Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 15h00
Atténuer les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur générées par parcoursup — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Notre pays souffre d'une reproduction sociale des inégalités qui fait mentir la promesse républicaine et remet en cause l'idéal de méritocratie. Or nous le savons : la lutte contre les inégalités sociales et territoriales commence par la lutte contre les inégalités scolaires. Et toutes les enquêtes démontrent l'incapacité de notre pays à les réduire. Elles débutent dès le plus jeune âge et se confirment, se cristallisent, lors de l'accès à l'enseignement supérieur.

Depuis la crise sanitaire, les confinements à répétition, la fermeture des écoles et la mise en place d'un enseignement à distance, ces disparités scolaires se sont encore creusées. Dans le parcours du combattant que peut représenter l'accès aux études supérieures, la clé réside en premier lieu dans l'accès à l'information, mais les lycéens sont inégalement armés pour appréhender la documentation mise à disposition par une grande diversité d'acteurs. Nous voulons à nouveau souligner les faiblesses de notre modèle d'orientation, notamment en direction de ceux qui ne peuvent compter sur l'accompagnement de leur entourage, beaucoup d'entre eux devant se débrouiller seuls.

Dans le cadre de la réforme du baccalauréat et de la suppression des filières traditionnelles, l'accent devait pourtant être mis sur l'accompagnement des élèves ; mais celui-ci n'est pas suffisant et demeure très inégal selon les établissements, une fois de plus au détriment des élèves les plus défavorisés. La Cour des comptes estime ainsi que la mise en place d'un second professeur principal en classe de terminale, l'instauration de deux « semaines de l'orientation » et d'un créneau de cinquante-quatre heures annuelles d'accompagnement pour chaque classe de lycée restent insuffisantes et, de surcroît, inégalement appliquées.

Aussi la proposition de loi prévoit-elle de renforcer l'accès à l'information et d'améliorer l'accompagnement des élèves : le Libertés et territoires ne peut qu'y souscrire. Même si Parcoursup ne saurait être pointé comme le responsable de tous les maux de notre enseignement supérieur, reconnaissons l'existence de biais, régulièrement dénoncés, dans le système d'orientation et de sélection des élèves, biais qui éloignent certains publics de l'enseignement supérieur. L'égalité des chances ne pourra être une réalité qu'à condition que chacun ait connaissance des règles qui s'appliquent. Le préalable à la réussite de Parcoursup réside donc dans la mise en œuvre d'une procédure plus transparente.

Nous sommes tous d'accord pour dire que l'ancienne plateforme admission postbac était très loin d'être satisfaisante, mais reconnaissons certains défauts à la plateforme actuelle. Les lycéens eux-mêmes considèrent cette procédure très stressante et parfois injuste. Les bons résultats de Parcoursup au niveau quantitatif ne doivent pas nous faire oublier les améliorations possibles au niveau qualitatif, car beaucoup d'étudiants se retrouvent dans des voies qui ne leur correspondent nullement. Il faut en finir avec le Parcoursup du combattant !

Ainsi, la Cour des comptes estime que 20 % des établissements d'enseignement supérieur s'appuient sur le lycée d'origine pour effectuer le classement des candidats, alors que cela ne devrait pas être un critère de sélection. Nous approuvons donc les dispositions visant à rendre anonyme le lycée d'origine, et à communiquer sur les critères, sur les algorithmes ainsi que sur les spécialités requises pour intégrer les formations.

Enfin, et je terminerai sur ce point car il est sans doute le plus important, la cause de ce processus de sélection discriminant et opaque, source de ces inégalités, s'explique en grande partie par des capacités d'accueil insuffisantes dans certaines filières. Nous l'avons dit lors de l'examen du budget : le financement de places pour les nouveaux étudiants ne couvre pas l'augmentation des effectifs. La Cour des comptes alerte sur l'augmentation du taux de pression des filières sélectives et non sélectives – c'est notamment le cas des filières professionnelles, alors même que le quinquennat a été l'occasion d'encourager les bacs professionnels.

Aussi souscrivons-nous aux dispositions de la proposition de loi relative aux formations en tension même si, sur ces sujets, la question relève en premier lieu d'une capacité financière à faire face aux besoins. Notre inquiétude est d'autant plus grande que la ministre de l'enseignement supérieur envisage une réforme de la sélection en master sur le même modèle que Parcoursup. Attention de ne pas reproduire les mêmes carences alors que, chaque année, de très nombreux étudiants, après avoir validé leur licence, sont forcés d'arrêter leurs études.

Madame la ministre, chers collègues, nos marges de manœuvre pour améliorer les procédures d'orientation et pour lutter contre les inégalités scolaires demeurent importantes. Cette proposition de loi, que le groupe Libertés et territoires soutient, ne prétend pas y répondre entièrement, mais soulève des pistes intéressantes pour résoudre certains écueils de Parcoursup.

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