Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 21h30
Financement de la transition écologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

Le Président de la République était aujourd'hui au Parlement européen, à Strasbourg, pour rendre hommage à celui qui fut l'un des bâtisseurs de l'Union européenne, de sa démocratie, de sa monnaie et de son ambition. Je veux bien sûr parler du président Valéry Giscard d'Estaing, disparu il y a un an jour pour jour.

Alors que le projet européen a malheureusement souffert ces dernières années de nombreuses crises, nous ne pouvons que nous réjouir de voir l'Europe se relancer et occuper une place centrale, surtout s'agissant d'un enjeu aussi important que le changement climatique. Le Green Deal présenté par l'Union européenne est un paquet législatif majeur qui a pour ambition de faire de l'Europe le premier continent neutre en émissions carbone, à l'horizon 2050.

Je voudrais d'ailleurs dire à ceux qui, remarquant que l'Union européenne ne représente que 10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, estiment que ce serait aux pays les plus polluants de consentir les efforts les plus importants, qu'ils se voilent la face. C'est justement parce que les Européens sont moteurs sur les sujets climatiques, parce qu'ils adoptent dès maintenant des lois ambitieuses, que nous pouvons nourrir l'ambition climatique dans tous les autres pays. C'est évidemment collectivement que nous y arriverons. Chacun doit jouer son rôle, chacun doit trouver sa place.

Il ne faut d'ailleurs pas se leurrer : chaque Européen pris individuellement pollue encore trop. Aussi toutes les lois devront-elles s'accompagner d'initiatives personnelles et favoriser une évolution des pratiques, ainsi qu'un développement technique et technologique moins polluant. En ce sens, je rejoins votre objectif d'encourager les pouvoirs publics à financer ou à aider au financement encore plus large d'investissements verts.

Je m'interroge pourtant sur l'opportunité de sortir ces investissements des règles budgétaires de l'Union européenne. La transition écologique nécessite des investissements et même, c'est vrai, des investissements massifs. Mais à l'heure où de nombreux pays européens sortent de cette crise sanitaire avec une dette qui a souvent explosé, quelle possibilité auront les pays d'investir de manière forte et coordonnée pour faire émerger les pratiques durables de demain ? Les taux bas que nous connaissons actuellement peuvent sembler être une invitation à investir massivement. C'est d'ailleurs ce qu'ont utilement fait la France et l'ensemble des pays européens, avec un plan de relance de 500 milliards d'euros. Mais, on le voit, l'inflation grimpe et les politiques de rachat de dette opérées par la Banque centrale européenne, et nombre de ses homologues autour du monde, conduisent les bourses vers des sommets encore jamais atteints. Tout cela fait planer un risque d'éclatement d'une bulle dans de nombreux secteurs.

Je fais ce constat légèrement pessimiste pour vous dire que la période favorable que nous connaissons actuellement ne sera, hélas, pas éternelle. Lorsque les taux remonteront, certains pays comme l'Allemagne ou le Danemark continueront d'emprunter à bas coût. Mais d'autres, comme l'Italie ou la Grèce, paieront le prix fort et leur capacité d'investissement sera très différente. Plus ces pays largement endettés voudront emprunter pour financer des investissements verts d'avenir, plus ils prendront le risque de faire augmenter leur taux.

Ce cercle vicieux de la dette pourrait entraîner in fine de nouvelles politiques d'austérité, dans des domaines essentiels comme la santé ou la sécurité, condamnant ces pays à une crise politique qu'on ne saurait souhaiter. Il pourrait surtout conduire à des écarts importants dans les investissements verts de chacun, créant des disparités qui nuiraient aux ambitions politiques. Reprenons les exemples que j'ai cités plus tôt : l'Italie a aujourd'hui une dette qui dépasse 155 % de son PIB, quand celle de la Grèce dépasse 205 % de son PIB.

Derrière ce scénario peu enviable se cache finalement le nécessaire appui de l'Union européenne. Les pays européens devront se montrer solidaires face à la crise climatique, comme ils ont pu l'être – il faut le rappeler – face à la crise sanitaire. En matière économique comme en matière environnementale, les États européens sont bien trop interdépendants pour ne pas s'entraider. Il nous faut dès lors créer un nouveau plan de financement commun, assuré par l'Union européenne, pour que chacun puisse réaliser les investissements nécessaires au cours des décennies à venir.

Pour en revenir au cœur de votre proposition, nous pensons donc que l'avenir climatique de l'Europe passera par un financement commun ou par un budget de la zone euro suffisamment ambitieux pour encaisser les chocs et rassurer les marchés. S'il apparaît utile de sortir certains investissements des règles du pacte de stabilité et de croissance, ceux-ci devront concerner des domaines précis, notamment en matière énergétique ou en matière de transport.

Devant l'ambition bien plus large et moins précise de votre proposition de résolution européenne, les députés UDI et indépendants s'abstiendront.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.