Intervention de Josette Manin

Séance en hémicycle du lundi 6 décembre 2021 à 16h00
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification de l'action publique locale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJosette Manin :

Nous entamons l'examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale. Attendu depuis plusieurs mois, il vise à donner des marges de manœuvre aux collectivités et aux élus locaux, et devrait ouvrir la voie à une forme de différenciation territoriale dans l'Hexagone et dans les outre-mer.

Par un hasard du calendrier, le texte nous est soumis au moment même où les Antilles connaissent de forts mouvements sociaux liés à des questions sanitaires, à la sécurité et à la vie chère. Il y a quelques instants, M. Ratenon évoquait les braises qui couvaient dans les Antilles ; or nous n'en sommes plus au stade des braises, mais du feu : oui, le feu a déjà pris en Martinique et en Guadeloupe. J'appelle l'attention de l'État sur cette situation extrêmement difficile, et sur l'impérative nécessité d'apporter enfin des réponses aux problèmes structurels que nous rencontrons depuis des décennies.

Tel qu'adopté par la commission des lois, le titre VIII, qui aborde des questions directement liées à plusieurs territoires ultramarins, comporte dix-huit articles traitant, entre autres : de la création, à titre expérimental, d'un état de calamité naturelle exceptionnelle en outre-mer ; de l'obligation de suivre des formations à la prévention aux risques naturels ; de la prescription acquisitive à Mayotte et à Saint-Barthélemy ; de la création d'une catégorie d'EPIC en matière de formation professionnelle dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ; ou encore du recours aux conventions de mandat pour les Terres australes et antarctiques françaises. Mais les outre-mer auraient mérité une loi organique de programmation, comme cela avait été promis il y a quelques années, plutôt qu'un titre noyé dans une centaine d'articles.

Il s'agit, par ailleurs, du dernier grand texte de la législature. Nous craignons que son titre VIII, qui arrivera à la fin de nos discussions, ne soit pas abordé dans de bonnes conditions : du fait du temps législatif programmé, nous risquons de ne pas avoir le temps nécessaire pour traiter de nos problèmes spécifiques. Si tel était le cas, ce serait un nouveau raté pour les outre-mer.

Une véritable politique de reconnaissance des atouts des outre-mer est absolument nécessaire. Elle devrait tout d'abord se traduire par des mesures permettant : de faciliter le retour des Antillais et de prendre réellement en considération le centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) des fonctionnaires ultramarins ; d'annuler les décisions concernant l'abattement fiscal ; de rétablir l'APL accession dans les outre-mer ; de retrouver le nombre d'emplois aidés d'avant 2017 ; de rétablir la défiscalisation du logement social ; de faciliter la production d'énergies « vertes » et « bleues » ; et de prendre enfin le chemin de la réparation dans des dossiers comme la pollution au chlordécone, la lutte contre la vie chère ou encore la redynamisation des territoires.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, nous regrettons vivement l'absence d'une loi spécifique aux outre-mer. Nos regrets n'y changeront rien, à mesure qu'approche la fin de la législature. Cependant, nous identifions quelques voies de rattrapage : aussi avons-nous choisi de déposer des amendements pour compléter un texte dont il faut reconnaître que, pour l'instant, il ne renverse pas la table.

Pour ne prendre que le cas des Antilles, la collectivité territoriale de Martinique avait proposé des amendements visant à améliorer son action et son fonctionnement. Dans leur grande majorité, ils ont malheureusement été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution : voilà encore une preuve du manque de considération pour les populations et les territoires ultramarins, alors même que la colère gronde.

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