Je comprends et je partage l'inquiétude à laquelle cette proposition de résolution du groupe GDR souhaite répondre. Notre pacte républicain est de plus en plus fréquemment mis à mal par des discours de haine, dont les victimes sont des hommes et des femmes discriminés en raison de leur origine, de leur couleur de peau, de leur religion, de leur sexualité. Ces propos sont d'autant plus inadmissibles, d'autant plus impardonnables, d'autant plus condamnables lorsqu'ils sont proférés par des acteurs de la vie publique, particulièrement par des élus ou des responsables politiques. De tels discours ne sont pas récents – vous l'avez rappelé, monsieur le député Roussel –, mais la viralité des réseaux sociaux leur donne un écho bien plus destructeur qu'auparavant.
Il convient de rappeler préalablement que ces propos ne constituent pas une opinion, mais un délit, prévu et réprimé par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, laquelle a été directement inspirée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Lors de mon arrivée place Vendôme, dans mon discours de passation de pouvoirs, j'ai très fermement annoncé mes intentions. Elles étaient, sont et seront toujours claires : en tant que garde des sceaux, je combats et je combattrai avec force la haine et tous les types de racismes. J'ai tenu mes promesses, avec la création d'une juridiction nationale de lutte contre la haine en ligne, avec des modifications du code de procédure pénale afin de juger enfin plus rapidement les auteurs de propos haineux et discriminatoires, ainsi qu'avec la diffusion de circulaires très précises visant à mobiliser l'ensemble de la chaîne pénale.
Je crois que nous nous rejoignons pour définir les objectifs à atteindre en matière de lutte contre cette haine dévastatrice. Mais votre proposition de résolution vise à m'inviter « à préciser aux juridictions compétentes les conditions d'application de la loi à l'encontre de tout responsable politique ou de toute personne partie prenante du débat politique qui se rendrait coupable des délits visés à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, et d'examiner la possibilité de retenir la peine complémentaire d'inéligibilité prévue par ce même article si le délit s'avérait particulièrement odieux ou répété ».
Si je comprends parfaitement le sens de votre texte, je dois aussi vous rappeler le cadre de mon action, qui n'est autre que celui déterminé par les lois de la République. La peine complémentaire d'inéligibilité trouve déjà à s'appliquer, mais les juges doivent demeurer pleinement indépendants dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles.