Intervention de Michèle Victory

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 15h00
Atténuer les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur générées par parcoursup — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Si le portail APB n'était pas satisfaisant, la plateforme Parcoursup ne l'est pas davantage et elle ne répond pas aux promesses de son cahier des charges. C'est le constat qui vous a amenée, madame la rapporteure, à nous présenter cette proposition de loi visant à atténuer les inégalités provoquées par la plateforme.

Dans leur rapport d'information sur l'évaluation de l'accès à l'enseignement supérieur, publié en juillet 2020, nos collègues Régis Juanico et Nathalie Sarles ont souligné que Parcoursup n'est qu'une plateforme d'affectation, dont le premier objectif est quantitatif, puisqu'il s'agit de faire accéder la plus grande proportion possible de candidats à l'enseignement supérieur, au détriment d'une approche plus qualitative. Or, vous l'avez dit, les inégalités sociales et territoriales pèsent lourd, tout au long du parcours scolaire et au moment de l'accès à l'enseignement supérieur, y compris dans les filières non sélectives. Les enfants d'ouvriers représentent 12 % de l'ensemble des étudiants, alors que les ouvriers représentent 21 % de la population active ; 67 % des enfants de cadres obtiennent un diplôme de l'enseignement supérieur au-delà de la licence, contre 16 % seulement des enfants d'ouvriers.

Ces chiffres doivent appeler à un sursaut. Les études supérieures ne peuvent pas être réservées aux seuls enfants des élites de notre pays. Nous partageons donc votre constat, madame la rapporteure : Parcoursup, s'il n'est pas à la racine des inégalités, contribue à les aggraver.

Tout d'abord, les modalités d'orientation n'assurent pas un égal accès de tous les lycéens aux informations permettant de faire un choix éclairé, comme le regrette la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). En maintenant une certaine opacité sur les critères de sélection et les algorithmes, Parcoursup favorise les enfants des familles les mieux informées, très bien intégrées au système scolaire et sachant trouver l'information. Les procédures d'affectation sont anxiogènes pour 82 % des lycéens et perçues comme arbitraires par 61 % d'entre eux.

La Cour des comptes souligne que le lycée d'origine reste un critère de sélection pour 20 % des établissements d'enseignement supérieur, ce qui crée une discrimination selon le lieu de vie. Elle rappelle également que le manque de moyens consacrés à l'orientation des élèves et le non-respect du nombre d'heures dédiées à celle-ci ne permettent pas d'assurer le niveau d'information nécessaire pour garantir l'égalité d'accès à une formation supérieure. En outre, la plateforme met en exergue d'autres inégalités, celles relatives au parcours des lycéens. Lors de la première phase d'admission de l'année 2021, 65 % des lycéens inscrits dans un cursus général avaient reçu une réponse contre 43 % des lycéens des parcours technologiques et seulement 35 % des lycéens issus des lycées professionnels ; ils et elles apprécient !

La réforme du baccalauréat, avec l'introduction des enseignements de spécialité, a considérablement compliqué les choses. Elle oblige, plus que jamais, les élèves à faire les bons choix de spécialités en amont, c'est-à-dire dès la fin de la seconde, s'ils veulent intégrer la formation de leur choix, sans forcément connaître les critères de sélection. Là encore, le nouveau système favorise les élèves issus des familles les mieux informées, qui vont jusqu'à faire appel à des organismes privés pour bénéficier d'un accompagnement. Est-il normal que certains jeunes payent pour rédiger des lettres de motivation ?

Au-delà de ces défauts structurels, le problème de fond, c'est un enseignement supérieur incapable d'accueillir la totalité des candidats, toujours plus nombreux, dans les filières de leur choix. Comme le constate le président de la commission d'examen des vœux (CEV) Parcoursup de la licence de science politique de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Parcoursup visait simplement à rendre l'éviction d'une partie des candidats plus acceptable, en écartant l'injustice du tirage au sort, mais en continuant à ignorer le droit de chaque futur étudiant de choisir son orientation dans des conditions dignes de l'ambition de notre pays.

La Cour des comptes note que l'on n'a pas créé suffisamment de places supplémentaires dans les filières les plus demandées, par exemple en STAPS où au moins 100 postes devraient être débloqués pour répondre à l'urgence et plus de 1 000 pour envisager un véritable plan de rattrapage, ou en études de santé, déjà évoquées ce matin. Trop de filières en tension sont prêtes à craquer. La situation est particulièrement préoccupante pour les bacheliers professionnels et technologiques, qui se dirigent vers des filières exclusivement sélectives, marquées par un manque structurel de places. En huit ans, le nombre de bacheliers professionnels est passé de 120 000 à 180 000 environ, et seules 9 000 places supplémentaires ont été créées en première année de brevet de technicien supérieur (BTS). Il est nécessaire de sortir de la logique actuelle et d'abandonner un dispositif qui consiste seulement à gérer des listes d'attente, à partir d'un algorithme qui décide presque seul de l'orientation de chacun et qui abîme le sentiment de reconnaissance sociale en donnant à des milliers de jeunes l'impression de ne pas trouver leur juste place dans la société.

Je le redis : ce système, trop opaque, n'a rien réglé sur le fond des incroyables difficultés auxquelles est confrontée notre politique d'enseignement supérieur. Comme la réforme du bac qui, elle aussi, est loin de donner les résultats promis, Parcoursup montre ses limites. Nous souscrivons entièrement aux objectifs de votre proposition de loi, madame la rapporteure, et nous voterons un texte qui nous semble de nature à améliorer la plateforme Parcoursup et les parcours d'orientation et d'information des étudiants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.