Comme l'a rappelé le Président de la République au moment de la prise de Kaboul par les Talibans en août dernier, la France a un devoir d'humanité : celui de protéger toutes celles et ceux qui sont les plus menacés de par le monde ; toutes celles et ceux qui fuient les persécutions et les violences en raison de ce qu'ils pensent ou de ce qu'ils sont.
Dès le début de cette législature, le Gouvernement et les députés de la majorité ont pris la question du droit d'asile à bras-le-corps et ont veillé à ce que notre pays tienne son rang de patrie des droits humains.
Cette volonté s'est d'abord traduite, dans un contexte de hausse inédite des demandes d'asile due à la crise migratoire de 2015, par des efforts de sincérisation des budgets et par une augmentation sans précédents des moyens alloués à l'OFII et à l'OFPRA – Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Nous avons ainsi affiché un cap clair : celui de mieux accueillir celles et ceux qui en ont besoin.
Nous avons également œuvré à l'échelle nationale pour réduire de manière significative les délais de traitement des demandes d'asile, qui excèdent parfois dix-huit mois, ce qui place les demandeurs dans des situations de détresse inacceptables.
Je puis en témoigner sur mon territoire au travers du cas de la famille Getü, déboutée de l'asile après plus de trois ans de procédure. Le spectre de l'expulsion, alors que ce père de famille et ses deux fils se sont pleinement intégrés dans la vie sociale de la commune de Saint-Genis-de-Saintonge, suscite l'incompréhension des habitants.
La crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 ne nous a pas permis d'atteindre entièrement notre objectif, mais il doit rester une priorité. Nous devons reconduire à la frontière celles et ceux qui ne relèvent pas du droit d'asile et éviter, chaque fois que possible, ces drames humains.
Outre la hausse du nombre de demandeurs d'asile et de bénéficiaires d'une protection internationale ces dernières années, la France est également confrontée à l'évolution sensible des profils, avec une plus forte prégnance des profils vulnérables. Pour répondre à cet enjeu, le Gouvernement a lancé en mai dernier un plan d'action, fruit d'une concertation avec le secteur associatif et les principaux acteurs institutionnels, afin d'améliorer le repérage et la prise en charge des vulnérabilités des demandeurs d'asile et des réfugiés, conformément aux objectifs de la directive « accueil ». Au nom du groupe La République en marche, je tiens à saluer cette démarche qui témoigne du souci d'apporter des réponses efficaces et adaptées aux besoins spécifiques de celles et ceux que nous avons vocation à accueillir sur notre sol.
Cependant, comme l'a rappelé le Président de la République, l'action de la France doit s'inscrire dans le cadre d'un effort international organisé et juste, en particulier au niveau européen. Face au défi du dérèglement climatique qui s'accompagne de situations de conflit et de déstabilisation géopolitique, la France et l'Europe sont susceptibles d'être exposées à une intensification des flux migratoires. Cette perspective laisse entrevoir chez certains de nos voisins européens une tentation de repli ou de renoncement à nos valeurs fondatrices, comme en témoigne l'édification de murs en Hongrie, et demain, peut-être, en Pologne. À l'heure actuelle, la coopération au niveau européen est insuffisante.
La Commission européenne reconnaît que les règles de Dublin III font peser une charge disproportionnée sur quelques États membres, notamment les pays de première entrée que sont la Grèce, l'Italie et, parfois, la France, et qu'elles encouragent des flux irréguliers et incontrôlés au sein de l'Union. Ces règles entraînent à la fois des difficultés opérationnelles en matière de transfert pour les États membres – ils ne sont actuellement exécutés que dans 11 % des cas –, mais également de nombreuses violations des droits fondamentaux des demandeurs d'asile, comme dans les hotspots grecs mis en place à la suite de la crise migratoire de 2015.
Comme le rappelle l'excellent rapport de la députée européenne Fabienne Keller de la délégation Renaissance, l'inefficacité du règlement de Dublin pèse avant tout sur les migrants, qui ont déjà subi des traumatismes dans leur pays ou au cours de leur voyage vers l'Europe. Les mois, voire les années d'errance administrative et d'insécurité constituent un nouveau traumatisme et profitent aux trafiquants d'êtres humains, qui maintiennent une emprise sur les migrants au travers de réseaux de prostitution ou de travail forcé. Cette situation alimente des drames humains que nous connaissons tous, à l'instar des noyades au large de la Manche.
Mais ce n'est pas une fatalité. Je me réjouis que le Gouvernement ait identifié comme axe prioritaire de la présidence française du Conseil de l'Union européenne celui d'une Europe souveraine, capable de maîtriser ses frontières extérieures et de relever le défi migratoire, en redéfinissant une organisation politique qui nous permette de défendre nos valeurs de fraternité et de solidarité, notre tradition d'accueil et le droit d'asile inventé jadis sur le continent européen.
En attendant une refonte complète du pacte européen sur la migration et l'asile, la présidence française de l'Union européenne constitue une occasion unique d'ouvrir un dialogue régulier et institutionnalisé en la matière, et de poser les premières pierres d'une nouvelle gouvernance européenne dont les objectifs devront permettre d'harmoniser nos règles relatives à l'asile et à l'accompagnement des réfugiés, d'établir des procédures plus simples et plus cohérentes et d'intégrer des mécanismes de solidarité visant à éviter les jeux non coopératifs – que nous constatons hélas depuis plusieurs années – entre États membres.