Une grande loi foncière était attendue, tant l'accès aux terres agricoles est difficile et leur accaparement courant. Tout le monde s'accorde sur la nécessité de protéger les terres agricoles et de lutter contre l'artificialisation des sols. Malheureusement, ce texte ne répond pas aux ambitions que je viens de citer. Pour une grande loi foncière, nous devrons donc attendre encore, malheureusement.
Le seul mérite de cette proposition de loi est d'exister et de mettre en avant le problème vital et nourricier du foncier agricole. Ce sont 600 000 hectares qui changent d'exploitants chaque année et 60 000 qui sont artificialisés par an. En dix ans, c'est la moitié de la surface agricole utile qui va changer de mains, soit 14 millions d'hectares. C'est pourquoi il est si dommageable d'attendre encore, d'autant que le nombre d'agriculteurs ne cesse de baisser. La réduction du nombre d'exploitations agricoles engendre la concentration du foncier agricole. En 1988, on dénombrait un million d'exploitations, pour une surface moyenne inférieure à 30 hectares. En 2016, on tend vers 400 000 exploitations pour une surface moyenne supérieure à 60 hectares. En trente ans, plus de la moitié des exploitations agricoles ont disparu et la taille des exploitations survivantes a plus que doublé !
Le secteur connaît une multiplication des montages sociétaires complexes : SCEA (sociétés civiles d'exploitation agricole), portages fonciers, GFA (groupements fonciers agricoles), SCI (sociétés civiles immobilières), sociétés commerciales, ETA (entreprises de travaux agricoles), SARL (sociétés à responsabilité limitée), GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun), etc. Ainsi, le nombre et l'importance de ces sociétés parmi les exploitations agricoles n'ont fait que croître. Aujourd'hui, 50 % des exploitations sont inscrites sous cette forme, soit deux tiers de la surface agricole. Ce marché sociétaire, qui prend de l'ampleur, n'est pas transparent et dissimule souvent une évolution des exploitations, qui entrent en concurrence avec des structures individuelles. Ce marché peut mettre en danger le modèle paysan résilient face au dérèglement climatique, modèle que la France insoumise défend et promeut.
Plusieurs points de ce texte nous laissent perplexes. D'abord, il valide la possibilité pour les exploitations agricoles de dépasser un seuil d'agrandissement « significatif », seuil que vous qualifiiez vous-même initialement d'excessif.