Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Suite de la discussion d'une proposition de résolution

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution visant à la mise en place d'un plan exceptionnel d'accompagnement du phénomène de vieillissement accéléré de la Martinique (2757) .

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Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Annie Chapelier.

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Plus jeune département de France en 1950, la Martinique sera un siècle plus tard, en 2050, le département le plus vieux de notre pays. Si le défi de l'autonomie concerne tous les territoires français et a d'ailleurs conduit notre majorité à créer une cinquième branche de la sécurité sociale, l'ampleur et la rapidité du vieillissement de la Martinique sont sans commune mesure avec la situation que nous connaissons en métropole. Les projections démographiques de l'INSEE estiment en effet que 40 % de la population martiniquaise aura plus de 60 ans à l'horizon 2030. Cette tendance n'est d'ailleurs pas propre à la Martinique puisque le même phénomène est observé en Guadeloupe, dans des proportions toutefois moindres.

Un tel renversement démographique, qui s'est opéré en seulement quelques décennies, s'explique par de multiples facteurs. Il résulte d'abord – et c'est une bonne nouvelle – de l'allongement de l'espérance de vie. Les Antilles françaises détiennent ainsi le record de longévité de la zone caribéenne, puisque la durée de vie moyenne y est estimée à plus de 81 ans, hommes et femmes confondus. Il découle aussi de la baisse très rapide de la natalité observée depuis le début des années 2000 : entre 1999 et 2015, les naissances ont reculé de 30 % en Martinique. Il trouve enfin son origine dans l'émigration massive des jeunes générations – et cela est une moins bonne nouvelle – vers l'Hexagone. Une étude de 2015 montre ainsi que 40 % des femmes et 47 % des hommes âgés de 25 à 34 ans et natifs de Martinique ou de Guadeloupe vivent en France métropolitaine. Cette émigration est d'autant plus forte chez les jeunes diplômés ; elle contribue par ailleurs, évidemment, à réduire le nombre de jeunes femmes en âge de procréer présentes sur l'île et explique pour beaucoup la baisse de la natalité.

Ces trois facteurs, en s'additionnant, conduisent au vieillissement accéléré que connaît aujourd'hui la Martinique. Le déséquilibre de la pyramide des âges s'inscrit de surcroît dans un contexte de forte précarité sociale : 30 % des plus de 75 ans vivent sous le seuil de pauvreté en Martinique, contre 8 % en moyenne dans l'Hexagone. S'agissant de ce département, les enjeux en matière de santé, de dépendance, d'emploi, de mobilité ou d'habitat sont donc considérables, d'autant qu'il fait par ailleurs face à d'immenses défis sociaux, révélés au grand jour par la crise actuelle.

Dans ce contexte, la proposition de résolution de notre collègue Manuéla Kéclard-Mondésir invite le Gouvernement à déployer un plan d'urgence exceptionnel pour accompagner le phénomène de vieillissement accéléré de la Martinique. Sur le principe et au vu des chiffres que je viens de citer, il paraît évident que la Martinique a besoin du soutien de l'État pour surmonter le bouleversement démographique qu'elle subit. Sur le fond, la présente proposition de résolution n'apporte toutefois aucune solution concrète et opérationnelle pour y répondre, la plupart des mesures qu'elle contient étant par ailleurs déjà satisfaites.

Ainsi, l'article 1er suggère par exemple la création d'une agence de l'autonomie, regroupant l'État et la collectivité territoriale de Martinique, pour prendre en charge le grand âge. Or cela correspond précisément au fonctionnement et aux missions des maisons départementales de l'autonomie (MDA), qui existent déjà.

L'article 2 prévoit la création d'un fonds exceptionnel permettant la réhabilitation de six EHPAD et le développement de nouvelles solutions d'hébergement pour les seniors. Un tel objectif est doublement satisfait. Il l'est d'une part grâce au plan d'investissement du Ségur de la santé dans le domaine du médico-social, puisque 20 millions d'euros ont déjà été fléchés vers les EHPAD ultramarins en 2021 ; et d'autre part par l'article 36 bis B du projet de loi « 3DS » – relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale –, qui vise à favoriser le développement, en outre-mer, de solutions d'habitat intermédiaire pour les personnes en situation de handicap ou en perte d'autonomie.

L'article 4 propose quant à lui d'augmenter progressivement le montant de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ; or le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 répond à cette demande par l'instauration d'un tarif plancher fixé à 22 euros de l'heure, alors que le tarif horaire pratiqué en Martinique oscille autour de 19 euros.

L'article 5 vise à favoriser le retour des jeunes docteurs martiniquais dans leur département d'origine. C'est une démarche qui a du sens pour lutter contre la désertification médicale ultramarine, mais elle est purement incantatoire, la proposition de résolution ne précisant pas comment y parvenir.

L'article 6 propose enfin de mobiliser davantage de jeunes dans l'accompagnement des personnes âgées. Il se trouve que c'est exactement l'objectif poursuivi par l'ouverture de 10 000 missions de service civique auprès de personnes âgées, notamment en EHPAD, suite à la crise sanitaire.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, parce que les mesures proposées sont soit satisfaites – voire dépassées –, soit inopérantes, le groupe Agir ensemble ne votera pas la proposition de résolution.

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Avant toute chose, le groupe UDI et indépendants tient à faire part de son inquiétude quant à la situation aux Antilles. Parce que nous sommes particulièrement attachés à la liberté des collectivités locales et notamment de celles d'outre-mer, nous pensons que la voie à emprunter est évidemment celle du dialogue et de l'écoute.

Nous ne pouvons qu'être alarmés face au constat dressé par la présente proposition de résolution. En quelques décennies, la Martinique, qui était l'un des territoires les plus jeunes du pays, risque d'en devenir le plus vieux. Les raisons de ce vieillissement soudain de la population sont sans doute multiples, et les difficultés que connaissent les Martiniquais au quotidien les amènent souvent à quitter leur territoire en quête d'une meilleure qualité de vie. Nous partageons le diagnostic posé par le texte qui, me semble-t-il, repose sur deux axes principaux : il vise d'abord à assurer l'émergence d'un écosystème favorable au retour des cerveaux martiniquais sur leur terre natale, et ensuite à accompagner l'autonomie des seniors martiniquais.

S'agissant de l'autonomie, nous convenons qu'il s'agit d'un point noir du présent quinquennat. La création de la cinquième branche de la sécurité sociale n'aura pas permis d'entreprendre le virage domiciliaire ni d'améliorer le taux d'encadrement dans les EHPAD. Notons que le plan pour l'autonomie des personnes âgées, dévoilé par le Premier ministre au mois de septembre dernier, prévoit le recrutement de 10 000 agents supplémentaires dans les EHPAD d'ici cinq ans, là où le rapport Libault sur la concertation « Grand âge et autonomie » recommandait le recrutement de 80 000 personnes. Autrement dit, au rythme actuel, nous ne parviendrons pas à assurer un encadrement correct dans nos EHPAD avant 2066 ! Le compte n'y est pas : le Gouvernement ne sera pas parvenu à placer notre pays dans une trajectoire nous permettant de relever ce défi pour nos aînés.

S'agissant des déserts médicaux, la situation martiniquaise semble bien pire que celle de la plupart des départements hexagonaux ; à ce sujet, nous partageons totalement le constat dressé par le texte. Trop longtemps, nous avons placé la liberté d'installation du médecin au-dessus de l'exigence d'accès aux soins. Pourtant, entre 6 et 8 millions de nos concitoyens n'ont pas accès à un médecin – nous en avons longuement discuté au cours de la matinée. Finalement, certains territoires, dont la Martinique, pâtissent d'un réel abandon de l'État.

Il y aurait ainsi des endroits où l'on accéderait aux soins, à la culture, aux services publics, aux emplois les mieux rémunérés, à des offres de formation, à l'enseignement supérieur, et il y aurait tous les autres, au sein desquels l'État disparaîtrait à vitesse grand V : on ne pourrait alors y compter que sur la famille, quand elle est présente ; l'espérance de vie y serait plus faible, l'ascenseur social en panne, le médecin en retraite, le commerce du village fermé et le patrimoine en ruine. Il faut agir, et vite, avant que la rupture ne soit consommée entre les territoires qui vivent et ceux qui survivent.

S'il est un point sur lequel notre groupe s'interroge, c'est sans doute en ce qui concerne l'article 1er , qui vise à créer une agence de l'autonomie associant l'État et la collectivité territoriale de Martinique. Notre pays compte déjà plus de 1 200 agences, très coûteuses pour les finances publiques, alors que leur efficacité n'est pas réellement démontrée. Si nous sommes conscients des particularités locales existantes, nous nous opposons traditionnellement à la création de toute agence nouvelle, car notre pays meurt de sa bureaucratie. Nous considérons qu'il faut se départir de ce réflexe bien français consistant à identifier un problème et à créer une commission, une agence, une autorité, une institution, une chambre – et j'en passe – chargées de le résoudre.

Nous sommes par ailleurs tout à fait favorables au retour des cerveaux martiniquais sur leur territoire natal par la création de dispositifs incitatifs. Le territoire martiniquais ne peut se développer si sa jeunesse n'y œuvre pas, et je pense très sincèrement que les jeunes Martiniquais ne demandent qu'à y travailler.

Enfin, notre groupe est très favorable au renforcement du service militaire adapté (SMA) ; le Gouvernement lui-même y a d'ailleurs œuvré, encore cette année au sein de la mission "Outre-mer " du PLF pour 2022, notamment pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Ce dispositif spécifique, consacré aux outre-mer, a démontré son efficacité en matière d'insertion dans l'emploi, et les taux de réussite de ceux qui en bénéficient sont – il faut le dire – très encourageants.

En conclusion, le groupe UDI et indépendants soutiendra la proposition de résolution ; elle expose un problème fondamental pour la Martinique, auquel la représentation nationale doit apporter une réponse efficace et concrète.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.

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À l'échelle nationale, les Françaises et les Français sont de plus en plus nombreux et ils sont de plus en plus âgés : notre pays vieillit, nous le savons. Le portrait de la France de demain se dessine ; les enjeux économiques, sanitaires et sociaux s'en trouveront posés en termes nouveaux. Une telle évolution nous impose évidemment de repenser les solidarités intergénérationnelles, et c'est dès maintenant, sans attendre, que nous devons anticiper en décidant des réponses à apporter à ces nouveaux enjeux.

Si tous les territoires sont concernés par le vieillissement, la situation de la Martinique est plus qu'alarmante. En cinquante ans, elle va devenir le département le plus vieux de France, alors qu'elle en était l'un des plus jeunes. Ce glissement accéléré a une cause principale : l'exode massif des jeunes générations, entre autres les étudiants, qui sont nombreux à quitter leur île pour poursuivre leurs études.

L'inquiétude à l'égard du vieillissement est d'autant plus forte que celui-ci se conjugue avec d'autres problèmes, tout particulièrement la pauvreté. De manière générale, les territoires ultramarins, périphériques et insulaires rencontrent souvent les mêmes problèmes : leurs habitants vieillissent plus vite – et plus mal –, et les difficultés rencontrées sur le continent y sont décuplées. Je pense également à la Corse, qui m'est quelque peu chère, vous le savez.

Or les obstacles se cumulent. Lors de l'examen du texte précédent, nous évoquions la désertification médicale, qui progresse. Dans les territoires insulaires, les inégalités d'accès aux soins sont aggravées ; mais dans le même temps, les besoins en santé de leurs populations vieillissantes augmentent. En Martinique, particulièrement, la faible densité médicale fait courir un risque de non-recours aux soins plus fort qu'en métropole.

Quant à la politique de soutien à l'autonomie, elle continue elle aussi d'être affaiblie par un sous-investissement et des inégalités territoriales très fortes. Le groupe Libertés et territoires a toujours placé cette question parmi ses préoccupations premières, en soutenant deux impératifs : une telle politique doit d'une part être financée par la solidarité nationale, et elle doit d'autre part respecter la volonté et la dignité des personnes en situation de dépendance. En effet, les inégalités territoriales empêchent de prendre en charge la dépendance de manière homogène et satisfaisante sur l'ensemble du territoire : des disparités se font jour et des manques très forts existent en outre-mer. Ainsi, comment ne pas s'intéresser à une proposition prévoyant des mesures et des attentions renforcées en direction de la Martinique, comme à toutes celles qui visent à protéger les territoires les plus vulnérables ?

Le rapport rédigé par Luc Broussy sur l'adaptation de l'habitat au vieillissement consacre un chapitre entier à la situation de la Martinique et de la Guadeloupe, qu'il juge alarmante. Il invite à instaurer un plan spécifique pour anticiper et pour préparer le vieillissement massif des populations. Le rapport Libault, lui aussi, insiste sur la situation d'urgence que vivent certains territoires, plus exposés que d'autres à ce problème du vieillissement.

Nous le savons tous, la question de l'autonomie, de la prise en charge de la dépendance, est centrale pour notre cohésion sociale et territoriale. Pour y répondre, vous proposez la création d'une agence unique de l'autonomie, qui associerait l'État et la collectivité territoriale de Martinique. En dépit du développement encore parcellaire des maisons de l'autonomie, nous ne pouvons qu'encourager le développement d'une logique de guichet unique, car nous regrettons l'éclatement des compétences en la matière.

Nous regrettons surtout que la question de l'autonomie ait été traitée de manière éclatée durant le quinquennat. Malgré la création d'une cinquième branche – encore embryonnaire – de la sécurité sociale, des chantiers demeurent : ils concernent la valorisation des métiers du lien, la formation des professionnels, l'accroissement du soutien aux proches aidants ou encore la résorption des inégalités en matière de reste à charge. Ainsi, les inégalités qui touchent l'allocation personnalisée d'autonomie seront en partie résolues par la création d'un tarif plancher s'agissant des services à domicile. Mais la question du reste à charge en établissement demeure d'actualité.

Plus récemment, la commission des lois de l'Assemblée a adopté, dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS, des dispositions visant à favoriser le développement des logements-foyers en outre-mer, notamment les résidences autonomie et les logements-foyers en habitat inclusif. Ces avancées sont bienvenues et répondent en partie aux demandes de la présente proposition de résolution, mais nous regrettons qu'elles ne soient pas intégrées à une réforme globale de soutien à l'autonomie, qui permettrait de garantir la cohérence des mesures appliquées au niveau national, mais aussi de porter une attention accrue aux particularités territoriales et de prévoir des adaptations si nécessaire. L'abandon, par le Gouvernement, du projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie nous prive de la possibilité de traiter ces enjeux dans leur globalité. Ce texte aurait pu constituer une réforme sociale majeure du quinquennat et restera donc comme une occasion manquée.

Le groupe Libertés et territoires soutiendra la proposition de résolution.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.

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Lundi dernier, l'INSEE publiait ses projections démographiques pour 2070 et rappelait que le vieillissement de la population était inéluctable. Ainsi, d'ici à 2070, le nombre des personnes âgées de 60 à 74 ans restera stable, mais celui des 75 ans et plus augmentera de plus de 5 millions. Tous les territoires ne seront pas touchés de la même manière et c'est à double titre que cette proposition de résolution visant à lancer un plan exceptionnel d'accompagnement du phénomène de vieillissement accéléré de la Martinique arrive à point nommé.

En 2019, le rapport Libault nous a alertés sur la situation de la Martinique, prédisant qu'elle deviendrait le plus vieux département de France en 2050. Pour rappel – il ne faut pas avoir peur de répéter ces chiffres –, un retraité sur quatre perçoit le minimum vieillesse, un retraité de plus de 65 ans sur trois vit seul et de manière potentiellement isolée, et plus de la moitié des retraités martiniquais vivent en dessous du seuil de pauvreté, lequel est de 615 euros en Martinique contre un peu plus de 1 000 euros dans l'Hexagone – plus d'un retraité sur deux !

C'est donc à juste titre qu'il convient de déclencher un plan exceptionnel d'accompagnement du vieillissement en Martinique. Nous connaissons la situation actuelle et la situation passée du département et nous savons que le nombre des retraités âgés va augmenter, malgré la volonté de la majorité de repousser l'âge de départ à la retraite.

À cet égard, le rapport d'information de la délégation aux outre-mer sur le grand âge dans les outre-mer soulignait déjà, en février 2020, que l'espérance de vie y était plus faible que dans l'Hexagone et que la proportion des personnes âgées dépendantes en Martinique dépassait la moyenne nationale.

Il paraît dès lors indispensable de consacrer des moyens supplémentaires aux territoires d'outre-mer les plus touchés par le vieillissement accéléré : la Martinique, tout d'abord, et peut-être ensuite la Guadeloupe et La Réunion – ces trois territoires étant considérés comme prioritaires selon le rapport de la délégation aux outre-mer. Il serait temps d'envisager, enfin, une prise en charge digne, solidaire et collective de la dépendance liée au grand âge.

Mais revenons à la Martinique et à la proposition de résolution. Nous approuvons tout particulièrement la proposition de planifier la réhabilitation des EHPAD martiniquais et de créer de nouveaux EHPAD en lien avec les besoins croissants. En effet, en matière de santé gériatrique comme en matière de santé tout court, la Martinique et plus généralement les territoires d'outre-mer sont sous-équipés : les services publics présents sur place ne pourront plus, demain, faire face aux besoins.

L'agence régionale de santé (ARS) de la Martinique estime ainsi que dix postes de gériatres supplémentaires seront nécessaires dans les dix prochaines années. La sous-dotation actuelle, pour ne pas dire le désert gériatrique, qui caractérise la Martinique aggrave le non-recours aux soins de personnes qui ont pourtant besoin d'une prise en charge et d'un soutien renforcé de la nation.

C'est pourquoi nous approuvons également la proposition de planifier la hausse progressive de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui permettrait de limiter, et à terme de supprimer, le reste à charge pour les personnes dépendantes et leur famille – celui-ci est une autre explication des non-recours. Inutile de répéter une nouvelle fois les chiffres et les constats de la proposition de résolution, qui est parfaitement claire.

La majorité nous a promis à maintes reprises un projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie, mais elle vient de l'enterrer au profit de mesures qui ne sont pas à la hauteur du dénuement dans lequel vivent certains de nos anciens, et qui appellerait pourtant des décisions urgentes. Elles ne prennent pas non plus la mesure des conditions de travail des professionnels du secteur, en première ligne face aux difficultés sanitaires, en temps de covid-19 comme en temps normal.

La proposition de résolution ne complétera donc pas le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie, mais elle se conjuguera avec le programme de La France insoumise pour 2022, « L'Avenir en commun », qui prévoit d'engager un plan pluriannuel d'investissement et de développement des services publics dans les territoires d'outre-mer, ainsi que la construction d'un service public de la dépendance – auquel, vous le savez, je suis très attachée.

Il s'agira notamment de développer un réseau public de maisons de retraite aux tarifs harmonisés et accessibles et de créer 10 000 places par an dans des EHPAD publics pendant cinq ans. Nous prévoyons aussi de former et de recruter au moins 210 000 personnes – nous n'avons pas cessé, depuis 2018, de vous répéter que ces emplois étaient nécessaires. Enfin, il nous faudra revaloriser les métiers et les revenus de l'ensemble des professionnels du grand âge, qu'ils travaillent à domicile ou en institution.

Cette proposition de résolution concerne spécifiquement la Martinique, mais elle ouvre la voie à une prise en charge ambitieuse et collective de nos aînés dans tous les territoires d'outre-mer. Elle a le mérite de rappeler la situation de personnes bien souvent oubliées car elles ne peuvent pas se mobiliser – contrairement aux générations plus jeunes, dont nous suivons actuellement les mobilisations aux Antilles et en Martinique.

Je salue, pour finir, les personnes âgées de la Martinique. Le groupe La France insoumise votera bien évidemment en faveur de la proposition de résolution.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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La discussion générale est close.

Sur la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie

Le vieillissement accéléré observé dans plusieurs territoires ultramarins, particulièrement en Martinique, est une question très importante. Je me réjouis donc de cette discussion, d'autant que la proposition de résolution avait été déposée auprès du bureau de l'Assemblée nationale en mars 2020. Or, en moins de deux ans, nous avons parcouru un chemin important avec nos compatriotes ultramarins, en particulier martiniquais.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe GDR

C'est satisfait !

Debut de section - Permalien
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie

Le besoin est là et a largement été documenté par le rapport d'information de Stéphanie Atger et Ericka Bareigts au nom de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale.

L'insularité de la majorité des départements et des collectivités d'outre-mer complexifie le recours des personnes âgées à l'offre en matière de soutien à l'autonomie. Dans le même temps, la population se transforme, la natalité diminue, l'espérance de vie augmente et la quête d'emploi pousse un grand nombre de jeunes à rejoindre l'Hexagone – c'est un fait. En somme, ces territoires entrent de manière accélérée dans la société de la longévité. Dans moins de trente ans, près de la moitié des Martiniquais auront plus de 60 ans. L'État est conscient de cette situation et répondra présent.

La proposition de résolution formule de nombreuses recommandations, qui sont, pour beaucoup, vous le savez, en passe d'être satisfaites par le Gouvernement, qui m'a fait l'honneur de me confier la mission de mettre en œuvre son ambition dans le domaine du grand âge.

Permettez-moi, madame Kéclard-Mondésir, de passer en revue les mesures que vous proposez dans cette proposition de résolution.

En matière de gouvernance, tout d'abord, le texte recommande la création d'une structure qui permettrait à la collectivité de Martinique d'exercer véritablement les compétences qui lui sont dévolues. Cette « agence de l'autonomie » serait créée sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) et favoriserait un fonctionnement plus souple et adapté aux spécificités du territoire. Or cette possibilité existe déjà en Martinique.

En revanche, l'implication de l'État comme partie prenante du GIP pourrait être perçue comme une recentralisation de la compétence du département. En outre, la collectivité n'a exprimé aucune demande en ce sens jusqu'à aujourd'hui. La politique que je mène au nom du Gouvernement en faveur du soutien à l'autonomie vise, au contraire, à faciliter le réinvestissement des collectivités afin qu'elles assument pleinement la compétence qui est la leur.

Pour l'illustrer, je veux répondre dès maintenant à l'ambition que vous exprimez dans l'article 4 de la proposition de résolution. La définition et le versement du montant de l'APA relèvent des départements, ce qui explique que des montants différents soient versés de l'un à l'autre. Afin de favoriser le développement d'une offre domiciliaire forte, j'ai engagé, au nom du Gouvernement, la refonte de la tarification des structures, avec une revalorisation-socle de l'APA, désormais fixée à 22 euros par heure minimum. Cette mesure permettra le rattrapage de l'APA dans les plus de soixante-dix collectivités dans lesquelles son montant se situait jusqu'ici en deçà de ce montant, notamment la Martinique. Son application ne se traduira par aucun surcoût pour les collectivités : la nouvelle branche de la sécurité sociale compensera intégralement et de manière pérenne le différentiel, soit un investissement de l'État de 240 millions dès l'année prochaine.

J'ajoute que les structures de soins à domicile qui entreront dans une démarche de contractualisation visant à améliorer la qualité de service, soutenir l'autonomie des personnes âgées, lutter contre leur isolement, accompagner les aidants ou améliorer les conditions de travail de leurs salariés bénéficieront d'une dotation complémentaire de 3 euros par heure. Cette mesure représentera un investissement de l'État de 500 millions d'euros d'ici à 2025 et concernera la Martinique au premier chef.

En matière d'investissement, vous suggérez au Gouvernement de créer un fonds d'expérimentation ayant vocation à réhabiliter certains EHPAD et à permettre le développement de solutions d'hébergement alternatives. Vous saluez donc sans doute la rupture opérée par le Ségur de la Santé en matière d'investissement !

Aux côtés du Premier ministre et du ministre des solidarités et de la santé, je me rends chaque semaine dans une nouvelle région pour annoncer les projets que nous financerons afin de rénover les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux. Alors que la grande majorité de ces établissements n'ont pas bénéficié de rénovation d'ampleur depuis plus de vingt ans, le Gouvernement entend répondre aux besoins partout sur le territoire national et agit. Nous présenterons prochainement un plan d'investissement important pour l'outre-mer. Il permettra de satisfaire des besoins clairement identifiés.

L'EHPAD, vous l'avez rappelé, ne saurait, par ailleurs, être l'alpha et l'oméga de la politique d'hébergement des personnes en perte d'autonomie. Nous devons identifier des solutions d'hébergement alternatives pour les personnes qui n'ont pas besoin d'un haut niveau de médicalisation pour vivre de manière autonome, mais tout de même d'une certaine sécurité. C'est la raison pour laquelle nous ouvrons la possibilité de créer des résidences autonomie en outre-mer dans le projet de loi 3DS, déjà discuté en commission et dont l'examen en séance publique débutera lundi prochain.

Pour développer de tels projets, vous l'avez souligné à juste titre, il est cependant nécessaire de prendre en compte les frais d'ingénierie. Nous avons pris ce sujet à bras-le-corps et nous lui avons apporté deux réponses. La première, conjoncturelle, vise à permettre aux établissements candidats au volet investissement du Ségur de la santé d'être accompagnés dans le développement de leur projet. La seconde est structurelle : le projet de loi 3DS est le véhicule législatif qui permettra le financement de ces frais par la conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie.

En revanche, plusieurs de vos propositions ne me semblent pas opportunes, madame Kéclard-Mondésir. Certaines sont même inopérantes. Ainsi, la création de dispositifs d'exonération fiscale spécifiques pour une catégorie d'établissements et une zone géographique données, comme vous le proposez pour la TVA des petites unités de vie de la Martinique, créerait un précédent difficilement justifiable. Pour faire valoir ces exonérations, vous vous appuyez sur l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), mais vous créeriez là aussi un précédent, d'autant plus délicat que ces exonérations relèvent des autorités fiscales et que LADOM n'a pas de compétence en la matière.

En ce qui concerne le retour en Martinique de soignants martiniquais, vous proposez de recourir au centre des intérêts matériels et moraux, le CIMM. Je comprends votre objectif, mais le moyen ne me semble pas adapté. En effet, la Martinique fait partie des collectivités dans lesquelles l'installation permet de prétendre au contrat d'engagement de service public (CESP), auquel les jeunes médecins peuvent souscrire pendant leurs études – nous l'avons rappelé ce matin lors de l'examen du texte précédent. En contrepartie de leur installation dans une zone sous-dotée, les jeunes médecins bénéficient d'un financement relativement confortable de leurs études. Ce dispositif est plus ambitieux que le recours au CIMM : non content de faciliter le retour en Martinique des jeunes médecins martiniquais, il permettrait en effet de financer leurs études.

En matière d'emplois francs, lors du dépôt de la proposition de résolution, nous entamions une expérimentation à La Réunion, laquelle suit son cours et sera évaluée l'an prochain. La question de sa généralisation sera examinée lorsqu'elle sera achevée.

Vous souhaitiez mobiliser le dispositif du service militaire adapté et ouvrir plus de places au sein du régiment de service militaire adapté de la Martinique (RSMA-M) pour attirer des jeunes vers les emplois du « prendre soin ». Dans le contexte martiniquais, et au-delà, c'est une ambition que je partage. Face à la crise sanitaire, nous en avons pris la pleine mesure : nous avons ouvert près de 10 000 places de service civique sur l'ensemble du territoire national pour lutter contre l'isolement et répondre à l'envie d'engagement des jeunes et au besoin de lien social de nos aînés. Pour la Martinique, plus de 150 missions de service civique sont ouvertes.

Je crois que chaque jeune doit trouver la solution d'engagement qui lui correspond, mais force est de constater qu'à ce jour, l'ensemble des places prévues pour le dispositif en RSMA ne trouvent malheureusement pas preneur. C'est dommage, car ce dispositif est de nature à renforcer le lien entre notre armée et nos jeunes tout en assurant une insertion professionnelle plus stable à des publics parfois éloignés de l'emploi. Ce constat doit nous conduire à diversifier nos outils pour répondre aux besoins d'engagement. Je sais que Sarah El Haïry, secrétaire d'État en charge de la jeunesse, y est particulièrement sensible et nous travaillons ensemble sur ce sujet. C'est un enjeu d'émancipation et de développement personnel, mais aussi de réaffirmation de la place de chacun dans la société. Ce sujet est pleinement en phase avec la politique que je mène en matière de soutien à l'autonomie des personnes âgées, en ce qu'il est nécessairement intergénérationnel.

Je crois que les motivations de cette proposition de résolution sont en accord avec la politique gouvernementale. Son examen permet de prendre la mesure du chemin parcouru. En soulevant les différentes avancées, je ne cherche pas un satisfecit, ce n'est pas mon genre. La situation que vivent nos concitoyens martiniquais est particulièrement marquée par l'accélération du vieillissement, dont nous devons prendre toute la mesure. Je suis néanmoins convaincue que nous avons dépassé l'ambition de cette résolution.

En raison de ces avancées majeures, qui répondent à une partie des motivations de cette proposition de résolution, et des objections que j'ai formulées à quelques autres, vous comprendrez que je ne rendrai pas un avis favorable à l'adoption de cette résolution. Mais le Gouvernement s'engage résolument à poursuivre son action pour accompagner l'ensemble des collectivités qui font face à un vieillissement accéléré de la société, au premier rang desquels la Martinique. Nous continuerons ainsi à protéger nos personnes âgées, comme nous le faisons aujourd'hui dans la crise sanitaire, pour qu'ils puissent bénéficier demain du meilleur accompagnement possible.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 56

Nombre de suffrages exprimés 56

Majorité absolue 29

Pour l'adoption 19

Contre 37

La proposition de résolution n'est pas adoptée.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à atténuer les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur générées par Parcoursup (4588, 4707).

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La parole est à Mme Karine Lebon, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

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Mon groupe et moi-même sommes sortis dubitatifs de l'examen de notre proposition de loi en commission. Loin d'être un texte clivant et partisan, celui-ci a pourtant été conçu dans une démarche d'ouverture et de recherche du consensus. Il est aussi l'héritage du sénateur Pierre Ouzoulias, qui a longuement travaillé sur cette question.

Si notre groupe souhaite à moyen terme une réforme ambitieuse du système scolaire s'appuyant sur des investissements financiers massifs ainsi que l'abandon de Parcoursup, notre volonté aujourd'hui est de remédier aux dysfonctionnements les plus patents de cette plateforme. À cet effet, nous nous sommes appuyés sur les rapports de différents organismes – Cour des comptes, Défenseur des droits, Centre national d'études des systèmes scolaires –, sur les conclusions d'une mission d'information sénatoriale conduite par un parlementaire du groupe Les Républicains et sur l'expérience des usagers de Parcoursup. Les lycéens et leurs familles, ainsi que les étudiants, ont dénoncé le stress lié à cette procédure dans des sondages d'opinion ou au cours des auditions. Aussi, la question que nous nous posons est simple : pourquoi ce problème laisse-t-il la majorité et le Gouvernement indifférents ? Considèrent-ils réellement que le système Parcoursup est parfait ? Répondre par l'affirmative à cette question ressortirait au mieux de la cécité, au pire d'un mépris pour les milliers de jeunes qui subissent les dysfonctionnements de cette plateforme et les conséquences majeures qu'ils ont pour leur parcours de vie.

Lorsqu'il s'agit de prendre des décisions pour la jeunesse et son avenir, notre devoir le plus élémentaire est de tenir compte de son ressenti et de ses aspirations. Nous nous sommes livrés à cet exercice et nous n'avons pu que constater la très grande perfectibilité de la procédure d'accès à l'enseignement supérieur, qui est aujourd'hui vécue comme un facteur d'insatisfaction, d'arbitraire et d'angoisse.

Le déploiement de la plateforme Parcoursup a permis de mettre un terme au système du tirage au sort d'admission postbac (APB) et constitue, certes, un espace unique sur lequel est centralisé un nombre croissant d'informations relatives aux formations du supérieur. Cela ne saurait toutefois masquer la sélectivité croissante de l'accès à l'enseignement supérieur. En effet, l'augmentation de la démographie étudiante n'a pas donné lieu aux investissements financiers nécessaires, tant en volume que du point de vue de l'adéquation de la répartition des moyens avec les besoins du terrain. La Cour des comptes déplore que les nouvelles places financées n'aient pas profité aux formations les plus sous tension. Aucun algorithme ne pourra compenser ce sous-investissement qui trahit un manque d'ambition pour notre système éducatif.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

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Un algorithme peut seulement, comme le fait Parcoursup, gérer plus ou moins décemment l'accroissement de la sélectivité et du temps d'attente des candidats pour l'obtention d'une affectation.

Pour les bacheliers technologiques et professionnels, le problème se présente avec une acuité renforcée : du fait de l'insuffisance et de la mauvaise adéquation des capacités d'accueil en sections de technicien supérieur (STS) et en instituts universitaires de technologie (IUT), leur attente est en moyenne plus importante, et ils sont également plus nombreux à ne pas obtenir d'affectation à l'issue de la procédure Parcoursup.

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Il ne s'agit pas pour autant de décrire Parcoursup comme la source des inégalités qui caractérisent malheureusement notre système éducatif et menacent la vigueur de notre pacte républicain. Ces inégalités naissent et se creusent bien en amont, sans que les gouvernements successifs n'aient jugé bon de définir une politique publique ambitieuse dans ses fins et ses moyens pour enrayer ce phénomène. Cela étant précisé, loin de lutter contre ces inégalités, Parcoursup les aggrave et en crée de nouvelles.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

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La mention du lycée d'origine permet par exemple aux élèves des établissements de « bonne réputation » – c'est-à-dire fréquentés par des familles socialement favorisées – de s'assurer de poursuivre leurs études dans les meilleures filières. La masse d'informations contenue dans Parcoursup, couplée à l'indigence des moyens confiés au service public de l'orientation, font naître de réels besoins d'accompagnement. Ces besoins sont pris en charge dans les familles maîtrisant les codes scolaires ou disposant des moyens financiers pour souscrire à des offres d'accompagnement privé. Les autres n'ont qu'à se débrouiller : c'est ainsi que plus de la moitié des élèves appartenant aux classes sociales les moins favorisées ont saisi seuls leurs candidatures sur Parcoursup.

Les dispositions de cette proposition de loi sont modestes, mais urgentes. Elles permettent également de tirer les conclusions logiques de la réforme du baccalauréat, qui a profondément transformé la structure de la filière générale sans procéder aux ajustements nécessaires sur Parcoursup. Eu égard aux enjeux que je viens d'évoquer et de la méthode d'ouverture que nous avons suivie, j'invite chacune et chacun d'entre vous à se placer dans une démarche transpartisane qui permettra l'adoption de ces dispositions de bon sens. Et je vous rassure : l'ouverture d'esprit, ce n'est pas une fracture du crâne !

Rires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

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Nous souhaitons en premier lieu rendre anonyme le lycée d'origine des candidats dans la plateforme. Comme l'a indiqué le Défenseur des droits, ériger cette information en critère de sélection fait naître un risque important de discrimination. Cette pratique pouvait servir à la prise en compte des phénomènes de surnotation et de sous-notation rencontrés dans certains établissements. Néanmoins, rien n'empêche le Gouvernement de mettre au point un autre indicateur permettant de corriger ce phénomène, qui est amené à se réduire en raison du mouvement d'harmonisation des pratiques de notation que la réforme du baccalauréat entraîne. Par ailleurs, nous avons souhaité préciser par amendement que cette anonymisation s'exercera sans préjudice du bon fonctionnement des dispositifs visant à garantir l'égalité des chances, contre lesquels nous n'avons naturellement jamais entendu lutter.

Notre proposition de loi tend également à renforcer la transparence de Parcoursup. Le Conseil constitutionnel a contraint les responsables des formations à procéder à la publication d'un rapport explicitant comment les candidatures ont été examinées à l'issue de la procédure Parcoursup. Nous voulons aller plus loin, en demandant que les critères et modalités de sélection au titre de l'année en cours soient communiqués à tous en amont de l'ouverture de la procédure Parcoursup. Les effets attendus sont doubles. Cette communication intervenant avant l'examen des candidatures, et non après, elle permettra aux candidats de savoir comment leur dossier sera examiné par les commissions d'examen des vœux. Et cette communication bénéficiant à tous, et non aux seuls candidats, elle permettra aux lycéens de première et de seconde de disposer de toutes les informations nécessaires pour construire leur projet d'orientation.

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Le renforcement de la transparence que nous appelons de nos vœux n'a pas pour objet de renier le caractère secret et souverain des délibérations des jurys : il s'agit principalement de rendre public les algorithmes locaux de préclassement automatisés des candidatures …

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI

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…et non d'empêcher les membres du jury de procéder à des classements manuels des candidatures, en appréciant notamment des éléments des dossiers des candidats non résumables par des chiffres, tels que les lettres de motivation ou les engagements extrascolaires. Pour cette raison, nous avons déposé un amendement qui rappelle notre attachement au principe du secret des délibérations des jurys et préserve la possibilité pour les candidats de réclamer la communication des motifs pédagogiques ayant justifié la décision prise sur leur candidature, une fois celle-ci traitée.

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Enfin, la proposition de loi procède à une mise en cohérence du système Parcoursup avec la réforme du baccalauréat général. Dans la mesure où des responsables de formation nous ont indiqué que certaines combinaisons d'enseignements de spécialité et optionnels sont très vivement recommandées pour l'accès à leurs formations, il est indispensable que ces informations soient très largement diffusées, notamment auprès des élèves de seconde.

L'augmentation du nombre de filières en tension doit être traitée sérieusement, puisque la sélectivité croissante dans l'accès à l'enseignement supérieur en découle. Nous proposons dès lors d'inscrire dans la loi que cette problématique devra être au centre du dialogue annuel entre l'autorité académique et les responsables de formation pour la détermination des futures capacités d'accueil.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

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Du reste, ce progrès est appelé de ses vœux par la Cour des comptes, qui regrette que cette question, pourtant primordiale, soit prise en compte de manière très différente en fonction des territoires. L'inscription dans la loi de l'obligation d'établir un plan d'action pour la réduction de la tension dans les formations du supérieur est de nature à permettre une harmonisation des réponses apportées.

La situation des bacheliers professionnels et technologiques étant davantage dégradée, nous avons également souhaité mettre l'accent sur la nécessité, pour l'autorité académique, de veiller à ce qu'un nombre suffisant de places en STS et en IUT leur soit ouvert. Cette obligation pourrait être une occasion de s'interroger sur l'implantation territoriale de ces formations : Paris, territoire densément peuplé, ne dispose par exemple que d'un IUT.

Enfin, les auditions nous ont permis de constater qu'en dépit des annonces ambitieuses réalisées à l'occasion du plan Étudiants, l'accompagnement à l'orientation dans les établissements scolaires souffre de nombreuses lacunes : insuffisance du nombre de psychologues de l'éducation nationale, absence de formation à l'orientation pour les professeurs principaux, application décevante des cinquante-quatre heures annuelles et des deux semaines normalement consacrées à l'orientation, etc. Nous proposons donc d'inscrire dans la loi l'obligation d'un accompagnement personnalisé pour chaque lycéen à partir de la classe de seconde. Cet accompagnement permettra aux élèves de mieux se préparer à l'échéance Parcoursup, notamment au moment du choix de leurs enseignements optionnels et de spécialité.

Les lycéens et leurs familles seront attentifs aux réponses que vous allez apporter aux propositions que nous formulons aujourd'hui. Ces dernières ont rencontré l'adhésion de l'ensemble des organisations représentatives, qui souhaitent vivement voir évoluer un système dont les limites sont désormais bien identifiées. Si vous avez des enfants confrontés à Parcoursup, ils seront les premiers à vous le dire.

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La volonté du Gouvernement de répondre aux inégalités que Parcoursup génère et entretient sera d'autant plus scrutée qu'il s'est donné l'objectif de créer au cours des prochaines semaines une plateforme semblable pour l'accès en master. De nombreuses organisations étudiantes nous ont déjà alertés sur le fait que cet outil pourrait aussi accroître la sélection et les inégalités. Le groupe GDR y sera en tout état de cause particulièrement attentif.

Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

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La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Je ne peux que regretter, madame la rapporteure, que vous ne teniez pas aujourd'hui les mêmes propos que lors de notre rencontre, il y a une dizaine de jours,…

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

…avec le président de l'université de La Réunion, qui, assis à notre table, nous faisait savoir combien l'entrée en vigueur de Parcoursup…

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

…et les moyens accordés dans le cadre de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants lui avaient permis de mener une véritable politique d'égalité des chances dans son université.

Vives exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.

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On peut donc attaquer en dessous de la ceinture !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Les objectifs que vous affichez sont, en réalité, déjà très largement atteints.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Si le Gouvernement partage votre ambition de réduction des inégalités d'accès à l'enseignement supérieur, nous ne pouvons en aucun cas souscrire aux arguments que vous développez.

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Un peu de respect à l'égard des députés ! Nous ne sommes pas au cirque !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vous proposez, dans votre exposé des motifs, de supprimer Parcoursup.

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On voit bien que vous n'avez jamais été élue !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Je serais curieuse de savoir par quoi vous comptez le remplacer – car non, la plateforme Parcoursup n'incarne pas le triomphe de l'hypercompétitivité, les critères qui y sont appliqués ne sont pas le fruit d'algorithmes mystérieux et les élèves issus des classes les plus défavorisées n'en sont en aucun cas les premières victimes.

Vives exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Laissez-moi rappeler quelques chiffres : 94,2 % des néobacheliers ont reçu une proposition sur Parcoursup en 2021, ce qui constitue une proportion plus élevée qu'en 2020. Cette augmentation est particulièrement marquée pour les filières professionnelles et technologiques. Le passage de la première à la deuxième année atteint 53 % en 2020 contre 40 % en 2017,…

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C'est facile ! Tous les autres ont abandonné !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

…grâce à une meilleure orientation des lycéens et aux nouveaux moyens accordés aux établissements pour déployer des dispositifs d'accompagnement…

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Valérie Pécresse disait la même chose en 2017 !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

…– car ce gouvernement n'entend pas se contenter de distribuer des cartes d'étudiant, mais souhaite accompagner les jeunes dans leur réussite.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vous prétendez que Parcoursup accentue les inégalités sociales et géographiques. Ce n'est pas vrai. Surtout, c'est prêter aux équipes qui examinent les candidatures des intentions qu'elles n'ont pas. Là encore, les chiffres parlent d'eux-mêmes : grâce à notre action, le taux de lycéens boursiers admis dans l'enseignement supérieur est passé de 20 % à 25 % en deux ans. Pour la seule année 2021, 13 600 lycéens boursiers ont été admis dans la formation de leur choix, à laquelle ils n'auraient pas eu accès sans les taux de priorité instaurés par la loi.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

La mobilité aussi a progressé : 21,7 % des bacheliers ont accepté une proposition hors de leur académie d'origine, soit une hausse de 2,2 points en un an. Les 500 euros d'aide à la mobilité accordés aux étudiants boursiers ont en outre permis d'accroître la part de mobilité de ces derniers, qui est ainsi passée de 15,3 % à 17,6 % à la rentrée 2021.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Ce phénomène est particulièrement marqué en Île-de-France, puisque le nombre de lycéens boursiers de l'académie de Créteil ayant accepté une proposition d'admission à Paris a augmenté de 5 % par rapport à 2020. Affinons ce constat : 6 591 lycéens boursiers du département de la Seine-Saint-Denis ont été accueillis dans des établissements parisiens et 51 % des demandes ont reçu une réponse positive.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Ce taux de réussite atteint 52 % pour les candidats engagés dans le dispositif Cordées de la réussite qui ont émis le souhait d'intégrer une classe préparatoire parisienne.

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Veuillez écouter la ministre, s'il vous plaît. Ses propos ne vous intéressent-ils donc pas ?

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On ne peut pas dire que nous ne l'écoutons pas !

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

On aurait été bien en peine d'obtenir de tels résultats à l'époque où le portail APB était utilisé : aucune priorité n'était alors donnée aux étudiants boursiers, tout simplement, et la hiérarchisation des vœux contribuait à brider les audaces et à renforcer les réflexes d'autocensure.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vous prétendez ensuite que la plateforme manque de transparence. Là encore, je tiens à lever plusieurs incompréhensions. Parcoursup a permis d'améliorer continûment la pertinence et la transparence de l'affectation. Chacune des étapes de sa construction a fait l'objet d'un dialogue avec les acteurs concernés, dans le souci de renforcer le travail des commissions pédagogiques. Dans sa décision du 3 avril dernier, le Conseil constitutionnel a entendu protéger le secret des délibérations pour garantir l'indépendance des équipes et l'autorité de leurs décisions. Il a jugé nécessaire d'assurer, dans le respect de la vie privée des candidats et sous la forme d'un rapport, la publicité des critères en fonction desquels les candidatures sont examinées. Plus de 10 000 rapports ont ainsi été rendus publics et peuvent être consultés librement.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

La transparence était aussi au cœur de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants adoptée ici en 2018. Ce texte a été conçu pour opérer une rupture complète avec la logique qui animait le fonctionnement du portail APB, dont je rappelle que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avait demandé son arrêt. Les candidats à l'enseignement supérieur disposent désormais d'une information toujours plus riche et transparente : 19 500 formations reconnues par l'État sont accessibles sur une seule plateforme, dont un peu plus de 6 000 en apprentissage. Le caractère lisible, complet et utile de cette information est reconnu par les lycéens eux-mêmes, comme en attestent les études d'opinion menées auprès d'eux.

S'agissant du classement des candidatures, ce ne sont pas des algorithmes mystérieux qui effectuent la sélection. Bien au contraire, nous avons remis de l'humain au cœur du système, car ce sont bien les enseignants des formations d'accueil qui examinent les dossiers des candidats.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Ces commissions ont pour mission de définir les modalités et les critères d'examen des vœux, dans le cadre des critères généraux publiés sur la plateforme dès le mois de décembre. L'examen de chaque candidature ne repose pas sur un traitement entièrement automatisé : des outils d'analyse et d'aide à la décision sont mis à la disposition des établissements, mais ils ne formulent pas les propositions.

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L'intelligence artificielle, c'est pour bientôt !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Celles-ci sont préparées de façon collégiale et arrêtées par le chef d'établissement. J'emploie le terme « propositions » à dessein, car une des caractéristiques de Parcoursup consiste à laisser le dernier mot aux candidats, qui peuvent faire évoluer leur projet tout au long de la procédure.

En réponse à l'accusation selon laquelle nous gérerions la pénurie, j'opposerai là encore quelques chiffres : 84 000 nouvelles places ont été créées dans l'enseignement supérieur dans le cadre des plans Étudiants et France relance ; le Gouvernement a consacré 1 milliard d'euros à la transformation du premier cycle depuis 2018 ; 13 000 nouvelles places ont été créées dans Parcoursup pour la seule rentrée 2021, sur les 34 000 proposées dans les universités.

La réalité, c'est que jamais autant de places n'ont été ouvertes dans l'enseignement supérieur, notamment dans les formations les plus demandées – licences, STS, formations de santé, formations paramédicales et formations complémentaires d'initiative locale (FCIL). Le plan de relance a par exemple permis de créer 1 350 places dans des formations courtes pour répondre aux étudiants souhaitant mûrir leur projet d'orientation ou de spécialisation afin d'intégrer le marché du travail dans des secteurs professionnels répondant aux besoins locaux. Ces créations de places sont le fruit du volontarisme du Gouvernement, bien sûr, mais aussi d'un dialogue approfondi, conduit au plus près du terrain par les recteurs avec les chefs d'établissement – et les exécutifs régionaux s'agissant des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). C'est ce volontarisme et ce dialogue qui ont permis d'offrir de nouvelles solutions aux jeunes en respectant la diversité de leurs besoins et de leurs projets.

Pour ce qui est de l'orientation, Jean-Michel Blanquer et moi-même…

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

…n'avons cessé de renforcer l'accompagnement des lycéens. Je songe, entre autres exemples, aux deux professeurs principaux dans les classes terminales, aux cinquante-quatre heures d'enseignement dédiées à l'orientation dans tous les lycées, aux semaines de l'orientation, aux journées portes ouvertes, ou encore aux Cordées de la réussite qui concernent cette année 200 000 lycéens. Des progrès restent certes à accomplir, mais regardons la réalité en face : grâce à la réforme du lycée et au déploiement de Parcoursup, nous sommes désormais en mesure d'accompagner les jeunes dans la construction de leur projet et de les en rendre acteur, pour poser les bases d'un continuum entre le lycée et l'enseignement supérieur pour tous.

Oui, ce gouvernement a fait le choix de l'humain, de la transparence, de l'orientation et de l'accompagnement.

Vives exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Loin de la démagogie qui consiste à laisser penser qu'il suffit de délivrer des cartes d'étudiant et loin des fantasmes qui n'ont jamais fait une politique pour la jeunesse, nous avons engagé une transformation sans précédent de l'accès à l'enseignement supérieur, qui, chaque année, s'affine et progresse, avec pour seule boussole la réussite de tous les jeunes.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe GDR.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Elsa Faucillon.

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La proposition de loi défendue par ma collègue Karine Lebon au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine vise à atténuer les fortes inégalités d'accès à l'enseignement supérieur…

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Mme la ministre a dit qu'il n'y en avait pas !

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…créées par Parcoursup. Nous avons tenté, à travers ce texte, de cibler quelques-uns de ces facteurs d'inégalités. Encore faut-il rappeler pourquoi nous nous sommes opposés à la logique qui a présidé à la création de Parcoursup et combien nous constatons, sur le terrain, ses conséquences pour les lycéens et pour les étudiants.

Je m'appuierai sur une phrase prononcée par le Président de la République : « nous ferons en sorte que l'on arrête de faire croire à tout le monde que l'université est la solution pour tout le monde ». Ces quelques mots donnent à voir la logique méritocratique et inégalitaire invoquée pour concevoir Parcoursup et pour en faire un système de sélection.

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Ils consacrent aussi un renoncement et couronnent les efforts déployés pour démanteler le service public de l'enseignement supérieur. Notons que si j'évoque ce démantèlement de manière générale, certaines universités sont tout de même bien mieux dotées que d'autres. Je songe par exemple à l'université de Nanterre, que chacun connaît pour son statut de symbole historique des luttes étudiantes : il y manque actuellement 250 postes d'enseignants pour atteindre la moyenne nationale et y garantir, simplement, de bonnes conditions d'apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La faculté est un lieu crucial de formation de l'esprit critique. Les universités les moins dotées sont d'ailleurs généralement aussi un lieu d'accueil des classes populaires et des étudiants étrangers. Or ce sont elles qui sont le plus souvent délégitimées – peut-être me reprocherez-vous, madame la ministre, de faire ici le lien avec les attaques perpétrées contre les universitaires, fréquemment accusés de verser dans « l'islamo-gauchisme » ou le « wokisme », pour reprendre vos propres mots et ceux du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Alors que ces deux expressions sont pourtant l'apanage de la droite la plus extrême et sont dépourvues de toute assise scientifique, vous les utilisez à l'envi.

L'université est aussi attaquée par un sous-financement chronique : certaines sont exsangues depuis qu'elles sont devenues autonomes. En ce sens, vous poursuivez consciencieusement la politique instituée par Mme Pécresse dès 2007, alors que les facultés font face, dans le même temps, à une explosion du nombre d'étudiants et à une stagnation du nombre d'enseignants titulaires.

Étudier est pourtant un droit et non un privilège – un droit bafoué par ce gouvernement depuis le début de son mandat et le déploiement de la plateforme de sélection Parcoursup.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.

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Cet outil est le résultat d'une politique visant à instaurer, de la maternelle à la faculté, un système concurrentiel au profit des élèves jugés les plus méritants – c'est la raison pour laquelle j'évoquais un système méritocratique. Plutôt que de créer de nouvelles places et nouveaux postes, pourtant nécessaires, le Gouvernement a choisi de composer avec le manque de places en organisant une sélection généralisée.

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À tous ceux qui ont surmonté les inégalités sociales et qui ont empoché leur baccalauréat avec fierté, on signale désormais que les portes des universités leur sont fermées ou que les places qui leur seront offertes ne correspondront aucunement à leur choix.

Je constate, dans ma circonscription, au contact des élèves privés de place à l'université, en lycée ou en master – ils sont d'ailleurs assez nombreux –, les effets catastrophiques de cette logique méritocratique et de cette sélection.

Le ministère a affirmé à la rentrée que seuls 239 bacheliers inscrits sur Parcoursup n'avaient pas reçu de proposition. Or dans mon seul département, je trouve assez aisément 239 élèves dans cette situation – ils sont peut-être même un peu plus nombreux.

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Il est vrai que ce faux bilan ne prend pas en compte les jeunes non affectés qui ont choisi, faute de mieux – et parce qu'ils sont courageux –, de se tourner, par exemple, vers un service civique. Il ne s'agissait pas du tout de leur premier choix mais, n'ayant pas obtenu d'affectation, ils s'y sont résolus en considérant qu'ainsi ils ne perdraient pas leur année. Telle n'est pourtant pas la fonction du service civique, lequel devient de plus ne plus un cache-sexe pour masquer tantôt les dégâts de Parcoursup, tantôt le chômage des jeunes.

En réalité, à la rentrée 2021, ce sont près de 22 000 bacheliers qui n'ont pas trouvé de place dans l'enseignement supérieur. Par ailleurs, des milliers de bacheliers ont été réorientés vers des filières correspondant à leur dixième vœu ou à un sous-voeu. Les retours sont alarmants : lycéens recalés alors que leur moyenne est excellente, bugs informatiques, listes d'attente interminables ou encore jeunes sans formation.

Pourtant ce gouvernement est incapable de reconnaître qu'une de ses mesures a été à l'origine d'un problème. À grand renfort de communication, on nous annonce donc que Parcoursup a été une « vraie réussite » qui, loin d'avoir instauré la sélection, a « favorisé la démocratisation de l'enseignement supérieur » ou encore que tous les candidats ont reçu des propositions « au plus près de leurs vœux ».

Soyons sérieux. Cette plateforme a créé des inégalités de traitement et votre gouvernement devra en rendre compte. Parcoursup laisse l'élève seul face à une série d'opérations qu'il ne contrôle pas. Dans ce système, le droit à l'erreur ou le droit de ne pas savoir quoi faire – car oui, cela arrive – n'existent pas. Parcoursup a remplacé le tirage au sort par la sélection des candidats sur des critères arbitraires. Le recours à des algorithmes opaques porte atteinte au principe d'égalité. C'est ce que l'article 1er de la présente proposition de loi s'efforce de contrer.

Je ne dis pas qu'APB était un bon système – le tirage au sort, ça ne fonctionnait pas. Je dis que Parcoursup, c'est pire.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.

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La mise en place de Parcoursup a renforcé les inégalités en faisant reposer le choix des étudiants sur des stratégies scolaires qui nécessitent des ressources.

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Il faut le dire, les premiers touchés par cette mesure sont les élèves issus des classes populaires car ils ne bénéficient ni du capital culturel ni du capital économique requis pour trouver une issue favorable face à une réponse négative. Voilà un exemple probant de ce que l'historienne Laurence De Cock appelle la politique de contre-démocratisation scolaire, qui assigne à certains enfants, en fonction de leur profil – notamment social –, une trajectoire et une classe.

En outre, cette nouvelle plateforme a créé un marché juteux, ce qui devrait vous alerter.

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Si vous ne me croyez pas, vous pourriez au moins constater que, dans le domaine de l'aide à l'orientation, des entreprises s'enrichissent.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

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Des parents, y compris dans les classes populaires, se tournent vers ces sociétés parce qu'ils ne maîtrisent pas les codes de l'enseignement scolaire et sont prêts à payer 500 à 800 euros en pensant que cela aidera leur enfant à s'orienter. L'article 2 vise à instaurer un vrai service d'aide à l'orientation dans la mesure où vous avez en grande partie démantelé celui qui existe actuellement.

Dans la même logique de concurrence entre étudiants, nous avons appris par voie de presse que vous alliez aussi mettre en place un programme Parcoursup destiné à résoudre le problème des étudiants sans master, qui ne prévoit ni hiérarchisation des vœux ni anonymisation de l'établissement d'origine. Vous avez donc décidé de poursuivre sur la même voie, sans prendre en considération les problèmes déjà créés par Parcoursup. Un tel projet ouvre la voie à une sélection sociale basée sur l'établissement mais aussi à une mauvaise orientation des étudiants. Nous resterons attentifs aux suites données à cette proposition et nous y opposerons assez fermement.

Essentielle, la suppression de Parcoursup doit évidemment s'accompagner de l'ouverture de places supplémentaires afin d'accueillir l'ensemble des bacheliers et bachelières, ce qui suppose un plus grand nombre d'enseignants, des locaux de taille suffisante ainsi que la création de nouvelles formations et même de nouvelles universités. Nous pourrions ainsi réduire en partie les inégalités scolaires et sociales.

C'est à cause de ces inégalités que nous sommes fermement opposés à Parcoursup. Nous nous exprimons aujourd'hui dans le cadre d'une niche parlementaire mais nous n'avons pas fini de vous embêter – le mot est faible – à propos de Parcoursup et des critères de sélection.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Avec grand plaisir !

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Entendez au moins que les deux propositions que nous formulons dans ce texte font l'objet d'un consensus, non seulement auprès de celles et ceux que nous avons auditionnés mais aussi partout où nous nous rendons et dans tous les témoignages qui nous remontent aujourd'hui. Vous devriez y être attentifs, ne serait-ce que pour atténuer les problèmes – bien réels, même si vous les niez – causés par la mise en place de Parcoursup.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.

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Le Groupe La République en marche partage l'objectif d'atténuer les inégalités scolaires et d'accès à l'enseignement supérieur.

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C'est même le moteur principal de l'engagement politique de nombre d'entre nous, membres de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, et l'objet de nos travaux parlementaires, relatifs à la scolarisation dès 3 ans ou aux cités éducatives pour ne citer que deux exemples.

Mais nous sommes convaincus que ce n'est pas Parcoursup qui provoque ces inégalités. Nous pensons au contraire que cette procédure nationale peut aider à les réduire grâce à la liberté d'accès à l'information, à la transparence sur les attendus des formations et à l'égalité de traitement des candidats.

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Bien sûr, Parcoursup peut encore être amélioré

« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR

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– il l'a d'ailleurs déjà été depuis sa création – mais les pistes que vous proposez n'atténueront pas ces inégalités, au contraire même.

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Concernant le lycée d'origine, les consignes ministérielles précisent qu'il n'est pas un critère d'évaluation des vœux. La Cour des comptes a pourtant constaté que c'était parfois le cas, ce que nous condamnons. En anonymisant le lycée et en remplaçant ce critère par l'écart entre la moyenne des notes des élèves du lycée au contrôle continu et celle obtenue au baccalauréat, on neutraliserait, selon la Cour, la tendance à surnoter ou à sous-noter l'établissement d'origine.

Cette proposition nous semble difficilement compatible avec la réforme du bac en cours et les calendriers distincts des épreuves du bac et de la procédure Parcoursup. A contrario, ne pas disposer du nom du lycée empêcherait, à candidatures équivalentes, de favoriser l'ouverture sociale et la discrimination positive.

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Votre proposition pourrait se révéler contre-productive et empêcher à ce stade le repérage de talents et de profils atypiques.

D'autre part, permettez-moi de rappeler que jamais nous n'avons disposé d'un outil aussi transparent que Parcoursup …

Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR

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au passage, j'ai mal aux oreilles quand j'entends qu'APB était un meilleur outil. L'information y est accessible, riche et claire, les lycéens eux-mêmes le reconnaissent. Avant de faire leurs vœux, ils disposent, comme leurs parents et leurs professeurs, des attendus nationaux et locaux, des critères généraux d'examen des vœux, du nombre de places et du rang du dernier admis pour chaque formation. Tout candidat peut connaître les motifs qui ont justifié la réponse à chacun de ses vœux.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Si !

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En outre, depuis cette année, chaque formation publie sur Parcoursup un rapport détaillant les critères de sélection des candidats. Vous souhaitez qu'il soit rendu public en amont de la procédure. Cette question a été tranchée par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision d'avril 2020, il a rejeté un recours en relevant que la protection du secret des délibérations des commissions constituait un motif d'intérêt général qui vise à assurer leur indépendance et l'autorité de leurs décisions. Car Parcoursup n'est pas un algorithme mais une procédure à l'issue de laquelle une décision humaine est prise au sein d'une commission de professionnels.

D'ailleurs, nos collègues Sarles et Juanico, qui ont évalué Parcoursup, ne disent pas autre chose : « […] les avancées récentes favorisant une plus grande transparence […] permettent d'atteindre un équilibre satisfaisant. Aller plus loin et exiger la publication ex ante d'un barème constitué de l'intégralité des critères d'examen des candidatures, détaillés et pondérés, risquerait de conduire à un traitement totalement automatisé des dossiers, ce qui doit être absolument évité. Seule l'intervention humaine permet en effet d'envisager la diversité des profils des candidats et d'aboutir à la véritable équité de traitement […] »

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Eh oui !

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Concernant le plan d'action que vous voulez inscrire dans la loi, je tiens à rappeler les efforts réalisés en matière d'ouverture de places : 70 000 places ont été créées depuis 2017 et, en cette rentrée 2021, 34 000 ont été ouvertes dont 13 000 en première année, sur Parcoursup, dans les formations les plus demandées – formations de santé et paramédicales, notamment en IFSI, STAPS – les sciences et techniques des activités physiques et sportives –, ou encore les sections de technicien supérieur.

À l'article 2, vous proposez un accompagnement personnalisé des lycéens. Or celui-ci existe déjà, il a été créé en 2018. Ainsi, cinquante-quatre heures sont désormais consacrées à l'orientation en terminale et deux professeurs principaux permettent aux lycéens de bénéficier d'un accompagnement adapté à leurs besoins. L'application de ce dispositif encore très récent est bien sûr variable selon les lycées. Notre groupe a d'ailleurs demandé une mission flash sur l'orientation. Elle vient de débuter et permettra de faire un point objectif sur ce sujet.

Enfin vous proposez que les spécialités suivies au lycée soient mentionnées dans les attendus et dans les statistiques d'admission. Lors de leur audition, les syndicats lycéens nous ont dit qu'ils y étaient opposés car ils craignent que cela ferme des possibilités aux lycéens qui n'ont pu ou voulu choisir ces spécialités.

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Cette proposition pourrait donc être contre-productive. Parcoursup propose déjà – sur la page d'accueil, vous pouvez le vérifier – des conseils aux lycéens sur les choix d'enseignements, de spécialités ou d'options en première et terminale. Mais ce ne sont que des conseils et non des obligations afin de laisser ouvert tout le champ des possibles à nos lycéens.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les articles de cette proposition de loi et contre les amendements déposés.

Mme Jacqueline Dubois applaudit.

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La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui à l'initiative de la Gauche démocrate et républicaine vise à réduire les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur créées par Parcoursup, ce qui est a priori un objectif louable.

Nous le savons, chaque année, les élèves de terminale sont confrontés à de nombreuses difficultés lors de la procédure Parcoursup. On se souvient par exemple des dysfonctionnements recensés en mai 2019 mais également de difficultés et d'inégalités récurrentes dans l'accès, non seulement à l'enseignement supérieur en général mais aussi à des informations claires pour nos lycéens.

Chaque année, nous dénonçons ces difficultés, ces bugs, ces inégalités d'accès. Et chaque année, vous nous répondez, madame la ministre, que tout va pour le mieux même si, souvent, sur le terrain, des lycéens, des parents d'élèves ou des associations de parents d'élèves nous interpellent vivement sur ce sujet, nous faisant part de leurs angoisses.

Cette année encore, plus de 90 000 élèves se sont retrouvés sans affectation à l'issue de la première phase de Parcoursup en juillet. Certes, au cours des étapes suivantes, certaines difficultés se sont progressivement résorbées. Mais le processus a été extraordinairement stressant, c'est le moins que l'on puisse dire.

Le Gouvernement répète que la plateforme d'orientation Parcoursup est un système beaucoup plus humain que feu APB, ce que je conçois bien volontiers. Cependant, le resserrement du calendrier et le peu de transparence des algorithmes demeurent des sources d'inquiétude pour nos étudiants, il faut le rappeler.

La procédure crée du stress pour les familles comme pour les lycéens. D'après une enquête réalisée par Ipsos pour le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en septembre 2021, 82 % des néobacheliers jugeaient la procédure Parcoursup stressante. Ils sont en effet invités à exprimer jusqu'à dix vœux, ainsi que des sous-vœux et parfois des vœux d'apprentissage. Des erreurs d'aiguillage étant toujours possibles, nous le savons tous – inutile de le nier –, certains se retrouvent, à l'issue des différentes étapes, dans des filières qu'ils ne souhaitaient pas vraiment intégrer, ce qui peut aboutir à des réorientations en cours d'année ou à l'issue d'une première année ratée ou même à des abandons avant la fin de la première année.

Il faut aussi reconnaître que les délais de réponse sont longs et que les files d'attente qui se créent engendrent elles aussi du stress, de l'angoisse, de fortes incertitudes, ce qui peut conduire certains candidats à effectuer un choix par dépit et à s'inscrire dans une formation qui ne leur convient pas vraiment, voire qui ne leur plaît pas du tout, uniquement s'assurer une inscription dans l'enseignement supérieur.

Par ailleurs, les lycéens français sont de plus en plus nombreux à s'orienter vers des établissements d'enseignement supérieur à l'étranger, en Europe ou ailleurs. Plusieurs de ces établissements les démarchent en les incitant à ne pas attendre les étapes suivantes du processus de Parcoursup, à se débarrasser des affres de ce parcours et à les rejoindre. Des élèves, de plus en plus nombreux, préfèrent ainsi assurer leurs arrières en se tournant vers des établissements étrangers, ce qui est tout de même fâcheux.

La proposition de loi présentée par nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'appuie notamment sur des constats et recommandations formulés par la Cour des comptes dans son rapport de février 2020, qui dresse un premier bilan de l'accès à l'enseignement supérieur dans le cadre de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. Nous partageons la plupart de ces observations et bien des préconisations. Nous sommes d'accord avec nos collègues sur le diagnostic établi, celui des inégalités d'accès à l'enseignement supérieur et à l'information, mais nous sommes beaucoup plus réservés sur les dispositifs qu'ils proposent dans leur texte, qui sont contraires à l'idée que nous nous faisons de l'enseignement supérieur.

Nous ne sommes pas favorables à l'anonymisation pure et simple du lycée d'origine, sans création d'un outil statistique tel que le préconise la Cour des comptes : une mesure de l'écart entre les notes obtenues au bac et celles obtenues au contrôle continu. Il ne nous semble pas non plus souhaitable d'ajouter aux critères de détermination des capacités d'accueil un « taux de pression », d'ailleurs jugé peu fiable par la Cour des comptes. Enfin, l'obligation préconisée par la proposition de loi d'accueillir tous les candidats venant de l'enseignement professionnel et technologique au sein des STS et des IUT ne nous semble ni raisonnable ni réaliste. Nous, au groupe Les Républicains, avons toujours insisté sur l'importance de l'information des élèves pour leur bonne orientation. C'est d'ailleurs un point qu'avait soulevé la mission flash que nos collègues Frédéric Reiss et Géraldine Bannier avaient menée il y a quelques mois.

Parce que la proposition de loi contient à ce stade peu d'avancées, nous nous abstiendrons lors du vote, même si, encore une fois, nous partageons certains constats de nos collègues.

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La discussion de la proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine est l'occasion, bienvenue, de s'interroger sur un problème d'envergure : l'inégalité d'accès sociale et territoriale des lycéens aux études supérieures. Le texte, avec ses deux axes – amélioration de la transparence de Parcoursup et renforcement de l'aide à l'orientation et à l'information des étudiants –, vise un objectif somme toute louable et partagé.

Il est vrai que les chiffres sont sévères : selon le rapport 2017 de l'Observatoire des inégalités, si 30 % des jeunes âgés de 18 à 23 ans ont des parents ouvriers, c'est le cas de seulement 11 % des étudiants de l'enseignement supérieur ; le chiffre tombe à 6 % pour les élèves des classes préparatoires. On connaît aussi le chiffre décevant de la promotion 2019-2020 à l'École nationale d'administration où un seul élève sur quatre-vingt-deux est fils d'ouvrier.

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Mais bien au-delà du seul outil Parcoursup, qui a quand même mis fin à l'improbable système APB de tirage au sort et a permis, en 2019, l'acceptation de 21 % de boursiers en plus en phase principale par rapport à l'année précédente, c'est le système global qui n'encourage pas la mixité sociale dès le plus jeune âge et qui doit être revu.

Il faudrait surtout éviter qu'il y ait d'un côté les bons établissements et de l'autre les moins bons. Nous avions d'ailleurs voté, lors de l'examen de la loi confortant le respect des principes de la République, un amendement tendant à améliorer la mixité sociale au sein des établissements, en concertation avec les collectivités territoriales. C'est un levier majeur, le premier, pour corriger les inégalités de destin, liées à l'origine sociale, que de travailler partout, dans chaque établissement, privé comme public, dans chaque territoire, à un objectif de mixité sociale, dès lors que la démographie locale et l'adaptation des transports le permettent.

Dans l'attente, pour l'avoir constaté, un excellent élève provenant d'un établissement moins performant en comparaison d'autres, même s'il a nécessairement du retard, a tout le potentiel nécessaire pour le rattraper très vite, et doit avoir la même chance d'intégrer un établissement coté, même s'il n'a pas bénéficié d'un aiguillage précoce ni bénéficié de la réflexion de proches aguerris au système scolaire. Le second levier à actionner est ainsi celui de la lutte contre l'autocensure. Nous devons poursuivre notre action en ce sens, notamment grâce aux Cordées de la réussite mises en place entre les établissements du secondaire et du supérieur pour promouvoir l'égalité des chances. Je tiens à rappeler que la loi de programmation de la recherche, que nous avons votée il y a bientôt un an, permet aux formateurs de l'enseignement supérieur de prendre en compte la participation des bacheliers à ce type de dispositifs dans le cadre de l'examen de leurs candidatures par l'intermédiaire de Parcoursup.

L'idée d'une anonymisation du lycée d'origine nous paraît intéressante puisqu'elle permettrait d'éviter à d'excellents établissements de faire leur marché d'abord et avant tout auprès d'établissements tout aussi cotés. Sans être tout à fait défavorables à ce point précis, nous émettons des réserves sur les reproches faits à la nouvelle plateforme de pérenniser les inégalités sociales et territoriales dans l'accès des étudiants aux études supérieures. Parcoursup a amélioré la transparence en publiant l'algorithme ainsi que les attendus de formation des établissements d'enseignement supérieur. La plateforme fournit également à ces derniers des instructions strictes quant à l'obligation de non-discrimination et d'égalité de traitement.

Les données de Parcoursup 2021 nous rappellent que près de 95 % des bacheliers, quel que soit leur établissement d'origine, accèdent à l'enseignement supérieur et que la mobilité progresse de manière générale, notamment chez les élèves boursiers. Ainsi, malgré la crise sanitaire, près de 22 % des bacheliers et près de 18 % des élèves boursiers ont accepté une proposition d'orientation hors de leur académie – des chiffres en hausse constante. Cela va dans le bon sens. On constate aussi de nets progrès dans l'accès à certaines formations d'excellence. Les écoles nationales vétérinaires et Sciences Po Paris affichent un taux d'élèves boursiers de 12 % et 13 % respectivement, en forte hausse par rapport aux années précédentes, avec une ouverture plus large aux lycéens de toutes les régions – une évolution à saluer.

Ainsi, pour le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, l'outil Parcoursup est loin d'être la cause du problème d'inégalité des chances dans l'accès à l'enseignement supérieur. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.

M. Brahim Hammouche applaudit.

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Si le portail APB n'était pas satisfaisant, la plateforme Parcoursup ne l'est pas davantage et elle ne répond pas aux promesses de son cahier des charges. C'est le constat qui vous a amenée, madame la rapporteure, à nous présenter cette proposition de loi visant à atténuer les inégalités provoquées par la plateforme.

Dans leur rapport d'information sur l'évaluation de l'accès à l'enseignement supérieur, publié en juillet 2020, nos collègues Régis Juanico et Nathalie Sarles ont souligné que Parcoursup n'est qu'une plateforme d'affectation, dont le premier objectif est quantitatif, puisqu'il s'agit de faire accéder la plus grande proportion possible de candidats à l'enseignement supérieur, au détriment d'une approche plus qualitative. Or, vous l'avez dit, les inégalités sociales et territoriales pèsent lourd, tout au long du parcours scolaire et au moment de l'accès à l'enseignement supérieur, y compris dans les filières non sélectives. Les enfants d'ouvriers représentent 12 % de l'ensemble des étudiants, alors que les ouvriers représentent 21 % de la population active ; 67 % des enfants de cadres obtiennent un diplôme de l'enseignement supérieur au-delà de la licence, contre 16 % seulement des enfants d'ouvriers.

Ces chiffres doivent appeler à un sursaut. Les études supérieures ne peuvent pas être réservées aux seuls enfants des élites de notre pays. Nous partageons donc votre constat, madame la rapporteure : Parcoursup, s'il n'est pas à la racine des inégalités, contribue à les aggraver.

Tout d'abord, les modalités d'orientation n'assurent pas un égal accès de tous les lycéens aux informations permettant de faire un choix éclairé, comme le regrette la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). En maintenant une certaine opacité sur les critères de sélection et les algorithmes, Parcoursup favorise les enfants des familles les mieux informées, très bien intégrées au système scolaire et sachant trouver l'information. Les procédures d'affectation sont anxiogènes pour 82 % des lycéens et perçues comme arbitraires par 61 % d'entre eux.

La Cour des comptes souligne que le lycée d'origine reste un critère de sélection pour 20 % des établissements d'enseignement supérieur, ce qui crée une discrimination selon le lieu de vie. Elle rappelle également que le manque de moyens consacrés à l'orientation des élèves et le non-respect du nombre d'heures dédiées à celle-ci ne permettent pas d'assurer le niveau d'information nécessaire pour garantir l'égalité d'accès à une formation supérieure. En outre, la plateforme met en exergue d'autres inégalités, celles relatives au parcours des lycéens. Lors de la première phase d'admission de l'année 2021, 65 % des lycéens inscrits dans un cursus général avaient reçu une réponse contre 43 % des lycéens des parcours technologiques et seulement 35 % des lycéens issus des lycées professionnels ; ils et elles apprécient !

La réforme du baccalauréat, avec l'introduction des enseignements de spécialité, a considérablement compliqué les choses. Elle oblige, plus que jamais, les élèves à faire les bons choix de spécialités en amont, c'est-à-dire dès la fin de la seconde, s'ils veulent intégrer la formation de leur choix, sans forcément connaître les critères de sélection. Là encore, le nouveau système favorise les élèves issus des familles les mieux informées, qui vont jusqu'à faire appel à des organismes privés pour bénéficier d'un accompagnement. Est-il normal que certains jeunes payent pour rédiger des lettres de motivation ?

Au-delà de ces défauts structurels, le problème de fond, c'est un enseignement supérieur incapable d'accueillir la totalité des candidats, toujours plus nombreux, dans les filières de leur choix. Comme le constate le président de la commission d'examen des vœux (CEV) Parcoursup de la licence de science politique de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Parcoursup visait simplement à rendre l'éviction d'une partie des candidats plus acceptable, en écartant l'injustice du tirage au sort, mais en continuant à ignorer le droit de chaque futur étudiant de choisir son orientation dans des conditions dignes de l'ambition de notre pays.

La Cour des comptes note que l'on n'a pas créé suffisamment de places supplémentaires dans les filières les plus demandées, par exemple en STAPS où au moins 100 postes devraient être débloqués pour répondre à l'urgence et plus de 1 000 pour envisager un véritable plan de rattrapage, ou en études de santé, déjà évoquées ce matin. Trop de filières en tension sont prêtes à craquer. La situation est particulièrement préoccupante pour les bacheliers professionnels et technologiques, qui se dirigent vers des filières exclusivement sélectives, marquées par un manque structurel de places. En huit ans, le nombre de bacheliers professionnels est passé de 120 000 à 180 000 environ, et seules 9 000 places supplémentaires ont été créées en première année de brevet de technicien supérieur (BTS). Il est nécessaire de sortir de la logique actuelle et d'abandonner un dispositif qui consiste seulement à gérer des listes d'attente, à partir d'un algorithme qui décide presque seul de l'orientation de chacun et qui abîme le sentiment de reconnaissance sociale en donnant à des milliers de jeunes l'impression de ne pas trouver leur juste place dans la société.

Je le redis : ce système, trop opaque, n'a rien réglé sur le fond des incroyables difficultés auxquelles est confrontée notre politique d'enseignement supérieur. Comme la réforme du bac qui, elle aussi, est loin de donner les résultats promis, Parcoursup montre ses limites. Nous souscrivons entièrement aux objectifs de votre proposition de loi, madame la rapporteure, et nous voterons un texte qui nous semble de nature à améliorer la plateforme Parcoursup et les parcours d'orientation et d'information des étudiants.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.

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L'égalité des chances fait partie des combats les plus importants que nous puissions mener, et que nous menons. Ce texte vise donc des objectifs louables et pleinement partagés par tous. Parce que les inégalités se forgent dès l'enfance, et non pas uniquement sur Parcoursup, comme le laisse entendre le titre de la proposition de loi, c'est sur l'enfance que doivent, en premier lieu, se concentrer les efforts. Donner plus de moyens à ceux qui en ont moins, telle est la boussole de nos politiques en la matière d'éducation. C'est ce que nous avons entrepris depuis 2017 : je pense bien sûr au dédoublement des classes de CP et CE1 dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP), progressivement étendu aux grandes sections ; 330 000 élèves bénéficient désormais de cette mesure de justice sociale.

La loi pour une école de la confiance, que nous avons adoptée en 2019, s'attaque à la racine du problème en abaissant à 3 ans l'âge de l'instruction obligatoire et en étendant l'obligation de formation jusqu'à 18 ans. Lutter contre les inégalités scolaires, c'est aussi faire en sorte que l'école de demain soit plus inclusive : c'est pourquoi nous avons augmenté de plus de 10 % le nombre d'accompagnants pour les élèves en situation de handicap, et plus que doublé le nombre de classes adaptées aux enfants autistes. Dans ce cadre, le remplacement de la plateforme APB par Parcoursup a permis de renforcer l'information, la mobilité et la personnalisation des parcours étudiants. Surtout, il a enfin mis un terme au principe délétère et injuste du tirage au sort dans les filières en tension.

Des améliorations peuvent toujours être apportées, mais les solutions présentées dans cette proposition de loi sont en décalage avec les réalités du recrutement dans l'enseignement supérieur. Les mesures proposées sont à la fois satisfaites sur le fond et inopérantes sur la forme.

Satisfaites sur le fond, car la mobilité progresse d'une manière générale et les instructions données par Parcoursup aux formations s'agissant des obligations de non-discrimination et d'égalité de traitement sont strictes et très claires. Malgré la crise sanitaire, en 2021, 22 % des bacheliers ont accepté une proposition hors de leur académie d'obtention du baccalauréat – c'est deux points de plus qu'en 2020. Depuis la rentrée 2019, les étudiants boursiers bénéficient d'une aide à la mobilité de 500 euros.

Ils sont de plus en plus nombreux à accéder aux établissements prestigieux ou éloignés de chez eux, même si, nous sommes d'accord, il faut encore beaucoup progresser dans le domaine de la mobilité.

Les mesures du texte sont par ailleurs inopérantes de par leur caractère déclaratoire car il ne suffit pas d'énoncer le principe d'un accompagnement personnalisé des lycéens tout au long de la procédure pour y parvenir : il faut des actions concrètes, des droits réels et non pas formels, à l'image de ce qu'a fait notre majorité en prévoyant depuis 2018 deux professeurs principaux pour les classes de terminale et 54 heures annuelles d'accompagnement à l'orientation au lycée.

Il en va de même pour l'adaptation des capacités d'accueil des formations, qui doit, selon cette proposition de loi, se faire en fonction de la tension dans chaque filière : cet élément est déjà pris en compte par les recteurs, notamment dans la mise en œuvre du plan Étudiants, qui a permis de créer 70 000 nouvelles places dans l'enseignement supérieur depuis 2017.

Beaucoup a par ailleurs été fait pour le droit à l'information des lycéens. Ainsi, depuis 2019, les statistiques de recrutement par établissement et par académie sont publiées sur le site du ministère de l'enseignement supérieur, et, depuis 2020, Parcoursup indique aux lycéens les spécialités recommandées pour intégrer chaque formation.

Quant à anonymiser le lycée d'origine des postulants, cela rendrait impossible toute politique de répartition nationale et de mobilité territoriale, et tout programme de lutte en faveur de l'égalité des chances.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe Agir ensemble votera contre cette proposition de loi.

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Alors que le nombre d'étudiants ne cesse d'augmenter dans nos universités et autres établissements de l'enseignement supérieur, le processus permettant aux jeunes de candidater pour suivre les études de leur choix est de plus en plus vécu comme un long parcours, semé de beaucoup d'embûches. Il faut dire que les obstacles sont en effet nombreux : certaines formations manquent de places pour accueillir tous ceux qui le souhaitent, d'autres se retrouvent être des choix de secours pour des élèves aux notes pourtant élevées, retardant ainsi la validation des places accordées. Cette complexité entraîne une incertitude angoissante pour de nombreux étudiants qui se retrouvent à attendre des semaines, voire des mois,…

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…pour obtenir une réponse et savoir comment ils vont organiser le début de leur vie d'adulte.

Je tiens donc à vous remercier, madame la rapporteure, ainsi que nos collègues du groupe GDR, de mettre ce sujet sur la table lors de votre journée de niche parlementaire, car l'angoisse qui peut toucher les futurs étudiants concerne potentiellement tout de même chaque année plus de 700 000 jeunes et, à travers eux, 700 000 familles. Il est vrai que ce qui est frappant dans les répartitions par Parcoursup, c'est de voir à quel point les problèmes et les retards touchent bien souvent les élèves issus de filières professionnelles ou technologiques – mais aussi ceux ayant des résultats moins bons que les autres dans la même filière. Le récent rapport sur les chiffres de Parcoursup en 2021 est évocateur sur ce point. Je n'en citerai que quelques-uns : il a fallu attendre le 4 août pour que 90 % des bacheliers sans mention obtiennent une réponse, alors que cette proportion avait été atteinte dès le 17 juin pour les mentions « très bien », et, au 1er juillet, 79 % des bacheliers généraux avaient reçu une réponse, contre seulement 48 % des titulaires du baccalauréat professionnel.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Là est le problème.

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Ainsi, comme l'a souligné le site letudiant.fr dans un récent article, pour bien s'en sortir sur Parcoursup, il vaut mieux être un élève de filière générale avec de bonnes notes ! Il est évidemment important d'encourager les élèves à avoir les meilleurs résultats possibles qui leur ouvriront ensuite le plus de portes possibles, mais il est tout aussi important de permettre à chacun de trouver sa voie et de tenter de mener la vie qu'il entend, quels que soient ses moyens et son milieu social.

Bien que mon propos liminaire soit assez critique, je pense qu'il faut reconnaître, comme la Cour des comptes, que Parcoursup a fait suite au système admission postbac, très décrié en raison notamment de l'emploi du tirage au sort, et qu'il a permis, au moins dans un premier temps, de remettre de l'ordre mais aussi de donner des résultats satisfaisants pour une bonne partie des candidats.

Pour en venir au cœur de la proposition de loi, notons que la première mesure que vous proposez reprend une recommandation de la Cour des comptes dans le rapport susmentionné puisqu'elle prévoit l'anonymisation du lycée d'origine de l'élève. Vous ne reprenez pas pour autant pas la seconde partie de la recommandation de la Cour qui prévoit en contrepartie que soit aussi pris en compte l'écart entre les résultats aux épreuves du bac et la notation au contrôle continu. Si je comprends que cette dernière disposition relèverait plus de l'ordre du réglementaire, comme vous l'avez indiqué en commission, elle semble pourtant nécessaire pour garantir un certain équilibre à la mesure d'anonymisation.

Je souscris à votre demande d'une transparence accrue dans les critères retenus et pour les spécialités favorisées par les établissements – bien que l'on puisse ici aussi s'interroger sur la nécessité d'inscrire ces éléments dans la loi. Ce point soulève en tout cas la véritable iniquité qui se cache derrière Parcoursup, celle de l'inégal accès à l'information en fonction de l'établissement scolaire et de la qualité de l'accompagnement en matière d'orientation. Je rejoins, à cet égard, la réflexion qu'avait faite ma collègue Agnès Thill dans le cadre de sa mission flash menée avec Bertrand Bouyx sur les spécialités de la classe terminale : la disparition du groupe classe pose de nombreux problèmes, et le manque de psychologues au sein de l'éducation nationale, éléments clés de l'orientation des élèves, se fait aussi terriblement sentir. L'orientation est pourtant déterminante pour garantir une meilleure égalité des chances pour chaque jeune ; elle est aussi un point essentiel pour bien accompagner, dès le plus jeune âge, les envies diverses de nos enfants, et lutter ainsi contre certains préjugés qui conduisent à orienter les filles et les garçons vers des domaines qui leur seraient spécifiques.

Enfin, à l'heure où l'on parle beaucoup de réindustrialisation, nous ne devons pas considérer les filières techniques comme des filières qui devraient être moins valorisées ou moins bien traitées, tant elles constituent une manne de travailleurs qualifiés importante.

Aussi, si le groupe UDI et indépendants souscrit aux ambitions du texte, il lui semble que les cartes sont surtout entre les mains du ministère de l'éducation nationale et que nous tournons autour du vrai problème que constitue l'orientation dans le secondaire. C'est la raison pour laquelle notre groupe s'abstiendra sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre pays souffre d'une reproduction sociale des inégalités qui fait mentir la promesse républicaine et remet en cause l'idéal de méritocratie. Or nous le savons : la lutte contre les inégalités sociales et territoriales commence par la lutte contre les inégalités scolaires. Et toutes les enquêtes démontrent l'incapacité de notre pays à les réduire. Elles débutent dès le plus jeune âge et se confirment, se cristallisent, lors de l'accès à l'enseignement supérieur.

Depuis la crise sanitaire, les confinements à répétition, la fermeture des écoles et la mise en place d'un enseignement à distance, ces disparités scolaires se sont encore creusées. Dans le parcours du combattant que peut représenter l'accès aux études supérieures, la clé réside en premier lieu dans l'accès à l'information, mais les lycéens sont inégalement armés pour appréhender la documentation mise à disposition par une grande diversité d'acteurs. Nous voulons à nouveau souligner les faiblesses de notre modèle d'orientation, notamment en direction de ceux qui ne peuvent compter sur l'accompagnement de leur entourage, beaucoup d'entre eux devant se débrouiller seuls.

Dans le cadre de la réforme du baccalauréat et de la suppression des filières traditionnelles, l'accent devait pourtant être mis sur l'accompagnement des élèves ; mais celui-ci n'est pas suffisant et demeure très inégal selon les établissements, une fois de plus au détriment des élèves les plus défavorisés. La Cour des comptes estime ainsi que la mise en place d'un second professeur principal en classe de terminale, l'instauration de deux « semaines de l'orientation » et d'un créneau de cinquante-quatre heures annuelles d'accompagnement pour chaque classe de lycée restent insuffisantes et, de surcroît, inégalement appliquées.

Aussi la proposition de loi prévoit-elle de renforcer l'accès à l'information et d'améliorer l'accompagnement des élèves : le Libertés et territoires ne peut qu'y souscrire. Même si Parcoursup ne saurait être pointé comme le responsable de tous les maux de notre enseignement supérieur, reconnaissons l'existence de biais, régulièrement dénoncés, dans le système d'orientation et de sélection des élèves, biais qui éloignent certains publics de l'enseignement supérieur. L'égalité des chances ne pourra être une réalité qu'à condition que chacun ait connaissance des règles qui s'appliquent. Le préalable à la réussite de Parcoursup réside donc dans la mise en œuvre d'une procédure plus transparente.

Nous sommes tous d'accord pour dire que l'ancienne plateforme admission postbac était très loin d'être satisfaisante, mais reconnaissons certains défauts à la plateforme actuelle. Les lycéens eux-mêmes considèrent cette procédure très stressante et parfois injuste. Les bons résultats de Parcoursup au niveau quantitatif ne doivent pas nous faire oublier les améliorations possibles au niveau qualitatif, car beaucoup d'étudiants se retrouvent dans des voies qui ne leur correspondent nullement. Il faut en finir avec le Parcoursup du combattant !

Ainsi, la Cour des comptes estime que 20 % des établissements d'enseignement supérieur s'appuient sur le lycée d'origine pour effectuer le classement des candidats, alors que cela ne devrait pas être un critère de sélection. Nous approuvons donc les dispositions visant à rendre anonyme le lycée d'origine, et à communiquer sur les critères, sur les algorithmes ainsi que sur les spécialités requises pour intégrer les formations.

Enfin, et je terminerai sur ce point car il est sans doute le plus important, la cause de ce processus de sélection discriminant et opaque, source de ces inégalités, s'explique en grande partie par des capacités d'accueil insuffisantes dans certaines filières. Nous l'avons dit lors de l'examen du budget : le financement de places pour les nouveaux étudiants ne couvre pas l'augmentation des effectifs. La Cour des comptes alerte sur l'augmentation du taux de pression des filières sélectives et non sélectives – c'est notamment le cas des filières professionnelles, alors même que le quinquennat a été l'occasion d'encourager les bacs professionnels.

Aussi souscrivons-nous aux dispositions de la proposition de loi relative aux formations en tension même si, sur ces sujets, la question relève en premier lieu d'une capacité financière à faire face aux besoins. Notre inquiétude est d'autant plus grande que la ministre de l'enseignement supérieur envisage une réforme de la sélection en master sur le même modèle que Parcoursup. Attention de ne pas reproduire les mêmes carences alors que, chaque année, de très nombreux étudiants, après avoir validé leur licence, sont forcés d'arrêter leurs études.

Madame la ministre, chers collègues, nos marges de manœuvre pour améliorer les procédures d'orientation et pour lutter contre les inégalités scolaires demeurent importantes. Cette proposition de loi, que le groupe Libertés et territoires soutient, ne prétend pas y répondre entièrement, mais soulève des pistes intéressantes pour résoudre certains écueils de Parcoursup.

M. Moetai Brotherson applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est sans doute la dernière occasion, en cette fin de législature, de discuter au sein de cet hémicycle de l'une des réformes les plus controversées de ce gouvernement : Parcoursup. En préambule, je tenais donc à remercier nos camarades GDR pour cette proposition de loi, dont nous partageons largement les aspirations.

Mais de quoi Parcoursup est-il le nom ? Formellement, celui d'une plateforme numérique mise en place en septembre 2018 et permettant aux lycéens de formuler des vœux pour leur accession aux études supérieures. Plus prosaïquement, et pour reprendre ici le terme de l'exposé des motifs, il s'agit d'une véritable « machine » à trier, à sélectionner et à encourager la compétition entre les établissements et les élèves.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est sous un fallacieux prétexte que fut décidée cette plateforme : celui de la mise sous tension des filières. Cette majorité a alors fait le choix délibéré d'entériner la sélection dans nos universités. L'argument, répété ad nauseam, fut alors de ne plus avoir à tirer au sort les élèves – méthode certes injuste –, mais aussi de mieux aider à la réussite de tous les étudiants par une meilleure orientation.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Eh bien oui.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais Parcoursup a-t-il rempli ses objectifs ?

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Eh bien oui !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Permettez-moi d'abord d'en dresser un bilan. J'écarterai au préalable la grossière propagande du ministère, qui prétendait en septembre ne comptabiliser que 239 élèves sans solution, ne retenant que ceux qui, sans affectation, ont maintenu leur recours devant les CAES, les commissions d'accès à l'enseignement supérieur. Soyons sérieux : en 2019, sur les 570 000 bacheliers ayant formulé un vœu sur la plateforme, 92,5 % d'entre eux avaient reçu une proposition d'admission. Ce sont donc plus de 42 000 lycéens qui auront été laissés sur le carreau, une moitié recevant des réponses négatives, l'autre ayant abandonné. Et l'on dénombrait plus de 148 000 candidats en réorientation, dont 17 % sans proposition.

Aurait-il fallu du temps pour que nos jeunes apprivoisent cette nouvelle plateforme ? Hélas, les chiffres ne sont guère meilleurs s'agissant de l'année 2020 : pour ne prendre que l'exemple de Paris 8, au sein de filières dites non sélectives, comme la licence informatique, 1 991 vœux ont été confirmés pour seulement 70 places. Un véritable chemin de croix, c'est le cas de le dire : beaucoup d'appelés mais peu d'élus ! Et la dernière rentrée confirme cette tendance. En outre, 82 % des lycéens jugent la plateforme stressante et 61 % l'estiment injuste. Parcoursup n'est donc pas un franc succès, de quelque point de vue que ce soit.

Certes, cette proposition de loi ne prétend pas résoudre l'ensemble des problèmes qui désagrègent l'enseignement supérieur mais, comme son intitulé l'indique, elle entend, modestement mais avec sérieux, en atténuer les effets délétères. Elle le fait tout d'abord en assurant a minima la transparence de la procédure avec l'obligation de communication des critères et des algorithmes, pour ne pas laisser les seuls « sachants » préempter des cursus qui sont autant de sésames ; ensuite, en anonymisant le lycée d'origine des bacheliers pour éviter que l'assignation géographique soit synonyme d'assignation sociale ; en tenant compte également du taux de pression exercé sur chaque formation ; en renforçant, enfin, l'aide à l'orientation des élèves et leur accès à l'information : en effet, savoir, c'est pouvoir. Mais hélas, votre gouvernement a supprimé le service public de l'orientation, et les cinquante-quatre heures annuellement consacrées à l'orientation au lycée sont largement insuffisantes en terminale.

On ne pourra pas éviter la question des moyens alloués à l'enseignement supérieur et à la recherche : avec 20 % d'étudiants en plus sur la période 2008-2018 et une hausse d'à peine 10 %, faire mieux avec moins, c'est résoudre la quadrature du cercle. Il faut également parler du manque d'encadrement, à côté de l'ouverture de places. Cette augmentation significative du budget, vous nous la refusez encore, alors que l'on s'apprête à voter le dernier projet de loi de finances.

Si cette proposition de loi se présente comme un premier pas, raison pour laquelle nous la voterons, on ne pourra faire l'économie d'abroger complètement Parcoursup et d'investir fortement dans le supérieur, comme d'ailleurs dans l'ensemble du système éducatif, pour en finir véritablement avec cette reproduction sociale que nous connaissons dans nos écoles, depuis la maternelle jusque dans les universités.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite apporter quelques éléments de réponse. Mme la ministre m'a accusée de manquer de cohérence. Je vous rassure, l'absence de colonne vertébrale n'est pas de mon côté.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce que j'ai dit lors du dîner républicain, et je le redis, c'est que personne ne regrette APB. Là-dessus nous sommes d'accord, et je l'ai dit aussi en commission. Notre proposition de loi n'entend pas supprimer Parcoursup. Ne sachant si vous l'avez lue, je vous donnerai donc le rapport, c'est un petit cadeau de Noël.

Nouveaux applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Eh oui, la rapporteure a raison ! Un peu de respect !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'agissant de la transparence, le rapporteur public du Conseil d'État, dans ses conclusions, citées page 9 du rapport, ne dit pas autre chose : « On peut penser que cela n'est guère satisfaisant pour les intéressés, qu'il y a même ici un habile procédé d'escamotage. Et cela, combiné au caractère ex post des informations communiquées, appelle sans doute une réflexion et une intervention du législateur pour que le droit d'accès aux éléments qui pourront la fonder, concrètement aux critères de classement des candidatures, puisse s'exercer préalablement à la décision administrative prise sur la candidature et non postérieurement à elle. Comme le dispositif actuel, cette obligation de transparence préalable pourrait ne bénéficier qu'aux candidats, à l'exclusion des tiers. Mais c'est au législateur qu'il revient de se prononcer sur tous ces points. »

Vous parliez du nombre de places créées. Le problème, c'est que ce nombre n'est pas en adéquation avec les filières en tension, et je suis sceptique sur l'efficacité de toute création de places dans des filières qui ne sont pas en tension.

Mme Brugnera m'a de nouveau interrogée sur les critères de l'année en cours. J'ai apporté une réponse en commission mais, comme la pédagogie est affaire de répétition,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…je cite exactement ce que j'avais dit : « Cela ne signifie pas pour autant que nous souhaitons revenir sur le principe du respect du secret des délibérations des jurys : l'obligation de communication ex ante des modalités de sélection, notamment au moyen de traitements automatisés, n'a pas vocation à figer les délibérations des membres des CEV, qui pourront toujours procéder à des classements des candidatures "à la main", en se fondant, entre autres, sur des éléments du dossier non résumables par un indicateur chiffré, comme les lettres de motivation. Ainsi, le dispositif envisagé propose de maintenir la faculté, pour tout candidat, de réclamer la communication des motifs pédagogiques ayant fondé la décision prise sur sa candidature après réception de celle-ci. Ce maintien est introduit par voie d'amendement. »

S'agissant des enseignements de spécialités, nos amendements visent à substituer au terme « indispensables » celui de « conseillés ». Vous avez déjà annoncé vouloir voter contre ces amendements. C'est là un véritable manque de cohérence puisque vous dénoncez, dans notre texte, le mot « indispensables » et proposez vous-mêmes de le remplacer par « conseillés ». Mais vous décidez quand même de voter contre nos amendements déposés à cette fin !

En vous écoutant, je constate que nous avons un dialogue de sourds. Je reste sceptique quant à la bonne foi des députés du groupe La République en marche. Je le redis, les lycéens, les étudiants, les parents, qui ont exprimé des réserves sur la plateforme Parcoursup, nous regardent, et je pense que nous leur devons des réponses.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Madame la rapporteure, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi il est bien écrit : « Parcoursup doit être supprimée. » C'est à quoi j'ai fait référence.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, ce n'est pas dans le texte : l'exposé des motifs et le texte même de la proposition de loi, ce sont deux choses différentes. Même sans le bac on peut le comprendre !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

S'agissant du chiffre de 82 % de procédures stressantes pour Parcoursup, il me semble assez normal, l'année où l'on passe son baccalauréat – en tout cas c'est le souvenir que j'en ai – d'être légèrement stressé. Oui, 82 % trouvent que la procédure a été stressante ; pourquoi ne pas mentionner les 74 % qui trouvent que la plateforme est claire, les 73 % qui estiment qu'elle a facilité leur accès à l'enseignement supérieur, les 66 % qui considèrent qu'elle a facilité leur orientation, les 88 % qui disent qu'elle les a aidés à trouver sur un site unique l'ensemble des formations, les 88 % qui disent avoir apprécié la liberté de choix, ou encore les 84 % qui trouvent que les indications sur la plateforme sont claires ?

Protestations sur quelques bancs du groupe GDR.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Quand on cite des statistiques, il est important de citer l'ensemble de l'enquête qui en fait état.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce ne sont pas des statistiques mais des sondages !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Les critères sont communiqués. On a beaucoup entendu le contraire, donc je vous invite vraiment à aller voir : les critères généraux sont fixés et les critères spécifiques déduits des critères généraux sont précisés pour chaque formation. Pourquoi cela n'a-t-il pas beaucoup de sens de fixer les critères à l'avance ? Parce que, vous le savez si vous avez déjà participé à un jury d'admission – et je suis sûre que c'est arrivé à certains d'entre vous –, il est très compliqué, avant de connaître les dossiers, de fixer les critères qui permettront in fine de les départager. Les critères généraux sont évidemment importants. Nous rappelons que toute discrimination est interdite.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme les contrôles au faciès, qui sont eux aussi interdits !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Il est important aussi que je rappelle, si vous ne souhaitez pas le faire, la confiance absolue que j'ai dans les équipes des enseignants-chercheurs qui prennent en charge ces dossiers et se les approprient pour les traiter comme je viens de l'indiquer.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Attention, il y a peut-être des islamo-gauchistes parmi eux !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vous ne voulez pas réintroduire le tirage au sort mais souhaitez supprimer Parcoursup. En réalité, vous entendez donc revenir à l'époque des files d'attente, où le jeune se rendait à quatre heures du matin devant un établissement en espérant que, au moment où il arriverait devant le guichet d'inscription, il y aurait encore des places dans cet établissement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons présenté des propositions précises !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Être ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et ne pas être capable d'écouter, c'est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au moment où l'on parle de Parcoursup, de la sélection, du manque de places et de moyens, je ne peux me taire sur la situation de l'université Paris-Nanterre, où des étudiants sans fac sont victimes de votre politique de sélection, que va d'ailleurs aggraver la mise en place d'un Parcoursup pour les masters, et où, en même temps, la présidence est soumise à votre austérité budgétaire. Votre gouvernement, qui aime tant les « en même temps », devrait pouvoir répondre tant aux revendications légitimes des étudiants – car étudier n'est pas un privilège mais un droit – qu'à l'épuisement des équipes pédagogiques qui ont prétendument toute votre confiance, mais que vous entraînez pourtant dans votre spirale du « faire toujours plus avec toujours moins ».

L'université Paris-Nanterre souffre d'un des plus bas taux d'encadrement, selon son président. Mes collègues Elsa Faucillon, Régis Juanico et moi-même vous avons interpellée par écrit à ce sujet. Au regard de la tension qui s'amplifie, je souhaite que vous vous engagiez à nous recevoir le plus rapidement possible.

Voilà les effets de Parcoursup et de votre politique budgétaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite réagir au discours tenu par la ministre, car j'ai le sentiment que nous ne vivons pas dans le même monde. Vous avez raison, madame la ministre, les statistiques doivent être exhaustives et il faut les regarder dans leur globalité. J'opposerai donc deux autres chiffres à la logorrhée que vous nous avez envoyée à la figure : 82 % des lycéens, selon un sondage réalisé par votre propre ministère – il me semble que c'est toujours votre ministère –, jugent la plateforme stressante, et 61 % estiment qu'elle n'est pas juste et ne traite pas tous les candidats de la même manière.

Peut-être trouverez-vous plus étayé l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), qui me semble être une organisation émettant des avis plutôt clairs et impartiaux : « Du fait de leur opacité », écrit-elle, « les procédures d'affectation dans le processus d'utilisation de Parcoursup sont anxiogènes et sont perçues comme arbitraires. Le manque de transparence qui entoure ces règles de classement nuit à l'efficacité et à l'équité de la procédure […] » La Cour des comptes, organisme impartial – du moins je le crois –, assure quant à elle que « malgré un nombre significatif de nouvelles places créées, le taux de pression des filières sélectives et non sélectives a augmenté entre 2018 et 2019 ». Il n'y a pas que nous qui le disons.

En tant que députés, nous avons l'occasion de rencontrer un grand nombre de citoyens, qui nous font état d'interrogations, d'incompréhension, de stress, alors entendre de la bouche de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche que ce n'est pas grave d'avoir un peu de stress en terminale parce que c'est l'année du baccalauréat, je trouve cela particulièrement choquant et insultant.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Ce n'est pas ce que j'ai dit !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand je vois le traitement que vous réservez à nos jeunes, je suis effarée et j'espère qu'ils sauront s'en souvenir.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Ugo Bernalicis applaudit également.

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Je souhaite prendre la parole au sujet du stress des étudiants, en rappelant tout d'abord ce qu'était APB, car visiblement certains l'ont oublié, et même ce qu'il y avait avant ce portail. Le stress des étudiants ne date pas d'aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le stress des bacheliers est ancien, il tient d'abord à l'épreuve du bac et, ensuite, à la procédure d'obtention de la formation de leur choix.

Parcoursup permet d'accéder à 19 500 formations par un seul outil et un seul calendrier, ce qui est une source très importante de simplification. Il donne toutes les informations nécessaires. L'ampleur de ces informations peut faire peur à certains jeunes, mais ils sont accompagnés par leurs professeurs.

Tous les jeunes, bien sûr, n'obtiennent pas ce qu'ils voulaient le plus. Je rappelle tout de même que, dans Parcoursup, les vœux ne sont pas hiérarchisés, ce qui est d'ailleurs une forte demande des lycéens, qui veulent pouvoir mûrir leur projet et en décider après avoir eu le bac, au dernier moment.

Reste bien sûr le sujet du stress, qui est généré par le fait d'avoir des choix à faire – on comprend que ce soit stressant – et surtout par l'attente de réponses, ce qui est lié au fonctionnement des listes d'attente. Un tel stress est inhérent à tous les choix que l'on a à faire dans sa vie ; les lycéens l'apprennent à ce moment-là. Il pourrait toutefois être diminué par la poursuite de l'amélioration du calendrier, et notamment du calendrier des listes d'attente – je tiens d'ailleurs à souligner à quel point cela a déjà été beaucoup amélioré depuis la création de Parcoursup. Il faut également encourager une communication bienveillante sur le droit à l'erreur, le droit à la réorientation et les passerelles qui existent entre les formations, autant de chose dont on ne parle pas assez. Il faudrait donc communiquer davantage auprès des jeunes et, bien sûr, auprès de leurs parents, qui sont tout aussi stressés et qui ajoutent certainement du stress à leurs enfants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, avant d'entamer l'examen des amendements à l'article 1er , je voulais vous faire part d'une réaction. Tout à l'heure, vous avez parlé de la Seine-Saint-Denis, territoire dont vous savez qu'il me tient à cœur.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

À moi aussi !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le hasard du calendrier fait que j'ai rencontré hier soir des parents d'élèves et des lycéens du lycée Paul Éluard à Saint-Denis, à leur invitation. Ils m'ont expliqué la façon lamentable dans laquelle se déroule leur scolarité – professeurs non remplacés, assistantes sociales, infirmières absentes, etc. Au-delà, ils m'ont aussi fait état de leurs inquiétudes quant à ce qu'ils ont vécu avec la réforme du bac et avec Parcoursup, car les deux sont liés. Et en liant les deux, vous avez aggravé la discrimination à l'encontre des lycées et des jeunes des quartiers populaires.

Le résultat, c'est que le bac – qui était un examen national avec, à chaque coin de France, du moindre petit village jusqu'au quartier populaire d'une grande ville en passant par les petites bourgades, le même examen pour tout le monde – en est réduit à une série d'examens potentiellement différents d'un lycée à l'autre, donc potentiellement perçus comme ayant une valeur différente ici ou là. Parcoursup a renforcé la sélection. Avec Parcoursup, dites-vous, le nombre d'étudiants originaires de Seine-Saint-Denis qui vont dans les universités parisiennes a augmenté de 5 %. Ces propos me choquent.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Je n'ai pas dit ça !

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe GDR

Si, c'est ce que vous avez dit !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous le regrettez peut-être, mais vous l'avez dit. C'est choquant et méprisant pour les jeunes de la Seine-Saint-Denis. Il n'est pas question d'autoriser quelques-uns à sortir de leur réserve indienne pour étudier dans les universités parisiennes. Je suis député de la Seine-Saint-Denis, où sont implantées deux grandes universités – Paris 8 et Paris 13. La question est la suivante : Parcoursup a-t-il permis à plus d'enfants de la Seine-Saint-Denis d'accéder à l'enseignement supérieur ? La réponse est non !

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En renforçant la sélection, Parcoursup a mis plus d'enfants des quartiers populaires sur le banc de touche que ne le faisaient les dispositifs précédents !

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Ce que vous dites n'est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux amendements.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit d'une nouvelle rédaction de l'alinéa 3, relatif à l'anonymisation, sans préjudice des mécanismes de promotion de l'égalité des chances. Nous proposons une rédaction plus opérationnelle du dispositif d'anonymisation du lycée d'origine dans la plateforme Parcoursup, afin d'éviter que ce critère soit utilisé à des fins discriminatoires et de reproduction des inégalités sociales, et de contribuer au mouvement d'harmonisation des pratiques de notation entre les différents établissements.

L'amendement précise également que cette anonymisation ne remettrait pas en cause les dispositifs visant à promouvoir l'égalité des chances, principe auquel nous sommes très attachés – comme beaucoup d'entre nous j'imagine. Au nom des lycéens, des étudiants et des parents, je vous encourage à faire preuve d'ouverture.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vous l'avez compris : le Gouvernement ne souhaite pas l'adoption du texte.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vous l'avez dit vous-même, madame la rapporteure : en réalité, ce texte une attaque frontale contre la politique que la majorité mène depuis 2017 en matière d'orientation et d'accès à l'enseignement supérieur. Il est très important de rappeler que tout ce qui a été fait – mise en place de quotas de boursiers et pour les bacs professionnels et les bacs technologiques pour suivre un BTS ou entrer dans un IUT – vise à ce que chaque jeune, où qu'il soit sur le territoire, ait plus de chance d'accéder à ses choix.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Je ne dis pas que c'est mieux ou que c'est moins bien. Simplement, plutôt que de séparer les académies de Paris, de Versailles et de Créteil, traiter toute l'Île-de-France comme une seule académie a permis à plus de jeunes d'aller étudier dans l'établissement qu'ils avaient choisi.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Pour moi, c'est absolument essentiel. Ceux qui souhaitaient…

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

C'est bien la réalité, en effet, les chiffres le montrent. Plus de jeunes de Seine-Saint-Denis – pas moins – ont accédé à l'enseignement supérieur depuis que la plateforme a été mise en place,…

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

…et ils sont accompagnés. Tous les chiffres sont disponibles, et ce ne sont pas ceux de la ministre : ils viennent des services qui gèrent Parcoursup, des rectorats…

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Lesquels sont indépendants et pas sous votre tutelle, évidemment !

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Ce sont les chiffres des professeurs du secondaire, qui passent une grande partie de leur été avec les professeurs du supérieur pour faire des propositions à l'ensemble des jeunes. Une fois de plus, je tiens à dire que les commissions d'accès à l'enseignement supérieur, qui réunissent des conseillers d'orientation, des professeurs du secondaire et du supérieur, des recteurs et des psychologues de l'éducation nationale, font un travail exceptionnel auprès des jeunes. En leur téléphonant et en leur demandant de mieux définir leur projet, ils leur permettent de trouver une formation qui correspond à leur choix. C'est absolument essentiel.

S'il y a une chose sur laquelle j'espère que nous pourrons nous rejoindre, c'est l'importance du travail d'accompagnement de l'ensemble des enseignants du secondaire comme du supérieur, pour favoriser l'accès à l'enseignement supérieur. Il faut vraiment comprendre qu'en première année de licence, 10 % des étudiants – presque 20 000 – ont des cours adaptés pour leur permettre de réussir, des travaux dirigés en plus, et un accompagnement par des tuteurs. Voilà ce qui nous permet de faire progresser le nombre d'étudiants de première année qui passent en deuxième année.

Comment peut-on se satisfaire collectivement d'avoir trouvé, en 2017, moins de 40 % des jeunes inscrits en première année qui passaient en deuxième année ? C'est le sens de l'investissement de plus de 1 milliard d'euros que le Gouvernement a fait dans le premier cycle universitaire pour accompagner les étudiants vers la réussite. Pour moi, démocratiser…

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

…ce n'est pas donner une carte d'étudiant aux jeunes en les laissant se débrouiller. C'est donner les moyens aux établissements de faire ce que nous avons mis en place, c'est-à-dire d'offrir un accompagnement personnalisé.

Il y a tout de même un minimum de logique : je ne pense pas qu'un président d'université ou un recteur demande des créations de places dans des filières où il n'y a pas de demande. Toutes les places créées le sont, je puis vous l'assurer, dans des filières en tension.

Protestations sur quelques bancs du groupe GDR.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Vous imaginez bien que les responsables des établissements ne font pas de demandes farfelues, ils en formulent là où se fait sentir une pression supplémentaire. Expliquez-moi : quelle logique y aurait-il à ajouter 1 milliard de financement pour les universités si notre but était de restreindre l'accès à l'enseignement supérieur ?

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Un abondement de 1 milliard, c'est largement insuffisant au regard de l'augmentation du nombre d'étudiants.

Je salue effectivement l'implication des enseignants du secondaire, voire du supérieur, pour accompagner les étudiants. Ils le font beaucoup, et ils le font en plus de leur travail. C'est ce qu'on appelle le « toujours plus », avec toujours moins de moyens. Voilà ce que nous regrettons. Ils le font en lieu et place des centres d'information et d'orientation (CIO), des conseillers d'orientation que vous avez carrément liquidés – c'est tout un système que vous avez liquidé.

M. Ugo Bernalicis applaudit.

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Ces personnels, dont c'était le métier, il n'y en a plus. Je ne vois pas comment un professeur de maths, même principal, pourrait connaître toutes les filières et toutes les spécificités qu'il faut suivre pour rentrer dans telle ou telle filière. On a même vu apparaître des coachs privés ! D'un coup, on a vu pulluler des publicités faisant la promotion des coachs privés pour savoir comment s'orienter dans le méandre de Parcoursup et des spécialités. Voilà la réalité. Et je salue le travail des enseignants.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Moi aussi !

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En attendant, vous ne m'avez toujours pas répondu à propos de Nanterre ; car, je le répète, je salue aussi le travail des enseignants que vous mettez sous pression.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Marie-George Buffet applaudit également.

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Madame la ministre, je pense que vous n'avez pas la prétention de détenir la vérité à vous seule.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Non !

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Démonstration a été faite, et explication nous a été donnée, dans les universités, par les associations d'étudiants et les présidents d'université, que Parcoursup méritait pour le moins quelques corrections, rectifications, adaptations et améliorations. Dans ce texte de loi, nous vous proposons des améliorations de Parcoursup. Jusqu'à preuve du contraire, l'anonymat concernant le lycée d'origine ne me semble pas mettre en péril le fonctionnement de Parcoursup, mais vous le refusez…

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Oui !

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…au prétexte – au moins, vous le dites clairement, cela a l'avantage d'être clair – que vous êtes contre la proposition de loi. Vous pourriez néanmoins considérer que le texte contient des dispositifs issus des remontées du terrain – on vous en a même peut-être fait part. Nous vous proposons de les reconnaître et de les mettre immédiatement en œuvre en les adoptant. Ce qui ne vous convient pas, vous le rejetterez – vous avez une majorité pour cela ; mais, plutôt que de tout rejeter en bloc en considérant que le texte est complètement inadapté, il y a peut-être des mesures qui méritent d'être adoptées.

Ce n'est pas nous qui faisons la démonstration, c'est le terrain. Ce n'est peut-être pas toute la France. Notre groupe ne comprend qu'une quinzaine de députés ; nous n'avons pas la prétention de représenter l'ensemble du territoire français,…

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Nous non plus !

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…mais nous représentons une formation politique qui, elle, est présente sur l'ensemble du territoire français et qui est au contact des différents acteurs. Encore récemment, avec le Mouvement jeunes communistes de France, nous avons fait le point et constaté que la proposition de loi correspond exactement aux attentes des étudiants, des professeurs et des présidents d'université quant à une amélioration du dispositif. Nous vous disons que Parcoursup n'est pas le dispositif idéal pour entrer à l'université, et il l'est encore moins pour les masters et les autres formations. Saisissez la balle au bond afin, à tout le moins, de l'améliorer, comme nous vous y invitons – et si vous ne voulez pas l'améliorer, afin de le supprimer.

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Concernant l'anonymisation, je rappelle qu'un établissement sur cinq se servirait du critère du lycée d'origine. C'est tout de même quelque chose qui doit nous interpeller. Nous saluons, nous aussi, le travail des professionnels. Le problème, c'est qu'ils ne sont pas toujours formés. Un psychologue de l'éducation nationale pour 1 500 élèves : on peut quand même convenir qu'on n'est pas dans de l'accompagnement personnalisé !

Madame la ministre, vous avez demandé comment concilier l'anonymisation et les cordées de la réussite. C'est précisément l'objet de l'amendement que de tenir compte des processus de discrimination positive ; il suffit donc de l'adopter. Je veux vous faire part, chers collègues, des propos de Mme la ministre – car je les ai bien entendus –, qui a justifié son refus en disant qu'il ne fallait pas chercher à « faire le buzz ». Je ne sais pas si tel était le cas ; nous avons cherché à améliorer Parcoursup mais, visiblement, ce n'est pas l'objectif du Gouvernement.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupe GDR et FI. – Mme Lamia El Aaraje applaudit également.

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Je voudrais d'abord saluer les très nombreuses améliorations qui ont été apportées à Parcoursup depuis sa création. Vous l'avez rappelé, madame la ministre, les progrès dans l'accompagnement des bacheliers dans leurs choix d'orientation sont réels, et l'accès à certaines filières très sélectives a été démocratisé.

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Néanmoins, depuis l'ouverture de la plateforme, et à chacun des points d'étape réalisés depuis, des voix se sont opposées à la mention du lycée d'origine dans la procédure, au motif que le risque de discrimination à l'égard des lycéens issus d'établissements défavorisés ou situés en zone rurale était élevé, alors même que ces élèves n'ont pas choisi leur lycée de secteur.

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Si la mention du lycée d'origine est maintenue, comment peut-on sérieusement considérer qu'un élève venant d'un lycée défavorisé a les mêmes chances que celui qui vient d'un lycée de centre-ville qui jouit d'une excellente réputation ?

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

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La pondération du lycée d'origine sur la base de critères plus ou moins aléatoires, comme la réputation, pose un vrai problème d'équité sociale.

Mentionner le lycée d'origine de ces élèves, c'est comme l'adresse sur le CV : cela revient à les assigner à résidence.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

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On ne peut pas approuver une telle discrimination.

On nous parle des procédures d'ouverture sociale, notamment des cordées de la réussite. Sans doute peuvent-elles être intégrées à la procédure : techniquement, la question me paraît soluble. En ce qui concerne l'hétérogénéité des notes entre les différents établissements, c'est une question sans doute réelle, mais une objectivation me semble possible : une commission pourrait s'emparer de cette question pour examiner les différences de notation. Là encore, je crois cette question soluble.

En tout état de cause, je voterai cet amendement.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement n° 10 .

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Nous retirons l'amendement, puisque l'amendement n° 1 avait un objet similaire.

L'amendement n° 10 est retiré.

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La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement n° 11 .

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Nous souhaitons que l'adresse du candidat ne soit pas accessible dans le cadre de la procédure nationale de préinscription : les établissements qui examinent les candidatures ne pourraient avoir accès qu'à l'académie dans laquelle réside le candidat. L'objectif est d'éviter toute discrimination en fonction du lieu de résidence et de garantir une égalité de traitement entre tous les candidats.

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Le Défenseur des droits a rappelé que « l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 […] dispose que toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le motif mentionné du lieu de résidence est interdite en matière d'éducation ». Le texte est très clair : « Le Défenseur des droits considère en première analyse […] que cette anonymisation doit couvrir le lieu de résidence. »

M. Ugo Bernalicis et Mme Elsa Faucillon applaudissent.

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La commission a émis un avis défavorable. À titre personnel, je suis favorable à l'amendement.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

L'amendement est satisfait : les dossiers de candidature ne mentionnent ni le nom, ni le prénom, ni l'adresse du domicile, ni l'âge du candidat – sauf cas particulier, comme les internats.

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J'émets des doutes sur ce que nous raconte la ministre.

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Tout à l'heure, elle a énoncé à la tribune un certain nombre de prétendues vérités ; ainsi, les étudiants inscrits sur Parcoursup auraient tout à fait connaissance des attendus des différentes formations, et quand ils ne sont pas pris, ils auraient un retour sur les raisons de cette décision.

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Vous dites « eh oui »… J'ai, moi, envoyé des petits messages à ma nièce, qui vient d'avoir son bac et qui est donc passée en 2021 dans la moulinette de Parcoursup : « Mais enfin, tu m'avais dit que tu n'avais eu aucune info sur les attendus ! »

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« Si », m'a-t-elle dit, « j'ai deux ou trois infos sur les attendus, mais on ne nous dit pas à quoi ils correspondent, ni combien ils pèseront dans la décision ! J'ai été écartée d'un certain nombre de filières parce que je ne correspondais pas aux attendus, à ce qu'on ne voit pas et qui se passe dans l'établissement. » Et il y a même des formations où son dossier est resté « en attente » : elle n'a donc jamais été refusée, et n'a pas eu de retour…

Les jours passant, l'été avançant, les gens essaient de s'organiser pour la rentrée en septembre. Il faut se loger… Ils finissent, par dépit, par prendre ce qu'ils ont sous la main. Voilà comment fonctionne votre système ! En revanche, les étudiants issus des meilleurs cursus, des meilleurs établissements, se laissent, eux, le choix d'attendre le plus longtemps possible, et d'hésiter entre différentes options qui s'offrent à eux. Vous avez réduit les délais, c'est vrai, pour éviter que les meilleurs ne bloquent complètement le système. Mais ils décalent encore dans le temps le choix de tous les autres.

Vous nous dites qu'il n'y a pas d'accès à l'adresse. Écoutez, par principe, je ne vous crois pas, je ne vous crois plus. Quand je vois par moi-même comment fonctionne Parcoursup, j'ai l'impression de vivre dans un monde radicalement différent du vôtre.

J'ajoute que ma nièce ne connaissait pas tous les attendus, la pauvre… Mais pour pouvoir cocher les bonnes cases, il aurait de toute façon fallu qu'elle retourne dans le passé pour choisir les bonnes options en seconde, les bonnes options en première, et le bon établissement, pour avoir les bons attendus en juillet.

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C'est du grand délire ! Voilà ce que fait votre système et voilà pourquoi il faut le changer.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Caroline Fiat applaudit également.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Je ne me permettrais pas… Vous vous autorisez à dire que je mens, mais moi je ne me le permettrais pas.

L'amendement n° 11 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 2 .

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Il prévoit que les formations publient les modalités et critères de sélection pour l'année en cours, et non pour l'année n – 1, comme c'est actuellement le cas. Cela ne fige pas les critères, je le répète.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Défavorable. Les attendus et les critères qui seront utilisés pour l'année qui s'ouvre sont affichés dès le mois de décembre.

L'amendement n° 2 n'est pas adopté.

L'amendement n° 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 4 .

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Il s'agit de préciser les nouvelles obligations de transparence que la proposition de loi vise à créer. Les informations doivent être communiquées en amont de l'ouverture de la procédure nationale de préinscription ; d'autre part, elles doivent être publiées au bénéfice de tous, et non des seuls candidats, afin de permettre à tous les élèves, notamment ceux de seconde dont nous parlions tout à l'heure, d'opérer des choix d'orientation éclairés.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Défavorable. L'accès à la plateforme Parcoursup, qui permet de consulter les attendus et les critères, est absolument public. Il est donc ouvert à tout le monde.

L'amendement n° 4 n'est pas adopté.

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Sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 5 .

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Il s'agit à nouveau de préciser les nouvelles obligations de transparence. La lisibilité et l'accessibilité des informations doivent être garanties, afin que chacun puisse les exploiter. La publication de ces informations n'a pas pour but de figer les délibérations des jurys, lesquels pourront toujours procéder à des classements manuels des candidatures en fonction d'éléments qui ne peuvent pas être résumés des chiffres, tels que les lettres de motivation ou les engagements extrascolaires.

Dans cette mesure, nous préservons également la faculté pour les candidats de réclamer les motifs pédagogiques fondant la décision les concernant, une fois que celle-ci leur aura été adressée.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Défavorable.

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Depuis tout à l'heure, on entend que Parcoursup fonctionne parfaitement. Mais il fonctionne par dépit !

L'exemple le plus criant de ce phénomène, c'est celui des instituts de formation en soins infirmiers : il y a un consensus chez leurs directeurs et directrices pour réclamer un retour aux conditions d'admission antérieures, c'est-à-dire à un concours d'entrée.

Aujourd'hui, ils accueillent des étudiants qui voulaient faire médecine, mais se retrouvent dans cette filière qu'ils n'ont pas choisie – car non, quand on veut faire médecin, on ne veut pas faire infirmier. Ceux-là n'iront pas jusqu'au bout de leur formation ou, pire, la termineront mais n'exerceront jamais le métier d'infirmier. Mais ils prennent la place de personnes qui, elles, en avaient vraiment envie…

Vous n'arrêtez pas de dire que l'on manque d'aides-soignants et d'infirmiers. Ces témoignages devraient vous amener à vous interroger : voilà une filière dont on a besoin, mais que vous remplissez d'étudiants qui ne l'ont pas choisie, et qui ne feront pas ce métier.

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Mais si ! Ils l'ont demandée, cette filière !

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Au lieu de me contredire, allez donc rencontrer les directeurs des IFSI !

L'amendement n° 5 n'est pas adopté.

L'amendement n° 6 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 58

Nombre de suffrages exprimés 57

Majorité absolue 29

Pour l'adoption 20

Contre 37

L'article 1er n'est pas adopté.

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L'article 2 concerne l'accompagnement personnalisé des lycéens pour leur orientation, qui est une question très importante. Néanmoins, nous ne voterons pas cet article. En effet, il n'est pas nécessaire d'inscrire une telle disposition dans la loi puisqu'elle est déjà inscrite dans la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, même s'il faut vérifier que cet accompagnement est effectif. C'est pourquoi le groupe La République en marche a demandé une mission flash, qui vient d'entamer ses travaux, sur l'orientation au lycée. Ses conclusions seront très éclairantes pour nous tous.

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La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir l'amendement n° 12 .

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Par cet amendement d'appel, nous proposons de rétablir un grand service public de l'orientation.

Comme je l'ai dit, votre gouvernement a supprimé tout le réseau d'accueil des CIO, réseau de plus de 478 lieux d'accueil qui étaient animés par des psychologues de l'éducation nationale spécialisés dans l'orientation, la connaissance des formations et des métiers.

Vous avez détruit tout cela, préférant le remplacer par du mentorat ou du tutorat à travers le dispositif « 1 jeune, 1 mentor » qui a bénéficié de 27 millions d'euros dans le projet de loi de finances 2022. Tout cela témoigne d'un véritable mépris pour les psychologues de l'éducation nationale. Vous préférez que les adultes exposent leur expérience de vie, comme le préconise le Président de la République, qui pense probablement être un exemple.

La disparition du service public d'orientation a favorisé le développement d'un marché privé. Ainsi, pour 445 euros – au bas mot –, un coach propose aux lycéens un accompagnement individualisé ayant conduit, selon cette entreprise lucrative, à ce que 90 % des candidats obtiennent en moyenne douze sous-vœux. Les parents sont obligés de payer des coachs pour que leurs enfants puissent s'inscrire !

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Par ces chemins détournés, vous faites de l'école un véritable marché lucratif, ce qui accentue les inégalités.

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Cet amendement me semble être de bon sens face au manque unanimement constaté du service public d'orientation, le dispositif actuel n'ayant pas les moyens suffisants pour accompagner personnellement chaque élève. Au regard des auditions, nous pouvons présumer des résultats de la mission flash qui vient d'être créée.

Comme vous, nous regrettons le développement des sociétés privées spécialisées en orientation et en coaching, car cela accroît les inégalités entre les élèves. À titre personnel, je suis donc favorable à votre amendement. Cependant la commission a émis un avis défavorable.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Madame Rubin, votre demande est satisfaite ; je vous demanderai donc de retirer cet amendement, sans quoi j'émettrai un avis défavorable. Le service public de l'orientation a été renforcé par les dispositions de la loi du 5 septembre 2018. Les régions y ont été associées et complètent l'action de l'État en matière d'information sur les métiers et de formation directe pour les élèves, les étudiants et les apprentis. Ce service se déploie désormais tout au long de la vie pour garantir à chacun une information gratuite, complète et objective sur les métiers.

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Madame la ministre, savez-vous combien de psychologues de l'éducation nationale ont dû déserter les CIO qui ont été fermés ? Avec les élèves, c'est la proximité qui compte. Le travail n'a pas à être accompli dans un grand centre piloté par la région. De toute façon, les CIO travaillaient déjà avec la région. Les élèves ont besoin de lieux physiques, de personnels présents dans les établissements scolaires. Pouvez-vous nous communiquer le nombre des CIO et de postes de psychologues qui ont été rayés de la carte ?

M. Ugo Bernalicis applaudit.

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Je confirme ce qu'a dit Sabine Rubin sur le démantèlement des CIO.

Madame la ministre, pourriez-vous répondre à la question que je vous ai posée ? Comment expliquez-vous qu'au moment où vous avez mis en place Parcoursup, on assiste à un développement sans précédent de boîtes tirant leur revenu de l'orientation des lycéens, prestation qu'elles facturent incroyablement cher ?

Les classes supérieures ne sont pas les seules à faire appel à ces boîtes. L'angoisse est si vive chez les classes populaires, qui craignent que l'échec scolaire soit synonyme de mort sociale, que les familles sont prêtes à payer ces sommes de 500 ou 800 euros, en se saignant aux quatre veines pour avoir accès à ces informations. Celles-ci correspondent en effet à des codes scolaires qui sont les ressources de celles et ceux qui les maîtrisent du fait de leur classe sociale d'origine ou du fait d'une ascension sociale. En revanche, les classes populaires ne les maîtrisent pas.

Madame la ministre, vous connaissez ces chiffres et vous savez donc très bien que nous sommes l'un des pays où les inégalités sociales et les inégalités scolaires sont le plus fortement corrélées ; nous sommes même le pays d'Europe où cette corrélation est la plus forte. Le fait de maîtriser ou non les codes scolaires détermine grandement le parcours et l'orientation.

Vous nous assénez la liste des dispositifs existants, mais que constatons-nous sur le terrain ? Je me suis rendue récemment dans une classe de terminale : les élèves sont angoissés ; pour leur orientation, ils s'adressent à leur professeur principal, qui est déjà en difficulté pour faire tout ce qu'il a à faire.

C'est le fondement même de l'orientation par le biais de Parcoursup qui est faussé : l'orientation devrait consister à examiner ce que les élèves aiment, les ressources dont ils disposent et leur potentiel, tandis qu'actuellement elle consiste à essayer de se faire une place dans le labyrinthe qu'est la sélection.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe FI.

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Mes chers collègues, quand je vous entends, je n'ai pas l'impression qu'on vit dans le même monde. Épargnons-nous le suspense de cette mission flash : elle vous dira que les inégalités sociales sont criantes,…

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…ce que l'on peut aisément montrer grâce à des chiffres et à des données concrètes : 12 % des enfants d'ouvriers accèdent à l'enseignement supérieur ; 76 % des enfants de cadres obtiennent un diplôme de l'enseignement supérieur. Cela s'appelle la reproduction sociale. Cela s'appelle l'assignation sociale. Cela s'appelle l'assignation territoriale.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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Cela signifie qu'en fonction de son lieu de naissance, de sa famille, de l'origine de ses parents et de ses grands-parents, on est conditionné à rester dans la classe sociale et dans le territoire où on est né.

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Cette assignation n'est pas acceptable. Ce n'est pas notre vision de ce que doit être l'égalité républicaine, conformément à la devise de notre République : Liberté, égalité, fraternité.

Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

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Vous pouvez nous répéter vos convictions à l'envi ; elles n'en deviennent pas vraies pour autant.

Nous soutiendrons donc cet amendement, car nous croyons que le service public est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas. Nous croyons que le service public doit accompagner tous nos enfants pour leur permettre d'aller le plus loin possible quelles que soient leurs conditions de départ dans la vie.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.

L'amendement n° 12 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 7 .

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Il vise à préciser que l'accompagnement personnalisé en vue de la préparation de la procédure Parcoursup doit s'exercer dès la classe de seconde, eu égard à l'importance du choix des spécialités et des options à la fin de cette année scolaire. On constate que les élèves choisissent parfois des spécialités qui leur ferment les portes des formations qu'ils veulent intégrer plus tard.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

L'amendement étant satisfait, je vous demanderai de le retirer. En réalité, l'accompagnement pour l'orientation a été mis en place de la classe de quatrième jusqu'en terminale pour toutes les voies de formation.

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La question de l'orientation est essentielle. Au lycée, les professeurs sont de moins en moins enclins à accepter la charge de professeur principal depuis qu'ils sont chargés de l'orientation, car ils n'en ont pas nécessairement les compétences et leur charge est lourde étant donné le nombre de missions qu'ils ont à accomplir. Comme l'a dit Mme Rubin, il est nécessaire qu'existent des structures du service public pour orienter les jeunes en fonction de leurs possibilités et de leurs aspirations. Là, on n'y est vraiment pas. Vous continuez de demander aux professeurs dont ce n'est pas la première mission de faire de l'orientation, mais cela ne fonctionne pas.

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Vous allez refuser l'article 2 au motif de la mise en place d'une mission flash. Je ne veux pas être un oiseau de mauvais augure, mais quand on connaît le sort d'autres missions flash pendant ce quinquennat, on peut avoir quelques doutes. Ainsi, en juillet 2017, une députée vous a parlé des difficultés dans les établissements de santé. Vous avez alors lancé une mission flash sur les EHPAD, suivie d'un rapport ; la fin du quinquennat arrive et rien n'a été fait. Au lieu de lancer une mission flash, il serait souhaitable d'examiner les textes de loi qui vous sont proposés et d'agir tout de suite.

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Vous ne cessez de dire : « Quelles sont vos propositions ? » Peut-être n'êtes-vous pas au courant, mais nous sommes actuellement en train de débattre d'une proposition de loi. Nos propositions sont là, ce sont les propositions du groupe GDR que vous êtes en train de supprimer en vidant le texte de son sens. Par pitié, cessez de nous demander quelles sont nos propositions quand nous sommes en train de débattre des propositions du groupe GDR !

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

L'amendement n° 7 n'est pas adopté.

L'amendement n° 8 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 9 .

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Il tire les conséquences de la réforme du baccalauréat général sur la procédure Parcoursup en imposant la publication des combinaisons d'enseignements optionnels et de spécialités que les CEV entendent privilégier pour l'accès à leur formation. Le terme « conseillés » remplace le terme « indispensables » pour laisser la possibilité aux CEV de retenir la candidature d'élèves n'ayant pas suivi ces enseignements mais dont le profil leur semble néanmoins intéressant.

Je saisis l'occasion de ce qui sera certainement ma dernière prise de parole pour remercier très chaleureusement les députés qui m'ont accompagnée et les administrateurs qui ont été extrêmement efficace.

Applaudissements.

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Je veux féliciter en particulier l'administrateur avec lequel j'ai travaillé et qui vient d'être reçu à l'ENA. Je tiens à souligner la qualité de votre travail, qui a été conséquent, et l'aide que vous m'avez apportée à tous les instants.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

L'amendement est satisfait puisque, depuis 2020, toutes les informations sur les parcours recommandés, conseillés, et le cas échéant sur les enseignements de spécialité, sont renseignées sur la plateforme.

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J'ai l'impression que nous vivons dans des mondes différents.

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D'un côté, un monde où tout est parfait et, de l'autre, un monde où, si nous ne disons pas que tout est mauvais, il y a tout de même des choses à améliorer.

S'il est angoissant, pour un jeune de Seine-Saint-Denis, de s'orienter dans Parcoursup, imaginez ce que cela peut être pour un jeune de l'outre-mer. Il doit réserver son billet d'avion qui peut lui coûter jusqu'à 3 000 euros ; il n'a aucune garantie de trouver un logement quand il vient ici. Certes, la loi a été votée, mais quand les jeunes d'outre-mer veulent avoir accès à un logement privé, les propriétaires n'acceptent pas que les parents se portent caution : ils exigent un garant en métropole. Imaginez le stress éprouvé par ces jeunes !

Nous vous proposons des mesures simples, qui visent à accroître la transparence, l'information, l'égalité, mais vous les balayez d'un revers de main. C'est dommage. Je suis déçu, car je pensais être né dans une République où le lieu d'où l'on vient ne détermine pas jusqu'où on peut aller.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.

L'amendement n° 9 n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté.

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L'ensemble des articles ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.

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L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de loi visant à lutter contre la banalisation des discours de haine dans le débat public (4660).

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Fabien Roussel.

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Notre démocratie est d'autant plus vivante qu'elle se nourrit d'une ardente confrontation des idées, dans le respect de nos valeurs républicaines. C'est ce cadre-là, auquel nous sommes tous fondamentalement attachés, qui permet la plus large liberté d'expression politique. Or, depuis de nombreuses années, ce pacte qui nous unit est dévoyé, mis à mal par la banalisation de propos racistes, discriminatoires et antisémites.

Alimentée par les réseaux sociaux, relayée par certains médias et par une accumulation de déclarations publiques, cette banalisation de propos racistes menace notre société, comme elle menace des citoyens agressés à cause de leur couleur de peau, de leur origine ou de leur religion.

Le constat, hélas, n'est pas nouveau. Dès 2015, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU s'inquiétait de la banalisation en France du discours haineux à l'égard des minorités, notamment des Roms. Ces dernières années, ce sont les actes contre nos concitoyens musulmans ou juifs qui ont progressé.

Les chiffres sont tristement éloquents. Ils marquent une inquiétante progression des propos racistes et antisémites. Pendant l'année 2020, pourtant marquée par le confinement, le Conseil français du culte musulman a enregistré une progression de 53 % par rapport à 2019 des actes antimusulmans commis sur notre sol.

De son côté, le service de protection de la communauté juive, s'il se réjouit d'une légère baisse des actes antisémites en 2020 par rapport à 2019 et 2018, déplore une explosion de 121 % de ces actes, entre 2017 et 2019.

Mais les chiffres ne disent pas tout. La diffusion décomplexée des discours de haine a libéré des organisations d'extrême droite, identitaires, racistes, suprémacistes, que l'on croyait renvoyées pour longtemps aux oubliettes de l'histoire.

Le réveil est brutal, comme nous pouvons tous le mesurer dans la vie quotidienne, où des ministres, des parlementaires ou des joueurs de foot, des artistes sont comparés à des singes, où nos concitoyens musulmans sont associés au terrorisme, où des synagogues et des tombes sont taguées de croix gammées, quand ce n'est pas le portrait de personnalités comme Simone Veil. Nous avons également en mémoire les tirs d'un ancien candidat du Front national contre la mosquée de Bayonne, faisant deux blessés graves.

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Dernièrement, à Arras, ce sont des militants d'extrême droite qui ont déployé, devant la façade de la section locale de mon parti, une banderole reprenant le sigle d'un groupe terroriste auteur de multiples attentats dans le monde. L'un de ces délinquants portait un tee-shirt orné d'une tête de mort de la Waffen-SS, l'unité spéciale chargée de la gestion des camps de concentration.

Ce genre d'épisode, misérable, est loin d'être isolé, et mon parti a d'ailleurs subi pas moins de vingt-neuf dégradations similaires en deux ans. Chaque fois, ces événements suscitent l'indignation générale des citoyens, des associations, d'anciens combattants et de déportés, des élus de tous bords, de gauche et de droite, tous rassemblés pour refuser cette idéologie, comme nous le fûmes, dans la Résistance et pour la libération du pays.

Pourtant, les propos racistes et antisémites perdurent dans le débat public, la parole et les actes semblent libérés. Ainsi, le 23 novembre dernier, treize hommes fichés S, membres du groupe d'extrême droite « Recolonisation France », ont été arrêtés par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité (OCLCH) : sur les réseaux sociaux, ce groupe appelait à former des unités armées, dans la perspective d'une guerre civile causée par l'immigration.

Ce climat, je le répète avec force, est une menace pour notre démocratie. C'est pourquoi nous devons non seulement être extrêmement vigilants sur les propos tenus dans l'espace public, mais aussi d'une fermeté totale à l'égard de ceux qui transgressent nos lois.

Dans cette bataille, les élus se doivent d'être en première ligne, irréprochables, exemplaires. C'est d'ailleurs pourquoi, au fil des récentes affaires qui ont traversé notre vie politique et sur lesquelles je ne reviens pas, des peines complémentaires d'inéligibilité se sont imposées dans la loi. Elles sont notamment prévues dans les cas de manquement au devoir de probité, dans les cas de corruption, de trafic d'influence, de fraude fiscale ou électorale.

Des élus, des responsables politiques nationaux, des ministres ont été sanctionnés, et c'est tant mieux. La justice a fait son travail en prononçant des peines d'inéligibilité. Qui accepterait qu'un responsable politique condamné pour détournement de fonds puisse se présenter aux élections ?

La même sanction complémentaire d'inéligibilité existe aussi pour les délits d'injure ou de violence à caractère raciste, antisémite ou homophobe, d'apologie du terrorisme, de négationniste ou de participation à des associations dissoutes.

Au début de cette législature, le Parlement s'était emparé de cette question en adoptant un amendement au projet de loi pour la confiance de la vie politique, qui visait à rendre cette sanction automatique. C'était une courageuse initiative, mais le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition, en raison, précisément, du caractère automatique de la peine.

La proposition de résolution que nous vous soumettons évite cet écueil. Elle ne prétend pas créer de nouvelles dispositions mais entend tout simplement rappeler la loi, toute la loi, rien que la loi ! En effet, la loi du 29 juillet 1881, modifiée par la loi Gayssot du 13 juillet 1990, prévoit déjà, dans son article 24, de sanctionner d'une peine complémentaire d'inéligibilité les auteurs d'infractions racistes ou discriminatoires.

Par cette résolution, nous vous proposons d'envoyer un message fort, unanime, républicain, afin de garantir un débat public sans propos xénophobes. Entendons-nous : il ne s'agit pas, comme j'ai pu l'entendre, de brider la liberté d'expression, mais au contraire de la protéger contre ceux qui la pervertissent.

Il ne s'agit pas non plus d'interdire à qui que ce soit de se présenter à l'élection présidentielle. Ce n'est pas notre rôle. Il y a des règles, notamment liées à la présentation de 500 parrainages, et c'est au Conseil constitutionnel de vérifier si toutes les conditions sont remplies.

Concernant l'inéligibilité, ce sont les juges qui décident, ou pas, de prononcer cette peine, y compris dans les procès à venir, quel que soit d'ailleurs votre vote sur cette résolution.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui, absolument !

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Ce que nous voulons, c'est, grâce à un vote qui pourrait être unanime, envoyer un message ferme, simple et clair, pour réaffirmer que, dans notre pays, les propos racistes et antisémites sont bannis du débat public et peuvent entraîner l'inéligibilité de leur auteur.

À quelque mois d'élections importantes, montrons aux Français que nous pouvons avoir un débat qui mette en évidence nos différences mais sans jamais tomber dans l'outrance.

Je vous interroge toutes et tous : quelle image renverrait notre assemblée si, à l'inverse, nous rejetions une telle résolution ? Qu'est-ce que cela signifierait ? Que les propos racistes relèvent de la liberté d'expression ?

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Que l'incitation à la haine peut figurer dans le débat public, sans que cela ne nous pose aucun problème ?

Je m'adresse donc à vous, députés de la majorité et du groupe Les Républicains, que j'aimerais voir siéger pour examiner cette résolution :…

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Ils ont du travail ! Ils fêtent la victoire d'Éric Ciotti !

Sourires sur les bancs du groupe Dem.

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…quel message allez-vous envoyer par votre vote ? Si ce texte est rejeté, le risque est bien d'adresser un mauvais message, un mauvais signal : le message, grave, que la parole raciste et antisémite n'est passible que d'une simple amende, comme c'est actuellement le cas dans notre loi.

Mes chers collègues, l'objectif poursuivi par la proposition de résolution peut, je le crois profondément, nous réunir très largement, dans la diversité de nos opinions.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Mme Lamia El Aaraje applaudit également.

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Oui, monsieur Roussel, cette proposition de résolution est tentante. Ne nous voilons pas la face, nous savons à quoi, ou plutôt à qui elle répond. Et même si vous avez essayé de vous en écarter dans vos dernières prises de parole, le prêcheur de haine ayant inspiré votre texte ne fait guère de doute :…

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Détrompez-vous, ils sont plus nombreux que cela !

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…vous le disiez d'ailleurs sans détour dans de précédentes interventions médiatiques. Cela rend la proposition de résolution d'autant plus tentante.

Croyez-moi, je suis la première irritée, que dis-je, révoltée, par l'omniprésence dans les médias, et maintenant dans la campagne présidentielle, d'une personne condamnée pour provocation à la haine et à la discrimination.

Non, les prêcheurs de haine n'ont pas leur place dans le débat public. Ce qu'ils font ne relève pas de la liberté d'expression, mais bien du discours de haine. Leurs mots sont autant de coups de canif dans notre pacte républicain : leur venin ne cherche qu'à asphyxier notre Marianne et nos valeurs.

Non, on ne peut prétendre vouloir représenter une nation aussi riche de sa diversité que la nôtre en insultant les femmes, les immigrés, les homosexuels, les migrants, les musulmans, la mémoire des déportés et, en définitive, toutes celles et tous ceux qui se battent pour notre pays et l'aiment profondément.

Croyez-moi, nous en sommes conscients. Mais cette question se réglera dans les urnes, car si cette proposition de résolution est tentante, elle n'est pas la solution.

Vous le savez, notre arsenal législatif est suffisant.

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Justement ! Il s'agit d'en avoir conscience !

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La loi de 1881 – loi fondamentale qui protège notre liberté d'expression et réprime les abus qui y sont portés – prévoit, en son article 24, qu'une peine complémentaire d'interdiction des droits civiques peut être prononcée contre les personnes dépositaires de l'autorité publique reconnues coupables de provocation à la haine.

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Cette disposition est précise, cadrée, applicable et appliquée.

J'en veux pour preuve la décision rendue le 15 mai 2020 par la chambre criminelle de la Cour de cassation à l'encontre d'un conseiller municipal du Rassemblement national de Fontaine, dans l'Isère, condamné à une peine complémentaire de quatre ans d'inéligibilité pour avoir tenu des propos odieux et indignes envers les Roms.

Adopter cette proposition de résolution reviendrait à demander au garde des sceaux de rappeler aux juges ce qu'ils font déjà,…

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…à savoir envisager l'interdiction des droits civiques dans les cas particulièrement graves. Or il ne revient pas au Parlement de demander au garde des sceaux d'imposer à la justice un degré de sanction, ni même de clarifier une loi, d'ailleurs particulièrement claire et lisible.

Certes, nous chercherions en vain une jurisprudence pléthorique sur l'application de cette disposition, et c'est tant mieux. J'aime à penser qu'il s'agit d'un texte d'exception destiné à répondre à des situations exceptionnellement odieuses.

Fort heureusement, rares sont les prêcheurs de haine qui osent, après avoir égratigné l'une de nos plus belles et chères libertés – la liberté d'expression –, porter cette haine jusqu'aux urnes et, ce faisant, dire à la nation qu'ils sont prêts à tous les affronts.

Et lorsqu'une telle chose se produit, j'estime que notre rôle n'est pas de voter des résolutions ou des lois mais, au contraire, de préserver cet hémicycle et tout ce qu'il symbolise. Face aux coups de sang, à la fébrilité, à l'agitation et à l'indignité des prêcheurs de haine, nous, parlementaires, répondrons avec distance et constance et veillerons au respect et à la préservation de nos droits fondamentaux et de nos valeurs républicaines, dans l'ensemble du territoire et en tout temps.

Surtout, mes chers collègues, nous ferons savoir notre désapprobation, sans équivoque, de tout ce qui met à mal notre cohésion nationale, de tout ce qui incite les enfants de notre République à se demander, aujourd'hui, s'ils sont encore les bienvenus dans notre pays en raison de leur prénom, de leur couleur de peau, de leur religion, de leur orientation sexuelle ou de leur genre.

Nous laissons les juges décider des peines adaptées à chaque situation, en confiance. Et nous laissons les citoyens apprécier la qualité de leurs représentants, en confiance. Ici réside la force d'une démocratie : c'est toujours dans les urnes que nous combattrons les prêcheurs de haine.

Et sachez, mes chers collègues, que nous sommes déterminés à ce qu'il n'y ait pas la moindre résolution, la moindre loi, le moindre décret, la moindre circulaire qui porte leur nom. Sur cela, je crois que nous nous rejoindrons.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

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« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », nous rappelle la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Rempart érigé il y a plus de deux siècles contre la censure, cette liberté, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, a donné lieu à une jurisprudence protectrice à laquelle on ne peut toucher que d'une main tremblante.

Comme nous le savons dans cet hémicycle, le Conseil constitutionnel se montre d'ailleurs un garant inconditionnel de cette liberté fondamentale. Il a ainsi rappelé au législateur que la liberté d'expression « implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l'expression de sa pensée ».

Si le législateur doit intervenir pour fixer des limites à cette liberté, lorsque l'ordre public ou d'autres valeurs fondamentales sont menacées, celles-ci ne peuvent être admises que si elles répondent au triple critère de nécessité, d'adaptation et de proportionnalité vis-à-vis de l'objectif poursuivi.

Dans l'exposé des motifs de votre proposition de résolution, monsieur Roussel, vous évoquez la censure du Conseil constitutionnel relative à la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité que prévoyait la loi pour la confiance dans la vie politique et qui emportait une interdiction ou une incapacité d'exercer une fonction publique. Les sages de la rue de Montpensier ont en effet considéré que « pour condamnables que soient les abus dans la liberté d'expression visés par ces dispositions », le caractère automatique de la sanction portait « une atteinte disproportionnée » à ce principe fondamental.

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Comme vous, comme tous les députés présents dans cet hémicycle, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés rejette les discours répandant ou justifiant la haine raciale, la xénophobie, l'antisémitisme. Nous rejetons toute forme de haine fondée sur l'intolérance, les discriminations, la violence. Comme vous, nous considérons que les discours véhiculant ces pensées constituent un risque pour la paix sociale et portent atteinte à notre pacte républicain.

Cependant, contrairement à vous, nous ne pensons pas que l'adoption de cette proposition de résolution soit pertinente dans ce combat que nous menons tous au sein de notre assemblée.

Vous proposez que la circulaire de politique pénale générale du garde des sceaux précise aux juridictions compétentes « les conditions d'application » de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 « à l'encontre de tout responsable politique ou de toute personne partie prenant du débat politique qui se rendrait coupable des délits visés » à cet article. Vous proposez également que ces juridictions aient à examiner « la possibilité de retenir la peine complémentaire d'inéligibilité prévue à ce même article » si le délit s'avère particulièrement odieux ou s'il est répété. Vous souhaitez donc que le législateur s'adresse au juge par l'intermédiaire de cette proposition de résolution et lui demande d'appliquer davantage la peine complémentaire d'inéligibilité.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Eh oui…

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Si nous comprenons vos objectifs, nous considérons que le juge doit pleinement conserver son pouvoir d'appréciation et le contrôle de la proportionnalité des peines en toute indépendance.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Voilà !

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En adoptant votre proposition de résolution, nous risquerions de brouiller la séparation des pouvoirs et, partant, de violer l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui en fait un élément essentiel de notre pacte républicain.

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Chers collègues, il faut se garder de toucher à ce principe démocratique essentiel.

Pour terminer, je tiens à vous remercier, monsieur Roussel, de nous avoir donné une nouvelle occasion de dénoncer de manière unanime les discours de haine ou de provocation à la haine, à la violence et aux discriminations. Tout comme vous, le groupe Dem est attaché à la probité des personnes occupant une fonction élective ou qui ambitionnent de se présenter à des élections. Mais, contrairement à vous, nous considérons qu'une fois la loi adoptée, le législateur n'a pas à s'immiscer dans le travail du juge.

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C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas votre proposition de résolution.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.

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La République est une promesse. La République est une perspective. La République est un modèle – majeur, fondamental, universel. La République inclut chacun et offre une place à tous. Elle donne du sens et un cadre au commun.

De prime abord, la proposition de résolution inscrite à l'ordre du jour par nos collègues communistes pourrait ne pas paraître nécessaire. En effet, peut-on penser qu'en 2021, en France, pays des Lumières, pays des droits de l'homme, pays de Voltaire, l'Assemblée nationale ait à discuter d'un texte de cette nature ?

Peut-on penser qu'en 2021, nous assistions à un tel délitement du débat public ?

Peut-on penser qu'en 2021, nous assistions, incrédules, à des saillies médiatiques au cours desquelles des candidats aux plus hautes fonctions de notre République foulent impunément aux pieds nos principes humains les plus fondamentaux et nos lois les plus élémentaires ?

Peut-on penser qu'en 2021, on puisse stigmatiser, vilipender, insulter, dénigrer une partie de nos concitoyens, une partie de nos enfants, en raison de leur prénom, de leur couleur de peau, ou de l'origine de leurs parents, grands-parents, arrière-grands-parents, voire arrière-arrière-grands-parents ?

Au plus grand regret de ma famille politique et, je le crois, de tous les républicains, de tous les amoureux de la France, nous sommes entrés dans une période de très grande turbulence politique. Tout le monde a un avis sur tout, sait mieux que tout le monde, peut faire mieux que tous les autres et, surtout, le dit partout, sur tous les tons, usant de tous les dérapages possibles : les plus outranciers, les plus racistes et les plus haineux.

La haine est devenue l'opium des agitateurs de peurs, le fonds de commerce des prédicateurs du passé et le leitmotiv de tous ceux qui pensent que l'autre est un ennemi parce que différent, parce que autre. Cette haine se distille comme un poison qui, peu à peu, se glisse dans tous les foyers, s'invite à toutes les tables et squatte tous les plateaux de télévision.

Certains s'amusent à souffler sur les braises de cette haine, se prétendant remparts républicains, mais dévoyant en fait la République à des fins populistes et électoralistes, et faisant de notre salut commun un clou scellant la tombe extrémiste que d'aucuns creusent consciencieusement. Comme si le passé n'avait pas servi de leçon. Comme si l'avenir de nos enfants leur importait peu. Comme si la République ne méritait pas que l'on se soucie d'elle.

Je salue l'initiative de nos collègues communistes. Même s'il est évident que ce n'est ni au Parlement ni au Gouvernement de dicter à la justice l'application de la loi, la mise en garde contenue dans la proposition de résolution n'est pas inintéressante, et ce même si le Conseil constitutionnel a – logiquement – retoqué son application automatique en 2017.

La proposition de résolution invite le garde des sceaux à rappeler le sens et l'intérêt de la peine complémentaire d'inéligibilité en cas de discours haineux tenu par une personnalité publique. Ces prédicateurs de haine, ces prophètes du passé, ces héritiers de Pétain, de Maurras ou de Renaud Camus menacent la paix garantie par la République et notre démocratie. Ils mettent en scène notre société d'une façon pervertie. Alors oui, il faut que ces personnalités, celles qui pointent une arme à bout portant sur des journalistes, celles qui insultent la presse, celles qui font des gestes injurieux à nos concitoyens, celles-là mêmes qui sont des menaces pour la démocratie, celles qui renient les crimes du passé de notre pays, celles qui considèrent que certains humains, mieux nés, valent mieux que d'autres, soient combattues sur les bancs républicains du Parlement et, plus globalement, par la société.

Oui, la législation est suffisante pour condamner les provocations à la discrimination, à la haine et à la violence. Mais notre responsabilité est ici collective. Personnalités politiques, figures médiatiques, personnalités publiques… Nous devons faire bloc contre ces prédicateurs de haine, quand certains sont tentés par des discussions, négociations, compromis au goût de compromission avec ces chantres de la France rance. Les valeurs républicaines nous obligent à une vigilance extrême à l'égard de personnalités qui usent de toute leur aura pour prêcher la discrimination, la haine, la violence.

Nous sommes, nous, membres du groupe Socialistes et apparentés, engagés contre les extrémistes, les populistes et les démagogues, engagés contre toutes les haines racistes, antisémites ou homophobes. Aussi voterons-nous la proposition de résolution.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe FI.

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« L'hymne de la haine ne profite pas à l'humanité », disait Gandhi. Avant de vous présenter la position du groupe Agir ensemble sur cette proposition de résolution, je pense qu'il est absolument nécessaire d'expliquer dans quel contexte elle s'inscrit. D'autres l'ont fait avant moi à la tribune, mais le sujet, particulièrement sensible, vaut la peine de prendre le temps de rappeler l'état actuel du droit par quelques questions simples et claires.

Tour d'abord, l'incitation à la haine est-elle déjà un délit en France ? La réponse est oui. Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l'incitation à la haine est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Ensuite, l'incitation à la haine peut-elle déjà provoquer l'inéligibilité ? La réponse est encore oui, car le juge peut décider d'une peine complémentaire d'inéligibilité pouvant aller jusqu'à cinq ans.

Troisièmement, le juge est-il incité à demander cette inéligibilité, comme le propose cette résolution ? La réponse aurait pu être oui, grâce à la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie publique, votée par la majorité, rejetée par Les Républicains et sur laquelle le groupe GDR s'était, je crois, malheureusement abstenu. Cette nouvelle loi rendait obligatoire pour le juge le fait d'envisager une peine complémentaire d'inéligibilité lorsqu'une personne était condamnée. Il y avait ici une distinction très importante : si le juge était dans l'obligation d'envisager la peine complémentaire d'inéligibilité, il n'était pas pour autant dans l'obligation de la prononcer. Nous respections ainsi deux principes fondamentaux de l'État de droit auxquels le groupe Agir ensemble, comme le garde des sceaux, est très attaché : l'individualisation et la proportionnalité des peines. Si je ne parle pas au présent, c'est parce que les sages du Conseil constitutionnel, dans leur décision du 8 septembre 2017, ont censuré cette disposition, estimant qu'elle portait une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression – une donnée à prendre en compte, vous en conviendrez, pour l'examen de cette résolution.

Dès lors, et sans vouloir protéger les élus qui sont des justiciables comme les autres – j'insiste sur les mots « comme les autres » – le groupe Agir ensemble émet des réserves à la proposition de résolution pour trois raisons.

La première est que, si nous reconnaissons l'impérieuse nécessité de lutter contre les discours de haine et la valorisation de ceux qui les professent, il nous semble que le cadre juridique actuel est largement satisfaisant sans qu'il soit nécessaire au ministre de faire quelque recommandation que ce soit aux magistrats du parquet. Tout comme vous, monsieur Roussel, nous condamnons fortement les propos racistes, antisémites ou homophobes.

La seconde tient à la séparation des pouvoirs. Quel message enverrions-nous ? Le pouvoir législatif, demandant au pouvoir exécutif d'exhorter le pouvoir judiciaire à mettre « hors course » certains élus ou candidats à des élections ! Cela ne servirait en rien la démocratie ni le débat politique, et ne ferait que renforcer certaines stratégies de victimisation.

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La troisième tient au refus de la judiciarisation de la vie politique. Seuls les citoyens sont juges, et ils sont libres d'accepter ou de refuser des personnalités politiques en se rendant aux urnes.

Tenant compte de ces réserves, nous pensons que le débat, la vérité et le courage sont les meilleures armes face à la haine. « La haine, c'est la colère des faibles », disait Alphonse Daudet. Face à ceux contre qui est dirigée cette résolution, nous avons tous la conviction que c'est le débat, dans le respect des valeurs républicaines, qui fait notre force.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

II y a un an, le 2 décembre 2020, nous apprenions le décès de l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing. Vous connaissez ma fidélité à ce grand homme d'État et l'attachement de notre groupe, l'UDI-I, à ses valeurs politiques centristes et humanistes. Ce n'est donc pas sans une certaine émotion que j'interviens aujourd'hui à la tribune de notre assemblée. Une émotion qui est double car, à la suite du décès de Valéry Giscard d'Estaing, j'ai déposé, avec mon groupe, une proposition de résolution visant à ajouter au nom des musées d'Orsay et de l'Orangerie celui de l'ancien président de la République. Cette proposition de résolution, adoptée quelques mois plus tard à l'unanimité, a porté ses fruits, puisqu'un décret du 28 juillet 2021 a modifié la dénomination de l'établissement public du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie. Si je raconte cela, c'est pour rappeler que les propositions de résolution ne sont pas anodines. Elles sont un signal fort de la représentation nationale.

Ce message fort, il est indispensable de le marteler aujourd'hui contre les discours de haine et de violence dans le débat public car la réalité que nous vivons depuis plusieurs années est celle de discours de haine médiatisés qui se répandent et semblent se normaliser, y compris dans la bouche de ceux qui participent au débat public. Cette réalité est difficile, et le fait même d'aborder le sujet dit quelque chose de douloureux sur l'état de notre société, laquelle paraît se déliter toujours un peu plus, entre ceux qui subissent tant de malveillance et d'intolérance et ceux qui les véhiculent.

Cette banalisation nous interpelle gravement. Les discours discriminants, délétères, clivants portent atteinte à notre démocratie et au respect des droits fondamentaux de chacun. Une des premières lois condamnant ces propos date de 1881. Pourtant, force est de constater qu'ils continuent de prospérer, voire qu'ils connaissent un certain renouveau, comme si notre degré de tolérance à leur égard avait changé. L'audience accordée à la surmédiatisation de propos extrêmes doit nous interpeller.

Aucune ambiguïté n'est possible : notre groupe, comme chacun d'entre nous, ainsi que la très nette majorité de nos concitoyens, refuse tout discours de haine ou d'appel à la haine. Si la démocratie est riche de la pluralité des opinions et que la liberté d'expression reste l'un des droits les plus fondamentaux, elle ne peut s'exercer sans limite lorsqu'elle se manifeste par des propos incitant à la haine raciale et à la discrimination. Nous soutenons donc cette proposition de résolution qui nous donne l'occasion de condamner fermement les dérives, mais aussi, il faut le dire, la complicité insidieuse de certains médias avides de polémiques.

Je tiens à saluer le choix de vouloir mieux faire appliquer le droit en vigueur plutôt que d'inventer une énième infraction pénale. Les instructions de politique pénale du Gouvernement doivent être claires,…

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…afin que les juridictions se saisissent de manière plus systématique de la peine complémentaire d'inéligibilité en cas de condamnation pour ces propos.

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Dans le débat public, ceux qui souhaitent accéder à des fonctions électives doivent être exemplaires. Il apparaît d'autant plus paradoxal de proférer des propos haineux alors que l'on aspire à des fonctions qui devraient rassembler, et d'autant plus invraisemblable d'avoir été condamné pour ces délits tout en aspirant à représenter le peuple français. Le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et toute forme de provocation à la violence en raison d'une race, d'une origine ou d'une religion ne sont pas des idées ni des opinions, mais des allégations condamnables. Il n'est pas acceptable que ceux qui les profèrent puissent accéder à des responsabilités politiques.

Contre ce fléau, nous, déjà élus, avons la responsabilité particulière de lutter contre la propagation de ces discours. Le groupe UDI et indépendants votera donc avec conviction pour la proposition de résolution.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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Ce texte n'est pas juridiquement contraignant mais il est symboliquement très important. Nous espérons que M. le garde des sceaux prendra toute sa part pour appliquer cette proposition, et je m'étonne que la majorité ne la vote pas.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – M. Francis Chouat applaudit également.

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Vous avez fait preuve de beaucoup de dignité, cher collègue !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Merci, monsieur le président Chassaigne.

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Depuis des mois, les discours de haine inondent nos antennes. Ils sont notamment véhiculés dans les médias par certains candidats qui rabâchent de vieilles obsessions et que vous avez désignés nommément dans votre intervention.

La proposition de résolution « invite le garde des sceaux, dans le cadre de sa responsabilité de conduite de la politique pénale, à préciser aux juridictions compétentes les conditions d'application de la loi à l'encontre de tout responsable politique ou de toute personne partie prenante du débat politique qui se rendrait coupable des délits visés à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, et d'examiner la possibilité de retenir la peine complémentaire d'inéligibilité prévue par ce même article si le délit s'avérait particulièrement odieux ou répété ».

Nous comprenons pleinement l'objectif visé. La haine et le racisme n'ont rien à faire dans le débat public. Une succession de lois bienvenues, notamment la loi Gayssot de 1990, ont progressivement borné, à juste titre, la liberté d'expression dans notre démocratie. La démocratie, ce n'est pas uniquement la liberté de dire tout et n'importe quoi, y compris des propos haineux qui attisent la violence, qui méprisent nos concitoyens et qui nient leur humanité. L'humain avant tout, dans le respect de sa dignité et de sa personne !

Toutefois, nous avons plusieurs interrogations, de forme et de fond. Sur la forme, nous souhaitons renouveler notre attachement à l'indépendance de la justice.

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Nous sommes défavorables aux injonctions faites aux procureurs de la part du garde des sceaux : il ne faudrait pas ouvrir une brèche dans le respect de l'indépendance du parquet. Certes, le garde des sceaux a la possibilité de formuler des instructions de portée générale en matière de politique pénale, et c'est le sens de la proposition de résolution.

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Sur le fond, ensuite, nous sommes partagés sur le fait que cette méthode soit la meilleure pour combattre la banalisation des discours de haine dans l'espace médiatique.

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En effet, la censure est l'argument ultime utilisé par les détracteurs de la démocratie pour convaincre et rallier de nouveaux partisans. Dès lors, attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal en faisant de ces propagateurs de haine, des victimes. L'élection de Trump aux États-Unis en a été le plus parfait exemple : de nombreux électeurs ne votaient pas Trump pour ses idées, mais par rejet des élites médiatiques et universitaires américaines qui s'élevaient en guide moral pour l'ensemble de la société. Ce rejet des élites a été alimenté par le mépris que celles-ci ont accordé au candidat, se moquant sans cesse de lui, le méprisant, le parodiant. Néanmoins, force est de constater que la très grande mansuétude des médias l'ayant laissé propager son discours de rejet a failli aboutir à un coup d'État.

La question centrale me semble être davantage celle du système médiatique. Nous sommes entrés dans une époque où toutes les paroles se valent, surtout celles qui apportent des réponses simples aux problèmes complexes. La prime médiatique va à la parole – voire à la bêtise – la plus extrême, histoire de faire le buzz. Les médias ont un effet amplificateur qui a fini par banaliser le pire, et le candidat qui émerge médiatiquement n'est pas celui qui a le programme le plus abouti, mais celui qui maîtrise le mieux des codes médiatiques qui valorisent les paroles les plus choquantes, qui relaient ce qui fait désordre et scandale, ce qui plaît aux algorithmes des réseaux sociaux.

C'est l'ensemble du fonctionnement médiatique qui est à repenser. Notre démocratie est fragile : la responsabilité serait de consolider ce bien commun plutôt que de l'affaiblir. C'est à cela que notre Parlement devrait s'atteler prioritairement, notamment en évitant que certaines personnes ne réussissent à concentrer un certain nombre de médias dans leurs mains…

L'Humanité n'est pas concernée…

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…à des fins qui ne sont pas forcément la défense des idéaux de la démocratie, ni des idéaux humanitaires. On peut donc légitimement s'interroger sur la concentration problématique des médias entre quelques mains.

Plus modestement, il convient de redéfinir ensemble le temps de parole des candidats dans les médias, le plus souvent déterminé selon des sondages plutôt que selon la représentativité électorale, d'après des critères trop flous, laissés à l'interprétation des médias. Cela n'est pas sérieux : les sondages ne représentent qu'un état de l'opinion à l'instant T, alors même que, aussi loin de l'élection, l'opinion fluctue largement, selon les sujets que les médias mettent en avant.

Il convient aussi d'allonger la durée des campagnes électorales. Pourquoi un candidat disposerait-il de bien plus de temps qu'un autre durant les mois qui précèdent l'élection ?

En définitive, les députés du groupe Libertés et territoires voteront en liberté de conscience sur ce texte, qui soulève la question essentielle des bornes de la liberté d'expression dans notre démocratie.

Applaudissements sur les bancs du groupe LT.

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Au nom du groupe La France insoumise, je me joins au groupe GDR pour lancer une alerte, au moyen de cette proposition de résolution, que M. Fabien Roussel a présentée il y a quelques minutes avec brio et conviction.

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Nous pouvions tous déjà observer des débordements de haine de toutes sortes, particulièrement de haine raciale ; nous sommes désormais témoins de tentatives de passage à l'acte qui nous alarment. Du fait de la bienveillance coutumière qui tous nous caractérise, jamais nous n'aurions imaginé que des gens qui disaient déjà tant de sottises étaient capables d'en arriver à s'entraîner à tirer sur des caricatures de l'un, l'une ou l'autre d'entre nous, à menacer d'assassiner des gens, à former des commandos. Indubitablement, nous sommes confrontés à un franchissement de seuil. Voilà le contexte dans lequel nous examinons ce texte, que le groupe GDR a raison de défendre.

Le racisme n'est pas seulement une offense à l'intelligence de situation qui préside à l'esprit public français depuis l'Humanisme et les Lumières, lesquels postulent que l'universalisme est l'horizon indépassable de la représentation que les êtres humains peuvent se faire les uns des autres : constatant qu'ils sont tous semblables par leurs besoins, on déduit qu'ils sont tous égaux en droit pour les satisfaire.

Ce qui semblait devenu une évidence, après que le contraire eut été démontré de manière aussi sanglante et absurde, cruelle et démente par le régime nazi, est de nouveau remis en cause.

Le racisme n'est pas seulement une offense à l'intelligence de situation ; il est une éducation à l'indifférence à la souffrance et à la singularité. Pour le raciste, l'individu n'existe pas ; chacun est intégré à une catégorie à laquelle on attribue des caractéristiques, de sorte qu'on devient insensible à ce qu'il advient à chaque personne. De ce point de vue, le racisme est une ambiance qui prépare à la violence, au meurtre, qui habitue à l'idée que certains puissent être maltraités jusqu'à la mort.

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Dans le passé récent, nous avions déjà proposé un amendement au projet de loi pour la confiance dans la vie politique, qui visait le même résultat, et tendait à amorcer une direction de travail identique à celle proposée avec ce texte. Cependant, le groupe LaREM avait audacieusement étendu le champ d'application des condamnations proposées jusqu'à y inclure tous les délits définis par la loi de 1881, jusqu'à l'injure. Or c'est sur ce point – je vous demande de le retenir – que le Conseil constitutionnel s'est prononcé. Il n'a pas voulu dire que le racisme était une opinion comme une autre, qui à ce titre aurait le droit d'être proférée. Il a estimé que « pour condamnables que soient les abus dans la liberté d'expression visés par ces dispositions, en prévoyant l'inéligibilité obligatoire de leur auteur, le législateur a porté à la liberté d'expression une atteinte disproportionnée » – à cause de l'inclusion de l'injure. Or le texte que M. Roussel soumet à notre examen ne reproduit pas cette erreur ; il tend à inviter le garde des sceaux à donner au procureur des consignes relatives aux peines à requérir pour un des actes visés. La proposition de résolution ne menace donc nullement l'indépendance de la justice : c'est le rôle du garde des sceaux de donner des consignes de politique judiciaire générale.

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Le texte vise à ce qu'il le fasse en appelant l'attention du juge du siège sur le fait que la peine d'inéligibilité est prévue dans certains cas, dont celui qui nous occupe. La présente proposition de résolution n'est donc nullement attentatoire à la séparation des pouvoirs.

Au demeurant, les membres du groupe La France insoumise sont favorables à remplacer les circulaires de cette nature émanant du garde des sceaux – quel qu'il soit – par des lois de politique judiciaire, votées par le Parlement.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR.

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Il me semble que nos camarades du groupe GDR conçoivent la chose comme nous.

Il est normal que le procureur soit l'avocat de la société. On ne peut imaginer une indépendance autre qu'administrative ;…

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…son indépendance ne peut consister à renoncer au rôle d'avocat de la société. Seule la nation et ses députés peuvent s'en faire les interprètes. Sinon qui ? La caste de ceux qui se succèdent dans les fonctions ? Non !

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La méthode a déjà été appliquée. Mme Belloubet, alors garde des sceaux, est intervenue par une circulaire pour exiger une rigueur particulière dans la répression des gilets jaunes.

D'autres membres du groupe FI opinent du chef.

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En outre, la peine d'inéligibilité a été appliquée à un élu condamné pour avoir proposé que les Roms paient avec leurs dents en or les dégâts qu'ils auraient causés.

On ne peut être représentant du peuple français si l'on ne comprend pas, non que l'on doit être exemplaire – ce n'est pas le sujet et personne ne l'est –, mais que les propos qu'on tient ne peuvent exclure de la représentation une partie de ce même peuple.

Vifs applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

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On ne peut prétendre être le représentant de ce que l'on a soi-même divisé.

Mêmes mouvements. – L'orateur, de retour à son banc, reçoit les félicitations de ses collègues.

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Sur la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je comprends et je partage l'inquiétude à laquelle cette proposition de résolution du groupe GDR souhaite répondre. Notre pacte républicain est de plus en plus fréquemment mis à mal par des discours de haine, dont les victimes sont des hommes et des femmes discriminés en raison de leur origine, de leur couleur de peau, de leur religion, de leur sexualité. Ces propos sont d'autant plus inadmissibles, d'autant plus impardonnables, d'autant plus condamnables lorsqu'ils sont proférés par des acteurs de la vie publique, particulièrement par des élus ou des responsables politiques. De tels discours ne sont pas récents – vous l'avez rappelé, monsieur le député Roussel –, mais la viralité des réseaux sociaux leur donne un écho bien plus destructeur qu'auparavant.

Il convient de rappeler préalablement que ces propos ne constituent pas une opinion, mais un délit, prévu et réprimé par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, laquelle a été directement inspirée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Lors de mon arrivée place Vendôme, dans mon discours de passation de pouvoirs, j'ai très fermement annoncé mes intentions. Elles étaient, sont et seront toujours claires : en tant que garde des sceaux, je combats et je combattrai avec force la haine et tous les types de racismes. J'ai tenu mes promesses, avec la création d'une juridiction nationale de lutte contre la haine en ligne, avec des modifications du code de procédure pénale afin de juger enfin plus rapidement les auteurs de propos haineux et discriminatoires, ainsi qu'avec la diffusion de circulaires très précises visant à mobiliser l'ensemble de la chaîne pénale.

Je crois que nous nous rejoignons pour définir les objectifs à atteindre en matière de lutte contre cette haine dévastatrice. Mais votre proposition de résolution vise à m'inviter « à préciser aux juridictions compétentes les conditions d'application de la loi à l'encontre de tout responsable politique ou de toute personne partie prenante du débat politique qui se rendrait coupable des délits visés à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, et d'examiner la possibilité de retenir la peine complémentaire d'inéligibilité prévue par ce même article si le délit s'avérait particulièrement odieux ou répété ».

Si je comprends parfaitement le sens de votre texte, je dois aussi vous rappeler le cadre de mon action, qui n'est autre que celui déterminé par les lois de la République. La peine complémentaire d'inéligibilité trouve déjà à s'appliquer, mais les juges doivent demeurer pleinement indépendants dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Votre proposition de résolution ne désigne pas le parquet, mais les juridictions compétentes, en y incluant les juges du siège.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Imaginez-vous, puisque c'est bien l'effet recherché, le ministre de la justice appelant les juridictions à retenir la peine d'inéligibilité contre telle ou telle catégorie d'auteurs d'infractions ? C'est là l'office tout à fait exclusif des juridictions qui doivent demeurer indépendantes dans leur appréciation des affaires individuelles. La Constitution le prévoit ainsi, et c'est très bien.

Dans le contexte électoral actuel, je ne vous cache pas que je vois venir l'instrumentalisation qui serait faite de votre proposition de résolution si l'Assemblée la votait, en particulier par ceux qu'elle viserait. J'entends déjà ceux qui ne reculent devant aucune outrance, aucun mensonge, aucune caricature, accuser le Gouvernement de tenter de museler leur parole…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…à l'approche d'une échéance démocratique majeure dans la vie de notre pays. La politique pénale du Gouvernement doit demeurer générale et impersonnelle, et ne peut donc viser nommément X, Y ou Z.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je les entends aussi dénoncer la pression qui serait ainsi exercée sur la justice. Je les entends encore s'indigner de l'existence d'un « gouvernement des juges », car cette peine complémentaire, que notre droit prévoit bel et bien, viendrait priver les électeurs du pouvoir de sanctionner eux-mêmes les auteurs de tels propos, en ne votant pas pour eux. Je les entends enfin insinuer…

Sourires sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…que nous ne ferions pas confiance à nos concitoyens – pire, que nous souhaiterions leur confisquer le scrutin et donc la souveraineté populaire qui en découle. C'est pourquoi je vous dis : ne nous trompons pas !

Surtout, ne leur donnons aucun prétexte – je dis bien aucun prétexte –,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oh que non ! Mais ne leur donnons aucun prétexte pour proposer ce qu'ils veulent et pour prospérer sur la défiance de nos concitoyens, non plus que pour les laisser faire croire qu'ils seraient les seuls véritables représentants du peuple français, face à des élites qui chercheraient à les bâillonner.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Jusqu'à preuve du contraire, vous êtes encore les représentants de la nation dans ce pays ! La démocratie doit vivre dans les urnes, pas dans les prétoires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre position revient à banaliser le phénomène !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Cependant, monsieur Roussel, je vous remercie très sincèrement car ce débat sur votre proposition de résolution nous permet de réaffirmer la force de nos valeurs communes. Je parle bien sûr des valeurs communes à tous les républicains ici présents, dont vous faites naturellement partie.

Votre proposition nous permet de démontrer collectivement notre force d'âme, au moment où certains s'indignent de questions d'un journaliste ou d'une presse qu'ils voudraient aux ordres ; au moment où certains voudraient abroger – vous m'avez bien entendu, abroger – la loi de 1881, fondement de la liberté d'expression, mais aussi de ses indispensables limites.

Nous, républicains, sommes et demeurerons irrémédiablement attachés à la République et à ses valeurs de liberté et d'égalité, mais aussi de fraternité.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous, républicains, faisons et ferons tout ce qui est en notre pouvoir, dans le respect intangible de notre État de droit, pour la préserver des attaques incessantes qu'elle subit. Nous, républicains, faisons confiance aux Français pour ne pas céder aux sirènes trompeuses des délinquants du verbe, de ceux qui fantasment sur des photos sépia, de ceux qui convoquent l'histoire et les récits des grands hommes pour les mettre au service de leurs petites idées étriquées ,

Mêmes mouvements

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

loin, très loin de cette France qu'ils prétendent défendre, phare d'une nation éclairée et admirée depuis des siècles.

Pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement est défavorable à la proposition de résolution.

Mêmes mouvements.

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Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 55

Nombre de suffrages exprimés 54

Majorité absolue 28

Pour l'adoption 22

Contre 32

La proposition de résolution n'est pas adoptée.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, modifiée par le Sénat en deuxième lecture, portant diverses mesures de justice sociale (4558, 4713).

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La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Faire de la société une société pleinement inclusive : telle est l'ambition qui guide l'action du Gouvernement en matière de handicap depuis désormais quatre années ; en témoignent les cinq comités interministériels du handicap tenus sous l'égide du Premier ministre depuis 2017.

Le présent débat, personne ne l'ignore, a lieu à quelques mois de l'échéance présidentielle.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Ce débat, que nous avons déjà eu à de nombreuses reprises, ne doit cependant pas occulter les avancées majeures réalisées, souvent collectivement – je tiens à le souligner –, concernant le handicap. Oui, grâce à la mobilisation de chacun, nous avons changé la donne. Bien sûr, il reste du chemin à parcourir, nous en sommes tous conscients. Depuis 2017, non seulement nous avons renforcé la participation des personnes handicapées, mais nous leur garantissons leur juste place de citoyens à part entière, et non à part. Cette politique a été défendue par tous et également par vous, mesdames et messieurs les députés. Parce que faire progresser la participation des personnes en situation de handicap, c'est l'affaire de tous.

Dans la période actuelle, troublée par la volonté de certains d'agiter les peurs et la défiance de l'autre, il est important de rappeler ce message de cohésion sociale et de vivre-ensemble, où la différence fait la richesse de la société. Rappelons que notre pays consacre chaque année près de 51,7 milliards d'euros aux politiques du handicap, soit une augmentation inédite de 17 % depuis 2017. Là encore, c'est le fruit de votre travail, chaque année, pour enrichir et donner plus d'ambition aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Nous sommes le premier gouvernement qui a simplifié massivement les démarches administratives des personnes et de leurs familles, avec la création des droits à vie en 2019. Il n'est plus nécessaire de demander aux personnes dont le handicap est irréversible de renouveler constamment leurs droits. C'est ça, la société de la confiance. C'est le fil rouge qui a guidé les actions menées par l'ensemble du Gouvernement, toujours pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap et les remettre dans leur pleine citoyenneté, leur donner les outils pour être l'acteur principal de décisions les concernant. Oui, nous faisons le choix d'une politique de l'autodétermination et non celui de l'assignation à résidence. Ce choix, nous l'avons fait ensemble et avec les départements, lorsque vous avez adopté la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, avec l'instauration d'une aide à la vie partagée. Celle-ci favorise les solutions d'habitat inclusif qui permettent aux personnes le souhaitant de vivre chez elles en colocation, tout en étant accompagnées autant que de besoin.

Nous sommes profondément convaincus que l'autonomie passe par la capacité des personnes à travailler et repose également sur le talent et la richesse qu'elles peuvent apporter à la société. C'est pourquoi nous devons être en mesure de garantir l'accès à l'emploi et à toute activité contributrice à l'épanouissement de la personne, quels que soient ses besoins et surtout ses envies. Là encore, vous étiez au rendez-vous. Dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, notamment, nous avons ensemble profondément transformé l'apprentissage et la formation professionnelle, dans un but d'émancipation sociale à travers la formation et le travail. Nous nous sommes donné les moyens de faire en sorte que notre ambition ne soit pas une incantation ; nous avons instauré l'accompagnement adéquat de la personne et de l'employeur, public ou privé, sur le terrain. Car l'activité professionnelle est bien au cœur des demandes des personnes en situation de handicap et au cœur de notre projet de société. C'est possible et ça fonctionne.

Prenons seulement un exemple : l'aide au recrutement des personnes en situation de handicap, dans le plan de relance, d'un montant de 4 000 euros. Plus de 25 000 contrats ont été signés, dont 70 % en CDI. Nous poursuivons ensemble, notamment avec le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, en cassant les barrières qui se dressent encore dans les projets professionnels de ces personnes.

C'est tout l'enjeu de l'ouverture de la possibilité du cumul d'un temps partiel en établissements et services d'accompagnement par le travail (ESAT) et en milieu ordinaire. C'est ainsi qu'on accompagne les personnes, c'est aussi en permettant à un jeune de ne plus avoir à se soucier des démarches administratives parfois lourdes pour obtenir la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) lorsqu'il souhaite entrer en apprentissage, en la rendant quasi automatique.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, cette politique témoigne d'une vision ambitieuse de la société, qui prône le pouvoir d'agir, l'autodétermination et l'émancipation des personnes. Cette vision, nous l'avons défendue ensemble, c'est celle d'une société inclusive. Résolument convaincue par cette vision transformatrice à laquelle je suis attachée, je tiens vraiment à réfuter le regard de commisération ou de misérabilisme que l'on porte souvent sur les personnes handicapées.

Venons-en à présent à la question de la déconjugalisation. Nous avons eu l'occasion d'en débattre de nombreuses fois et vous connaissez la position du Gouvernement. Le principe de conjugalisation n'est pas une initiative du Gouvernement, il en a hérité. Il remonte à 1975 et régit tous les minima sociaux.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

La société est basée sur la solidarité nationale et familiale ;…

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Pas avec le système de calcul que vous proposez !

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

…ce ne sont pas de vains mots. À six mois des élections, tous les partis s'emparent de la déconjugalisation et réclament une modification de cette valeur si forte.

Nombreuses sont les familles politiques, présentes sur ces bancs, qui défendaient le fait que la solidarité nationale puisse s'articuler avec les solidarités familiales, parce que le foyer est la cellule protectrice de la société, parce que c'est le fondement même du système que d'assurer la juste redistribution de l'effort de solidarité vers ceux qui en ont le plus besoin.

Permettez-moi de rappeler à nouveau que l'allocation aux adultes handicapés (AAH), créée par la loi du 30 juin 1975, est destinée à assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. Comme tout minimum social de droit commun, à l'image du revenu de solidarité active (RSA), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l'allocation aux adultes handicapés est fondée sur la solidarité nationale et plus spécifiquement sur la solidarité entre époux, rappelée par le code civil. Pourquoi n'avons-nous pas les mêmes débats sur l'allocation de solidarité aux personnes âgées, qui partage le même code, le même niveau d'allocation, le même plafond et le même calcul conjugalisé ? Pourquoi les personnes âgées, tout comme les personnes en situation de handicap, ne choisissent-elles pas leur situation ? Ouvrons alors le débat pour tous !

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Face à ces constats, nous avons fait le choix de renforcer le pouvoir d'achat des personnes, sans toucher au principe fondateur du système.

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Vous n'arrêtez pas de le casser, le principe fondateur du système !

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

C'est de cette manière que nous changeons le quotidien des personnes. L'augmentation de 100 euros par mois de l'AAH, qui la fait passer de 800 à 904 euros pour 1,2 million de bénéficiaires, est un gain important dont tout le monde a pu bénéficier et un investissement massif de plus de 2 milliards.

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Et vous donnez 40 milliards aux entreprises, mais ce n'est pas grave…

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

L'AAH représente désormais plus de 12 milliards d'euros dans le budget de l'État.

La déconjugalisation que vous appelez de vos vœux présente un problème intrinsèque, puisque dans 30 % des couples, c'est la personne en situation de handicap qui travaille ; c'est elle qui assume financièrement les besoins de son foyer.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Ce sont précisément ces personnes-là, ces citoyens à part entière, qui assument leur famille comme tout un chacun, qui verraient leur pouvoir d'achat diminué. Parmi ces 44 000 personnes, certaines en viendraient même à perdre totalement leur AAH.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce n'est plus vrai avec la rédaction du Sénat !

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Pour pallier cette injustice contenue dans le principe même de la déconjugalisation, vous proposez un droit d'option qui complexifie le choix des personnes, sans régler la situation des nouveaux entrants.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Je ne vois pas de justice sociale quand la déconjugalisation fait augmenter le pouvoir d'achat des couples les plus aisés et fait diminuer celui des plus pauvres qui travaillent. Je ne vois nulle part de justice sociale lorsqu'on fait entrer dans le système de solidarité de nouveaux couples aisés pour en faire sortir ceux qui se lèvent le matin pour aller travailler.

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Vous êtes seule contre toutes les personnes concernées !

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Ce n'est ni de la justice, ni du social, quand nous faisons perdre les personnes en situation de handicap qui travaillent, dont le foyer est actuellement protégé par la conjugalisation des revenus.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Ce n'est pas incitatif à la recherche d'emploi ni à la poursuite d'une activité professionnelle. La justice sociale, c'est flécher l'argent de la solidarité nationale vers ceux qui en ont le plus besoin.

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Comment peut-on accuser quelqu'un touché par un handicap de ne pas vouloir travailler ?

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

J'ai entendu les alertes des personnes en situation de handicap ; nous y avons immédiatement répondu.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Le choix fait par la majorité présidentielle est celui d'une réforme qui, grâce à l'instauration d'un abattement forfaitaire de 5 000 euros, permettra à 120 000 personnes de bénéficier d'une augmentation mensuelle de 110 euros en moyenne, pouvant aller jusqu'à 185 euros, et ce, dès le mois de janvier. Nous l'avons dit, nous agissons.

Il ne s'agit pas d'une mesurette : nous parlons de la moitié des bénéficiaires de l'AAH en couple qui verront demain leur pouvoir d'achat augmenter, sans que celui de quiconque ne soit entamé. C'est un investissement supplémentaire de l'État, juste et redistributif, pour plus de justice sociale, d'un montant de 185 millions d'euros. Il permettra par ailleurs à 60 % des bénéficiaires en couple de conserver l'allocation à taux plein, contre 45 % aujourd'hui.

Toutefois, si un changement dans la manière de traiter les minima sociaux ne peut être abordé sous le prisme d'une situation particulière, au risque de stigmatiser également une partie de nos concitoyens, il peut être à l'origine d'un véritable débat de société : celui de l'individualisation de l'ensemble des minima sociaux.

L'individualisation de l'AAH, si elle était étendue à l'ensemble des minima sociaux, représenterait un coût de près de 20 milliards d'euros pour les finances publiques.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Néanmoins, elle poserait une vraie question, transversale et égalitaire, puisqu'elle concernerait également le RSA, l'ASPA et l'ASS, comme je l'ai dit tout à l'heure. Le débat peut et doit se poser autrement. J'ai toujours défendu la vision d'une citoyenneté qui n'exclut personne.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

La question du mode de calcul des minima sociaux est légitime mais s'inscrit dans un contexte plus global. Elle nous interroge sur le sens même que nous voulons donner au système de solidarité et sur le contrat que nous voulons nous donner collectivement, pour faire société. Cette question participe finalement de la philosophie du pacte social qui nous est à tous très cher.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Mme Michèle Peyron applaudit également.

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La parole est à M. Stéphane Peu, rapporteur de la commission des affaires sociales.

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Nous sommes réunis à la veille de la journée mondiale des personnes handicapées pour examiner un texte attendu et réparateur d'injustices profondes, qui fragilisent une partie de nos concitoyennes et de nos concitoyens depuis trop longtemps. Je suis fier de défendre pour la deuxième fois, avec notre collègue Jeanine Dubié, cette proposition de loi.

La déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés, prestation d'autonomie, est en effet une urgence. Je rappelle que même à taux plein, elle se situe en dessous du seuil de pauvreté. Son montant est calculé en tenant compte des revenus du bénéficiaire et de son conjoint. Par conséquent, si les revenus du couple dépassent un certain plafond, l'AAH est amputée proportionnellement, voire n'est plus perçue par le bénéficiaire.

Les personnes handicapées sont dès lors soumises à un choix sinistre : renoncer à leur indépendance financière ou à vivre en couple ; c'est ce qu'ils appellent le prix de l'amour, un prix inacceptable.

Non, il n'est pas acceptable de maintenir en vigueur des règles de calcul contraires à l'autonomie et à la dignité des personnes,…

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…des règles qui tendent à enfermer les personnes en situation de handicap dans une situation de dépendance malsaine vis-à-vis de leurs conjoints pour se vêtir, pour avoir un téléphone personnel, pour aller au cinéma, pour boire un verre avec des amis. N'y a-t-il pas là une atteinte intolérable aux libertés individuelles ?

Aux souffrances liées à la maladie et au handicap s'ajoute bien souvent un sentiment de honte et d'inutilité face à l'impossibilité de contribuer aux ressources du foyer. Dans le cas des femmes en situation de handicap victimes de violences, cette dépendance financière peut s'avérer encore plus dramatique. En effet, la dépendance financière nourrit la dépendance psychologique et il est d'autant plus difficile de s'extraire de situations d'abus et de violence sans ressources propres, en devant attendre plusieurs semaines pour récupérer une AAH à taux plein.

Oui, ces règles de calcul sont contraires à la plus élémentaire humanité et aux engagements de la France en matière de protection des droits humains. La Défenseure des droits a été claire à ce sujet, tout comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme – CNCDH : elles ont rappelé que le mode de calcul actuel va à l'encontre des principes de la convention relative aux droits des personnes handicapées, qu'il ne respecte pas les droits à la dignité, à l'autonomie, à la possibilité de faire librement ses propres choix et à disposer d'un niveau de vie adéquat, et qu'il entrave le droit à fonder une famille ou à vivre en couple.

Le 17 juin dernier, le Gouvernement faisait honteusement usage du vote bloqué pour faire obstacle à la déconjugalisation de l'AAH. Puis, au mois d'octobre, la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié était rejetée. Enfin, la semaine dernière, en commission, le Gouvernement et sa majorité ont supprimé froidement les articles de notre proposition de loi.

L'abattement forfaitaire, présenté comme une solution alternative à la déconjugalisation, que vous avez proposé lors de la deuxième lecture du texte à l'Assemblée et qui a été repris dans le projet de loi de finances, n'est en aucun cas une réponse adéquate. Cette mesure maintient le statu quo, fait un bras d'honneur aux associations unanimes qui vous réclament cette déconjugalisation et dénature complètement l'ambition originelle de notre texte, à savoir la reconnaissance du droit à l'autonomie et donc à l'individualisation. Le Sénat n'en a pas voulu non plus et a rétabli, en deuxième lecture, la version des articles 3 et 3 bis qu'il avait adoptée en première lecture. Je salue le travail des sénateurs qui ont rétabli la majoration de l'AAH pour les personnes à charge et ont établi une période transitoire pour les 44 000 personnes estimées perdantes de la réforme de l'individualisation.

Nous nous trouvons aujourd'hui face à un choix : maintenir un mode de calcul obsolète et injuste ou reconnaître une fois pour toutes le droit à l'autonomie des personnes en situation de handicap.

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L'individualisation de l'AAH est attendue et bien au-delà des associations de personnes handicapées. Il faut ainsi rappeler que la pétition pour la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l'AAH, publiée sur le site du Sénat, est la première à avoir atteint le seuil de plus de 100 000 signatures ; la pétition pour la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé et l'adoption du projet de loi n° 3970, publiée sur le site de l'Assemblée, en rassemble aujourd'hui plus de 30 000. Dans une lettre ouverte du 4 novembre dernier, un collectif d'associations a interpellé les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat sur l'urgence de mettre fin à la conjugalisation de l'AAH, évoquant « une avancée sociale d'ampleur dont dépend le respect des droits, de la santé, et de la dignité des personnes concernées ».

Il est de notre responsabilité d'entendre cette demande et de nous montrer à la hauteur de l'enjeu. Dès lors, je vous invite vivement à voter les amendements de rétablissement des articles 3 et 3 bis que nous défendons, comme un grand nombre de nos collègues.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC et LT.

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La parole est à Mme Jeanine Dubié, rapporteure de la commission des affaires sociales.

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Dans le cadre de la troisième lecture de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, nous sommes amenés une nouvelle fois à nous prononcer sur la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés. Cette proposition de loi, adoptée en deuxième lecture par le Sénat le 12 octobre dernier, est une nouvelle fois inscrite à notre ordre du jour par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et je l'en remercie chaleureusement. Je remercie particulièrement notre collègue Stéphane Peu : c'est un honneur de présenter ce texte avec lui. Je salue également Marie-George Buffet qui, depuis de nombreuses années, agit également dans ce domaine.

Non, madame la secrétaire d'État, nous n'abandonnerons pas ce combat si essentiel

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR

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et nous le mènerons devant la représentation nationale autant de fois qu'il le faudra, jusqu'à ce que nous obtenions enfin justice et revenions sur l'absurdité que constituent la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH et son plafonnement. Oui, ce mode de calcul est absurde. Nombreux sont les témoignages de personnes en situation de handicap qui se cachent, renoncent à être en couple ou à vivre avec leur conjoint pour ne pas perdre leur allocation. Il peut être également dangereux : la dépendance financière envers son conjoint est en effet particulièrement problématique pour les femmes victimes de violences conjugales, et constitue un frein supplémentaire pour s'extraire des situations d'emprise. Il est enfin intolérable, car il contrevient largement au principe d'autonomie des personnes en situation de handicap, et plus largement à leur dignité.

Par ailleurs, je rappelle une nouvelle fois que l'AAH n'est pas un minimum social.

Mme Marie-George Buffet applaudit.

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D'une part, elle est prévue dans le code de la sécurité sociale et non dans celui de l'action sociale et des familles ; son contentieux est du ressort des juridictions de la sécurité sociale ; elle relève de la solidarité nationale et non familiale, contrairement à ce que vous affirmez, tout simplement parce que la solidarité familiale ne s'applique qu'aux dispositifs d'aide sociale. D'autre part, par sa nature, l'AAH ne peut être considérée comme un minimum social. En effet, l'AAH est un revenu de substitution accordé par décision médicale à des personnes qui ne peuvent exercer une activité professionnelle à temps plein ou à temps partiel du fait de leur handicap.

C'est pour ces raisons que j'ai déposé l'année dernière la proposition de loi que nous examinons. Je le rappelle, elle a été adoptée en première lecture le 13 février 2020 par l'Assemblée puis le 9 mars 2021 par le Sénat, qui l'a améliorée, grâce au travail de son rapporteur, Philippe Mouiller. À chaque fois, le vote a dépassé les clivages politiques.

En deuxième lecture à l'Assemblée, en juin dernier, le texte a été totalement vidé de son contenu par un amendement du Gouvernement et de la majorité qui substitue au mécanisme d'individualisation de l'AAH un abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint. Ce mécanisme, adopté dans les conditions indignes d'un vote bloqué et repris dans le projet de loi de finances, dénature pleinement l'ambition originelle de la proposition de loi. Les bénéficiaires de l'AAH ne souhaitent pas une augmentation de la prestation, mais la garantie d'une véritable autonomie. C'est pourquoi les sénateurs ont rétabli, le 12 octobre dernier, le texte dans sa version initiale.

L'individualisation de l'AAH constitue une demande de longue date des personnes en situation de handicap et, nous le savons, son adoption serait historique. D'autres mesures de cette proposition de loi me sont chères, comme le report de 60 à 65 ans de l'âge limite, sauf exception, pour solliciter la prestation de compensation du handicap (PCH), ainsi que les dispositions visant à soutenir et à encourager le parcours sportif des personnes en situation de handicap.

Nous ne pouvons ignorer la très forte mobilisation que suscite la proposition de loi, en particulier les plus de 100 000 signatures de la pétition en ligne sur le site du Sénat, qui l'ont amené à inscrire le texte à l'ordre du jour.

Enfin, en revenant sur la déconjugalisation, le Gouvernement crée une incohérence juridique à l'origine d'une différence de traitement entre bénéficiaires. En effet, l'article 2 de la proposition de loi, qui prévoit la suppression de la majoration du plafond de cumul de l'AAH avec la rémunération garantie pour les bénéficiaires en couple, a été adopté conforme par le Sénat en première lecture. Cette situation crée une inégalité vis-à-vis des autres bénéficiaires de l'AAH, toujours soumis à la conjugalisation de l'allocation.

Mes chers collègues, je vous invite dès lors à voter les amendements de rétablissement des articles 3 et 3 bis . J'appelle véritablement chaque député à voter en son âme et conscience. À la veille de la journée internationale des personnes handicapées, si nous rétablissons le texte dans sa version adoptée par le Sénat, nous ferons un beau geste de reconnaissance vis-à-vis des personnes en situation de handicap, qui l'attendent depuis si longtemps.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC et LT. – M. Stéphane Peu, rapporteur, applaudit également.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-George Buffet.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les députés du groupe GDR ont la volonté, une fois encore, de porter la parole des personnes en situation de handicap : ils, elles veulent être autonomes. Or cette aspiration à l'autonomie se heurte au refus du Gouvernement qui s'obstine à ne pas voir dans la déconjugalisation un progrès majeur pour les bénéficiaires de l'AAH.

L'ensemble des associations de défense des droits des personnes en situation de handicap proposent et soutiennent cette mesure de justice. Plusieurs collectifs se sont montés, de multiples groupes sur les réseaux sociaux se sont constitués, rassemblant des milliers de personnes. Une pétition au Sénat a atteint plus de 100 000 signatures. Cette exigence, liée à la dignité des personnes handicapées, trouve un large écho chez nos compatriotes, attachés aux valeurs de notre République, parmi lesquelles l'égalité. En effet, ils savent le combat que les personnes en situation de handicap doivent livrer au quotidien pour se faire entendre, mais surtout pour vivre pleinement, tout simplement. Accessibilité des transports, travail adapté, scolarisation des enfants, reconnaissance des droits vis-à-vis de l'administration : leur combat est difficile et parfois épuisant.

Épuisant, comme ce combat pour la déconjugalisation de l'AAH. Les citoyens et citoyennes concernés font face à une opposition presque irrationnelle. Nous oscillons entre espoir et déception à mesure que le texte est inscrit à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Seul contre tous, le Gouvernement cherche l'épuisement de la mobilisation,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…mais l'espoir et la lutte pour la justice ne s'éteignent pas si facilement. Si ce texte n'est pas voté aujourd'hui, il le sera demain car la proposition de loi va dans le sens de la République, d'une réelle citoyenneté permise par une autonomie financière obtenue par les personnes en situation de handicap, par le travail, ou quand ce n'est pas possible, madame la secrétaire d'État, par une allocation qui garantit vraiment l'autonomie.

Comment peut-on penser avoir raison tout seul ? Comment peut-on voir dans cette mesure un dispositif compassionnel qui contreviendrait aux droits des personnes handicapées et les enfermerait dans leur handicap ? Pourquoi, si tel était le cas, l'ensemble des associations réclameraient-elles cette mesure ?

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Sont-elles moins bien placées que nous pour savoir ce qui est bon pour les personnes touchées par le handicap ? Je ne le pense pas.

L'acharnement contre ce texte est incompréhensible, si ce n'est pour de pures raisons d'économies de bout de chandelle. Au-delà des appartenances à tel ou tel groupe, des députés ont indiqué, à titre personnel, qu'ils étaient d'accord avec ce texte. S'ils le soutiennent, c'est parce qu'ils mesurent concrètement les effets dramatiques du mode de calcul actuel.

Lorsqu'une personne handicapée vient vous voir et qu'elle s'interroge sur un possible divorce pour continuer à toucher son allocation, que répondez-vous ? Lorsqu'on vous parle du prix de l'amour, de vivre caché pour ne pas perdre ces quelques centaines d'euros, que répondez-vous ? Que répondre à ces dizaines de milliers de personnes qui vivent avec cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête ? Pour notre part, nous répondons en proposant l'autonomie financière grâce à l'individualisation de l'AAH, car c'est une réponse pragmatique, réaliste, construite avec les principales personnes concernées. Nous ne le faisons pas, comme vous avez osé le dire, madame la secrétaire d'État, dans la perspective des élections ; quel piètre argument !

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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Depuis quatre ans, nous inscrivons ce texte à l'ordre du jour, dans le cadre de nos niches à l'Assemblée et au Sénat, et depuis quatre ans nous soutenons les textes d'autres groupes sur le même sujet.

Nous avons entendu tous les arguments opposés aux personnes en situation de handicap pour leur refuser cette mesure de justice. Nous y avons répondu point par point, sur le plan politique comme sur me plan technique. Contrairement à ce que vous dites, madame la secrétaire d'État, depuis la réécriture du texte par le Sénat, il n'y a plus de perdants de cette réforme. Nous avons démontré en quoi l'AAH n'était pas un minimum social comme un autre et en quoi la déconjugalisation n'ouvrirait aucune brèche mettant en péril notre système de solidarité. Surtout, les dizaines de témoignages de personnes bénéficiaires de l'AAH ont montré les conséquences destructrices du mode de calcul en vigueur.

Ce texte reflète un choix de société. Soutenir ce texte, ce n'est pas dire que cette mesure résoudra toutes les difficultés des personnes qui souffrent d'un handicap ; ce n'est pas non plus dire que durant ce quinquennat, rien n'a été fait en matière de handicap.

L'ambition de ce texte, madame la secrétaire d'État, est de répondre à un besoin réel. Il est profondément novateur car il pose les jalons d'une individualisation des droits, d'une solidarité nationale renforcée et qui ne se défausse pas sur la solidarité familiale : dans ce cas d'espèce, celle-ci détruit plus de familles qu'elle n'en construit.

Oui, le mode de calcul actuel contrevient au droit à la vie privée. Il est donc paradoxal d'évoquer la solidarité familiale, car elle ne s'exerce plus quand le couple n'en est plus un, lorsque la femme est victime d'emprise, de violence, et dans le même temps totalement dépendante de son conjoint : les limites de la solidarité familiale sont criantes.

Le mécanisme d'abattement forfaitaire proposé par le Gouvernement et introduit dans la loi de financement de la sécurité sociale a pour effet d'augmenter de 110 euros l'allocation versée à un certain nombre de bénéficiaires. Si nous nous en réjouissons pour les personnes qui en bénéficieront, cela ne doit pas masquer la revendication principale et structurelle de cette proposition de loi. Les bénéficiaires de l'AAH, tous ceux et toutes celles qui les soutiennent, veulent une véritable autonomie, et être considérées comme des personnes à part entière. Le handicap ne se partage pas, l'AAH non plus.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.

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Au-delà d'une question financière, c'est une question de principe : quelle considération pour les personnes en situation de handicap a notre société ? Demain se tient la journée internationale des personnes handicapées. Permettez-moi à cet égard de citer les mots du secrétaire général de l'ONU : « Je demande instamment à tous les pays de mettre pleinement en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées, d'accroître l'accessibilité et de supprimer les obstacles juridiques, sociaux, économiques et autres, avec la participation active des personnes handicapées et des organisations qui les représentent. » Cet appel correspond parfaitement à notre exigence car il lève un obstacle juridique majeur à l'autonomie des personnes en situation de handicap.

Le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU a lui aussi dénoncé le mode de calcul actuel de l'AAH et a demandé à la France d'y mettre fin. La Défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l'homme réclament cette mesure. Soyons, collectivement, à la hauteur de ces attentes.

Je me souviens des débats qui se sont tenus ici lors de la deuxième lecture du texte : vote bloqué, suspensions de séance à répétition, Mme la secrétaire d'État nous expliquant que le système informatique ne permettait pas d'individualiser le versement de l'AAH. Tous ces arguments avaient été très mal perçus par nos concitoyens concernés et par nos concitoyennes concernées. Ne recommençons pas ! Il n'y a pas – je le crois – d'opposition insurmontable sur ce sujet, ni de parlementaires qui n'auraient pas de cœur : tel n'est pas le sujet. En réalité, il existe un blocage, surtout de nature budgétaire, même s'il est habillé d'arguments techniques ou de principe : osons le lever, pour que ce quinquennat marque une avancée.

Chers collègues, à l'extérieur de cet hémicycle, des dizaines de milliers de bénéficiaires de l'AAH et leurs familles attendent que nous répondions à leur besoin, concrètement, en déconjugalisant cette allocation. Quatre ans de débats, de rapports successifs, ont permis de déboucher sur un dispositif consolidé. Il est temps de conclure cette longue navette par un vote conforme avec le texte du Sénat. Plus de quinze ans après la grande loi de 2005, sous la présidence de Jacques Chirac, il nous est donné l'occasion de remettre au cœur des politiques publiques le respect des droits des personnes en situation de handicap.

Le fil rouge de ce texte est l'émancipation : remettre l'humain au cœur, dans nos prises de décisions, telle est notre volonté. Faire de cette société une société qui protège, qui accompagne chacune et chacun dans ses différences, c'est ce à quoi nous nous attachons aujourd'hui. Le groupe GDR invite ainsi l'ensemble des députés à voter ce texte afin qu'il soit appliqué et pour mettre fin à la trop longue attente des personnes en situation de handicap, qui ne veulent plus choisir entre l'amour et l'autonomie financière.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC, FI et LT. – M. Stéphane Peu, rapporteur, applaudit également.

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Nous sommes de nouveau réunis pour la troisième lecture de la proposition de loi déposée par Mme Dubié. Ce texte, nous l'avons étudié, travaillé, débattu. Nous le voterons car il comporte de réelles avancées, notamment le passage du bénéfice de la PCH de 60 ans à 65 ans, ou encore la non prise en compte des primes versées aux sportifs des Jeux paralympiques dans le calcul de l'attribution de l'AAH.

Toutefois, la commission s'est à nouveau opposée à l'article 3 visant à déconjugaliser l'AAH et, dans un souci de cohérence, a rejeté l'article 3 bis prévoyant la création d'un régime transitoire visant à compenser les perdants de l'individualisation de cette prestation. Le groupe La République en marche n'adoptera pas non plus les amendements de rétablissement de ces articles. Nous sommes tous, sur ces bancs, préoccupés par cette question qui tient à la fois à la philosophie générale de notre modèle social et à la politique que nous menons envers les personnes en situation de handicap.

La déconjugalisation de l'AAH représente, à elle seule, tout l'enjeu du débat, entre la demande d'autonomie financière des bénéficiaires d'une part, et notre système de solidarité nationale d'autre part. Si nous individualisons ce minimum social, quel sera l'impact sur notre modèle de société,…

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…aujourd'hui fondé sur la solidarité nationale et familiale ? De même, que devient l'accompagnement auprès des bénéficiaires ? Que devient notre projet d'une société inclusive ?

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Nous pensons que l'individualisation de l'AAH remettrait en cause l'ensemble de notre système socio-fiscal fondé, j'y insiste, sur la solidarité familiale, conjugale et nationale.

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C'est une blague ! Arrêtez de vous creuser la tête !

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L'AAH a été créée en 1975 afin d'assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. L'AAH repose donc sur des principes d'équité…

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…et de partage des charges entre les membres du foyer, contrairement aux prestations universelles.

L'individualisation est une question politique, philosophique et technique qui bouleverse notre modèle de société. Elle transforme notre rapport à l'individu, à son autonomie financière, à ses droits et à ses devoirs.

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La mesure que vous proposez aggraverait la situation de l'ensemble des personnes bénéficiaires de l'AAH, alors que nous leur devons un accompagnement juste et adapté, comme l'implique le principe de solidarité nationale et familiale. L'individualisation de ce minimum social constitue un risque sociétal, qui impliquerait une profonde transformation de notre régime de protection sociale. Sous la présidence de François Hollande, lorsque le rapport Sirugue de 2016, intitulé « Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune », a été publié, tout le monde semblait alors en approuver les conclusions alors qu'il ne préconisait pas la déconjugalisation ni même la revalorisation du montant de l'AAH.

De plus, le 24 octobre 2018, au Sénat, lors de la discussion sur la proposition de loi présentée par la sénatrice Laurence Cohen, portant sur la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'AAH, les sénateurs du groupe LR, au nombre de 145, ont voté contre la déconjugalisation de l'AAH.

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Nous sommes à l'Assemblée nationale, ici, pas au Sénat !

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Par conséquent, permettez-moi, mes chers collègues, de m'interroger sur le sens réel du présent texte, à quelques mois d'une élection présidentielle.

M. Aurélien Pradié proteste.

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Et Macron, il n'est pas en campagne électorale en ce moment ?

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Cependant, nous concentrer sur ce seul enjeu politique reviendrait à occulter le fond de la discussion. Nous pouvons encore en débattre pendant des heures, comme nous l'avons fait au cours des derniers mois, mais je tiens à rappeler que nous sommes, conceptuellement, philosophiquement, en désaccord avec la déconjugalisation.

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Vous êtes contre l'autonomie donc contre les associations !

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Nos valeurs – nous les avons défendues pendant quatre ans, et nous continuerons à le faire – sont toujours tournées vers la personne, vers sa place dans la société, vers son insertion, autant que possible, en n'abandonnant personne au bord de la route.

Mme Caroline Fiat proteste.

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Il convient pourtant de faire progresser certains chantiers, notamment celui de la PCH, véritable levier vers l'autonomie de la personne en situation de handicap.

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Nous n'avons jamais entendu le son de votre voix dans cet hémicycle !

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Nous restons fermement attachés à la préservation de notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité familiale et nationale.

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Vous êtes contre l'autonomie des personnes handicapées !

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C'est pourquoi nous ne voterons pas les articles 3 et 3 bis , même si nous nous prononcerons favorablement à l'ensemble de la proposition de loi.

Rires sur les bancs du groupe GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Vous nous prenez pour des cloches ? Vous enlevez l'essentiel du texte et dites que vous votez pour !

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C'est une manœuvre politicienne en pleine campagne présidentielle !

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Nous ne lâcherons pas. Non, nous ne lâcherons pas. Il y a quelques semaines, dans cet hémicycle, nous avions fait la promesse de ne rien abandonner de notre combat pour la dignité et l'autonomie des femmes et des hommes en situation de handicap. Nous ne lâcherons pas cette bataille pour l'individualisation de l'AAH. Nous ne lâcherons pas ces centaines de milliers de femmes et d'hommes qui attendent beaucoup de nous et que vous avez profondément blessés sans vergogne depuis des mois. Nous ne lâcherons pas les associations, qui, unanimement, appellent au vote de cette loi. Nous ne lâcherons pas un combat qui dépasse les clivages politiques.

Avant-hier, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, autour de Marie-George Buffet, le groupe Liberté et territoires, autour de Jeanine Dubié, hier le groupe Les Républicains, aujourd'hui, à nouveau, le groupe GDR, autour de Stéphane Peu : rarement une proposition de loi n'a aussi largement rassemblé. C'est une force qu'aucun gouvernement ne devrait pouvoir ignorer.

Nous ne lâcherons pas. Nous ne lâcherons pas face à l'entêtement politicien du Gouvernement et de la majorité. Votre entêtement à ne pas entendre est devenu incompréhensible, méprisant et brutal. Nous ne lâcherons pas face à un gouvernement qui remplace les convictions et les principes par des mots creux et des arguments froids de petits technocrates. Non, nous ne lâcherons pas. Aussi longtemps que la dignité de nos concitoyens les plus fragiles sera en question, nous ne lâcherons pas.

Mesdames et messieurs les députés, pourquoi sommes-nous là ? Nous sommes là pour faire progresser la justice et la dignité. Nous sommes là pour corriger ce qui doit l'être et qui est devenu humiliant pour des millions de nos concitoyens frappés par la fatalité du handicap. À ceux qui pensent que l'évolution de l'AAH n'est qu'une question technique, je veux dire que la dignité ne s'achète pas et ne s'ajuste pas. Elle n'est ni une affaire de mesure fiscale, ni d'augmentation marginale du montant d'une ressource.

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Non, la dignité est une affaire de principe, parfois même de principe républicain. Pour comprendre ce qu'est la dignité, il faut écouter les personnes en situation de handicap elles-mêmes. Il faut écouter les femmes et les hommes en situation de handicap. Ils nous disent que la conjugalisation de l'AAH est une attaque à leur autonomie, que conditionner leur ressource de survie aux revenus de leur conjoint est une injustice violente, mais aussi qu'ils doivent choisir entre vivre un amour, une vie de couple, et conserver leur ressource de subsistance.

Ils nous disent qu'ils paient un prix à l'amour que nous n'acceptons pour aucun autre de nos concitoyens, qu'ils ne font pas l'aumône, qu'ils ne demandent pas une faveur, un cadeau fiscal, non : ils demandent une dignité, qui passe par l'individualisation de cette allocation.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR. – Mme Jeanine Dubié et M. Stéphane Peu, rapporteurs, applaudissent également.

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Ils nous disent que nous avons déjà trop attendu, que toutes les institutions européennes ont pointé la France du doigt, la rappelant à l'ordre parce qu'elle ne respecte pas ses engagements internationaux et les droits humains.

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Ils nous disent qu'ils ne comprennent pas l'entêtement borné du Gouvernement à dire non, à refuser, à bloquer, à empêcher une loi qui, pourtant, est voulue par tous.

Il est temps de remettre en cause le statut – inique – de minimum social de l'AAH, et de considérer cette allocation avant tout comme un revenu individuel d'existence pour les personnes en situation de handicap.

Vous tentez piètrement, madame la secrétaire d'État, ainsi que la majorité, de vous justifier au moyen de deux arguties : le coût de la mesure et la notion de foyer familial. Je ne reviens pas sur la question du coût, car cet argument est indécent, alors même que vous empilez depuis plusieurs mois les milliards d'euros de dépenses pour arroser le pays.

Quant à la notion de foyer familial, elle est inaudible quand on sait l'effort de vie quotidien qu'implique déjà le handicap dans une famille :

Mme Marie-George Buffet acquiesce

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y ajouter un devoir de dépendance financière est absolument honteux. Quant aux prétendus perdants de la réforme, vous savez pertinemment qu'il ne s'agit que d'une question de réglage, que le régime transitoire contenu dans la proposition de loi permettra.

La seule réponse, c'est la déconjugalisation. La volonté de faire de l'AAH une prestation déconjugalisée a été exprimée par 100 000 citoyens, par voie de pétition et par les deux chambres du Parlement. Faire obstacle à une telle expression de volontés, pourvues de la plus souveraine légitimité, témoigne d'une indécente obstination et d'une déconnexion abyssale.

Comprenez que cette injustice est insupportable. Écoutez le pays, les citoyens, les associations, les parlementaires de tous bords. Sortez de vos petites postures stériles. Rappelez-vous pourquoi, nous, les députés de la nation, sommes ici : pour faire progresser la dignité et la justice.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LT, GDR et FI.

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Madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, je suis profondément convaincu de la sincérité de vos engagements s'agissant du handicap et c'est tout à l'honneur du groupe GDR que de vous permettre, madame Dubié, de continuer à défendre votre proposition de loi. Mais, à notre sens, votre approche, parce qu'elle soutient l'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés, n'est pas la bonne.

D'abord, et je l'ai dit ici-même il y a quelques semaines, l'individualisation de l'AAH peut de facto conduire à individualiser de nombreuses autres allocations sociales ; les conséquences se chiffreraient en dizaines de milliards d'euros. C'est un choix que vous avez le droit de défendre, d'autant que nous approchons de l'élection présidentielle, mais ce n'est pas le nôtre.

Ensuite, et surtout, votre approche est pour nous synonyme de renoncement à l'action publique. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : le traitement du handicap nécessite des moyens colossaux, à la hauteur des enjeux auxquels il renvoie. Je crois que le Gouvernement, grâce à l'action de Sophie Cluzel, a répondu massivement au besoin en la matière…

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…en augmentant le budget qui y est consacré de plus de 17 % sur la durée du quinquennat. Des dispositions ont d'ailleurs été votées pour rendre l'attribution de l'AAH plus juste, au bénéfice des plus modestes, avec l'application d'un abattement forfaitaire de 5 000 euros sur les revenus du conjoint non bénéficiaire.

Mais l'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés mobiliserait énormément d'argent public et nous savons que, par le jeu des vases communicants, l'adoption de la mesure reviendrait à réduire d'autant les moyens consacrés par exemple au développement des établissements spécialisés, à l'habitat inclusif, à l'accompagnement dans le travail des personnes en situation de handicap, et j'en passe.

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Je trouve même surprenant, compte tenu de son histoire politique, que le groupe GDR défende une approche de ce type, individuelle voire individualiste.

Protestations sur les bancs des groupes FI et GDR.

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Nous défendons l'autonomie des personnes handicapées !

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De notre côté, au sein de la majorité, nous prônons clairement une action collective susceptible de régler la question du handicap. Hier encore, une personne m'expliquait combien le fait de ne plus avoir à déclarer son handicap tous les cinq ans avait été un soulagement. Mais pour une avancée comme celle-ci, combien restent encore à accomplir, autrement plus onéreuses ?

Par exemple, s'agissant de l'emploi des personnes en situation de handicap, avez-vous à l'esprit les dispositions qui ont été adoptées, lors de l'examen en commission du projet de loi « 3DS », pour lever un certain nombre de freins en la matière ?

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Le texte n'a pas encore été adopté ! On n'en parle pas !

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Nous avons ainsi adopté la reconnaissance automatique de la qualité de travailleur handicapé des jeunes de plus de 16 ans en insertion professionnelle, afin de simplifier considérablement leur accès au monde professionnel. Très concrètement, dès lors que le jeune bénéficiera de l'allocation aux adultes handicapés, de la prestation de compensation du handicap ou d'un projet personnalisé de scolarisation, il n'aura pas besoin de déposer une demande à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour instruire sa RQTH ; c'est en effet une procédure souvent longue, alors que l'individu concerné est déjà connu des services de la MDPH.

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Ces jeunes sont mal à l'aise ! Vous ne développez que des arguties !

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En même temps, nous voulons ouvrir la possibilité de cumuler travail partiel en ESAT et travail partiel en milieu ordinaire, sans qu'il soit nécessaire de repasser devant la MDPH. L'objectif est de faciliter un passage progressif du milieu protégé vers le milieu ordinaire. Parallèlement, le retour en ESAT, en cas d'échec de l'insertion dans le milieu ordinaire, doit être facilité. Il n'est pas acceptable qu'une personne ayant eu le courage d'entreprendre des démarches d'insertion en milieu adapté ou ordinaire soit contrainte, en cas d'échec, de reprendre à zéro le parcours pour obtenir une place en ESAT. Pour ceux qui le souhaitent, l'ESAT doit être un sas vers l'accès à l'emploi ordinaire.

Même si nous n'en sommes qu'au début de l'examen du projet de loi « 3DS », je suis convaincu que ces dispositions seront adoptées. Ce n'est rien de très visible, rien de très médiatique : de telles mesures sont simplement le résultat d'un travail de fourmi, efficace, qui veut donner des solutions ordinaires à des milliers de personnes extraordinaires.

Chers collègues, j'en suis profondément convaincu, s'agissant du handicap, c'est l'action collective qui doit primer ; c'est pourquoi le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est défavorable à la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Pour la troisième fois depuis 2019, nous voici de retour pour examiner un texte proposant la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés. Une nouvelle fois, nous sommes amenés à débattre d'une proposition de loi empreinte de solidarité et d'humanité, qui fait l'honneur de notre assemblée – je salue d'ailleurs le groupe GDR qui a souhaité l'inscrire à l'ordre du jour de sa journée d'initiative – et qui contient des dispositions de justice sociale dont le pays a tant besoin.

J'écoutais la semaine dernière sur une de nos radios de service public, comme certains d'entre vous peut-être, un débat contradictoire entre un défenseur de ce texte et une députée de la majorité. Je me suis vraiment demandé comment vous pouviez rester à ce point sourds aux paroles des personnes qui vous interpellaient ,

Mme Karine Lebon applaudit

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comment vous pouviez, avec tant de certitude et d'entêtement, contester les évidences qui émaillent pourtant ce débat ?

Rappelons-le : l'AAH n'est pas un cadeau de l'État. Elle constitue un minimum social versé sous conditions et de manière différentielle, et ce sont les revenus totaux d'un foyer qui président au calcul de son montant. Concrètement, au regard des conditions d'attribution et de calcul de cette allocation, la solidarité nationale intervient actuellement après la solidarité familiale. C'est une prestation dont l'objectif est de compenser le fait que des personnes soient éloignées de l'emploi du fait de leur handicap : elle est versée comme un substitut au salaire.

Elle fut en 1975 une avancée considérable ; depuis, un demi-siècle s'est écoulé et les accidents de la vie venant briser ou affaiblir des existences n'ont malheureusement pas disparu. Pourtant, depuis 2019, malgré de multiples tentatives venues du Sénat et des différents groupes de l'Assemblée pour réparer l'injustice de son mode de calcul, rien n'a bougé, ou si peu. La situation actuelle est évidemment injuste et regrettable, et ce pour plusieurs raisons : l'AAH doit répondre au caractère durable voire irréversible du handicap ; et pourtant, l'autonomie financière des personnes en situation de handicap qui en sont bénéficiaires reste largement dépendante des revenus de leur foyer.

Comment concevoir que nous pourrions être dépendants de notre conjoint ou encore de nos enfants pour vivre, nous épanouir, nous insérer ? Personne ne l'accepterait. Alors, au nom de quel principe obtus demandons-nous à ceux de nos concitoyens qui sont les plus fragilisés par l'existence de l'accepter ? Il n'est ici point question de misérabilisme, madame la secrétaire d'État, mais bien de droits et d'indépendance.

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L'argent est un moyen d'y parvenir, et il arrive que les difficultés de la vie ne nous donnent pas à tous, les mêmes chances ; c'est à cet instant que l'État doit prendre sa part.

L'AAH est désormais insuffisante ; ainsi, le quart de ses bénéficiaires vit sous le seuil de pauvreté, et le revenu moyen des personnes en situation de handicap est inférieur de 200 euros par mois à celui des personnes valides. Alors oui, le Gouvernement l'a revalorisée en 2018 et en 2019, mais il a en même temps abaissé le plafond de ressources pour les allocataires en couple. Finalement, 100 000 bénéficiaires sont sortis du dispositif ! Ce « en même temps » est donc une véritable régression.

L'individualisation de l'AAH est une demande de longue date des associations, des premières personnes concernées, des femmes et des hommes qui doivent vivre avec moins de 1 000 euros par mois. La crise sanitaire et économique n'a fait que renforcer la nécessité de répondre, en toute humilité, à une situation qui n'est plus tenable. Le « quoi qu'il en coûte » tant vanté, possible pour les entreprises, ne le serait-il pas pour les personnes en situation de handicap ?

La présente proposition de loi revient donc sur les modalités de calcul et d'attribution de l'AAH, en supprimant la prise en compte des revenus du conjoint dans son calcul ainsi que dans son plafonnement, ce qui permettra aux bénéficiaires d'être pleinement indépendants et autonomes. Nous pensons évidemment aux femmes victimes de violences conjugales qui, faute d'indépendance ne peuvent parfois pas quitter leur domicile familial car, sur le plan économique, elles n'y survivraient pas.

Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) des ministères sociaux, la déconjugalisation de l'AAH porterait à 196 000 le nombre de ménages gagnants, pour un gain moyen de 300 euros mensuels. Un tel bénéfice n'est pas un gain miraculeux ; c'est un maigre effort que nous appelons ardemment de nos vœux, afin de redonner de la dignité aux femmes et aux hommes concernés. En ce sens, nous défendrons un amendement visant à rétablir l'article supprimé en commission.

Bien sûr, le changement aurait pu être brutal et faire des ménages perdants, mais une transition aurait été préservée par l'article 3 bis , qui maintenait jusqu'en 2031 le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés selon les modalités existantes. Nous défendrons naturellement un amendement visant à le rétablir, en cohérence avec le rétablissement souhaité de l'article 3.

Enfin, dans un dernier espoir de vous convaincre, comment ne pas évoquer la Commission nationale consultative des droits de l'homme, pour qui la persistance du mode de calcul actuel va à l'encontre des principes de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), s'agissant du respect de leur dignité et de leur autonomie, ou encore de leur droit à fonder une famille ou à vivre en couple, comme l'ont rappelé les rapporteurs ? Je mentionnerai aussi la Défenseure des droits, qui a souligné « les freins à une vie de couple liés aux conditions d'attribution de l'AAH », qui pénalisent les personnes handicapées souhaitant fonder une famille.

Vous dites que la déconjugalisation ne serait pas bénéfique en matière de justice sociale ; nous disons qu'elle ouvrirait une brèche dans un océan d'injustice. Décidément, nous ne sommes pas d'accord. Nous voterons donc avec conviction en faveur du texte, en faveur de plus de justice sociale et d'équité entre les citoyens, en faveur d'un droit à une vie amoureuse et affective libre et choisie.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Mme Jeanine Dubié et M. Stéphane Peu, rapporteurs, applaudissent également.

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Nous examinons cet après-midi, en troisième lecture, la proposition de loi défendue par nos collègues Jeanine Dubié et Stéphane Peu, portant diverses mesures de justice sociale. Je tiens tout d'abord à remercier les membres du groupe GDR d'avoir intégré une seconde fois ce texte au sein de leur niche parlementaire. De la proposition de loi initiale, rapportée par notre collègue Yannick Favennec-Bécot en première lecture, ne subsiste qu'une seule mesure phare : celle qui prévoit la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés, dite AAH.

À l'heure actuelle, les revenus du conjoint sont en effet pris en compte dans le calcul de l'AAH, après un abattement de 20 %. Cela implique qu'un bénéficiaire, s'il s'installe en couple avec une personne dont les revenus nets dépassent les 1 020 euros par mois, soit un niveau en deçà du SMIC, perd son allocation à taux plein. Le niveau de son AAH décroît ensuite progressivement en fonction des revenus de son partenaire, avant de s'éteindre si celui-ci gagne plus de 2 270 euros.

Si ce n'est pas le prix de l'amour, c'est en tout cas celui de la perte d'autonomie. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un tel mode de calcul car il tend à enfermer dans la dépendance et dans la pauvreté les personnes handicapées qui décident de former une famille. Cette situation est par ailleurs susceptible de nourrir et d'aggraver les risques d'emprise et de violences conjugales, quand on sait par ailleurs que les femmes handicapées sont plus exposées que les autres aux situations d'abus et de violence. Leur garantir un minimum de subsistance grâce à une AAH à taux plein, quel que soit leur état matrimonial, c'est aussi permettre à ces femmes de disposer des moyens suffisants pour s'extraire de leur calvaire.

Mme Marie-George Buffet applaudit.

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L'argument selon lequel l'AAH serait un minimum social comme un autre et devrait donc s'appréhender au regard des revenus du foyer ne nous convainc pas. Le groupe Agir ensemble considère en effet qu'elle constitue une prestation sociale, dont la vocation est de répondre à une incapacité durable d'accès à l'emploi et non à une vulnérabilité sociale temporaire. Sa raison d'être est donc bien d'assurer l'émancipation de la personne qui en bénéficie, indépendamment de sa situation conjugale.

Si le texte que nous avions adopté en première lecture comprenait un certain nombre d'effets secondaires – il aurait conduit à léser environ 40 000 bénéficiaires qui travaillent et sont en couple avec une personne inactive –, le Sénat a judicieusement enrichi la proposition de loi par un article 3 bis qui instaure un mécanisme transitoire permettant qu'il n'y ait aucun perdant. Nous regrettons le choix fait en commission de supprimer les articles 3 et 3 bis restant en discussion.

En juin dernier, l'Assemblée avait adopté la proposition de loi en substituant à la déconjugalisation un abattement forfaitaire de 5 000 euros sur les revenus du conjoint, venant remplacer l'abattement proportionnel de 20 % qui s'applique aujourd'hui. Cette mesure a depuis été intégrée au projet de loi de finances pour 2022, que nous examinerons en lecture définitive dans deux semaines. Si ce scénario était retenu, le niveau de revenu du conjoint à partir duquel le bénéficiaire perdrait son allocation à taux plein passerait de 1 020 à 1 270 euros nets mensuels ; le seuil d'extinction, lui, resterait le même, à 2 270 euros.

La solution qui nous est proposée par le Gouvernement est bien sûr préférable à la situation actuelle, mais elle ne répond pas au désir d'autonomie financière exprimé par les personnes en situation de handicap. Elle permettra de moins prendre en compte les revenus du conjoint, mais il ne s'agit pas d'une déconjugalisation. La situation de dépendance économique restera en effet la même pour bon nombre des personnes concernées.

Au regard des 11 milliards d'euros consacrés chaque année à cette prestation sociale, les 700 millions d'euros supplémentaires que coûterait la déconjugalisation sont certes une somme importante, mais nous estimons que les enjeux d'autonomie et de justice sociale qu'elle comporte méritent un effort de solidarité nationale de cette ampleur. Je tiens également à rappeler que c'est notre majorité, à l'initiative du Gouvernement, qui a revalorisé de manière substantielle le montant de l'AAH, le faisant passer de 810 euros en 2017 à 903 euros aujourd'hui, pour un coût total de 2 milliards d'euros. L'effort supplémentaire que nous souhaitons réaliser par la présente proposition de loi représente donc un tiers de ce qui a déjà été accompli.

Madame la secrétaire d'État, je salue votre travail et votre engagement, depuis 2017, pour améliorer la vie des personnes en situation de handicap. Mais sur ce sujet, nous avons un point de divergence ; il est documenté depuis 2017.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe Agir ensemble reste très majoritairement favorable à l'individualisation de l'AAH, dans son mode de calcul comme dans son plafonnement. À la veille de la journée internationale des personnes handicapées, nous voterons donc, avec constance et conviction, en faveur de la proposition de loi telle qu'elle nous est revenue du Sénat.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Jeanine Dubié et M. Stéphane Peu, rapporteurs, Mme Albane Gaillot et M. Paul Molac applaudissent également.

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En préambule, permettez-moi de saluer chaleureusement la détermination et la pugnacité de notre collègue Jeanine Dubié, qui travaille depuis plusieurs années maintenant sur le sujet du handicap et qui, jusqu'au dernier jour de la législature, je le sais, aura à cœur de faire aboutir la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociales. Nous l'y aiderons : elle ne lâchera pas, mais nous non plus !

Je remercie également, au nom du groupe UDI et indépendants, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'avoir bien voulu inscrire dans sa journée réservée cette proposition de loi qui n'est pourtant pas issue de ses rangs. C'est dire sa détermination à ce qu'enfin cesse l'injustice liée à la conjugalisation de l'AAH.

Le sujet que nous examinons ce soir ne m'est pas inconnu puisque j'ai eu la chance et l'honneur d'être le rapporteur du texte en première lecture. L'allocation aux adultes handicapés a pour seul et unique but d'assurer l'autonomie financière des personnes en situation de handicap. Son premier objectif est l'autonomie. Soyons toutefois réalistes : avec 900 euros mensuels, les personnes qui en bénéficient vivent malheureusement toujours sous le seuil de pauvreté.

Pour rappeler que l'autonomie est au cœur de l'AAH, notre groupe aurait souhaité que nous ajoutions le A d'autonomie dans l'appellation de cette allocation. Nous parlerions ainsi de l'AAAH pour désigner « l'allocation pour l'autonomie des adultes handicapés ». Ce sigle aurait le mérite de rappeler, chaque fois qu'il serait prononcé, l'objectif à atteindre.

Certes, le Gouvernement n'est pas resté les bras croisés et nous avons bien sûr soutenu la progression du montant de l'AAH jusqu'à 900 euros, mais ayons l'honnêteté de reconnaître que toutes les majorités successives ont accompagné cette évolution.

Le sujet qui nous réunit est l'autonomie des personnes en situation de handicap : elle doit rester notre boussole, conformément à la volonté du président Valéry Giscard d'Estaing lorsqu'il a créé l'AAH en 1975. Plutôt que de nous fourvoyer dans des débats accessoires sur la nature de la prestation, dont découlerait tel ou tel système, la seule question que nous devons nous poser est celle de savoir si le dispositif favorise, oui ou non, l'autonomie des personnes handicapées. De toute évidence, la conjugalisation de l'AAH démontre l'inverse.

S'installer en ménage, fonder une famille, est un puissant vecteur d'autonomie, mais l'État en profite pour faire reposer l'autonomie financière de la personne en situation de handicap, non plus sur le budget de l'État, mais sur les revenus du conjoint. Autrement dit, le refus de la déconjugalisation de 1'AAH revient à créer un nouveau lien de dépendance, attaché aux revenus du conjoint.

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Le Gouvernement et la majorité s'obstinent à refuser la déconjugalisation. Un abattement fiscal a été adopté en première partie de projet de loi de finances pour 2022, mais cette mesure bénéficie à moins de la moitié des personnes concernées et ne remet pas en cause le principe de la conjugalisation de l'allocation. Vous refusez la déconjugalisation alors que tout le monde la demande et vous instaurez un abattement fiscal dont personne ne veut réellement.

Des objectifs ambitieux avaient pourtant été énoncés lors de la Conférence nationale du handicap au mois de février 2020. Le Président de la République souhaitait alors « continuer à aller sur le chemin de l'allocation digne pour toutes les personnes en situation de handicap » et ouvrir de « nouveaux droits pour les personnes en situation de handicap : le droit de se marier, de se pacser, de divorcer ». Or de nombreuses personnes en situation de handicap renoncent purement et simplement à se marier ou à se pacser par crainte de voir diminué le montant de leur allocation.

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La conjugalisation de l'AAH conduit à renoncer au bonheur, à choisir entre le cœur et le portefeuille.

Ce ne sont pas seulement les oppositions qui réclament la déconjugalisation. Un grand nombre d'associations de personnes en situation de handicap, mais aussi la Défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l'homme la demandent. Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies vous exhorte lui aussi, madame la secrétaire d'État, dans son rapport du 14 septembre dernier, à la déconjugalisation en réformant le « règlement de l'allocation adulte handicapé afin de séparer le revenu des personnes handicapées de celui de leur conjoint ». Il est grand temps, madame la secrétaire d'État, que vous écoutiez les oppositions, les associations, les contre-pouvoirs et les Nations unies !

Convaincus par le gain considérable que constituerait la déconjugalisation de l'AAH pour l'autonomie des personnes en situation de handicap, le groupe UDI et indépendants votera ce texte comme lors des lectures précédentes.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Mme Jeanine Dubié et M. Stéphane Peu, rapporteurs, applaudissent également.

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Nous voici de nouveau réunis pour évoquer l'allocation aux adultes handicapés à l'occasion de l'examen, en troisième lecture, de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale de notre collègue Jeanine Dubié, dont je salue la détermination, le courage et la ténacité.

Au nom du groupe Libertés et territoires, je remercie chaleureusement nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'avoir inscrit ce texte au sein de leur niche parlementaire. Je regrette qu'une commission mixte paritaire n'ait pas pu être convoquée par le président de l'Assemblée malgré la demande commune formulée par six groupes. Nous examinons donc ce texte en troisième lecture et je crains, malheureusement, que la majorité ne soit pas disposée à adopter la version du Sénat.

Comme un grand nombre de nos collègues ici présents, je suis particulièrement attaché à la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés. Il s'agit, en effet, d'une demande légitime et de bon sens puisqu'elle ne lie plus le calcul de l'indemnité perçue par les bénéficiaires aux revenus de leur conjoint. Près de 200 000 personnes subissent aujourd'hui l'injustice de la conjugalisation de l'AAH, qui met à mal leur dignité : privées d'un accès à l'emploi, elles ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins. En l'état actuel du dispositif, les revenus du couple diminuent lorsque l'un des deux devient handicapé.

Que n'a-t-on entendu de la part du Gouvernement et de la majorité au sujet de cette mesure lors des précédentes lectures du texte : que l'instauration de la déconjugalisation ne pouvait être appliquée en raison de difficultés informatiques ; que l'AAH serait un minimum social et que le principe de conjugalisation, lié à notre modèle social, devait donc prévaloir !

Au sein du groupe Libertés et territoires, nous ne voyons pas les choses ainsi. Nous considérons qu'à l'instar de la PCH, l'AAH est une prestation sociale visant à garantir l'autonomie et la dignité des personnes handicapées. Je le redis ici : les maîtres mots de notre débat sont bel et bien l'autonomie et la dignité. Ne pas comprendre cet aspect revient inévitablement à se tromper sur les solutions.

Nous sommes aujourd'hui exaspérés parce que nous ne comprenons pas l'opposition de principe du Gouvernement et de la majorité à la déconjugalisation. Ils justifient leur refus uniquement par des questions d'ordre financier alors que la mesure est défendue, rappelons-le, par l'ensemble des groupes d'opposition, mais aussi par l'ensemble des associations de soutien aux personnes en situation de handicap.

Au-delà de notre mobilisation transpartisane, toute la société civile s'est d'ailleurs mobilisée en faveur de la proposition de loi. Après l'adoption de la proposition de loi en première lecture, contre l'avis du Gouvernement, le 13 février 2020, la pétition lancée sur le site du Sénat par Mme Véronique Tixier, habitante du Puy-de-Dôme, a rapidement atteint le seuil des 100 000 signatures. Cette pétition en faveur de l'autonomie financière des personnes handicapées est la première à avoir atteint le nombre de signatures nécessaires afin d'être examinée par le Sénat.

Le mode de calcul conjugalisé de l'AAH conduit à des aberrations, comme me l'ont expliqué plusieurs personnes venues me rencontrer dans ma permanence. Certains renoncent à se marier pour ne pas se priver d'une partie non négligeable de leurs revenus. Par ailleurs, la dépendance financière d'un individu par rapport à son conjoint favorise les violences conjugales.

Le Gouvernement a certes introduit un abattement forfaitaire de 5 000 euros sur les revenus du conjoint dans le projet de loi de finances pour 2022, mais cette disposition ne saurait remplacer une véritable individualisation de l'allocation, favorisant l'autonomie et la dignité des personnes handicapées.

Le groupe Libertés et territoires réitère son souhait d'une adoption conforme de la proposition de loi dans sa version issue du Sénat afin qu'il soit mis fin à l'injustice dont sont victimes les personnes en situation de handicap. Nous ne pouvons pas nous permettre de prolonger cette situation : la proposition de loi doit entrer en vigueur le plus rapidement possible. Rappelons que le report de son adoption retardera l'application d'articles déjà adoptés. Je pense notamment à l'article 4, qui relève l'âge à partir duquel il est possible de bénéficier de la PCH de 60 à au moins 65 ans.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur des amendements visant à rétablir les articles supprimés en commission.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Jeanine Dubié et M. Stéphane Peu, rapporteurs, applaudissent également.

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Nous sommes de nouveau réunis dans cet hémicycle pour débattre de la déconjugalisation de l'AAH. Quel parcours législatif que celui de cette proposition de loi ! La revoilà aujourd'hui en troisième lecture à l'Assemblée dans le cadre de la niche communiste. Je remercie nos collègues pour leur persévérance et les groupes politiques qui, comme La France insoumise, auront tenté, par voie d'amendements ou d'une proposition de loi, d'obtenir la déconjugalisation de l'AAH – je pense à Aurélien Pradié, du groupe Les Républicains, et, évidemment, à notre collègue Jeanine Dubié.

Chacun de nous en convient : nous aurons longuement débattu de la déconjugalisation de l'AAH au cours de la législature. Au risque de me répéter, je reprendrai une dernière fois les raisons pour lesquelles nous défendons cette mesure.

Tout d'abord, la déconjugalisation est nécessaire pour garantir l'autonomie des personnes en situation de handicap. L'allocation est versée au-delà d'un certain degré d'invalidité qui ne permet pas de disposer de ressources suffisantes liées à son travail. Le fait de se mettre en couple ne signifie pas la fin de cette singularité. La personne en situation de handicap doit donc pouvoir conserver son autonomie financière.

Ensuite, la solidarité nationale doit l'emporter sur la solidarité familiale, en particulier si l'on veut lutter contre les violences conjugales et soutenir l'émancipation des femmes. La prise en compte des revenus du conjoint crée une relation de dépendance au sein du foyer, qui touche particulièrement les femmes. Rappelons que nous parlons de personnes dans l'incapacité totale ou partielle de travailler ! Nous sommes évidemment favorables à ce que les personnes en situation de handicap exercent une activité professionnelle, mais elles sont, de fait, pour la grande majorité d'entre elles, éloignées du travail.

Rappelons, en outre, que la dépendance financière est à l'origine de situations de maltraitance et de violences. Les femmes en situation de handicap sont particulièrement exposées aux violences conjugales. On estime que 34 % d'entre elles subissent des violences de la part de leur partenaire, contre 19 % des femmes non handicapées.

Pour finir, cette mesure a certes un coût, mais à combien chiffrez-vous la défense de l'égalité et du respect des personnes en situation de handicap, en particulier des femmes, madame la secrétaire d'État ?

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Mme Jeanine Dubié et M. Stéphane Peu, rapporteurs, ainsi que Mme Albane Gaillot applaudissent également.

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L'estimation du coût de la déconjugalisation n'a cessé d'augmenter au fil des lectures de la proposition de loi. En 2018, vous annonciez un coût annuel de 360 millions d'euros. Il serait de 560 millions d'euros selon le dernier rapport du Sénat et de 730 millions désormais pour le Gouvernement !

Quelles que soient les estimations et la surenchère du Gouvernement, le prix de la justice sociale pour les personnes en situation de handicap n'apparaît pas excessivement élevé en comparaison des milliards d'euros d'exonérations prévues pour les entreprises. Inutile donc de vous cacher derrière cet argument.

Pour résumer, soutenir la proposition de loi revient à affirmer les principes de l'autonomie des personnes en situation de handicap et de la non-discrimination en permettant à ces personnes de se marier ou de se pacser sans être pénalisées. Soutenir le texte revient à respecter le principe d'égalité entre les individus et à soutenir la lutte contre les violences conjugales en refusant que soient instituées des situations de dépendance financière subies au sein du couple.

J'ai appris avant-hier dans la presse que le président Castaner tentait de mobiliser ses troupes pour s'opposer à ce texte dans l'hémicycle. Je rappelle que l'objectif premier du programme sur la vie politique, pour lequel nos collègues du groupe La République en marche ont été élus, était : « Un personnel politique qui représente les Français. » La très grande majorité des Françaises et des Français plébiscite cette mesure. C'est aussi une demande unanime et historique de l'ensemble des associations de personnes en situation de handicap.

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Chers collègues, vous avez la liberté de vous plier à un choix inique ou de décider en votre âme et conscience de voter une mesure juste. De notre côté, nous soutiendrons jusqu'au bout cette proposition de loi et nous défendrons un amendement pour envisager la réévaluation de l'AAH au niveau du SMIC pour les personnes en situation de handicap se trouvant dans l'incapacité totale de travailler.

Nous savons combien il est difficile, pour les différents groupes parlementaires d'opposition, d'obtenir l'examen de propositions de loi. Entre octobre de cette année et février 2022, 110 jours seront consacrés à l'examen de textes du Gouvernement ou de la majorité, contre une seule journée pour les groupes d'opposition. Aussi, lorsqu'une proposition de loi soutenue par l'ensemble des groupes d'opposition parvient à se frayer un chemin dans les diverses niches parlementaires, à déjouer les pièges de l'exécutif, à satisfaire une demande très forte de la société, nous assistons à une lueur de démocratie au sein de cet hémicycle – brève, furtive, mais intense. Votons définitivement ce magnifique texte ! À la veille de la journée internationale des personnes handicapées, saisissons cette belle occasion.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Mme Jeanine Dubié et M. Stéphane Peu, rapporteurs, applaudissent également.

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La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale ;

Discussion de la proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique ;

Discussion de la proposition de loi garantissant le libre-choix des communes en matière de gestion des compétences « eau » et « assainissement » ;

Discussion de la proposition de loi organique pour une protection des biens communs et de la proposition de loi créant un statut juridique des biens communs.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra