Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du lundi 13 décembre 2021 à 21h30
Accès au foncier agricole — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Les terres agricoles ne sont pas un bien de consommation comme les autres. Elles constituent non un moyen, pour des acteurs qui ne les exploitent pas, d'amasser un pécule ou de créer de grands projets d'urbanisme, mais notre richesse, qui permet de nourrir hommes et femmes depuis toujours. C'est grâce à la culture de la terre que l'être humain est passé du statut de chasseur-cueilleur à celui de sédentaire. Celle-ci est une partie de notre histoire ; elle demeure le meilleur moyen de produire des denrées et d'assurer la sécurité alimentaire. Tout en fondant l'harmonie des paysages français, elle contribue à la lutte contre les effets du réchauffement climatique. Nos sols sont précieux : nous devons les protéger.

C'est pourquoi nous ne pouvons laisser notre souveraineté alimentaire devenir un pion sur l'échiquier des amasseurs de capitaux. La liberté d'entreprendre atteint ses limites lorsqu'elle menace d'empiéter sur le bon sens, sur le commun. Si la France a été le premier pays à adopter le modèle des SAFER, dans les années 1960, les abus du phénomène sociétaire ont dévoyé celles-ci et les ont empêchées d'exercer un contrôle efficace. Certains avaient pourtant tenté de corriger le tir. La loi dite Sapin 2 du 9 décembre 2016 prévoyait déjà d'étendre le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts et d'actions. Le Conseil constitutionnel est passé par là : les principales dispositions du texte furent censurées. La loi du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles, due à notre collègue Dominique Potier, visait à donner aux SAFER la possibilité d'utiliser leur droit de préemption en cas de cession partielle de parts sociales ou d'actions d'une société dont l'objet principal était la propriété agricole. Là encore, le Conseil constitutionnel joua les fossoyeurs, invoquant une atteinte à la liberté d'entreprendre.

Sans doute la peur d'une nouvelle censure a-t-elle présidé à l'élaboration de ce texte, qui représente une avancée édulcorée, non une franche évolution. Je regrette que le groupe de travail n'ait pas abouti au texte consensuel et courageux que nous souhaitions ; mais au-delà des regrets, en attendant mieux, il faut agir. L'accaparement des terres constitue un problème indéniable. Les choses se sont accélérées ; les acquisitions sont de plus en plus le fait d'investisseurs étrangers ou sans aucun lien avec le monde agricole. La terre devient un moyen de spéculation. J'ai déjà cité le cas de cette société chinoise qui, en 2017, a acquis dans l'Allier 900 hectares de terres agricoles, après avoir racheté 1 700 hectares, l'année précédente, dans l'Indre. C'est énorme. Il faut une réelle volonté politique pour contrecarrer ces agissements agressifs et néfastes.

La proposition de loi est bienvenue, puisqu'elle permettra le déclenchement par les SAFER d'un dispositif de contrôle de l'acquisition du foncier agricole. En première lecture, au cours de nos débats ou par voie d'amendement, nous avions soulevé quelques problèmes. Ils n'ont pas été résolus : c'est dommage. Le seuil d'agrandissement significatif mentionné à l'article 1er ne constitue pas forcément une bonne solution, puisqu'il en résultera une inégalité de procédure en matière d'autorisation préalable. La question du travail à façon n'est pas abordée, alors que ce phénomène, en forte croissance, échappe à tout contrôle. L'installation des jeunes agriculteurs ne sera pas favorisée, alors qu'ils sont l'avenir du secteur. Sur tous ces points, nos amendements ont été rejetés.

Cependant, malgré ces insuffisances, parce qu'il constitue une avancée, le groupe GDR votera pour ce texte ,

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