Intervention de Camille Galliard-Minier

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Droit de révocation des élus — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCamille Galliard-Minier :

…le référendum révocatoire serait enclenché à la demande de « toute initiative », sans qu'il soit déterminé qui serait susceptible de la prendre et, surtout, sous quelle forme et combien de fois. De même, cette « initiative » ne serait valide qu'après l'approbation d'un certain pourcentage du corps électoral, inconnu à ce stade. Enfin, les modalités de référendum, local ou national, ne sont pas connues non plus – nombre de signatures requis, quorum, contrôle juridictionnel, motifs de la révocation. En bref, la majeure partie des conditions d'application du dispositif présenté dans ce texte sont renvoyées à une loi organique inexistante à ce jour.

Vous vous référez à des exemples étrangers comme sources pouvant inspirer un l'institution d'un référendum révocatoire français. Mais, outre le fait qu'ils présentent entre eux des différences notables et que toute greffe constitutionnelle est souvent chimérique, le constitutionnaliste Michel Verpeaux reconnaît lui-même dans un de ses ouvrages que ces mécanismes sont si fragiles et tellement lourds qu'ils en deviennent inefficaces. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de partir à l'étranger pour trouver des exemples de mécanismes de destitution puisque nous disposons, dans notre droit interne, de tels outils, comme l'article 68 de la Constitution qui prévoit la possibilité de destituer le Président de la République ou comme la possibilité de révoquer les maires ou leurs adjoints.

En deuxième lieu, cette proposition de loi constitutionnelle se révèle inopérante. En effet, vous estimez que la révocation des élus serait une solution pour lutter contre l'abstention et pour restaurer la confiance des électeurs à l'égard des élus. Les phénomènes d'abstention et de défiance existent et doivent certes nous interpeller, mais comment penser que permettre à chacun de tenter à tout instant de révoquer un élu pourrait améliorer la confiance dans nos institutions politiques ? Pas moyen de se référer aux exemples étrangers pour répondre à cette question puisqu'il n'existe à ce jour aucune donnée empirique suffisante qui permette de faire le lien entre référendum révocatoire et hausse de la confiance ou réduction de l'abstention.

On peut en revanche se tourner vers la Commission européenne pour la démocratie par le droit, dite commission de Venise, qui a publié un rapport sur la révocation populaire : celle-ci alerte sur les risques, voire les dangers, qu'elle qualifie de « considérables » de ce type de système, notamment et précisément le risque de voir s'éroder la confiance des électeurs en leurs élus, soit l'exact inverse de l'effet recherché par ce texte.

En dernier lieu, cette proposition de loi constitutionnelle est une dénégation radicale de notre fonctionnement démocratique. L'article 27 de la Constitution dispose en effet que « tout mandat impératif est nul », et nous protège en consacrant le mandat représentatif, inscrit dans notre histoire politique depuis 1789. Par l'établissement de la souveraineté nationale au cœur de notre modèle représentatif, c'est la volonté de la nation qui prime et non les intérêts de groupes particuliers d'électeurs, c'est notre nation, unie et indivisible, qui fait corps.

Vous, vous proposez un système politique avec des électeurs perçus comme de potentiels censeurs qui pourraient se regrouper au sein de coalitions de mécontents, construites uniquement pour mettre fin aux mandats des élus de façon prématurée. Nous, nous optons pour une société qui permette à chaque citoyen de s'engager et d'être force de propositions afin de devenir un acteur de son quotidien. C'est ce que nous avons fait par l'institution et le renforcement d'outils et de moments de démocratie participative innovants, notamment la Convention citoyenne pour le climat.

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