramarins, périphériques et insulaires rencontrent souvent les mêmes problèmes : leurs habitants vieillissent plus vite – et plus mal –, et les difficultés rencontrées sur le continent y sont décuplées. Je pense également à la Corse, qui m'est quelque peu chère, vous le savez.

Or les obstacles se cumulent. Lors de l'examen du texte précédent, nous évoquions la désertification médicale, qui progresse. Dans les territoires insulaires, les inégalités d'accès aux soins sont aggravées ; mais dans le même temps, les besoins en santé de leurs populations vieillissantes augmentent. En Martinique, particulièrement, la faible densité médicale fait courir un risque de non-recours aux soins plus fort qu'en métropole.

Quant à la politique de soutien à l'autonomie, elle continue elle aussi d'être affaiblie par un sous-investissement et des inégalités territoriales très fortes. Le groupe Libertés et territoires a toujours placé cette question parmi ses préoccupations premières, en soutenant deux impératifs : une telle politique doit d'une part être financée par la solidarité nationale, et elle doit d'autre part respecter la volonté et la dignité des personnes en situation de dépendance. En effet, les inégalités territoriales empêchent de prendre en charge la dépendance de manière homogène et satisfaisante sur l'ensemble du territoire : des disparités se font jour et des manques très forts existent en outre-mer. Ainsi, comment ne pas s'intéresser à une proposition prévoyant des mesures et des attentions renforcées en direction de la Martinique, comme à toutes celles qui visent à protéger les territoires les plus vulnérables ?

Le rapport rédigé par Luc Broussy sur l'adaptation de l'habitat au vieillissement consacre un chapitre entier à la situation de la Martinique et de la Guadeloupe, qu'il juge alarmante. Il invite à instaurer un plan spécifique pour anticiper et pour préparer le vieillissement massif des populations. Le rapport Libault, lui aussi, insiste sur la situation d'urgence que vivent certains territoires, plus exposés que d'autres à ce problème du vieillissement.

Nous le savons tous, la question de l'autonomie, de la prise en charge de la dépendance, est centrale pour notre cohésion sociale et territoriale. Pour y répondre, vous proposez la création d'une agence unique de l'autonomie, qui associerait l'État et la collectivité territoriale de Martinique. En dépit du développement encore parcellaire des maisons de l'autonomie, nous ne pouvons qu'encourager le développement d'une logique de guichet unique, car nous regrettons l'éclatement des compétences en la matière.

Nous regrettons surtout que la question de l'autonomie ait été traitée de manière éclatée durant le quinquennat. Malgré la création d'une cinquième branche – encore embryonnaire – de la sécurité sociale, des chantiers demeurent : ils concernent la valorisation des métiers du lien, la formation des professionnels, l'accroissement du soutien aux proches aidants ou encore la résorption des inégalités en matière de reste à charge. Ainsi, les inégalités qui touchent l'allocation personnalisée d'autonomie seront en partie résolues par la création d'un tarif plancher s'agissant des services à domicile. Mais la question du reste à charge en établissement demeure d'actualité.

Plus récemment, la commission des lois de l'Assemblée a adopté, dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS, des dispositions visant à favoriser le développement des logements-foyers en outre-mer, notamment les résidences autonomie et les logements-foyers en habitat inclusif. Ces avancées sont bienvenues et répondent en partie aux demandes de la présente proposition de résolution, mais nous regrettons qu'elles ne soient pas intégrées à une réforme globale de soutien à l'autonomie, qui permettrait de garantir la cohérence des mesures appliquées au niveau national, mais aussi de porter une attention accrue aux particularités territoriales et de prévoir des adaptations si nécessaire. L'abandon, par le Gouvernement, du projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie nous prive de la possibilité de traiter ces enjeux dans leur globalité. Ce texte aurait pu constituer une réforme sociale majeure du quinquennat et restera donc comme une occasion manquée.

Le groupe Libertés et territoires soutiendra la proposition de résolution.

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