Lundi dernier, l'INSEE publiait ses projections démographiques pour 2070 et rappelait que le vieillissement de la population était inéluctable. Ainsi, d'ici à 2070, le nombre des personnes âgées de 60 à 74 ans restera stable, mais celui des 75 ans et plus augmentera de plus de 5 millions. Tous les territoires ne seront pas touchés de la même manière et c'est à double titre que cette proposition de résolution visant à lancer un plan exceptionnel d'accompagnement du phénomène de vieillissement accéléré de la Martinique arrive à point nommé.
En 2019, le rapport Libault nous a alertés sur la situation de la Martinique, prédisant qu'elle deviendrait le plus vieux département de France en 2050. Pour rappel – il ne faut pas avoir peur de répéter ces chiffres –, un retraité sur quatre perçoit le minimum vieillesse, un retraité de plus de 65 ans sur trois vit seul et de manière potentiellement isolée, et plus de la moitié des retraités martiniquais vivent en dessous du seuil de pauvreté, lequel est de 615 euros en Martinique contre un peu plus de 1 000 euros dans l'Hexagone – plus d'un retraité sur deux !
C'est donc à juste titre qu'il convient de déclencher un plan exceptionnel d'accompagnement du vieillissement en Martinique. Nous connaissons la situation actuelle et la situation passée du département et nous savons que le nombre des retraités âgés va augmenter, malgré la volonté de la majorité de repousser l'âge de départ à la retraite.
À cet égard, le rapport d'information de la délégation aux outre-mer sur le grand âge dans les outre-mer soulignait déjà, en février 2020, que l'espérance de vie y était plus faible que dans l'Hexagone et que la proportion des personnes âgées dépendantes en Martinique dépassait la moyenne nationale.
Il paraît dès lors indispensable de consacrer des moyens supplémentaires aux territoires d'outre-mer les plus touchés par le vieillissement accéléré : la Martinique, tout d'abord, et peut-être ensuite la Guadeloupe et La Réunion – ces trois territoires étant considérés comme prioritaires selon le rapport de la délégation aux outre-mer. Il serait temps d'envisager, enfin, une prise en charge digne, solidaire et collective de la dépendance liée au grand âge.
Mais revenons à la Martinique et à la proposition de résolution. Nous approuvons tout particulièrement la proposition de planifier la réhabilitation des EHPAD martiniquais et de créer de nouveaux EHPAD en lien avec les besoins croissants. En effet, en matière de santé gériatrique comme en matière de santé tout court, la Martinique et plus généralement les territoires d'outre-mer sont sous-équipés : les services publics présents sur place ne pourront plus, demain, faire face aux besoins.
L'agence régionale de santé (ARS) de la Martinique estime ainsi que dix postes de gériatres supplémentaires seront nécessaires dans les dix prochaines années. La sous-dotation actuelle, pour ne pas dire le désert gériatrique, qui caractérise la Martinique aggrave le non-recours aux soins de personnes qui ont pourtant besoin d'une prise en charge et d'un soutien renforcé de la nation.
C'est pourquoi nous approuvons également la proposition de planifier la hausse progressive de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui permettrait de limiter, et à terme de supprimer, le reste à charge pour les personnes dépendantes et leur famille – celui-ci est une autre explication des non-recours. Inutile de répéter une nouvelle fois les chiffres et les constats de la proposition de résolution, qui est parfaitement claire.
La majorité nous a promis à maintes reprises un projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie, mais elle vient de l'enterrer au profit de mesures qui ne sont pas à la hauteur du dénuement dans lequel vivent certains de nos anciens, et qui appellerait pourtant des décisions urgentes. Elles ne prennent pas non plus la mesure des conditions de travail des professionnels du secteur, en première ligne face aux difficultés sanitaires, en temps de covid-19 comme en temps normal.
La proposition de résolution ne complétera donc pas le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie, mais elle se conjuguera avec le programme de La France insoumise pour 2022, « L'Avenir en commun », qui prévoit d'engager un plan pluriannuel d'investissement et de développement des services publics dans les territoires d'outre-mer, ainsi que la construction d'un service public de la dépendance – auquel, vous le savez, je suis très attachée.
Il s'agira notamment de développer un réseau public de maisons de retraite aux tarifs harmonisés et accessibles et de créer 10 000 places par an dans des EHPAD publics pendant cinq ans. Nous prévoyons aussi de former et de recruter au moins 210 000 personnes – nous n'avons pas cessé, depuis 2018, de vous répéter que ces emplois étaient nécessaires. Enfin, il nous faudra revaloriser les métiers et les revenus de l'ensemble des professionnels du grand âge, qu'ils travaillent à domicile ou en institution.
Cette proposition de résolution concerne spécifiquement la Martinique, mais elle ouvre la voie à une prise en charge ambitieuse et collective de nos aînés dans tous les territoires d'outre-mer. Elle a le mérite de rappeler la situation de personnes bien souvent oubliées car elles ne peuvent pas se mobiliser – contrairement aux générations plus jeunes, dont nous suivons actuellement les mobilisations aux Antilles et en Martinique.
Je salue, pour finir, les personnes âgées de la Martinique. Le groupe La France insoumise votera bien évidemment en faveur de la proposition de résolution.