Intervention de Marie Lebec

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Lebec :

Chacun mesure donc l'impact financier engendré par une telle opération qui, à ce jour, n'a fait l'objet d'aucun chiffrage précis. En comparaison, son coût représenterait plus de la moitié de celui du plan de relance de 100 milliards d'euros, et il serait supérieur à celui du plan d'investissement France 2030.

Chers collègues, nous assumons d'avoir fortement dépensé pour protéger et pour relancer notre économie face à la crise ; d'avoir investi fortement dans les technologies d'avenir, la décarbonation et la réindustrialisation, pour une économie française innovante, souveraine et compétitive. Mais nous ne dépenserons pas l'argent des Français dans des nationalisations totalement inconsidérées et inopportunes pour l'avenir du pays.

Rappelons que les premières concessions historiques arriveront à échéance dans moins de dix ans. L'État pourra donc, s'il le souhaite à cette date, récupérer automatiquement et gratuitement la gestion de ces infrastructures.

Ensuite, ces nationalisations seraient-elles bénéfiques pour les usagers des autoroutes ? Là encore, la réponse est non.

Le passage de la gestion du réseau du privé au public transférerait à l'État la charge d'assurer les dépenses d'investissement très lourdes pour l'entretien et la création des infrastructures. Un rachat des SCA ne garantit ni la disparition ni la baisse automatique du prix des péages, compte tenu des investissements importants à réaliser et des recettes fiscales pour l'État – 60 milliards d'euros entre 2006 et 2020.

Du point de vue de la qualité des infrastructures, nous pouvons également douter du bénéfice de l'opération, l'État ne disposant ni des moyens techniques ni des services suffisants pour assurer la gestion directe de ces infrastructures. Le dernier rapport du Sénat sur le sujet l'a bien démontré et a exclu cette option.

Or, force est de constater que le modèle de la concession a fait ses preuves, particulièrement en ce qui concerne la qualité de notre réseau national, essentiel pour nos concitoyens et l'attractivité du pays. C'est pourquoi nous assumons de maintenir un État régulateur fort et un système de concession.

En 2017, 97 % du réseau concédé était considéré, selon les évaluations, comme en bon ou très bon état. C'est le résultat d'investissements massifs – de l'ordre de 22 milliards d'euros – effectués par les sociétés concessionnaires d'autoroutes depuis des années, sans que cela ne coûte rien aux finances publiques, donc aux contribuables français, en application des contrats et plans d'investissements. À chaque fois, l'État est garant du respect des engagements des sociétés, notamment en matière de tarif des péages, sous peine de sanctions financières.

Quelque 400 aires d'autoroute ont été réaménagées ; le télépéage, les signalétiques et nouvelles technologies ont progressé ; l'installation massive de bornes de recharge électrique a été engagée ; des systèmes de libre flux – free flow – sans péage commencent à voir le jour, notamment sur l'axe entre Paris et la Normandie.

Nos autoroutes auront en effet à affronter de nombreux défis au cours des prochaines années. Le développement des connectivités, de la gestion intelligente des flux et de la transition écologique du réseau et des véhicules sont au cœur des enjeux de mobilité. Pour rester en pointe dans le déploiement d'infrastructures modernes, les investissements nécessaires seront donc massifs.

Si la rentabilité des SCA a été soulevée à juste titre, ce point est cependant complexe : l'écart entre le taux de rentabilité attendu par les SCA au moment des privatisations et la rentabilité actuelle s'explique essentiellement par la baisse des taux d'intérêt sur les marchés, l'amélioration des coûts d'exploitation et l'usage d'effet de levier par endettement des concessionnaires.

Nous ne pensons pas que cela justifie des renationalisations, mais au contraire des évolutions dans la régulation par l'État. En tout état de cause, l'arrivée à terme des premières concessions historiques nous obligera à nous livrer à un travail d'anticipation au cours des prochaines années.

À aucun moment de ce quinquennat, nous n'avons eu peur de prendre des mesures fortes pour développer massivement l'investissement dans nos infrastructures de transport.

Rappelons le pacte ferroviaire et la reprise de 35 milliards d'euros de dette de la SNCF pour permettre à l'entreprise publique de réinvestir massivement et durablement dans les réseaux du quotidien ; le plan en faveur du fret ferroviaire doté de 1,35 milliard d'euros ; le plan vélo historique de 200 millions d'euros ; la modernisation du réseau routier national ; le renforcement des ponts ; le développement des bornes de recharge électrique. À chaque fois nous sommes au rendez-vous.

En revanche, la nationalisation des seize sociétés concessionnaires d'autoroutes serait un non-sens économique, aurait un coût considérable pour nos finances publiques, sans aucun bénéfice pour le pays en termes d'investissement et de baisse de prix pour les usagers.

Le groupe La République en marche s'opposera donc à cette proposition de loi.

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