Mesdames et messieurs les députés, je voudrais d'abord adresser à chacune et chacun d'entre vous mes voeux pour la nouvelle année, et comme on dit dans le Nord, vous souhaiter un bon reste pour les onze mois suivants. Souhaitons donc nous tous un bon reste, car les voeux ont ceci de difficile que nous nous embrassons au mois de janvier avant de nous étriper le reste de l'année. Espérons garder cette bienveillance entre nous.
Je suis très heureux et très fier de venir devant vous, d'autant que pour une fois, je ne présente pas un texte financier. Cela devenait une habitude du ministre de l'action et des comptes publics, sans qu'elle vire à la manie, et il est bien de parler d'autre chose. Je suis heureux de montrer que l'action publique est également très importante. Même si ce domaine est très interministériel, je suis très fier de porter cette idée qui vient directement du Président de la République, qui l'avait placée au coeur de sa campagne électorale. Je crois que chacune et chacun peut s'y retrouver.
Avec beaucoup de modestie, nous pourrions rappeler que beaucoup de gouvernements ont essayé de faire simple, beaucoup ont essayé d'éviter la complexité, et il est honnête de dire, quelles que soient nos opinions politiques, que beaucoup ont échoué. S'il y a parfois eu quelques réussites ici ou là, le bon sens commun n'a pas prévalu et les citoyens, les contribuables, les associations, les collectivités locales et les entreprises considèrent qu'il y a encore trop de normes, trop tatillonnes. J'ai déjà évoqué ce paradoxe : les Français aiment leurs services publics, mais pas leur administration. Ils aiment l'agent public qu'ils connaissent – le policier, l'infirmière qui s'occupe de leurs parents ou le professeur qui s'occupe de leurs enfants – mais souvent ils n'aiment pas le fonctionnaire en général. Nous devons régler ce sujet.
Je voudrais évoquer trois points très rapidement. Le premier est que l'attitude du Gouvernement sera très ouverte aux amendements parlementaires, du rapporteur et de tous les députés de quelque bord que ce soit. J'ai déjà dit lors de mon audition que je serai preneur de tout amendement qui s'inscrira dans la perspective du bon sens. Cela veut aussi dire qu'il faut que nous ayons chacune et chacun l'idée que le débat est libre, et lorsque le Gouvernement rendra un avis défavorable, ce dernier ne sera pas fondé sur l'avis d'une administration qui peut être un peu conservatrice et qui a sans doute donné quelques fiches au ministre, mais sur une conviction que le ministre s'est forgée lui-même qu'il y a des annonces à faire, notamment dans le cadre de la transformation de l'administration pour 2022, ou que des transformations sont déjà prêtes. En tout cas, les avis défavorables que je donnerai ne seront pas administratifs, ceux qui me connaissent dans les débats budgétaires le savent, et ceux qui ne me connaissent pas doivent être persuadés que je suis là pour faire prévaloir le bon sens, quitte à forcer un petit peu l'administration.
Le deuxième point que je souhaite développer est que le droit à l'erreur, ou l'intégralité des expérimentations et des demandes portées par le Gouvernement et amendées par les parlementaires, doit être vu comme le moyen d'une conduite du changement ou, pour faire plus simple, d'une bonne politique de ressources humaines avec les agents publics.
Nous avons un problème, extrêmement important, chaque élu qui a dirigé une administration le sait : les agents publics qui dans une très grande majorité sont plein de bon sens, connaissent leur métier, connaissent les difficultés créées par une application tatillonne des règlements, connaissent les difficultés de la vie des gens qu'ils reçoivent – qui ne sont jamais prévues par toutes les possibilités juridiques – sont pris dans un carcan de règlements, de lois et de responsabilité individuelle. Et l'esprit d'initiative des agents publics est souvent sanctionné. Nous devons changer cela. Nous devons donner aux agents publics un esprit d'initiative, rendre du sens à leur travail. Dans le malaise de la fonction publique, il n'y a pas qu'un aspect financier, même si les questions de pouvoir d'achat sont importantes pour les agents publics, mais aussi un manque de sens. Si les gens ont choisi le service public, c'est pour servir l'intérêt général et aider les gens, les entreprises et les contribuables. Les agents publics sont pris dans un carcan administratif que nous, les politiques, et particulièrement les ministres, avons créé. Nous avons dénaturé la possibilité de donner l'esprit d'initiative à un agent public qui pourrait adapter la règle si la situation l'impose. Bien sûr, une difficulté tient à l'esprit de responsabilité de l'agent public, qui est parfois responsable sur ses deniers, parfois pénalement responsable ou sanctionné administrativement lorsqu'il prend ce genre d'initiatives. L'esprit d'initiative est parfois sanctionné du fait que nous devons appliquer une même politique publique sur l'intégralité du territoire national : il ne s'agit pas d'adapter les règles selon les spécificités de chacune des administrations. Mais nous devons considérer que ce texte porte aussi sur les ressources humaines pour nos administrations. Ce n'est pas un texte uniquement pour nos concitoyens, même s'il est évidemment fait pour les personnes qui utilisent les services publics.
Je voudrais terminer en saluant le travail de la présidente, ainsi que celui du rapporteur et de vous tous, et les auditions, nombreuses et éclectiques. Je crois que ce texte a l'énorme avantage, indépendamment des expérimentations menées ici ou là, d'avoir un principe général. Il ne faut pas, contrairement à ce que j'ai entendu lors de mon audition, penser qu'il s'agit d'un texte comme un autre, avec des dispositions de simplification. Nous ne devons pas écarter la révolution que nous souhaitons tous mener et dont nous espérons tous qu'elle aura lieu. Le principe général est que la bonne foi est présumée, et non l'inverse. C'est vraiment quelque chose qui, peut-être pas demain ni même après-demain, mais au fil des jurisprudences des juridictions administratives, des saisies des autorités administratives indépendantes, et finalement de la pratique administrative, fera que nous aurons inversé la charge de la preuve.
Tous les citoyens n'ont pas toujours raison, et le droit à l'erreur n'est pas la licence à l'erreur ou l'acceptation d'une faute caractérisée – typiquement, je me gare à une place pour handicapés et je fais croire que je ne l'ai pas vu. Le droit à l'erreur et la société de confiance dans son ensemble répondent à l'idée que la bienveillance est du côté de l'administration, la bonne foi du côté du contribuable et de l'entreprise. Cela n'a l'air de rien, peut-être que cela n'occupera que quelques moments de nos débats dans l'hémicycle tandis que nous passerons beaucoup plus de temps sur des formules plus précises. Je serai solidaire du rapporteur pour dire que toutes les mesures de simplification ne pourront pas être acceptées parce que chaque loi aura son volet de simplification – excusez la frustration pour quelques bonnes idées que vous auriez ici ou là, mais viendra le moment où vous aurez l'occasion de les porter : pour les entreprises, dans la loi PACTE de M. Le Maire ; la loi de programmation militaire comprendra aussi son volet de simplification, ainsi que la loi de programmation pour la justice. Mais j'insiste sur le fait que nous allons passer rapidement sur le droit à l'erreur, de manière générale, alors qu'il constitue la véritable ossature de la révolution administrative que nous attendons tous.
Je remercie toutes les administrations qui ont travaillé, bon gré, mal gré, à la commande du Président de la République, et remercier surtout par votre intermédiaire tous les agents publics qui vont appliquer les lois de notre République. Je prends aussi l'engagement devant vous que s'agissant de choses qui relèvent manifestement du domaine réglementaire ou d'habitudes administratives, vous pourrez m'interroger pour que je fasse en sorte que les décrets sortent vite, que nous fassions le conseil de la réforme et que nous puissions appliquer les choses selon la volonté du législateur, et non une volonté de conservatisme administratif qui peut se manifester de temps en temps ici ou là.
Madame la présidente, vous avez souhaité m'inviter à l'intégralité des travaux de votre commission, ce qui n'est pas de coutume. Je souhaite me rendre à toutes vos réunions, et si je suis absent, ce soir par exemple, c'est parce que j'ai un chef comme tout le monde et qu'il m'a demandé d'aller le voir… Si je ne suis pas en commission ou dans l'hémicycle, ce qui arrivera assez peu, M. Olivier Dussopt, dont vous connaissez la compétence et l'énergie, et dont la ligne sera comme la mienne celle du Gouvernement, sera à votre disposition.