Intervention de Jacqueline Gourault

Séance en hémicycle du jeudi 2 décembre 2021 à 21h30
Libre choix des communes en matière d'eau et d'assainissement — Présentation

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

L'article 1er du texte donne la possibilité aux communes membres d'une communauté de communes d'exprimer une minorité de blocage, fixée à 25 % des communes membres représentant 20 % de la population intercommunale, pour décaler, au plus tard au 1er janvier 2026, l'acquisition de l'une ou des deux compétences – à condition, bien sûr, d'en avoir délibéré avant le 1er juillet 2019.

À cet égard, j'ai également tenu à autoriser le maintien des syndicats d'eau, dès lors qu'ils regroupaient des communes appartenant à deux EPCI à fiscalité propre, au lieu de trois auparavant.

Deuxièmement, un an plus tard, en 2019, par la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, mon prédécesseur, Sébastien Lecornu, et Bruno Questel, rapporteur du texte, ont donné encore plus de souplesse aux élus. En effet, nous avons prolongé la possibilité de reporter le transfert obligatoire de l'eau et de l'assainissement, en ouvrant aux membres des communautés de communes un délai supplémentaire, jusqu'au 31 décembre 2019, pour en délibérer. Nous avons aussi accordé aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération la faculté de déléguer par convention tout ou partie des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines » à une commune ou à un syndicat infracommunautaire existant au 1er janvier 2019. Avec ces deux lois, vous voyez que nous avons collectivement donné beaucoup de souplesse aux collectivités concernées pour accompagner au mieux le transfert des compétences.

Ce transfert constitue un enjeu important, sur lequel nous avançons correctement. Rappelons qu'il existe actuellement 8 400 services d'eau : 6 400 d'entre eux desservent moins de 2 000 habitants, soit 3 millions à l'échelle du pays, tandis que les 2 200 autres services couvrent déjà 65 millions d'habitants. Vous le voyez, la dynamique est donc largement engagée, même s'il est vrai qu'il reste encore de nombreux petits services d'eau.

Je l'ai dit, il s'agit d'un enjeu écologique et de résilience. En effet, le nombre de fuites dans les réseaux des petites collectivités est 25 % supérieur à celui des grandes. Il faut donc investir massivement dans ces réseaux ; j'y reviendrai. Il s'agit également d'un enjeu d'efficacité et de santé. Le taux de conformité microbiologique des réseaux atteint les 100 % pour les services couvrant plus de 50 000 habitants, tandis qu'il ne s'élève encore qu'à 89 % pour les services fournissant moins de 500 habitants. Pour ces personnes, cela signifie qu'un jour sur dix en moyenne, l'eau délivrée n'est pas totalement conforme. Or nous savons que, compte tenu des enjeux de santé et d'environnement, les règles sont appelées à se renforcer, qu'il s'agisse de l'élimination des pesticides, de la sécurité d'approvisionnement – rendue obligatoire par la directive européenne relative à l'eau potable de décembre 2020 –, ou encore de l'épandage des boues d'épuration. Les services ruraux ne pourront assumer seuls le financement des renouvellements qui doivent être engagés dès à présent.

Certes, le prix de l'eau est en moyenne légèrement inférieur lorsqu'elle est fournie par les petits réseaux – il va de 2 à 2,17 euros par mètre cube – plutôt que par les réseaux de taille intermédiaire, où il s'élève à 2,18 euros par mètre cube – ce qui reste une différence modeste. Il apparaît en revanche plus faible pour les collectivités couvrant plus de 50 000 habitants, autour de 1,90 euro le mètre cube. Cela étant, le prix affiché est parfois en trompe-l'œil. Vous ne me démentirez pas : les petits services d'eau financent parfois l'eau potable à partir du budget général, baissant ainsi le coût affiché et donc les prix. De plus, les coûts liés aux petits réseaux augmenteront fortement si ces derniers ne sont pas entretenus, et c'est collectivement – l'État et les collectivités – que nous devrons les assumer. Enfin, si les prix sont plus élevés pour les EPCI, c'est parce qu'ils connaissent leurs réseaux et qu'ils pratiquent une dotation aux amortissements plus importante pour tenir compte du vieillissement et anticiper les travaux futurs – c'est ce que souligne le dernier rapport de l'Observatoire national des services d'eau et d'assainissement paru lundi.

Aussi, j'en suis convaincue, la mutualisation au niveau intercommunal permettra d'améliorer l'exploitation des services, la maîtrise d'ouvrage des travaux et de mieux négocier marchés et contrats.

Par ailleurs, je sais que la question de la délégation de la concession aux grandes entreprises de l'eau suscite des craintes. À cet égard, vous avez raison d'indiquer qu'il y a davantage de réseaux en délégation de service public dans les plus grands services d'eau. Toutefois, le rapport de l'Observatoire national des services d'eau et d'assainissement pour 2021 indique que les délégations sont en proportion plus nombreuses dans les collectivités de 3 500 à 10 000 habitants que dans celles de plus de 50 000 habitants. Je précise d'ailleurs que les intercommunalités ne sont pas contraintes de recourir à une délégation : elles peuvent bien sûr opter pour un fonctionnement en régie.

J'ajoute, car c'est important, que le type de gestion – en régie ou en délégation – n'a pas d'effet évident sur les prix de l'eau – soyons clairs sur ce point. Selon le rapport que je viens de mentionner, le prix de l'eau est en moyenne le même, qu'il s'agisse d'une gestion directe ou déléguée.

Bien sûr, certains petits réseaux sont très bien gérés, tandis que de grands réseaux le sont mal : nous avons tous des exemples en tête. Cependant, il ne faut pas que l'arbre cache la forêt ! Les données sont sans appel : dans l'immense majorité des cas, l'intercommunalisation du service public de l'eau se passe bien. De plus, je l'affirme, le transfert de la compétence ne signifie pas que les services communaux exemplaires vont se détériorer. En effet, nous autorisons la délégation de gestion aux communes lorsqu'elle est pertinente. De toute évidence, lorsqu'un service communal est performant, il n'y a pas de raison de lui refuser la délégation : c'est le dialogue local !

Enfin, vous avez évoqué les libertés locales. Pour ma part, j'estime que le dispositif est équilibré et qu'il prévoit des marges de manœuvre nécessaires dans ce domaine. Ne perdons pas de vue que la liberté, avant d'appartenir à tel ou tel niveau de collectivité, est liée au droit des usagers : en l'occurrence celui d'accéder à une eau saine, grâce à des services économes préservant la ressource.

Je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, quand vous relevez que les nappes phréatiques ne correspondent pas à la dimension des intercommunalités, mais elles ne correspondant pas davantage à celle des communes. Nous ne pouvons pas opposer les communes, les EPCI et même l'État. Nous parlons d'un défi commun, que nous devons relever ensemble. Et c'est une gestion collégiale qui est désormais prévue grâce aux évolutions législatives auxquelles nous avons procédé.

Une chose est sûre, et j'en terminerai ainsi : nous devons aux Français de mieux gérer la ressource en eau, de l'économiser, et donc de limiter les fuites. Nous leur devons aussi une eau de qualité. Et même si je sais que l'assainissement n'est pas ressenti de la même manière que la gestion de l'eau, il s'agit évidemment d'un enjeu de santé publique. Dans ce domaine, force est de constater que la gestion intercommunale a aussi fait ses preuves. C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi.

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