Le réseau de télescopes TAROT, que nous utilisions, couvre à peu près 270 degrés d'arc autour du globe. GEOTracker améliore cette couverture puisqu'il la porte à 340 degrés ; les télescopes sont un peu plus dispersés mais, pour ce qui est de la détection, ils sont à peu près de même nature. En fait, la question n'est pas tant celle du GEOTracker que de l'initiative européenne EUSST. Comme j'ai eu l'occasion de le dire au président, le domaine de l'espace est éminemment dual. Dès lors, il est essentiel que nous ayons les moyens d'en permettre un libre accès et de nous protéger des collisions avec les débris et d'autres types d'agression. L'initiative EUSST est donc fondamentale : elle est portée tout autant au niveau civil qu'au niveau militaire, même si in fine, les moyens militaires serviront des finalités duales en alimentant en informations toute la communauté. Il m'apparaît donc primordial de la soutenir et de nous mettre en situation de répondre aux attentes de cette proposition de la Commission européenne : non seulement il y va de la protection de nos moyens, mais si nous ne faisons pas cet effort en Europe, nous serons totalement dépendants des informations données par d'autres. Or il est essentiel, à défaut d'être totalement souverain dans ce domaine – ce qui est l'objectif –, d'être à tout le moins en capacité de discuter et de dialoguer au plus haut niveau pour disposer des informations indispensables. L'EUSST est primordial pour nous car c'est là que se trouvent les financements pour la rénovation de nos systèmes de surveillance.
S'agissant de la décision allemande de développer ses propres satellites optiques, je signale en préalable que les accords de Schwerin, qui prévoient un partage du développement des capacités dans le domaine spatial en Europe – l'optique en France, le radar en Allemagne et en Italie –, valaient seulement pour la défense… Les deux satellites dont il est question ont été demandés par les services spéciaux allemands. Il ne m'appartient pas de juger une décision souveraine de la chancellerie allemande ; mais des discussions sont menées à haut niveau pour bien en comprendre l'impact. Cela témoigne en tout cas d'un intérêt croissant pour l'accès à l'information et aux images venant de l'espace. Je comprends aussi que des services spéciaux aient besoin de disposer de données fiables.
Pour ce qui est de leur lancement par SpaceX, il appartient, là encore, aux Allemands de s'en expliquer… M. Stéphane Israël, le président d'Arianespace, a récemment fait part de sa volonté de faire accepter par l'ensemble des nations européennes le principe que les satellites européens étatiques soient lancés par des lanceurs européens. Il nous appartient d'y rester vigilants ; pour autant, cela ne remet pas en cause le partage initial. Il répond bien à un besoin croissant d'accès aux images.
Sécurisation versus indépendance, c'est un sujet majeur. Nous sommes très dépendants de l'espace. Mais nous nous mettons en posture de ne pas en dépendre à 100 %, surtout pour des missions très particulières. Il faut nous assurer de cette sécurisation, de cette autonomie et de cette souveraineté.
Dans la situation actuelle, au vu des efforts déployés par les États-Unis, nous nous trouvons évidemment en décalage. Nous nous appuyons sur des informations d'origine américaine ; mais la mise à disposition de nos données GRAVES nous permet d'avoir un dialogue relativement équilibré avec les Américains. Évidemment, je ne pourrai qu'être satisfait le jour où nous serons totalement indépendants ; mais cela implique des efforts de plusieurs milliards… à mesurer à l'aune de l'engagement et au degré d'indépendance souhaité.
Faut-il faire évoluer le traité de l'espace ? En fait, la question ne concerne pas tant le traité de l'espace – qui n'est d'ailleurs pas engageant pour les nations – que sa déclinaison au niveau des pays et de leurs législations. Pour la France, il s'agit de la loi relative aux opérations spatiales du 3 juin 2008, dont l'objet était surtout de repréciser le rôle du CNES et les responsabilités des opérateurs – surtout des opérateurs civils. Mais les événements récents pourraient nous conduire à nous demander si cette loi constitue une réponse adaptée aux menaces que nous devons contrer.
S'agissant du X-37 et du « X-37 à la française », nous sommes évidemment en pleine réflexion.