Un Français sur deux ne connaît pas son député, et quatre Français sur dix remettent en question l'utilité de l'Assemblée nationale. L'abstention ne fait qu'augmenter, dépassant le chiffre terrifiant de 65 % aux élections régionales. Le diagnostic d'une crise de la démocratie est posé depuis longtemps. Jean-Jacques Rousseau l'écrivait dans Du Contrat social, parlant de l'électeur : sitôt qu'il a élu ses représentants, il n'est plus rien.
Si la démocratie participative s'efforce de prendre en considération cette critique, la défiance de la société civile à l'égard des gouvernants reste très forte et trouve en partie ses racines dans le fonctionnement actuel de nos institutions : exécutif fort, fait majoritaire, centralisation des décisions par l'administration, faiblesse du Parlement… Nous sommes donc d'accord sur le constat, monsieur le rapporteur, mais le remède proposé, à savoir la révocation d'un élu en cours de mandat par référendum, appelle plusieurs observations.
Les référendums décisionnels sont prévus par la Constitution qui définit leur objet. Celle-ci ne fait pas mention de révocation des élus. C'est donc bien une proposition de loi de nature constitutionnelle qui devait être déposée. Nous comprenons qu'elle ne s'accompagne pas d'une proposition de loi organique puisqu'il s'agit, à ce stade, de débattre d'un principe.
Le dispositif proposé fait l'objet de nombreuses discussions, en particulier depuis le mouvement des gilets jaunes. Il existe dans d'autres pays, mais dans d'autres contextes et sous d'autres formes. Je pense en particulier au recall américain.
Ce mécanisme risque de provoquer une instabilité permanente – il s'agit de la critique qui est lui est la plus fréquemment faite. En effet, il est sain, dans une démocratie, que les élus puissent aller au bout de leur mandat. À son issue, les électeurs ont la liberté de reconduire ou non les sortants. Je crains que l'émergence progressive en France d'une haine et d'une défiance à l'égard de la représentation trouve dans ce dispositif un terreau qui les fasse prospérer.
Le temps long est en effet une nécessité et une garantie pour qu'un élu puisse mener des politiques de qualité. Or la nouvelle temporalité induite par votre proposition ferait peser le risque que ce dernier soit dans la seule recherche de la satisfaction à court terme de son électorat. La procédure de révocation pourrait conduire les élus à gouverner à vue avec un objectif principal : ne pas déplaire. Il s'agit, selon nous, d'une façon d'introduire le mandat impératif, contraire à notre Constitution et qui remettrait en question la liberté d'appréciation de l'élu, principe qui nous est cher.
Pour répondre à la désertion des bureaux de vote, on demanderait ainsi aux citoyens d'y retourner plus souvent…