En effet, la pénurie d'experts psychiatres, de pédopsychiatres et de psychologues est telle que les délais de restitution des rapports sont excessifs, les tribunaux étant contraints de recourir en permanence aux mêmes personnes. Cette carence est principalement la conséquence de leur insuffisante rémunération. Plutôt que d'augmenter le nombre de détenus souffrant de troubles psychiatriques graves, il aurait été plus pertinent de commencer par revaloriser significativement les statuts des personnels soignants afin de pouvoir en recruter plus facilement, et de rouvrir des lits et des services en psychiatrie, ainsi que des centres médico-psychologiques de proximité, dans un secteur qui a connu une véritable saignée au cours des dernières décennies, passant d'une situation « grave à catastrophique », comme l'ont dit des économistes de la santé et des experts en psychiatrie. Il eût été plus utile d'augmenter significativement l'indemnité des experts judiciaires – plutôt que de procéder à la dernière minute à un rattrapage insuffisant et inégalitaire – et bien plus utile à la justice, au Parlement et à la société d'améliorer la formation de ces experts et de réformer le cadre législatif et réglementaire de l'expertise, comme le proposait la mission d'information du Sénat sur le sujet.
Car, contrairement à ce qu'affirment le Gouvernement et la rapporteure, il n'y a ni trou dans la raquette du droit ni problème de clémence des juges vis-à-vis des auteurs d'infractions atteints de troubles psychiatriques. Au contraire, les magistrats rechignent à recourir à l'article 122-1 du code pénal, par crainte des réactions politiciennes auxquelles on a déjà pu assister. Par conséquent, plus de 20 % des personnes en détention souffrent de troubles psychiatriques graves.
Le Gouvernement va également à rebours de ce que demandent les associations de victimes, dont la principale revendication porte sur la considération accordée aux victimes par l'institution judiciaire. Pour y répondre, le Gouvernement aurait été mieux inspiré de procéder à une augmentation de l'aide juridictionnelle, à la création d'un statut de victime et à la mise en œuvre d'un dispositif d'accompagnement pluridisciplinaire.
Autre aberration de ce texte – ne vous en déplaise, monsieur le ministre : la reprise des dispositifs liberticides sanctionnés par le Conseil constitutionnel après l'adoption de la précédente loi « sécurité globale ». Généralisation des drones et caméras embarquées, installation de caméras dans les cellules de garde à vue, alourdissement des peines pour atteinte aux forces de sécurité, extension du recours à l'amende forfaitaire, notamment pour les plus précaires, relevé d'empreintes sous contrainte pour les mineurs, on assiste à une véritable fuite en avant vers un État sécuritaire qui confond milice et police, et qui poursuit la surveillance de masse.
De récentes études montrent pourtant que ces dispositifs sont non seulement inutiles, mais particulièrement dangereux pour les droits et libertés.