Intervention de Lamia El Aaraje

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 15h00
Lutte contre la banalisation des discours de haine dans le débat public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLamia El Aaraje :

La République est une promesse. La République est une perspective. La République est un modèle – majeur, fondamental, universel. La République inclut chacun et offre une place à tous. Elle donne du sens et un cadre au commun.

De prime abord, la proposition de résolution inscrite à l'ordre du jour par nos collègues communistes pourrait ne pas paraître nécessaire. En effet, peut-on penser qu'en 2021, en France, pays des Lumières, pays des droits de l'homme, pays de Voltaire, l'Assemblée nationale ait à discuter d'un texte de cette nature ?

Peut-on penser qu'en 2021, nous assistions à un tel délitement du débat public ?

Peut-on penser qu'en 2021, nous assistions, incrédules, à des saillies médiatiques au cours desquelles des candidats aux plus hautes fonctions de notre République foulent impunément aux pieds nos principes humains les plus fondamentaux et nos lois les plus élémentaires ?

Peut-on penser qu'en 2021, on puisse stigmatiser, vilipender, insulter, dénigrer une partie de nos concitoyens, une partie de nos enfants, en raison de leur prénom, de leur couleur de peau, ou de l'origine de leurs parents, grands-parents, arrière-grands-parents, voire arrière-arrière-grands-parents ?

Au plus grand regret de ma famille politique et, je le crois, de tous les républicains, de tous les amoureux de la France, nous sommes entrés dans une période de très grande turbulence politique. Tout le monde a un avis sur tout, sait mieux que tout le monde, peut faire mieux que tous les autres et, surtout, le dit partout, sur tous les tons, usant de tous les dérapages possibles : les plus outranciers, les plus racistes et les plus haineux.

La haine est devenue l'opium des agitateurs de peurs, le fonds de commerce des prédicateurs du passé et le leitmotiv de tous ceux qui pensent que l'autre est un ennemi parce que différent, parce que autre. Cette haine se distille comme un poison qui, peu à peu, se glisse dans tous les foyers, s'invite à toutes les tables et squatte tous les plateaux de télévision.

Certains s'amusent à souffler sur les braises de cette haine, se prétendant remparts républicains, mais dévoyant en fait la République à des fins populistes et électoralistes, et faisant de notre salut commun un clou scellant la tombe extrémiste que d'aucuns creusent consciencieusement. Comme si le passé n'avait pas servi de leçon. Comme si l'avenir de nos enfants leur importait peu. Comme si la République ne méritait pas que l'on se soucie d'elle.

Je salue l'initiative de nos collègues communistes. Même s'il est évident que ce n'est ni au Parlement ni au Gouvernement de dicter à la justice l'application de la loi, la mise en garde contenue dans la proposition de résolution n'est pas inintéressante, et ce même si le Conseil constitutionnel a – logiquement – retoqué son application automatique en 2017.

La proposition de résolution invite le garde des sceaux à rappeler le sens et l'intérêt de la peine complémentaire d'inéligibilité en cas de discours haineux tenu par une personnalité publique. Ces prédicateurs de haine, ces prophètes du passé, ces héritiers de Pétain, de Maurras ou de Renaud Camus menacent la paix garantie par la République et notre démocratie. Ils mettent en scène notre société d'une façon pervertie. Alors oui, il faut que ces personnalités, celles qui pointent une arme à bout portant sur des journalistes, celles qui insultent la presse, celles qui font des gestes injurieux à nos concitoyens, celles-là mêmes qui sont des menaces pour la démocratie, celles qui renient les crimes du passé de notre pays, celles qui considèrent que certains humains, mieux nés, valent mieux que d'autres, soient combattues sur les bancs républicains du Parlement et, plus globalement, par la société.

Oui, la législation est suffisante pour condamner les provocations à la discrimination, à la haine et à la violence. Mais notre responsabilité est ici collective. Personnalités politiques, figures médiatiques, personnalités publiques… Nous devons faire bloc contre ces prédicateurs de haine, quand certains sont tentés par des discussions, négociations, compromis au goût de compromission avec ces chantres de la France rance. Les valeurs républicaines nous obligent à une vigilance extrême à l'égard de personnalités qui usent de toute leur aura pour prêcher la discrimination, la haine, la violence.

Nous sommes, nous, membres du groupe Socialistes et apparentés, engagés contre les extrémistes, les populistes et les démagogues, engagés contre toutes les haines racistes, antisémites ou homophobes. Aussi voterons-nous la proposition de résolution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.