Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du lundi 6 décembre 2021 à 16h00
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification de l'action publique locale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

J'aimerais vous informer que la situation de notre France se dégrade de jour en jour. Au moment où je vous parle, le chômage touche d'après l'INSEE 15 % des Martiniquais, 17 % des Réunionnais, 20 % des Guyanais, 21 % des Guadeloupéens, 28 % des Mahorais, pour ne citer qu'eux. De plus, nous savons tous que la réalité de l'emploi est tout autre et beaucoup plus grave.

Vous l'aurez compris : je compte parler des territoires ultramarins, de cette France abandonnée, méprisée, de cette sous-France au sein de la France. Je n'évoquerai même pas la pauvreté qui y bat des records, la cherté de la vie qui y fait des ravages. Malgré les promesses d'Emmanuel Macron, la situation, loin de s'améliorer, s'est encore détériorée durant son quinquennat. Je le répète, vous avez abandonné l'outre-mer ! Dernier coup bas en date : votre réforme de l'assurance chômage, qui a encore appauvri la partie la plus précaire de la population, comme les travailleurs saisonniers. Vous étiez conscients de ces effets, mais ils vous importent peu : vous gouvernez pour les riches, et il n'y en a pas chez les salariés !

L'accès à l'eau constitue un autre problème grave que vous refusez de régler, bien que Mathilde Panot, la présidente de notre groupe, l'ait réclamé mainte fois. Beaucoup d'ultramarins ne disposent pas d'eau courante, ou d'une eau que personne ici ne s'aventurerait à boire ; s'ajoute à cela la pénurie d'eau entraînée à La Réunion par le réchauffement climatique et qui provoque chaque jour des coupures dans certaines villes, alors que les factures, elles, restent salées. Il en va de même des logements sociaux : médiocres, voire insalubres, ils ruinent la vie de nombre de leurs locataires, ce qui n'empêche pas les prix de monter. Enfin, il est inadmissible qu'à Mayotte, 70 % des résidents vivent sous le seuil de pauvreté, et souvent dans des bidonvilles : le département aura été à tel point négligé que cette crise sociale, dont le Gouvernement est responsable, a tourné à la pandémie.

Vos contradictions, vos lois déconnectées de la réalité ont poussé les Antillais à se révolter contre vous dès le 15 novembre ; ailleurs, le climat reste très tendu. Le sentiment d'abandon est tel qu'une simple braise suffirait désormais à allumer un incendie incontrôlable. Voilà la situation ; vous la connaissez. Pourquoi donc perpétuer ce régime d'apartheid social que prédisait et craignait Paul Vergès il y a trente-cinq ans ? Nous sommes certes ultramarins, mais Français quand même : pourquoi ne pas nous écouter ?

Face à ce constat, votre texte n'est pas de nature à nous rendre espoir. Vous souhaitez ainsi expérimenter durant trois ans le remplacement de l'enquête publique obligatoire par une simple participation du public, réalisée par voie électronique, les deux procédures étant inscrites dans le code de l'environnement. L'urgence de remédier au mal-logement pourrait à première vue justifier une telle disposition ; néanmoins, elle revient à faire fi du fait que l'enquête publique est le seul outil d'information et d'association des habitants aux opérations concernées : ils seront ainsi un peu plus exclus de la gestion de leurs lieux de vie et les garde-fous environnementaux seront un peu plus affaiblis.

Vous souhaitez la création, par les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion, de Martinique et de Mayotte, d'un établissement public industriel et commercial (EPIC) compétent en matière de formation professionnelle. En l'absence de dotation nationale, seules les collectivités les mieux pourvues pourront le financer convenablement ; dans les autres, il sera contraint de vendre davantage pour équilibrer ses comptes. Vous souhaitez permettre aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) de signer des conventions de mandat et donc de recourir au financement participatif : pourquoi ne pas leur donner davantage de moyens, au lieu de les obliger à faire appel à des fonds privés pour mener à bien une politique décidée par l'État central ?

Surtout, pourquoi n'avez-vous pas pris en compte la situation des citoyens ultramarins, le taux d'illettrisme et la fracture numérique qui existent dans nos îles ? Pourquoi n'avez-vous pas prévu de mesures de lutte contre tous les virus, toutes les maladies qui les parcourent ? Pourquoi ne considérez-vous pas nos jeunes, qui sont notre futur, ni les salariés, pas même les soignants, qui passent des moments difficiles en cette période de crise sanitaire ? Pourquoi ne mettez-vous pas un terme à l'insalubrité et au manque de logement sociaux ? Les inégalités subsistent entre l'outre-mer et l'Hexagone : pourquoi ne prévoyez-vous aucune mesure de rattrapage ?

En réponse aux mouvements sociaux, le ministre Lecornu s'est dit ouvert à un débat sur l'autonomie. Ce projet de loi 3DS aurait pu répondre au besoin de plus de justice sociale, de plus d'égalité, de plus de responsabilité ; mais rien n'est fait. Votre texte ne vaut rien, il est inutile. D'ailleurs, tout votre mandat consolide le régime d'apartheid social dans les outre-mer – tout cela dans une ambiance malsaine de préférence métropolitaine à l'emploi. Mais peut-être pouvez-vous encore réagir ! C'est même votre dernière chance. Acceptez donc les amendements des parlementaires ultramarins. Si votre ego ne le permet pas, si votre intelligence ne vous offre pas cette possibilité, alors que le Gouvernement français dépose des amendements ! Si nos amendements ne vont pas assez loin, n'hésitez pas à les sous-amender !

Si vous ne répondez pas, c'est que vous ne respectez aucun être humain, que les demandes émanant des territoires d'outre-mer ne vous intéressent pas. Dans ces conditions, le groupe La France insoumise votera contre le texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.