Intervention de Chantal Jourdan

Séance en hémicycle du lundi 13 décembre 2021 à 16h00
Égalité économique et professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Jourdan :

Dix ans après la loi dite Copé-Zimmermann, qui imposait 40 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes ne dénombre encore que 19 % de femmes dans les comités exécutifs et les comités de direction des entreprises représentées dans l'indice SBF 120 (Société des bourses françaises 120.)

Aucun progrès notable n'a donc été réalisé en dix années dans la répartition des postes à responsabilités au sein des entreprises. Le texte dont nous discutons vise à accélérer l'égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes. Ne pouvant que partager cet objectif, nous voterons bien sûr en sa faveur. Toutefois, nous ne pouvons nous en satisfaire pleinement tant son manque d'ambition et la longueur des délais d'application laissent peu d'espoir quant à l'atteinte prochaine d'une égalité réelle.

Tout d'abord, je regrette que nous n'ayons pas été saisis d'un grand projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes au cours de ce quinquennat. Le 25 novembre 2017, le Président de la République en avait pourtant fait sa grande cause nationale. En matière économique, cette priorité n'avait trouvé qu'une traduction très marginale dans la loi PACTE – plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises –, qui réformait pourtant de nombreux secteurs.

Lorsque, le 3 décembre 2019, Bruno Le Maire et Marlène Schiappa ont lancé une consultation publique intitulée « Agir ensemble pour l'égalité femmes-hommes dans l'économie », nous nous attendions à un projet de loi à la hauteur de l'enjeu. Il n'en fut rien, et c'est désormais à travers une proposition de loi, au périmètre par nature plus limité, que nous sommes appelés à débattre de la question de l'égalité économique et professionnelle. Pendant tout ce quinquennat, les initiatives législatives visant à faire progresser les droits des femmes ont dû être le fait du Parlement.

À l'inverse, je salue très sincèrement, au nom du groupe Socialistes et apparentés, le travail de la rapporteure, Marie-Pierre Rixain, qui s'est saisie de cette question et a permis une amélioration sensible du texte au cours de son examen, grâce à son ouverture d'esprit à l'égard de plusieurs propositions venues de l'opposition. Je pense, par exemple, à la possibilité donnée aux bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant d'accéder aux dispositifs de formation professionnelle en amont de la fin de cette prestation, plutôt qu'à l'issue de celle-ci. Nos amendements, sur ce point, se sont rejoints.

Sur le fond, nous regrettons, nous l'avons dit, le manque d'ambition du texte : les mesures prévues, si elles vont dans le sens d'une amélioration de l'existant, ne le font souvent que de manière très marginale. Ainsi, la principale mesure, à l'article 7, renforçant l'objectif de représentation des femmes dans les instances dirigeantes, s'inscrit dans un calendrier pouvant aller jusqu'à douze ans, avec une sanction sans plancher et plusieurs possibilités d'y échapper. Surtout, pourquoi s'être contenté d'une obligation de compter seulement au minimum 30 %, puis 40 % de représentants de chaque sexe ?

Nous pensons aussi qu'en matière de droits des femmes au sein de l'entreprise, certains domaines ont été oubliés dans la proposition de loi, qu'il s'agisse de la lutte contre les discriminations au travail ou de l'accompagnement de personnes victimes de violences conjugales. Nous proposions en ce sens la désignation obligatoire, au sein de la délégation du personnel siégeant au comité social et économique (CSE), d'un référent chargé de lutter contre les discriminations.

En outre, au vu du retard pris dans la ratification de la convention 190 de l'Organisation internationale du travail (OIT), nous exigions une meilleure protection des femmes victimes de violences conjugales dans leurs rapports avec leur employeur, une facilitation de leurs démarches administratives et une aide à obtenir une mobilité professionnelle. Nous proposions également un congé légal pour leur permettre d'effectuer les démarches judiciaires, médicales ou sociales rendues nécessaires par leur situation, ou encore la possibilité de rompre sans préavis un contrat de travail lorsqu'une personne doit s'extraire d'un contexte dangereux. Nous regrettons qu'aucune de ces propositions n'ait été entendue.

Enfin, nous estimons que la composition des jurys de sélection ou de concours dans les universités, les filières dites sélectives ou les procédures d'accès à la fonction publique, doit enfin atteindre la parité.

Pour conclure, je voudrais rappeler que les premières études longitudinales réalisées sur la féminisation des instances dirigeantes des 500 premières entreprises américaines – celles qui figurent dans le classement Fortune 500 – montraient déjà que le quartile d'entreprises dont les équipes de direction étaient les plus féminisées affichait en moyenne un taux de rendement des capitaux propres supérieur de 35,1 % à celui du quartile regroupant les entreprises les moins féminisées. L'égalité économique et professionnelle est donc aussi une chance pour l'entreprise, ne l'oublions pas. Nous appelons ainsi toutes les organisations à s'en saisir !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.