« L'hymne de la haine ne profite pas à l'humanité », disait Gandhi. Avant de vous présenter la position du groupe Agir ensemble sur cette proposition de résolution, je pense qu'il est absolument nécessaire d'expliquer dans quel contexte elle s'inscrit. D'autres l'ont fait avant moi à la tribune, mais le sujet, particulièrement sensible, vaut la peine de prendre le temps de rappeler l'état actuel du droit par quelques questions simples et claires.
Tour d'abord, l'incitation à la haine est-elle déjà un délit en France ? La réponse est oui. Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l'incitation à la haine est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
Ensuite, l'incitation à la haine peut-elle déjà provoquer l'inéligibilité ? La réponse est encore oui, car le juge peut décider d'une peine complémentaire d'inéligibilité pouvant aller jusqu'à cinq ans.
Troisièmement, le juge est-il incité à demander cette inéligibilité, comme le propose cette résolution ? La réponse aurait pu être oui, grâce à la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie publique, votée par la majorité, rejetée par Les Républicains et sur laquelle le groupe GDR s'était, je crois, malheureusement abstenu. Cette nouvelle loi rendait obligatoire pour le juge le fait d'envisager une peine complémentaire d'inéligibilité lorsqu'une personne était condamnée. Il y avait ici une distinction très importante : si le juge était dans l'obligation d'envisager la peine complémentaire d'inéligibilité, il n'était pas pour autant dans l'obligation de la prononcer. Nous respections ainsi deux principes fondamentaux de l'État de droit auxquels le groupe Agir ensemble, comme le garde des sceaux, est très attaché : l'individualisation et la proportionnalité des peines. Si je ne parle pas au présent, c'est parce que les sages du Conseil constitutionnel, dans leur décision du 8 septembre 2017, ont censuré cette disposition, estimant qu'elle portait une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression – une donnée à prendre en compte, vous en conviendrez, pour l'examen de cette résolution.
Dès lors, et sans vouloir protéger les élus qui sont des justiciables comme les autres – j'insiste sur les mots « comme les autres » – le groupe Agir ensemble émet des réserves à la proposition de résolution pour trois raisons.
La première est que, si nous reconnaissons l'impérieuse nécessité de lutter contre les discours de haine et la valorisation de ceux qui les professent, il nous semble que le cadre juridique actuel est largement satisfaisant sans qu'il soit nécessaire au ministre de faire quelque recommandation que ce soit aux magistrats du parquet. Tout comme vous, monsieur Roussel, nous condamnons fortement les propos racistes, antisémites ou homophobes.
La seconde tient à la séparation des pouvoirs. Quel message enverrions-nous ? Le pouvoir législatif, demandant au pouvoir exécutif d'exhorter le pouvoir judiciaire à mettre « hors course » certains élus ou candidats à des élections ! Cela ne servirait en rien la démocratie ni le débat politique, et ne ferait que renforcer certaines stratégies de victimisation.