…madame la ministre, après le Sénat, nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, en vue de son adoption au mois de janvier 2022. De votre aveu même, madame la ministre, il s'agit d'un texte très technique, qui se veut « concret, utile et de terrain ». Je partage votre avis : ce texte est, au bout du compte, très technique et dépourvu de contenus structurants. Votre présentation est d'ailleurs une manière polie d'indiquer au Parlement et aux élus que vous avez renoncé à tirer les enseignements de ce qui était pourtant au cœur du grand débat lancé à Grand Bourgtheroulde, chez M. le rapporteur Bruno Questel, comme un semblant de réponse à la colère des ronds-points jaunes.
Que nous disent, en effet, les élus de proximité et les populations oubliées et humiliées de la République, qu'elles vivent en milieu rural, au cœur des villes moyennes ou dans les poches d'exclusion des quartiers populaires des grandes métropoles ? Ils disent, tout simplement, que leurs vies valent autant que les autres, que leurs enfants ne sont pas moins intelligents que les autres, que leur santé n'a pas moins d'importance que celle des élites et qu'ils ont les mêmes droits fondamentaux – les droits au transport, à l'éducation, à la formation, à la sécurité et à une vie digne et tranquille – que les autres.
Vous l'avez reconnu dans votre intervention liminaire, madame la ministre : il n'est plus question pour vous, au prétexte légitime qu'il ne faudrait pas déstabiliser de nouveau nos élus par un big bang territorial, de corriger le profond mouvement de déménagement des territoires accéléré par les lois MAPTAM et NOTRE. Nous le regrettons.
Avec la majorité de nos concitoyens et de nos élus – voilà pourquoi j'ai fait référence à Grand Bourgtheroulde –, nous continuons de dire stop à la métropolisation et à la régionalisation des réponses, qui éloignent chaque jour un peu plus de nos territoires de vie les grands services de l'État.
Nous pourrions, avec Jean-Paul Lecoq, vous expliquer ce qui se passe lorsqu'on localise les services de l'État à Caen, le rectorat de Rouen et la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) notamment. Ce mouvement de déménagement est singé par les organes publics, parapublics et privés – URSSAF, caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), caisse d'allocations familiales (CAF), Enedis, SNCF, La Poste, EDF –, qui s'organisent eux aussi en super-régions, loin du cœur et loin des yeux. Dès que ces grands services publics sont loin du cœur et loin des yeux, on abîme la proximité, la réactivité, l'humanité de la réponse et, comme nous le disent souvent les maires, la connaissance des réalités concrètes du terrain.
Un maire me disait l'autre jour qu'il avait l'impression, lorsqu'il déposait un permis de construire, qu'on cherchait sa commune sur Google Maps pour savoir où elle était située. Alors qu'il y est né et qu'il y a grandi, on lui explique quels sont les risques naturels de sa commune, les problèmes qu'on y rencontre et les solutions qu'on doit y appliquer.
Dans le même temps, sur tout le territoire, vous avez continué à encourager la croyance libérale irréfragable selon laquelle tout ce qui conduit à réduire la dépense publique est bon pour les Français. Les intercommunalités mastodontes et les fusions de communes qui effacent l'identité des villages vident peu à peu les communes de leur capacité concrète à être utiles aux habitants et à être l'incarnation de la République partout et pour tous.