« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi », nous rappelle la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Rempart érigé il y a plus de deux siècles contre la censure, cette liberté, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, a donné lieu à une jurisprudence protectrice à laquelle on ne peut toucher que d'une main tremblante.
Comme nous le savons dans cet hémicycle, le Conseil constitutionnel se montre d'ailleurs un garant inconditionnel de cette liberté fondamentale. Il a ainsi rappelé au législateur que la liberté d'expression « implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l'expression de sa pensée ».
Si le législateur doit intervenir pour fixer des limites à cette liberté, lorsque l'ordre public ou d'autres valeurs fondamentales sont menacées, celles-ci ne peuvent être admises que si elles répondent au triple critère de nécessité, d'adaptation et de proportionnalité vis-à-vis de l'objectif poursuivi.
Dans l'exposé des motifs de votre proposition de résolution, monsieur Roussel, vous évoquez la censure du Conseil constitutionnel relative à la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité que prévoyait la loi pour la confiance dans la vie politique et qui emportait une interdiction ou une incapacité d'exercer une fonction publique. Les sages de la rue de Montpensier ont en effet considéré que « pour condamnables que soient les abus dans la liberté d'expression visés par ces dispositions », le caractère automatique de la sanction portait « une atteinte disproportionnée » à ce principe fondamental.