Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 15h00
Justice sociale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu, rapporteur de la commission des affaires sociales :

…des règles qui tendent à enfermer les personnes en situation de handicap dans une situation de dépendance malsaine vis-à-vis de leurs conjoints pour se vêtir, pour avoir un téléphone personnel, pour aller au cinéma, pour boire un verre avec des amis. N'y a-t-il pas là une atteinte intolérable aux libertés individuelles ?

Aux souffrances liées à la maladie et au handicap s'ajoute bien souvent un sentiment de honte et d'inutilité face à l'impossibilité de contribuer aux ressources du foyer. Dans le cas des femmes en situation de handicap victimes de violences, cette dépendance financière peut s'avérer encore plus dramatique. En effet, la dépendance financière nourrit la dépendance psychologique et il est d'autant plus difficile de s'extraire de situations d'abus et de violence sans ressources propres, en devant attendre plusieurs semaines pour récupérer une AAH à taux plein.

Oui, ces règles de calcul sont contraires à la plus élémentaire humanité et aux engagements de la France en matière de protection des droits humains. La Défenseure des droits a été claire à ce sujet, tout comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme – CNCDH : elles ont rappelé que le mode de calcul actuel va à l'encontre des principes de la convention relative aux droits des personnes handicapées, qu'il ne respecte pas les droits à la dignité, à l'autonomie, à la possibilité de faire librement ses propres choix et à disposer d'un niveau de vie adéquat, et qu'il entrave le droit à fonder une famille ou à vivre en couple.

Le 17 juin dernier, le Gouvernement faisait honteusement usage du vote bloqué pour faire obstacle à la déconjugalisation de l'AAH. Puis, au mois d'octobre, la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié était rejetée. Enfin, la semaine dernière, en commission, le Gouvernement et sa majorité ont supprimé froidement les articles de notre proposition de loi.

L'abattement forfaitaire, présenté comme une solution alternative à la déconjugalisation, que vous avez proposé lors de la deuxième lecture du texte à l'Assemblée et qui a été repris dans le projet de loi de finances, n'est en aucun cas une réponse adéquate. Cette mesure maintient le statu quo, fait un bras d'honneur aux associations unanimes qui vous réclament cette déconjugalisation et dénature complètement l'ambition originelle de notre texte, à savoir la reconnaissance du droit à l'autonomie et donc à l'individualisation. Le Sénat n'en a pas voulu non plus et a rétabli, en deuxième lecture, la version des articles 3 et 3 bis qu'il avait adoptée en première lecture. Je salue le travail des sénateurs qui ont rétabli la majoration de l'AAH pour les personnes à charge et ont établi une période transitoire pour les 44 000 personnes estimées perdantes de la réforme de l'individualisation.

Nous nous trouvons aujourd'hui face à un choix : maintenir un mode de calcul obsolète et injuste ou reconnaître une fois pour toutes le droit à l'autonomie des personnes en situation de handicap.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.