L'argent est un moyen d'y parvenir, et il arrive que les difficultés de la vie ne nous donnent pas à tous, les mêmes chances ; c'est à cet instant que l'État doit prendre sa part.
L'AAH est désormais insuffisante ; ainsi, le quart de ses bénéficiaires vit sous le seuil de pauvreté, et le revenu moyen des personnes en situation de handicap est inférieur de 200 euros par mois à celui des personnes valides. Alors oui, le Gouvernement l'a revalorisée en 2018 et en 2019, mais il a en même temps abaissé le plafond de ressources pour les allocataires en couple. Finalement, 100 000 bénéficiaires sont sortis du dispositif ! Ce « en même temps » est donc une véritable régression.
L'individualisation de l'AAH est une demande de longue date des associations, des premières personnes concernées, des femmes et des hommes qui doivent vivre avec moins de 1 000 euros par mois. La crise sanitaire et économique n'a fait que renforcer la nécessité de répondre, en toute humilité, à une situation qui n'est plus tenable. Le « quoi qu'il en coûte » tant vanté, possible pour les entreprises, ne le serait-il pas pour les personnes en situation de handicap ?
La présente proposition de loi revient donc sur les modalités de calcul et d'attribution de l'AAH, en supprimant la prise en compte des revenus du conjoint dans son calcul ainsi que dans son plafonnement, ce qui permettra aux bénéficiaires d'être pleinement indépendants et autonomes. Nous pensons évidemment aux femmes victimes de violences conjugales qui, faute d'indépendance ne peuvent parfois pas quitter leur domicile familial car, sur le plan économique, elles n'y survivraient pas.
Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) des ministères sociaux, la déconjugalisation de l'AAH porterait à 196 000 le nombre de ménages gagnants, pour un gain moyen de 300 euros mensuels. Un tel bénéfice n'est pas un gain miraculeux ; c'est un maigre effort que nous appelons ardemment de nos vœux, afin de redonner de la dignité aux femmes et aux hommes concernés. En ce sens, nous défendrons un amendement visant à rétablir l'article supprimé en commission.
Bien sûr, le changement aurait pu être brutal et faire des ménages perdants, mais une transition aurait été préservée par l'article 3 bis , qui maintenait jusqu'en 2031 le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés selon les modalités existantes. Nous défendrons naturellement un amendement visant à le rétablir, en cohérence avec le rétablissement souhaité de l'article 3.
Enfin, dans un dernier espoir de vous convaincre, comment ne pas évoquer la Commission nationale consultative des droits de l'homme, pour qui la persistance du mode de calcul actuel va à l'encontre des principes de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), s'agissant du respect de leur dignité et de leur autonomie, ou encore de leur droit à fonder une famille ou à vivre en couple, comme l'ont rappelé les rapporteurs ? Je mentionnerai aussi la Défenseure des droits, qui a souligné « les freins à une vie de couple liés aux conditions d'attribution de l'AAH », qui pénalisent les personnes handicapées souhaitant fonder une famille.
Vous dites que la déconjugalisation ne serait pas bénéfique en matière de justice sociale ; nous disons qu'elle ouvrirait une brèche dans un océan d'injustice. Décidément, nous ne sommes pas d'accord. Nous voterons donc avec conviction en faveur du texte, en faveur de plus de justice sociale et d'équité entre les citoyens, en faveur d'un droit à une vie amoureuse et affective libre et choisie.