Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Droit de révocation des élus — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

« Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort : il ne l'est que durant l'élection des membres du parlement ; sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. »

Cette formule, limpide et lapidaire, nous la devons à Jean-Jacques Rousseau qui, dans son livre Du contrat social, cherchait à poser les fondements théoriques de l'exercice de la souveraineté pour un peuple libre, réuni au sein de la res communis et délibérant en faveur de l'intérêt général.

Cette méfiance, si ce n'est cette défiance à l'égard du mandat représentatif n'était pas le fait d'un individu isolé : dans sa pratique comme dans son analyse, l'idéal démocratique fait l'objet de débats passionnés depuis la plus haute antiquité. La présente proposition de loi constitutionnelle s'inscrit dans le prolongement de ces débats pour les enrichir.

Comment faire pour que le citoyen puisse librement exercer ses droits, participer de la manière la plus directe à la vie et à l'organisation de la cité, loin des tutelles ombrageuses et des tyrannies de groupes privés ? Voilà la grande question qui nous occupe aujourd'hui.

Nous proposons ici l'organisation d'un référendum révocatoire, à l'initiative d'un quorum de citoyens, qui permettrait de démettre un élu, du conseiller municipal jusqu'au Président de la République, à l'issue du premier tiers du mandat et avant la dernière année de celui-ci.

Mais avant de développer l'esprit de ce texte et de répondre aux critiques émises lors de son examen en commission, permettez-moi de dire pourquoi je me suis saisie de cette proposition dont mon collègue et camarade Corbière est à l'origine.

Je n'ai jamais été élue avant ce mandat ni, étonnamment, cherché à l'être, me tenant à la lisière de la politique professionnelle. Et si j'ai pu, ici ou là, concourir à quelques élections, je considérais celles-ci essentiellement comme des tribunes pour exprimer mes idées, par exemple sur le risque de prolifération des armes nucléaires.

Ainsi, et même si je n'ai cessé, depuis quarante ans, de me mêler des affaires de la cité, loin de moi l'idée de devenir une « femme politique », tant la marche courante des affaires avait fini par m'en dégoûter profondément.

Cette appréhension, je l'ai d'ailleurs ressentie très tôt : déjà, lors de l'élection de nos délégués de classe, il me paraissait pour le moins étrange de parler « au nom de », sans avoir consulté personne. Puis, jeune citoyenne dans les années 1980, j'ai pu apprécier la valeur de certaines promesses électorales – je pense au « changer la vie » d'une gauche qui s'est bien vite décolorée, et dont la rose s'est fanée en perdant une à une ses pétales.

La professionnalisation croissante du monde politique, sa réduction sociologique à un aréopage de notables, le poids des puissances d'argent dans nos décisions publiques puis l'abandon du débat d'idées au profit d'un marketing électoral devenu envahissant : telles ont été les raisons de la colère qui m'a tenue, paradoxalement, éloignée de tout parti politique. Aujourd'hui encore, les simples formules : « les Français pensent que », « les Français veulent que », prononcées par des représentants, me hérissent le poil en raison de leur malhonnêteté.

Or cette impression d'alors est plus que jamais d'actualité. Le fossé entre représentants et représentés ne cesse de se creuser : tous ici, quels que soient nos bancs, nous partageons peu ou prou le même diagnostic d'un épuisement de nos institutions représentatives. « Démocratie de basse intensité », « césarisme démocratique », « despotisme doux » : quelles que soient les images employées, le phénomène persiste. Nos concitoyens se sentent chaque jour dépossédés de leur pouvoir d'agir. J'en veux pour preuve l'abstention que nous connaissons tous. Dans ma circonscription, par exemple, moins de la moitié des électeurs se sont déplacés pour mon élection.

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