Intervention de Jean-Baptiste Djebbari

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes — Présentation

Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports :

Permettez-moi, tout d'abord, mesdames et messieurs les députés, de vous présenter mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année.

Avant de discuter plus en détail de la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui, je veux vous dire que je trouve sain que nous débattions de l'avenir des concessions autoroutières. La citation que me prête Mme la rapporteure a été un peu raccourcie, mais je me félicite de ce débat. Ce n'est évidemment pas la première fois que le Parlement s'empare du sujet, car les autoroutes font partie de la vie des Français : elles font partie de leur quotidien, de leurs déplacements, de leur paysage ; ils les empruntent pour se rendre au travail, pour rejoindre leur famille, pour faire leurs courses ou pour partir en vacances. C'est parce qu'elles sont si ancrées dans leur vie, si indispensables à leur mobilité, si importantes pour nos territoires, qu'elles méritent un débat exigeant. Elles méritent mieux, en tout cas, que des raccourcis et des idées simplistes.

Tout d'abord, il faut le rappeler, nos autoroutes sont un modèle de modernité, de confort et de sécurité, notamment grâce au professionnalisme des agents de l'État dans le suivi et le contrôle des concessions, grâce aussi, il faut le reconnaître, au modèle des concessions. Ce modèle n'est peut-être pas parfait, mais, sans lui, notre pays n'aurait pas le même visage et la mobilité de nos concitoyens serait probablement bien différente.

Créé par la loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, le modèle des concessions a permis de développer un réseau de routes de plus de 9 000 kilomètres, à un rythme qui n'aurait pas été possible autrement. Il a généré plus de 50 milliards d'euros de recettes fiscales entre 2006 et 2018 et permis d'investir 20 milliards dans le patrimoine autoroutier. Par ailleurs, la privatisation des sociétés concessionnaires historiques a contribué à diminuer la dette de l'État, à renforcer l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et à financer de nouvelles infrastructures.

Aucun calcul ni aucune analyse ne démontrent de manière robuste la sur-rentabilité des sociétés concessionnaires. De nombreux chiffres circulent, mais ils sont souvent erronés car le modèle économique de ces sociétés se caractérise par des investissements très importants par rapport aux autres coûts d'exploitation. L'ART, que vous avez citée, madame la rapporteure, a estimé, dans son rapport de juillet 2020, qu'il n'y avait pas de surprofits des concessionnaires. En 2015, le groupe de travail parlementaire sur l'avenir des autoroutes avait abouti à la même conclusion.

Cela ne doit pas nous empêcher de repenser ce modèle, bien au contraire. Vous le savez, les contrats actuels prendront fin entre 2031 et 2036. C'est donc l'occasion de dresser un bilan critique de notre modèle de financement et de gestion des infrastructures, sans complaisance ni démagogie. C'est aussi l'occasion de réfléchir à comment faire mieux, au bénéfice des Français, sans sacrifier ni la sécurité ni la qualité de nos autoroutes.

Il est une idée que, je crois, nous partageons tous : il s'agit de la nécessité de mieux encadrer les contrats. En la matière, l'année 2015 a marqué une étape décisive. Le plan de relance autoroutier et la loi, dite Macron, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, que vous avez aussi mentionnée, ont permis de rééquilibrer les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA). Un dispositif limitant les surprofits éventuels a été introduit dans les contrats historiques : en cas de surprofit, les tarifs des péages sont revus à la baisse ou la durée de la concession est réduite. Par ailleurs, l'État récupère toutes les économies réalisées par les SCA sur les investissements, résultant de décalages dans le calendrier ou d'abandons de projets. Enfin, une autorité de régulation strictement indépendante en matière autoroutière a été créée : l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), devenue depuis l'ART. Celle-ci produit annuellement une synthèse des comptes des sociétés concessionnaires et, tous les cinq ans, un rapport sur la rentabilité des contrats – le premier a été publié à la fin du mois de juillet 2020.

En matière de transparence, enfin, depuis 2009, le Parlement est chaque année destinataire d'un rapport sur l'exécution et le contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art, et d'un autre sur l'évolution des péages pour chaque exploitant autoroutier. En outre, la loi de 2015 a imposé la mise à disposition du public, par voie électronique, des contrats autoroutiers.

Nous avons progressé, donc, mais nous pouvons faire mieux et nous devons nous projeter, anticiper et réfléchir à l'avenir des contrats de concession. Des réflexions ont été lancées conjointement par mon ministère et le ministère de l'économie, des finances et de la relance. L'État a d'ores et déjà engagé un travail d'inventaire, précis et consensuel, des biens de retour des concessions. Mais ce travail doit également se faire à l'aune des impacts de la crise sanitaire, à l'occasion de laquelle les risques liés à la baisse du trafic se sont d'ailleurs concrétisés.

Plusieurs pistes sont sur la table et les parlementaires, les élus et les acteurs concernés seront naturellement associés à ces travaux. Pour ne rien vous cacher, madame la rapporteure, la piste défendue par le groupe La France insoumise ne fait pas partie de celles qui sont envisagées,…

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