En effet, la censure est l'argument ultime utilisé par les détracteurs de la démocratie pour convaincre et rallier de nouveaux partisans. Dès lors, attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal en faisant de ces propagateurs de haine, des victimes. L'élection de Trump aux États-Unis en a été le plus parfait exemple : de nombreux électeurs ne votaient pas Trump pour ses idées, mais par rejet des élites médiatiques et universitaires américaines qui s'élevaient en guide moral pour l'ensemble de la société. Ce rejet des élites a été alimenté par le mépris que celles-ci ont accordé au candidat, se moquant sans cesse de lui, le méprisant, le parodiant. Néanmoins, force est de constater que la très grande mansuétude des médias l'ayant laissé propager son discours de rejet a failli aboutir à un coup d'État.
La question centrale me semble être davantage celle du système médiatique. Nous sommes entrés dans une époque où toutes les paroles se valent, surtout celles qui apportent des réponses simples aux problèmes complexes. La prime médiatique va à la parole – voire à la bêtise – la plus extrême, histoire de faire le buzz. Les médias ont un effet amplificateur qui a fini par banaliser le pire, et le candidat qui émerge médiatiquement n'est pas celui qui a le programme le plus abouti, mais celui qui maîtrise le mieux des codes médiatiques qui valorisent les paroles les plus choquantes, qui relaient ce qui fait désordre et scandale, ce qui plaît aux algorithmes des réseaux sociaux.
C'est l'ensemble du fonctionnement médiatique qui est à repenser. Notre démocratie est fragile : la responsabilité serait de consolider ce bien commun plutôt que de l'affaiblir. C'est à cela que notre Parlement devrait s'atteler prioritairement, notamment en évitant que certaines personnes ne réussissent à concentrer un certain nombre de médias dans leurs mains…