L'enjeu majeur de cette réflexion sur le plafonnement des frais bancaires réside principalement en la protection de nos concitoyens les plus fragiles financièrement, a fortiori dans le contexte actuel, où les conséquences économiques de la crise sanitaire bouleversent considérablement les ressources de nombreux ménages. Par ailleurs, la manière dont certaines banques de réseau servent leurs clients en difficulté est particulièrement inadaptée, terme pudique pour décrire une situation beaucoup plus cruelle, et peut même parfois participer au processus d'exclusion sociale. C'est là un schéma caractéristique ou l'exclusion entraîne l'exclusion.
Un exemple caricatural est le prélèvement de frais d'incidents, qui est, en fait, une mécanique archi-pénalisante visant à rentabiliser à court terme les clients peu mobiles et jugés peu intéressants sur le plan commercial. Pourquoi se gêner ? Selon les chiffres, les frais d'incidents génèrent chaque année pour les banques françaises un chiffre d'affaires de 6,5 milliards d'euros et des bénéfices de 4,9 milliards d'euros.
Les publics concernés par ces frais sont principalement des allocataires de minima sociaux, des employés, des petits retraités, des ouvriers aux revenus modestes. Toutes les compositions familiales sont concernées : des personnes seules, des couples avec ou sans enfants, souvent aussi des familles monoparentales. Les raisons des difficultés financières, nous les connaissons tous : ce sont des raisons parfois structurelles, avec de très fortes dépenses contraintes par rapport aux ressources, et aussi parfois l'utilisation de crédits qui n'auraient pas dû être accordés, et ce sont parfois aussi des difficultés ponctuelles – séparation, maladie ou licenciement – entraînant un choc économique et psychologique. Ce sont donc ces publics-là, ces Français-là, qui sont aujourd'hui les plus pénalisés par les frais bancaires, notamment par les frais d'incidents.
En 2017, les frais bancaires, de manière générale, s'élevaient en moyenne à 193 euros par compte. En 2019, malgré l'adoption de certaines mesures, ils ont coûté en moyenne 215 euros aux Français. On ne peut pas dire que ce soit une augmentation mineure.
À la suite du mouvement social des gilets jaunes, des établissements bancaires ont certes pris des engagements auprès du Président de la République – ce n'est pas la première fois et ce n'est pas la dernière –, visant notamment à instaurer des plafonds pour les clients en situation de fragilité financière. Nous ne disposons pas aujourd'hui de chiffres sérieux nous permettant de mesurer l'efficience des mesures annoncées et mises en œuvre à ce moment-là.
Au vu de la conjoncture économique actuelle, nous sommes convaincus de l'ardente obligation, de l'impérieuse nécessité d'instaurer un plafonnement global des frais d'incidents bancaires pour tous qui permette un élargissement significatif du nombre de prestations assujetties à un plafond.
J'évoquerai d'un mot, pour conclure, la situation des collectivités françaises du Pacifique, qui n'avaient pas, le cas échéant, le bénéfice de la pression du Parlement pour limiter les appétits bancaires. Voilà maintenant une décennie, seize tarifs bancaires de base dans les collectivités françaises du Pacifique étaient de deux à dix fois supérieurs à la moyenne des tarifs hexagonaux, tous établissements bancaires confondus. J'ai obtenu – non sans mal, eu égard à la puissance du système – qu'un rapport soit rendu : le rapport Constans, qui a permis la création d'un observatoire des tarifs bancaires pour les collectivités françaises du Pacifique, afin de mettre un terme à cette situation aberrante et, pour tout dire, inacceptable à l'égard des Ultramarins du Pacifique.
J'ai également obtenu l'adoption par le Parlement, et je l'en remercie encore, d'un article 68 de la loi sur l'égalité réelle outre-mer, qui a été promulguée le 28 février 2017, lequel prévoyait, « dans un délai qui ne peut excéder trois ans à compter de la publication de la loi, de rapprocher progressivement les prix des services bancaires de ceux constatés dans l'hexagone ». Le dernier rapport vient d'être rendu par l'Observatoire des tarifs bancaires : après, non pas trois ans, mais quatre, on constate qu'aujourd'hui encore, si huit des seize tarifs bancaires de base sont à un niveau équivalent ou inférieur aux tarifs hexagonaux, les autres se situent, hélas, toujours à un niveau supérieur aux tarifs hexagonaux, et parfois de manière très significative. Le combat pour le plafonnement des tarifs bancaires dans les collectivités françaises du Pacifique à un niveau simplement équivalent au niveau moyen hexagonal n'est pas encore gagné.