Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 15h00
Justice sociale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Nous voici de nouveau réunis pour évoquer l'allocation aux adultes handicapés à l'occasion de l'examen, en troisième lecture, de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale de notre collègue Jeanine Dubié, dont je salue la détermination, le courage et la ténacité.

Au nom du groupe Libertés et territoires, je remercie chaleureusement nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'avoir inscrit ce texte au sein de leur niche parlementaire. Je regrette qu'une commission mixte paritaire n'ait pas pu être convoquée par le président de l'Assemblée malgré la demande commune formulée par six groupes. Nous examinons donc ce texte en troisième lecture et je crains, malheureusement, que la majorité ne soit pas disposée à adopter la version du Sénat.

Comme un grand nombre de nos collègues ici présents, je suis particulièrement attaché à la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés. Il s'agit, en effet, d'une demande légitime et de bon sens puisqu'elle ne lie plus le calcul de l'indemnité perçue par les bénéficiaires aux revenus de leur conjoint. Près de 200 000 personnes subissent aujourd'hui l'injustice de la conjugalisation de l'AAH, qui met à mal leur dignité : privées d'un accès à l'emploi, elles ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins. En l'état actuel du dispositif, les revenus du couple diminuent lorsque l'un des deux devient handicapé.

Que n'a-t-on entendu de la part du Gouvernement et de la majorité au sujet de cette mesure lors des précédentes lectures du texte : que l'instauration de la déconjugalisation ne pouvait être appliquée en raison de difficultés informatiques ; que l'AAH serait un minimum social et que le principe de conjugalisation, lié à notre modèle social, devait donc prévaloir !

Au sein du groupe Libertés et territoires, nous ne voyons pas les choses ainsi. Nous considérons qu'à l'instar de la PCH, l'AAH est une prestation sociale visant à garantir l'autonomie et la dignité des personnes handicapées. Je le redis ici : les maîtres mots de notre débat sont bel et bien l'autonomie et la dignité. Ne pas comprendre cet aspect revient inévitablement à se tromper sur les solutions.

Nous sommes aujourd'hui exaspérés parce que nous ne comprenons pas l'opposition de principe du Gouvernement et de la majorité à la déconjugalisation. Ils justifient leur refus uniquement par des questions d'ordre financier alors que la mesure est défendue, rappelons-le, par l'ensemble des groupes d'opposition, mais aussi par l'ensemble des associations de soutien aux personnes en situation de handicap.

Au-delà de notre mobilisation transpartisane, toute la société civile s'est d'ailleurs mobilisée en faveur de la proposition de loi. Après l'adoption de la proposition de loi en première lecture, contre l'avis du Gouvernement, le 13 février 2020, la pétition lancée sur le site du Sénat par Mme Véronique Tixier, habitante du Puy-de-Dôme, a rapidement atteint le seuil des 100 000 signatures. Cette pétition en faveur de l'autonomie financière des personnes handicapées est la première à avoir atteint le nombre de signatures nécessaires afin d'être examinée par le Sénat.

Le mode de calcul conjugalisé de l'AAH conduit à des aberrations, comme me l'ont expliqué plusieurs personnes venues me rencontrer dans ma permanence. Certains renoncent à se marier pour ne pas se priver d'une partie non négligeable de leurs revenus. Par ailleurs, la dépendance financière d'un individu par rapport à son conjoint favorise les violences conjugales.

Le Gouvernement a certes introduit un abattement forfaitaire de 5 000 euros sur les revenus du conjoint dans le projet de loi de finances pour 2022, mais cette disposition ne saurait remplacer une véritable individualisation de l'allocation, favorisant l'autonomie et la dignité des personnes handicapées.

Le groupe Libertés et territoires réitère son souhait d'une adoption conforme de la proposition de loi dans sa version issue du Sénat afin qu'il soit mis fin à l'injustice dont sont victimes les personnes en situation de handicap. Nous ne pouvons pas nous permettre de prolonger cette situation : la proposition de loi doit entrer en vigueur le plus rapidement possible. Rappelons que le report de son adoption retardera l'application d'articles déjà adoptés. Je pense notamment à l'article 4, qui relève l'âge à partir duquel il est possible de bénéficier de la PCH de 60 à au moins 65 ans.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur des amendements visant à rétablir les articles supprimés en commission.

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